Voici la retranscription de l'entretien de Philippe Batel, réalisé le 20 avril 2011 par téléphone :

 

1. Comment définiriez vous le cannabis et pourquoi? (Drogue, drogue douce ou drogue dure?)

Alors moi je refuse complètement de classer le cannabis ou en tout cas de le qualifier en dehors du fait que c’est un produit psychotrope. Drogue parce qu’elle peut engendrer une dépendance, un produit psychotrope d’origine végétale qui par des procédés industriels arrive dans un état particulier. Il n’y a pas de drogue douce ou dure. On va voir tout à l’heure que quand on s’intéresse à la question de la dangerosité d’une drogue on reste comme ça sur des représentations extrêmement erronées autour de la dangerosité et surtout autour de ce qui fait la dangerosité d’un produit. Donc voilà c’est une drogue comme l’alcool, la méthamphétamine, le tabac, le LSD, la cocaïne, l’héroïne.

 

2. Sur un échelle de dangerosité de 1 à 10, à quel niveau placeriez vous le cannabis? Pouvez vous développer?

Si on regarde une échelle qui a été publiée récemment au plus au niveau scientifique dans ( l’ ANFET) qui est très particulier et distingué. Il est très difficile de pouvoir y faire publier un papier. Mais c’est un journal sans comité de lecture. C’est à dire que lorsque vous publier un papier dans un journal scientifique ou médical il est passé à la moulinette par des experts et qui vont sur certains critères critiquer et accepter le papier. Là ça ne se passe pas comme ça donc de temps en temps ça permet d’avoir des papiers qui sont parfois un peu polémiques et qui sur le plan scientifique restent rigoureux mais voilà ne sont pas tirés à quatre épingles. Et alors récemment dans l’ANFET il y a une classification qui a été proposée par mon ami David Nutt qui est un neurobiologiste anglais qui a été chargé par le gouvernement anglais de réfléchir à la dangerosité des drogues comme le rapport de Bernard Roques l’avait fait en 97. En fait il a classé avec un certains nombre de critères la dangerosité du cannabis en lui donnant un indice qui, si je me souviens bien, c’était aux alentours de 20 sur une échelle qui va de 6 pour les champignons hallucinogènes jusqu’à 72 pour l’alcool. Donc vraiment quelque chose d’assez intermédiaire et, bon verrez ce papier, mais en gros, en terme de classement de dangerosité il n’arrive qu’à , 3,4,5,6,7,8,9… à la neuvième position derrière l’alcool, l’héroïne, la cocaïne sous toutes les formes, la méthamphétamine, le tabac et les amphétamines. Donc voilà une dangerosité tout à fait intermédiaire.

 

