Daisyworld

Le modèle Daisyworld (« Le monde des pâquerettes »), présenté par Andrew Watson et James Lovelock en 1983, est une simulation informatique pensée comme justification mathématique à la théorie Gaïa. Il représente un système fait de phénomènes de rétroaction.

Présentation de Daisyworld

Le modèle se réfère à une planète hypothétique, comme la Terre, mais sans océan. Elle n’est pas pour autant dépourvue d’eau, la pluie tombant la nuit et les jours étant secs. Elle tourne sur elle-même et elle orbite autour d’une étoile semblable au soleil. L’albédo (pouvoir réfléchissant) conditionne sa température. En outre, les quantités de vapeur d’eau et de CO2 étant supposées constantes, la planète n’est pas touchée par l’effet de serre. Aussi Daisyworld est-elle couverte de pâquerettes qui germent au dessus du seuil d’une température de 5°C et ne peuvent plus croître au-delà de 40°. Leur croissance optimale s’effectue à une température de 20°C.

Etat typique du système simulant l’influence de la végétation et de la couverture nuageuse sur la distribution de l’albédo et la température de la Terre.

Explication du phénomène

Alors que la lumière émise par le soleil ne cesse d’augmenter au cours du temps, la planète voit sa température stabilisée par la compétition entre des pâquerettes colorées (noires et grises) et des pâquerettes blanches. Du fait qu’elles aient des albédos différents, elles peuvent modifier, en fonction de leur évolution en nombre, la température de surface de Daisyworld. Les premières entraînent vers le haut la température en absorbant les rayons du soleil, les secondes rafraichissent l’environnement en réfléchissant ces derniers.

En effet, au moment où la lumière du soleil est basse – au début donc de l’histoire de Daisyworld -, ce sont les pâquerettes noires qui prennent le devant. La lumière émise n’augmente que faiblement, elles absorbent les rayons du soleil, et se répandent. Elles couvrent alors la planète de noir, la température de surface de cette dernière se réchauffant. L’augmentation de la température observée s’apparente à une rétroaction positive. En effet, la variation dans un sens de la quantité de pâquerettes sombre produit une variation dans le même sens de la valeur de température de surface.

Par suite, une température qui augmente fortement surchauffe l’atmosphère en limitant la croissance des fleurs noires. Au stade où les pâquerettes noires disparaissent, victimes d’une chaleur du soleil trop élevée, les pâquerettes grises, au pouvoir réfléchissant plus élevé, prennent place. Seulement, leur quantité décroît également quand la chaleur atteint un niveau qui leur est critique, et seules les pâquerettes blanches, qui réfléchissent les rayons du Soleil, survivent. Leur présence rafraîchit la température de surface de Daisyworld. Celle-ci se stabilise toujours autour de 20°. Un mécanisme de rétroaction négative est ici en lumière.

Le système régulant Daisyworld peut être décrit ainsi : la variable est régulée par deux effets qui agissent en sens opposés, et qui donc s’annihilent. Dans Daisyworld, la variable est la température, les effets de réchauffement et de refroidissement sont dus aux pâquerettes noires et blanches.

Variation de la température de surface en fonction de la population.

Evolution du modèle

Le système original ne peut fonctionner en faisant participer plus de deux populations, car il en devient biologiquement instable. En considération, Lovelock introduit un modèle bi dimensionnel : à présent, l’évolution de la température est considérée non seulement en fonction d’une variable temporelle mais aussi spatiale.

De surcroît, Lovelock présente un nouveau modèle contenant entre trois et vingt espèces de pâquerettes de couleurs différentes vivant en compétition pour conquérir l’espace de leur planète. En considérant dix espèces de pâquerettes vivant en compétition, il modélise ensuite la régulation de la température de surface.Ici, une plus grande diversité dépend d’une température qui se régule de façon efficace. Elle est faible si le système accuse « un stress », quand, par exemple, débute la croissance des pâquerettes ou au moment où celles-ci disparaissent pour cause d’une trop grande chaleur.

Ce nouveau modèle est stable en comparaison à d’autres – similaires - qui ignorent le couplage de la vie et de son environnement. Rien n’empêche donc d’inclure au système des herbivores, consommant les pâquerettes, et des carnivores, qui s’attaquent eux-mêmes aux premiers, la stabilité du système n’en étant pas altérée.

Les différents modèles pour le Daisyworld

Modèles non spatiaux

Le premier modèle fut présenté par Andrew Watson et James Lovelock en 1983, dans un article publié dans le journal Tellus (1). Il consiste en un système de huit équations différentielles selon une série de variables, notamment le temps et la température. Il fut résolu pour la première fois par Saunders en 1994 (2). La solution trouvée démontre que les pâquerettes sont douées d’homéostasie. Malgré cela, de nombreuses critiques fustigèrent le modèle, par son échec à inclure l’évolution, la possibilité de comportements perturbateurs et sa simplicité apparente.

Saunders avait évoqué l’idée que les pâquerettes pourraient, à la place de modifier leur albédo, faire changer leur température optimale de croissance, tenue fixée pour les trois types de pâquerettes dans le modèle d’origine. Cet effet, aussi mis en valeur par Robinson et Robertson (3), introduit une instabilité dans le modèle original, au sens où rien n’empêche les pâquerettes noires de s’adapter aux températures plus chaudes au lieu de disparaître.

Lenton et Lovelock ont contré plus tard cet argument en affirmant qu’il y a des limites à ce comportement (4). En effet, il y a des limites physiques à une adaptabilité aux conditions environnementales. Si l’on considère cet effet, Daisyworld est de nouveau stabilisé.

