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Les risques sanitaires: les ampoules basse consommation sont-elles dangereuses pour la santé ?

Les risques des lampes fluocompactes pour la santé restent mal connus, mais plusieurs éléments techniques de la lampe pourraient avoir des impacts sur la santé des personnes d’une part, et sur les appareils électriques et électromagnétiques d’autre part. La santé est un enjeu sensible, et le succès de la vidéo d'Annie Lobé le montre bien. Entre des acteurs qui veulent rassurer les utilisateurs et ceux qui souligent les dangers possibles des lampes fluocompactes, les terrains d'affrontement sont nombreux.

Le problème sanitaire est par ailleurs une externalité à part entière dans le bilan de la lampe, l'évaluation de son coût sociétal global. De fait, même si; à la différence des économies d'énergies par exemple, les dommages sanitaires possiblement engendrés par les lampes sont difficilement quantifiables, on ne peut se passer de les les prendre en compte, puisque les malades représentent bien un poid supplémentaire pour la société, ne serait-ce que par le biais de la sécurité sociale.

Quels éléments de la lampe sont à l’origine de la controverse sur la santé ?

Le mercureLes lampes fluocompactes ont besoin d'une petite quantité de mercure scellée dans le tube en verre, généralement entre 3 et 5 milligrammes,  pour produire de la lumière. Or, le bris d’une lampe peut provoquer des émissions de vapeurs toxiques pour l’homme. Tous les détails dans la suite.

Les ondes électromagnétiquesL'ampoule fluocompacte émet des ondes électromagnétiques qui peuvent provoquer des problèmes chez certaines personnes ayant des implants ou des prothèses médicales. Ces ondes pourraient également créer des interférences avec les micro-ondes, les téléphones mobiles ou les ordinateurs. Les acteurs s'opposent violemment sur la questions des ondes: le Criirem ne cesse d'alarmer l'opinion publique, tandis que l’AFE et l’ADEME contestent cette hypothèse en soulignant les dangers plus réels des ondes émises par les téléphones mobiles ou par le wifi. Tous les détails dans la suite.

Les rayons ultra-violets: Le choc entre le flux d'électrons et les particules de mercure émet des rayons ultra-violets, qui sont transformés en lumière visible une fois réfléchis par la couche phosporescente de la paroi interne du tube. Cependant, celui-ci peut quand même laisser filtrer une certaine quantité d'UV qui peuvent avoir des effets néfastes au niveau cutané.  Tous les détails dans la suite.

Le mercure

Les lampes fluocompactes ont besoin d'une petite quantité de mercure, généralement entre trois et cinq milligrammes,  pour produire de la lumière. Cette infime quantité est scellée dans le tube de verre.Or le mercure étant un métal liquide volatile, en cas de bris de la lampe le mercure se répand dans l'atmosphere sous forme de vapeurs qui sont toxiques selon les uns, bénignes selon les autres si des précautions sont prises. De fait s'il n'y a pas de doute sur le fait que le mercure est toxique pour l'homme à forte dose, l'exposition chronique au mercure peut entraîner de graves dommages au niveau des reins, du foie et du système cérébral, mais aussi des troubles du sommeil ou de la mémoire. Aussi, tout l'enjeu du mercure contenu dans les lampes est de savoir si la quantité de mercure qui se dégage lors du bris est suffisante pour créer des dommages. Sur cette question les acteurs sont très partagés.

Il existe de fait une incertitude quant à la quantité exacte de mercure dégagée lors du bris de l'ampoule, et de la concentration de mercure dans l'atmosphère que cela peut engendrer. Certains avancent que seulement 1à 5% du mercure serait immédiatement dégagé, d'autres vont jusqu'à 30%. Ces différences soulignent la difficulté des mesures.

De plus, il n'existe pas de norme internationale sur les valeurs limites d'exposition au mercure. Celle-ci varie entre les pays. La concentration de mercure dans l'atmosphère doit être inférieure à  50 microgrammes par mètre cube en France, mais l' Organisation Mondiale de la Santé recommande la limite de 25 micogrammes par mètre cube. L’Union européenne s'est par ailleurs définie en 2005 une stratégie communautaire sur le mercure en six objectifs et une série d’actions spécifiques, suite à un rapport de 2003 sur « les risques pour la santé et l’environnement en relation avec l’utilisation du mercure dans les produits ».