3. Sur quels critères vous basez-vous pour évaluer les dangers du cannabis?

Vous voulez que je rentre un peu plus en détail sur les critères? La question sur la dangerosité est intéressante parce que vous avez déjà visiblement exploré les choses et vu le classement de l’OMC en 1971, qui était un classement qui commençait à amener la question de la dangerosité mais qui derrière un autre classement qui lui était chimique ou neurobiologique ou de la neurochimie dans lequel on donnait des familles de produits on avait commencé para introduire la question de la dangerosité. Alors, la dangerosité c’est quand même un critère qui sur le plan scientifique n’est pas un critère dur parce que , il y a bien évidemment une grande variabilité interindividuelle par rapport à l’observateur qui regarde ce produit. Il s’avère que si je suis une mère de famille, d’un adolescent je vais regarder la dangerosité du cannabis de manière complètement différente que si je suis un douanier qui est au service des stup ou si je suis ministre de la santé. Et donc cette dangerosité qui est comme ça à géométrie variable, elle devrait s’appuyer sur des critères les plus concrets possibles et les plus scientifiques possibles. Et finalement ce qui est important c’est de regarder quel est l’impact de l’usage de ce produit dans une population donnée en terme de mortalité soit spécifique, c’est à dire directement attribuable à l’usage du produit. Soit à une mortalité associée à, c’est à dire une mortalité pour laquelle probablement il y a d’autres cofacteurs. Alors pour le cannabis c’est pas très simple encore que, parce que les effets du cannabis sont essentiellement liés à l’ivresse cannabique ou à des troubles du comportements à l’issue d’une intoxication. Je veux dire par là d’un usage aigu, important avec des effets majeurs. Par exemple sur la mortalité spécifique liée à l’alcool on va s’intéresser à des maladies qui ne peuvent survenir qu’en présence d’une consommation d’alcool trop importante. Je pense à la cirrhose encore que c’est un cas particulier, un exemple presque mal choisi puisqu’on sait aujourd’hui qu’il faut d’autres facteurs que l’alcool pour développer une cirrhose. Mais la mortalité associée c’est complique parce que, ben justement elle est associée et qu’on peut difficilement isoler les facteurs. L’exemple que je peux vous donner c’est sur, l’alcool on sait que la combinaison alcool et tabac va engendrer un risque très très important de développer des tumeurs de voies aérodigestives supérieures, la langue, la bouche, le palet, l’oeusophage, et qu’on a du mal à isoler un facteur par rapport à l’autre. Donc déjà là on a un peu de flou. Ensuite on s’intéresse à la morbidité c’est à dire la capacité que l’usage de ce produit a d’engendrer des maladies. Et là encore on est dans une démarche scientifique ou psychologique qui fait que de temps en temps on met des années à repérer quels est le produit qui est responsable. Donc là encore on est jamais tout à fait sûr. Et puis il y a un domaine qui est très compliqué dans la psychologie qui est, après on est sur le plan scientifique, mais pour l’instant il n’y pas de modèle qui a été proposé de manière très solide c’est ce qu’on appellerait l’indice d’adictolimicité c’est à dire la capacité que le produit a, quand au moment de son usage, dans une société donnée, de développer une dépendance. C’est à dire un ratio qui serait mathématiquement simple qui serait de mettre au numérateur le nombre de sujets qui deviennent dépendants, et au dénominateur le nombre d’usagers réguliers de ce produit et vous avez le rapport en terme de graphité de sujet de dépendance. Ça c’est intéressant parce que dans les représentations sociétales que les sujets ont par rapport à la dangerosité d’un produit cette caractéristique est primordiale. A lors que sur le plan scientifique elle est mal regardée. Par exemple sur 100 personnes qui consomment de l’héroïne 90% vont développer une addiction. En ce qui concerne l’alcool le pourcentage sera de 5%. Mais on ne sait pas très bien répondre pour le cannabis ou la cocaïne. On des études et des projections qui nous permettent d’avoir des idées mais on n’a pas d’études suffisantes pour trancher définitivement , des études dite de corte c’est à dire que vous suivez des usagés du produit. Vous les suivez pendant 5 à 10 ans et vous regardez ceux qui vont devenir dépendants. Et bien ces études ont ne les a pas. Mais pourquoi on ne les a pas? Parce que dans la plupart des cas c’est dans des pays dans lequel le produit est classé illicite. Quand vous avez un produit qui est illicite faire des travaux de recherche et faire de la prévention sur un produit qui est illicite et bien c’est très compliqué. Donc sur la question de la dépendance c’est important parce que on a pendant très longtemps classé les produits licites et illicites avec l’idée justement de la dépendance. Avec l’idée de se dire, on va classer l’héroïne comme illicite parce que c’est très dangereux parce que ça rend très vite dépendant. Alors ça ne tiens pas la route. Pourquoi? Parce que le cannabis est interdit alors que probablement il n’y a que 5 % des usagers qui vont devenir dépendants sur la vie entière. Pourquoi sur les produits licites on met le tabac alors que 90% des sujets deviennent dépendants. Ce qui est compliqué c’est que cette notion de dépendance elle est très variable selon le contexte. Je vous donne un exemple sur la cocaïne. Dans les mines d’or de l’Amérique du Sud, il y a beaucoup de miniers qui mâchent les feuilles de coca ou bien a qui on donne directement de la poudre de coke et on leurs donne en gros l’équivalent d’un quart de gramme par jour pour faire leur travail difficile. Et bien si vous regardez de près il y en a très peu qui sont devenu dépendants à la cocaïne. Le vendredi ils arrêtent point barre. Ils reviennent pas chez eux le weekend pour se taper de la coke et faire la fête le weekend. Donc il y a un produit qu’ils prennent tous les jours et ils ne deviennent pas dépendants parce qu’on est dans contexte qui le contexte du travail. Donc c’est très compliqué de mesurer cette notion de dépendance et pendant très longtemps on a cru qu’elle était primordiale. Pourquoi? Parce qu’on était dans un postulat qui s’est avéré faux qui est que la dépendance c’est le facteur majeur qui conduit à la mortalité. Et par exemple on a aujourd’hui la conviction, et que je dis on , on a beaucoup de scientifiques qui hélas ne regardent pas les choses de près et en tout cas la population générale, on a la conviction par exemple que pour l’alcool que les 23 mil morts par an dues à la consommation d’alcool meurent parce qu’ils sont dépendants. Parce qu’il faut être dépendant pour boire de très grande quantités d’alcool pour développer des maladies qui vont vous faire mourir. C’est archi-faux. Je veux dire la première cause de mortalité entre 15 et 30 ans c’est l’alcool. Avec des gens, qui d’une manière générale ne sont pas du tout dépendants sauf que ils vont faire la fête, ils vont boire de manière importante un soir, ça c’est pas être dépendant, et ils vont prendre un risque, ils vont prendre un véhicule et ils vont se tuer. Ou alors ils vont avoir un chagrin d’amour d’adolescent ils s’alcoolisent, ils ont le blues, ils vont prendre des médicaments, et ils vont se servir de l’alcool de manière importante pour faire une tentative de suicide qui hélas va réussir. Donc la mortalité, elle n’est pas toujours liée à la dépendance. Les morts de cirrhose en France ne sont pas toutes liées à la dépendance, les sujets ne consomment pas toujours des quantités monstrueuses d’alcool. Donc cette notion de dépendance, finalement c’est peu un trouble fête dans un critère majeur pour mesurer la dangerosité d’un produit. Et c’est probablement un critère qu’il faut rétrograder et ça on a besoin d’appui scientifique fort pour pouvoir démontrer que cette idée, en tout cas moi je suis convaincu avec un groupe de l’ENS avec lequel j’ai travaillé que c’est quelque chose sur lequel il faut qu’on avance. Ensuite on va s’intéresser à l’interphase entre l’usage de la drogue et le fonctionnement personnel. Le fonctionnement mental mais aussi social et bien évidemment la capacité que l’usage du produit a à vous faire perdre de l’argent, votre maison, votre travail, de poursuivre un cursus éducatif, globalement d’avoir des amandes , des problèmes qui mènent à l’emprisonnement du à l’usage. Si vous prenez les sujets qui sont incarcérés un temps donné dans les prisons françaises pour un crime ou un délit et que vous regardez précisément leur consommation d’alcool vous allez vous rendre compte qu’il y en a 30% pour lequel le crime est en lien avec la consommation d’alcool ce jour là. Donc il y a un cout social et un cout juridique qui est absolument majeur. Et puis il y a blessure à autrui. Soit par le trouble du comportement, soit par l’accident, et c’est aussi un point qui est important. Et puis après on va s’intéresser aux couts économiques, et ça c’est important il y a des universitaires qui savent le mesurer c’est assez complexe mais on peut évaluer par exemple quel est l’impact de la consommation d’alcool en terme de cout social, en France c’est 17,6 milliards par an. C’est dépensé pour payer ben les hospitalisations, les pensions, l’handicap, la baisse de productivité, les soins… 17,6 milliards d’euros par an. Et puis après il y a une approche un peu plus sociétale de se demander si finalement si une drogue a un impact sur le fonctionnement d’une société et l’image qu’une société peut avoir. Ça c’est des réflexions, parce que par exemple lorsque vous avez des drogues extrêmement impactantes sur le fonctionnement social comme par exemple la méthamphétamine aux États-Unis où il y a vraiment un mal absolument majeur, absolument majeur. Dans des grandes villes comme Los Angeles, San Francisco ou New York il y a vraiment impact visible à l’œil nu chez les sujets qui en sont dépendants.,

