Les acteurs locaux s'opposent aux

dérives financières - 2005

 

          2005 marque la fin de la longue phase d’étude et de concertation autour du projet, et le début de sa mise en œuvre concrète. Les questions qui avaient étaient débattues au niveau national pendant plus d’un siècle sont dépassées, mais la mise en œuvre soulève néanmoins de nombreuses revendications qui sont cette fois portées par des acteurs locaux, légitimes sur leur domaine de compétences respectifs. En effet, tandis que pendant la phase d’étude le projet ne se heurtait pas au réel, le passage en phase de construction met soudain les acteurs locaux devant certaines irrégularités.

          Le projet de barrage tel qu’il a été adopté comportait un problème écobiologique majeur car il ne prenait pas en compte le passage de certaines espèces migratrices de poissons. C’est l'ONEMA (précédemment le Conseil Supérieur pour la Pêche) et les pêcheurs de loisir (FNPF et FDPPMA35) qui ont pointé du doigt cette irrégularité : « Il me semble que le projet ne s'inscrit pas pleinement dans une démarche de développement durable, notamment sur certains aspects environnementaux du dossier… Le caractère insulaire du Mont-Saint-Michel est une des conditions de réussite du projet mais pas la seule » (Jean-Paul Doron, Président de l'Union Régionale des Fédérations de Bretagne-Maine-Normandie, pour Actu-Environnement). Ces revendications ont été vivement exprimées par divers acteurs du monde piscicole dans des commissions, et ont débouché sur la mise en place de mesures compensatoires par le Syndicat Mixte : écluses à poissons, mares pour favoriser la migration de l’espèce protégée des crapauds pélodytes…  Si la construction du barrage est achevée et que celui-ci est aujourd’hui en fonctionnement, la Fédération d'llle-et-Vilaine pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique porte encore aujourd’hui des revendications environnementales, qui n’aboutissent pas du fait du manque de soutien des élus locaux: « Les élus locaux conscients des enjeux environnementaux sont très minoritaires ; ce sont pourtant eux qui, finalement, prennent les décisions. Ils n'ont pas été élus pour leurs compétences environnementales, et n'ont pas toujours le courage suffisant pour s'opposer aux demandes de leurs administrés (extensions d'élevage sur leurs communes, plan d'épandage, développement de zones d'activités sur zones humides, ...)» (Armelle Basck, remplaçante de Gwénaël Artur, chargée de mission Fédération d'llle-et-Vilaine pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, échange de mails avril 2009).


          En effet, les élus de leur côté ferraillent sur des questions politiques distinctes. Pour la première fois, des « pères fondateurs » du désensablement comme l’ancien maire du Mont Eric Vannier (dans l’opposition à cette époque), et Michel Thoury s’élevent vigoureusement contre des dérives : « Il n’est plus acceptable que ce Grand Projet soit de plus en plus piloté par des technostructures qui refusent le dialogue et présentent systématiquement ce qu’elles ont envie de faire passer », attaque Michel Thoury dans un discours le 24 juin 2005 en visant M. Malhomme, à la tête du Grand Projet de l’époque. Ils s’inquiètent notamment du projet retenu pour acheminer les touristes au Mont, un type de navette très coûteuse car unique et qui régule les flux de manière mécanique. C’est surtout l’attitude des agents mandatés par les institutions nationales qui est mise en cause, puisque les acteurs locaux sont confrontés à des aménagements de territoire qui auront un impact profond sur la santé économique de la région et refusent d’en laisser la prérogative aux institutions étatiques. « La tentation d’un Mont Saint-Michel moins fréquenté et plus élitiste sommeille depuis de nombreuses années dans la tête d’un certain nombre de responsables des technostructures, responsables dont bien sûr ni l’emploi, ni le revenu, ni même la carrière ne dépendent de la bonne santé économique et sociale future du Mont Saint-Michel et de sa région » (Michel Thoury). Ces élus possèdent une forte notoriété et légitimité locale, et peuvent tenir tribune dans des médias comme Ouest France ou La Gazette.


          Du point de vue écologique comme du point de vue politique, 2005 est donc la période pendant laquelle les acteurs les plus locaux, concernés au plus prés par les travaux (pêcheurs, élus…), se ressaisissent non sans frictions du projet.

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