L’e-mortalité en question
Nous sommes tous au fait qu’Internet semble aujourd’hui nous simplifier la vie : nous achetons plus simplement, nous discutons plus rapidement, nous partageons plus largement. Cependant, derrière un clic se cachent de nombreuses réalités souvent ignorées, et à notre mort tout se complique encore.
Le 4 mars 2016 le journal numérique Fusion a relayé une étude réalisée par Hachem Sadikki, un doctorant de l’université du Massachussetts, qui énonce d’après une estimation statistique (basée sur la croissance des comptes Facebook, des données démographiques de ses utilisateurs, et le taux de mortalité américain provenant du « Centers for Disease Control ») qu’il y aura en 2098 plus de 50% des comptes Facebook qui appartiendront à des défunts. Si la fin du siècle nous semble lointaine, et s’il ne s’agit ici que d’une estimation statistique que certains peuvent critiquer, le nombre est néanmoins impressionnant, étant donné la nature première de Facebook qui est celle d’un réseau social (et non d’un cimetière virtuel).
Cette étude, parmi d’autres, interroge sur ce qu’il convient de faire des données numériques d’un défunt et cette question est depuis quelques années de plus en plus soulevée, et cela par divers publics. Certains souhaitent que les données disparaissent, d’autres au contraire qu’elles soient éternelles, tandis que la plupart d’entre nous n’a tout simplement pas pris conscience des enjeux. Les plus militants ne veulent pas d’une mort numérique symbolisant le prolongement en ligne de notre mort biologique, ils souhaitent que nos données personnelles post-mortem offrent l’opportunité d’accéder à une forme d’éternité virtuelle.
Dans le parcours que nous vous proposons, vous allez vivre l’expérience du récent décès de Julie, dont vous êtes le seul héritier. Le long de votre cheminement, nous souhaitons vous montrer que la “mort numérique” n’est pas évidente. Certes médiatisée, elle est néanmoins mal définie et notre étude nous a conduit à la considérer comme un cas limite, une réalité abstraite, propre à nous faire réfléchir sur des sujets controversés liés à l’essor d’Internet. Pour comprendre ce qui se cache derrière ce concept, nous sommes allés rencontrer différents acteurs : universitaires, entrepreneurs du “e-death business”, parlementaires, notaires et associations. Face à une définition floue, chacun d’entre eux nous a permis d’identifier différents enjeux liés à la question de la mort numérique, jusqu’à obtenir un panorama des problèmes soulevés : qu’advient-il de nos données post-mortem ? Quelles valeurs ont-elles ? Mes données constituent-elles mon identité ? Que puis-je léguer ? Qu’ai-je envie de dévoiler ?
A la mort de quelqu’un, Internet se transforme en un labyrinthe de mots de passe, d'embûches pour récupérer ce qui semblait être à la disposition de tous. Aujourd’hui, nous vous posons cette question : êtes-vous prêt à vous aventurer sur les sentiers de l’e-mortalité ?