 

4. Comment concrètement sont effectuées ces études sur les dangers des drogues en général? (Tests sur des souris ou observation de consommateurs humains?)

Donc vous voyez que hélas sur la question de l’évaluation des dangers bien évidemment je vais refocuser sur le cannabis. Comment on s’y prend? On fait des tests sur des modèles animaux. Alors ce qui est très compliqué c’est que pour beaucoup de produits on n’arrive pas à construire les modèles de dépendance. On arrive un peu près à avec l’alcool, l’héro, la coke mais avec le cannabis les souris elles, on n’arrivent pas , elles se roulent pas un joint de manière systématique, à se rendre accro ce qui prouve que la molécule n’est peut être pas si addictogène que ça. Mais c’est quand même embêtant lorsqu’on va faire des études. On va soumettre des rongeurs, des animaux à l’inhalation de cannabis et on va regarder à long terme les dommages physiques, comportementaux, que cela peut exprimer. Et puis on va regarder aussi l’expertise en terme clinique des sujets qui sont des consommateurs à long terme de cannabis comment ils vont, quelles sont les maladies les plus fréquemment repérées parmi ceux-là ou les désordres les plus fréquemment repérés. Voilà un peu comment on v s’y prendre pour essayer d’évaluer l’impact des cannabis et bien évidemment on va être très attentif sur le produit, la teneur en THC, la façon dont il va être exposé les dommages ne vont pas du tout être les mêmes. Par exemple les consommateurs de cannabis par voie digestive, les dommages vont être essentiellement digestifs avec des gastro parasite, avec des complications de cet ordre là qui ne seront pas du tout les mêmes pour le cannabis fumé qui va avoir un impact sur l’appareil respiratoire et un impact aujourd’hui reconnu même si on a des études assez solides sur l’augmentation du risque de cancer aux bronchites qui est associé à la prise de tabac et pendant très longtemps on a pensé que le risque était indépendant et maintenant on sait qu’il a ce risque. Ç a se traduit par quoi? Par un calcul scientifique qui permet de dire si dans une population vous fumez du tabac vous risquez de développer un cancer aux bronchites dans un X pourcentage et qu’en plus le risque du fumeur de cannabis est plus élevé et c’est comme ça qu’on construit le modèle de dangerosité.