Modèles spatiaux

Une évolution importante dans le modèle du Daisyworld est l’introduction de la variable spatiale, dont dépend la température . Le modèle introduit par Von Bloh, Block, et Schellnhuber (5), en 1997, en est une première illustration. Il est régi non par un système d’équations différentielles mais par une croissance non absolue. La régulation observée en est d’autant plus efficace.

Wood, Lenton et Ackland (6) ont récemment développé, en 2006, un nouveau modèle. Celui-ci se caractérise par le fait que les pâquerettes peuvent modifier à la fois leur albedo et leur température de croissance optimale, et indépendamment. De surcroît, leur évolution se réalise suivant un modèle bi dimensionnel (espace et temps), régit par des règles de croissance non absolues. L’effet principalement observé est la nature oscillatoire du système résultant.

Au-delà de Daisyworld

Daisyworld est un modèle informatique simple de rétroactions jouant un rôle primordial en cybernétique ainsi que dans la théorie des systèmes. Il permet de cerner les rapports entre la complexité et les interactions écologiques entre espèces sur la stabilité des systèmes. Les types de rétroactions considérées sont similaires à celles que l’on peut retrouver dans la physiologie humaine, comme le contrôle du taux de glucose sanguin ou de la température corporelle. Au-delà, étudier les mécanismes régissant Daisyworld permet d’avoir de plus amples informations concernant les effets de l’évolution sur un système de régulation ; notamment le fait que les mécanismes de rétroaction sur l’environnement peuvent modifier les forces de la sélection naturelle.

Aussi Daisyworld a-t-il favorisé l’étude de mécanismes régulateurs de la vie sur Terre, en précisant le rôle de la vie à cet effet. En conséquence, de nouveaux modèles climatiques ont été formulés, en prenant en considération la Terre comme un système. Une nouvelle discipline, « la science du système terrestre », a émergé, assistée par l’usage de modèle informatiques aidant à étudier de plus près des systèmes de mécanismes de rétroactions donnés.

Damworld

Damworld est un nouveau modèle, qui serait plus réaliste que Daisyworld, établi en 1999 par WD Hamilton et Peter Henderson. Il montre une suite d’organismes qui interagissent en stabilisant l’environnement, et ce quelles que soient les paramètres de départ.

Damworld est un bassin entouré de montagnes, dans lequel vit une seule espèce d’algue. La pluie qui y tombe peut s’échapper par un étroit écoulement d’eau. Les créatures qui vivent dans cet écoulement sont celles qui se nourrissent des algues. Ces créatures s’ancrent aux sédiments et parviennent à construire un barrage, comme les polypes construisent des barrières de corail. Si le barrage grandit, le lac qui le surplombe gonfle, en créant une grande réserve réchauffée par le soleil, de l’eau riche en nutriment dans laquelle de nombreux organismes se développent. Ces nouvelles espèces se nourrissent des espèces constituantes du barrage.

Avec plus de trois espèces, le barrage commence à se décomposer. Dans ce cas, il se reconstruit à partir de nouvelles espèces. Dès fois, les nouveaux arrivants coopèrent avec les espèces déjà présentes, parfois ils rentrent en compétition avec elles.

Si l’on fait fonctionner plusieurs fois le modèle, certaines tendances émergent. La biodiversité est d’autant plus riche que les barrages sont grands. De surcroît, ces derniers résistent plus facilement aux chocs. Sans barrage, l’introduction de nouvelles espèces entraîne la fin progressive du modèle. Il est plus rare que l’on assiste à une extinction avec un grand barrage.

L’important réside dans le contrôle que les différentes espèces gagnent sur les aspects physiques de leur monde. Plus les liens entre le vivant et le non-vivant sont proches, plus la stabilité du système est apparente.

A travers Damworld se profile l’idée selon laquelle un système est d’autant plus stable que la vie est couplée avec son environnement physique. Mais ceci ne se vérifie pas toujours : parfois, de tels écosystèmes sont instables.

A retenir sur Daisyworld et Damworld

Un système comme la Terre répond à des perturbations internes et externes qui touchent toutes ses composantes – vivantes et non-vivantes.

Le changement climatique est une de ces perturbations

L’autorégulation est le résultat de l’influence des organismes sur l’environnement.

La Terre telle que nous la connaissons n’est pas si éloignée du Daisyworld : sa température a été maintenue constante sur trois milliards d’années avec un changement significatif de la lumière émise par le soleil (qui a augmenté de 30%).

Petit précis sur la cybernétique

Norbert Wiener

La cybernétique, fondée en 1948 par le mathématicien américain Norbet Wiener, est « une science du contrôle des systèmes, vivants ou non-vivants ». Est entendu par « système » tout élément constituant de notre planète, comme une société, un individu ou une cellule. Les modélisations informatiques, comme celle associée à Daisyworld, résultent directement de la cybernétique.

En particulier, un « système » cybernétique rassemble un ensemble d’éléments qui interagissent, par des échanges de natures diverses (matière, énergie, information). Ces interactions donnent au tout des propriétés que n’auraient pas les éléments isolés.

La considération d’un « système », du point de vue de la cybernétique, réside-t-il dans une analyse globale des interactions entre ses éléments. Ces dernières sont réciproques, au sens où si un élément agit sur un autre, celui-ci lui répond sous forme d’une rétroaction (ou « feedback »).

L’autorégulation est le propre d’un système cybernétique équilibré, du fait que les interactions produisent des effets qui ont tendance à s’annihiler. Une grande stabilité s’observe alors dans le temps.

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