Ainsi, certains acteurs de la controverse, Annie Lobé notamment, estiment que la quantité de mercure contenue dans les lampes est suffisante pour avoir un impact négatif sur la santé. Elle insiste également sur le risque environnemental que celui-ci représente, et sur la possibilité que, par la contamination des sols, le mercure ne se retrouve alors dans l'alimentation. Annie Lobé ne semble pas recueillir la reconnaissance des acteurs institutionnels ou des fabricants. Ainsi lors de l'entretien qu'elle nous a accordé, Florence Bruneau, communicante chez Megaman, affirmait: "Annie Lobé, c'est un scandale". Cependant, un article de la revue scientifique environmental science and technology publié en 2008 intitulé "Mercury vapor release from broken compact fluorescent lamps and in situ capture by nanomaterila sorbents", souligne que le mercure peut être présent de manière significative dans le sol et migrer vers des sources d'eau potable. Cet article ajoute que lors d'"un bris d'ampoule la concentration de mercure par mètre cube peut varier entre 200 et 800 microgrammes", ce qui est largement supérieur à la valeur limite d'exposition en France de 50 microgrammes par mètre cube.

Au contraire selon l’ADEME et l’AFE qui veulent rassurer les consommateurs, le mercure présent ne semble pas poser de problème particulier pour la santé. Selon eux si le mercure était potentiellement dangereux, ce serait à l'occasion d'un bris de lampe. Ainsi dans son avis sur les LBC, l'ADEME n'évoque pas les dangers possibles pour la santé mais conseille simplement de bien aérer la pièce où l'ampoule vient d'éclater pendant deux à trois heures et sortir de la pièce pendant au moins une demi- heure. L’ADEME et l’AFE soulignent la faible quantité de mercure dans les vapeurs dégagées, d'autant plus que le mercure s'incorpore dans le verre de la lampe au fur et à mesure de son utilisation. Pour appuyer leur démonstration ils comparent la quantité de mercure contenue dans une lampe fluocompacte à celle présente dans les piles (500 mg) ou dans les thermomètres (près de 2 g).

Les fabricants ont pris en compte cette externalité en réduisant la quantité de mercure présent dans la lampe et même en remplaçant parfois le mercure liquide par du mercure en amalgame (solide) (voire à cet effet la rubrique sur l'amélioration technique des fluocompactes). Le mercure solide s’il n’est pas ingéré ne comporte aucun risque pour la santé puisqu’il ne se répand pas et n’émet pas de vapeur toxique en cas de bris.

Les ondes électromagnétiques

Tout appareil électrique génère un champ électrique et un champ magnétique, autrement dit des ondes électro-magnétiques, dont l'intensité diminue à mesure que l'on s'éloigne de la source. Tous les acteurs reconnaissent que les lampes fluocompactes en émettent. La controverse repose sur la connaissance exacte de l'intensité de ces ondes.

L'impact des ondes électromagnétiques sur la santé ou les balbutiements de la recherche

L'impact possible des ondes électromagnétiques sur la santé n'est un sujet de recherches scientifiques que depuis quelques années. A la suite de plusieurs cas faisant apparaitre une corrélation entre un nombre plus important de cas de leucémies et une exposition prolongée à des ondes électromagnétiques importantes près des lignes électriques, le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) affilié à l'OMS, a en 2002 classé ces ondes électromagnétiques basses fréquences comme un cancérogène possible pour l'homme, de catégorie 2B. Depuis plusieurs études ont eu lieu, aboutissant parfois a des résultats différents. La recherche en étant encore à ses débuts, les protocoles de mesure font débat. Sur ce point le détail de l'interview de Pierre Le Ruz dans son intégralité est éclairant sur la violence des querelles entre chercheurs, et montre bien le processus de la science en train de se construire, avec la recherche d'un consensus sur les protocoles de mesure des ondes électro-magnétiques.

Ce aspect est également illustré par un certain flou dans la réglementation concernant ces ondes et les valeurs limites d'intensité devant être respectées. Le conseil de l'Europe le 12 juillet 1999 recommande de ne pas dépasser 28 Volt/mètres pour l'exposition du public aux ondes. C'est cette valeur qui est généralement évoquée par les fabricants de lampe.

La bataille des acteurs.

le Criirem a diffusé deux communiqués de presse alarmants en 2007 et 2009 (accéder à la bibliographie pour les télécharger en pdf) qui mettent en garde contre les effets de la pollution électromagnétique émise par les lampes fluocompactes sur notre santé. Contrairement aux ampoules classiques, selon leurs mesure les champs détectés des ampoules basse consommation allumées peuvent atteindre jusqu'à 300V/m, qui redeviennent moindre dès qu'on dépasse les 30cm. Mais ce n'est qu'à une distance d'un mètre qu'on retrouve une valeur de 0,2 V/m. Le Criirem déconseille donc fortement d'utiliser ces ampoules en tant que lampes de chevet ou de bureau. En 2008 une étude publiée par Supélec et CSTB trouve des résultats du même ordre de grandeur.