Les études sont faites sur les consommateurs, et les tests sont fait sur les animaux, des fois les tests sont fais sur des humains, on fait des tests cellulaires, on regarde sur les cellules quel est l’impact et ce qui est compliqué c’est que ça coute cher, que c’est long. Qu’il faut être très prudent de l’interprétation qu’on va faire de l’émergence d’un dommage.

 

5. De quelle façon les chercheurs rendent compte du lien de cause à effet en ce qui concerne le cannabis et les cannabinoïdes? Comment les dangers d’une drogue sont-ils quantifiés?

Alors ça c’est intéressant parce que sur le cannabis il y a eu des études de masse qui ont été très critiquées mais que moi j’ai trouvé intéressantes. En particulier une étude publiée dans un grand journal qui est un étude australienne qui a fait dans quelque chose qui fait un vrai débat. Moi par rapport à ça j’ai changé d’avis. Le débat c’est le suivant : est ce que le cannabis c’est un produit qui favorise la mise en place d’une maladie qui s’appelle la psychose ou la schizophrénie. Pendant très longtemps on a eu l’hypothèse suivante il y avait des adultes jeunes qui avaient des prédispositions environnementales et éventuellement génétiques à développer une schizophrénie et qui étaient des usager de cannabis et pour qui l’usage du cannabis a été un facteur déclenchant pour rentrer dans la schizophrénie. Et moi j’étais sur cette hypothèse mais on a aujourd’hui des données qui montrent qu’il y a probablement une indépendance mais que c’est très difficile de montrer, le produit en lui même peut faire démarrer une schizophrénie chez des sujets qui n’ont jamais été schizophrènes. Sur 100 consommateurs de cannabis il y en a combien qui vont développer une schizophrénie et bien là on est vraiment dans la mouille parce que comme on est incapables de dénombrer les utilisateurs de cannabis on est obligé de faire des calculs un peu grossiers pour avoir une idée de l’impact. Donc c’est plutôt compliqué. Puis il y a une instance, une agence gouvernementale française qui était jusqu’à présent dirigée par un type formidable Jean Michel Coste, l’OFDT qui a mis en place un certains nombre de réseaux d’information qui permet d’aller directement d’aller auprès des consommateurs pour avoir des infos sur les dommages spécifiques que l’usage de la drogue peut engendrer. C’est comme ça que de temps en temps surtout pour tout ce qui est des drogues illicites , en particulier pour la vague de drogue de synthèses qui arrivent actuellement en France par Internet, on peut acheter des cachets d’amphétamines ou des produits qui sont vendus comme des amphétamines on a des dommages qui surviennent et on a des infos qui sont échangés par les usagers sur les blogs ou sur des forums. Ce qui nous permet d’aller et de recouper les informations pour pouvoir recouper un peu les choses. On a comme ça des données qui ne sont pas scientifiques pures mais qui ont à mon avis tout à fait un intérêt puisqu’elles proviennent directement des usagers.

 

6. Y a-t-il des méthodes de recherche propre à chaque catégorie scientifique s’intéressant à la question du cannabis? (neuropharmacologue travaillant sur les souris et psychologues sur les patients?)

Oui exactement, exactement. Vous avez des unités au CBRS qui bossent sur des choses très particulières, des neuropharmacologues ou des neurobiologistes qui bossent sur le cannabis, quel est l’impact sur quel récepteur et puis les psychiatres, les addictologues les psychologues.

Il n’existe pas de différence de résultats selon les méthodologies parce que la communauté scientifique est critique des différences méthodologiques. D’abord la première chose que fait un scientifique lorsqu’il voit un article c’est de reproduire l’étude pour voir si on retrouve les mêmes résultats. Ça c’est la démarche scientifique pure lambda. Donc voilà on est quand même très vigilent là dessus.

