Uranium et indépendance énergétique

« Pour s’inscrire dans une démarche de développement durable, une énergie doit être disponible. L’enjeu est celui de la sécurité d’approvisionnement et de l’indépendance énergétique », tel est le discours de l’industriel Areva lorsqu’il s’agit d’évoquer la question de l’exploitation de l’uranium. L’uranium est importé, mais Areva est l’entreprise propriétaire des sites miniers. C’est sur cette nuance que se joue le débat de l’indépendance énergétique, c’est-à-dire le débat autour de l’argument originel qui a poussé l’énergie nucléaire en France, et qui se pose à la première étape de la chaîne nucléaire, dans les mines implantées à l’étranger.

L’autonomie énergétique

La principale motivation des pays qui ont engagé des programmes électronucléaires est la recherche de l’indépendance énergétique, enjeu fondamental dans les relations géopolitiques d’un pays. En France, l’uranium consommé par les centrales nucléaires est presque totalement importé, mais, si l’on s’en réfère au « taux d’indépendance énergétique officiel » cela ne fait pas pour autant de la France un pays dépendant. Tout d’abord, le simple fait qu’Areva soit propriétaire des mines qu’elle exploite contribue à l’amélioration de ce taux d’indépendance, de même qu’avec ses centrales - destinées à enrichir l’uranium ou le brûler - implantées sur le territoire français, l’industriel peut se prévaloir d’une production énergétique « française ».

Cependant, de nombreux arguments s’opposent à cette indépendance affichée. Tout d’abord à travers la remise en cause de ce taux officiel, calculé sur des conventions que l’on peut, selon Yves Marignac (interview ici) de Wise Paris, « considérer comme des biais ». Le taux d’indépendance énergétique est passé, en France et grâce au nucléaire, selon les discours officiels, de 25% dans les années 1970 à 50% aujourd’hui. Ce taux est défini, pour une année donnée, comme le rapport de la production nationale à la consommation totale d’énergie primaire. C’est la que se trouve le premier biais : « calculer en énergie primaire et pas finale (…) Si on calcule en énergie finale, on compte l’uranium comme importation : en faisant le même calcul, on passe à un taux officiel de 25 à 50%, c'est-à-dire de 20% à 15% dans un taux corrigé (…) L’image de l’indépendance énergétique actuelle change alors complètement ».

Le débat sur l’indépendance et l’importation d’uranium

Outre l’argument visant à réviser la mesure du taux officiel d’indépendance énergétique, la notion d’indépendance est critiquée sur d’autres points, en particulier celui de la sécurité de l’approvisionnement. Le caractère « public » d’Areva (détenu à 8,39% par l’État et à 78,96% par le CEA, qui est un organisme public de recherche scientifique), soutenu par le gouvernement, assure, selon les promoteurs de l’énergie nucléaire, une sécurité d’approvisionnement. Une sécurité plus incertaine désormais dans la perspective de filialisation de l’activité minière. Par ailleurs, à l’argument avancé par les pro-nucléaires s’ajoute celui selon lequel les pays choisis pour l’exploitation sont plus stables que les pays pétroliers ou gaziers. Une position battue en brèche par les associations et ONG qui évoquent les tensions du Kazakhstan et au Niger, où des employés d’Areva ont été pris en otage par le groupe armé AQMI. Les propos de Samuel Gontier, journaliste à Télérama et très critique vis-à-vis de la politique nucléaire, sont révélateurs de la dimension géopolitique du débat : « L’indépendance énergétique de la France ? La dernière mine d’uranium de l’hexagone a fermé dans les années 1990. Aujourd’hui, toute la matière première nécessaire à l’alimentation de nos réacteurs vient de l’étranger, aux prix de compromissions avec les despotes et au mépris de la santé des populations locales "

La cartographie du web sur l’indépendance énergétique permet de visualiser le débat et d’analyser dans quelles mesures l’organisation actuelle de l’extraction permet à la France de disposer d’une vraie indépendance énergétique, malgré les problématiques liées au fait que l’uranium soit extrait à l’étranger avec des mines propriétés d’Areva ou de ses filiales, ou au fait que la situation politique des pays en question ne soit pas claire.