Face à ces résultats inquiétants qui rencontrent un écho important sur internet, l'ADEME réagit rapidement en saisissant l'AFSSET le 26 juin 2008 sur laquestion de la mesure des ondes et de leurs effets sur la santé.  Le rapport publié le 29 mars 2010 ainsi que les communiqués de presse sont disponibles ici. Ce  "rapport d'expertive collectif" a pour mission de:

_ "réaliser une synthèse des travaux de l'expertise internaltionale" sur les ondes électromagnétiques basse fréquence

_ analyser la méthodologie d'une enquête du Criirem

_ proposer des mesures pour établir un protocole de mesure clair et rigoureux.

Après l'analyse de nombreuses études menées sur les ondes, l'Afsset conclue que, même s'il y a "impossibilité de la science à démontrer l'absence d'effets sanitaires liés à l'exposition aux champes électromagnétiques extrêmement basse fréquence", "les preuves scientifiques d'un possible effet à long terme sont insuffisantes". Se référant notamment à l'étude du SCENIHR, comité scientifique conseillant la commission européenne en 2008 et le NIEHS, (institut national de santé et environnement américain, fin 2008), l'afsset concluent qu’aujourd’hui les lampes basse consommation, utilisées à plus de 30 cm d’une personne ne sont pas dangereuses pour la santé humaine. Quant aux cas d'hyper sensibilité électromagnétique appelée aussi EHS, sa prévalence est faible et l'afsset affirme que rien ne permet d'attribuer spécifiquement les troubles de cette maladie aux ondes.

La polémicité des ondes apparait lorsque le rapport, faisant référence aux travaux du Criirem soutient que l'enquête "souffre d'un nombre important de biais [...] qui ne permettent pas d'interpréter et de valider scientifiquement ses résultats. De fait le Criirem et l'ADEME accompagné de l'Afsset s'affrontent sur le terrain de la "scientificité" de leurs résultats. Bruno Lafitte nous expliquait que le Criirem n'avait pas fournit son protocole de mesure, et que par ailleurs il était impossible de mesurer les ondes électromagnétiques à moins de 30 centimètres de la lampe. Le Criirem accuse l'ADEME d'hypocrisie et de vouloir cacher les éléments dérangeants de la lampe.

Ainsi, alors que la question de prendre en compte l'externalité "ondes", la controverse porte sur les protocoles de mesure, et fait voir la science en train de se faire.

Les ondes électromagnétiques et les interférences avec les appareils électriques

La directive du parlement européen 2004/108/CE statue que "les équipements doivent être conçus et fabriqués, conformément à l'état de la technique, de façon à garantir que les perturbations électromagnétiques produites ne dépassent pas le niveau au-delà duquel des équipements
hertziens et de télécommunications ou d'autres équipements ne peuvent pas fonctionner comme prévu".  Cependant les ondes émises par les LBC pourraient créer des interférences avec ces appareils comme les micro-ondes, les téléphones mobiles ou les ordinateurs. L'enjeu est de taille car les ondes peuvent interférer avec des implants ou des prothèses médicales, mais aussi avec les appareil médicaux. C'est en constatant des problèmes de pacemaker que le Criirem avait pris conscience de problèmes posés par ces ondes.

Aussi, certains fabricants ont conçu des lampes spéciales pour les hopitaux qui émettent très peu d'ondes (voire les améliorations techniques).

Les rayons ultra-violets

Il est possible qu'une quantité d'UV ne soit pas filtrée par les tubes. Il est connu qu'en quantité importante les UV sont à l'origine de cancers de la peau. Les UV émis par les LBC n'atteignent pas  ces quantités critiques, toutefois la question de savoir si ces UV sont dangereux pour la santé n'est pas résolue.

Ainsi dans une étude de l'office fédéral de santé publique suisse publiée en 2004, à laquelle font souvent référence l' ADEME (notamment dans son "avis sur les LBC") ou l'AFE,  il est conclu que "des rougeurs dues à une surexposition au rayonnement UV ne peuvent donc être exclues chez les personnes demeurant durant plusieurs heures à moins de 20 cm de telles lampes." l'ADEME considère que ce sont des "conditions extrêmes" et que les UV émis ne posent pas de problème. Pour appuyer ce point de vue, elle se fonde aussi sur le rapport du SCENIHR concernant les LBC et leur impact sur la santé cité ci-dessus, publié en septembre 2008, en vient à peu près aux mêmes conditions. Il conclut un à manque de preuve d'une relation de cause à effet entre l'exposition à la lumière des LBC et l'aggravation de maladies commes l'épilepsie ou l'apparition de migraines. En revanche, il souligne le danger que celles-ci peuvent représenter à moins de 20 centimètres de la peau ou des yeux, pouvant provoquer d'éventuelles séquelles.

Cependant, les UV peuvent bien représenter un problème pour les personnes hypersensibles aux UV. Néanmoins la présence d'une enveloppe supplémentaire en silicone autour des tubes sur certains modèles limite considérablement la possibilité de "fuites" de rayons UV. Aussi, la qualité de l'ampoule, de même que ses améliorations techniques, est un facteur important pour améliorer la sécurité sanitaire.

 

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