 

7. Pensez-vous que ces différentes méthodes influent sur les résultats obtenus par ces différents scientifiques? Dans quel sens et de quelle manière?

Et puis on recoupe on fait des synthèses pour savoir un peu les dangers d’un produit.

 

8. Quels sont les biais scientifiques principaux quand il s’agit de s’intéresser aux dangers du cannabis? (Produits coupés et différemment dosés, différents modes de consommation de la part des usagers…).

Alors vous avez raison c’est les produits, le mode de consommation des usagers. Ce n’est pas la même chose que de prendre du cannabis sur un bong avec un taux de THC à 50% que fumer un pétard avec un taux de THC beaucoup plus bas c’est à dire que globalement on des taux de THC qui sont tous haut. Qui sont de plus en plus haut.

Sur la manière pharmacologique ou toxicologique on va s’intéresser à l’impact de la cocaïne ou du cannabis sur la grossesse. Vous allez prendre un modèle d’animaux et vous allez construire un modèle dans lequel les animaux vont être en règle générale être intoxiqués par le produit. Alors qu’est que vous allez faire vous n’allez pas acheter du shit vous allez commander ce produit dans des officines qui vous le vendent pur à 100% et tout cela est fait avec des sécurités absolument majeures alors tout cela est intéressant par ce que en France c’est archi sécurisé et moi j’ai travaillé dans un laboratoire en neurobiologie à New York où c’était juste hallucinant. L’armoire dans laquelle on stockait les amphétamines, la cocaïne base était accessible par quasiment tout le monde, tout le monde avait la clef. En France concrètement vous demandez l’autorisation à l’OFDT qui vous donne un ordre d’émission et avec ça vous allez commander à un laboratoire 10 grammes de THC. Vous allez étudier votre produit. Ç a c’est bien pour des questions pharmacologiques ou toxicologiques. Sur des aspects plus psychologiques ou sociétales le fait qu’on travaille sur une drogue illicite fait qu’on a rarement accès à des consommateurs qui sont les plus grands consommateurs et sont devenus dépendants. Ce qui viennent nous consulter et ceux-là ont peut les observer.

 

9. Étudier un produit illicite s’avère t-il facile en France? Comment obtenir le produit pour effectuer des tests?

Répondu à la question antérieure

 

10. Comment jugez vous les méthodes de classification des substances utilisées par l’AFSSAPS? (Méthode basée sur le critère du potentiel d’abus d’une part et de la valeur thérapeutique d’autre part).

Alors moi j’étais dans une conférence et moi j’ai justement soulevé avec la responsable de ce département les limites de ce classement elle en est complètement convenue et aujourd’hui on va classer les substances par famille on va revenir à des choses plus simples. Aujourd’hui pour classer des substances comme l’amphétamine il faut montrer que la structure à essence amphétaminique et là on la classe mais bon comme elle est classée illicite du coup il y a des saisies légales qui vont derrière ça. Or ils sont pas cons les vendeurs il vont faire des amphétamines qui changer une molécule qui va faire que ce n’est plus la même donc comme elle n’est pas encore classée comme illicite parce qu’elle n’est pas encore rentrée dans tout le procès de classement, elle est licite tant qu’elle n’est pas illicite. Donc voilà il y a quand même une limite à tout ça. Alors après la limite globale sur la question du classement des produits licites et illicites moi j’ai avis sur la question on marche sur la tête, on est dans le n’importe quoi . On est dans le n’importe quoi parce que on travaille sur des représentations qui sont complètement idéologiques et qui sont déconnectés complètement des données scientifiques et même des données scientifiques les plus pures. Comment, qui peut m’expliquer aujourd’hui pourquoi dans les produits par exemple classé par David Nutt et je vous invite à les chercher , et bien parmi les produits les plus licites sont parmi les cinq les plus mauvais et 90% des produits qui sont considérés comme dangereux qui ont un indice assez anodin j’ai des produits illicites. Ça n’a juste aucun sens comment , pourquoi l’alcool est un produit licite alors qu’il 23 mil personnes par an en France alors que le cannabis qui en tue… personne ne sait mais probablement moins de 500 est un produit illicite? Elle est où la logique? Il n’y a vraiment aucune logique c’est à dire que cette fracture entre produit licite et illicite et uniquement fondé sur une dangerosité qui s’avère totalement fausse et elle est en fait purement idéologique. Et sur une idéologie qui a la vie dure on la connait il suffit juste d’écouter le président de la commission interministérielle de la lutte contre les toxicomanies, lui c’est un magistrat élevé pur sucre dans cette représentation qui est les produits sont illicites parce qu’ils sont dangereux . Le cannabis est interdit parce qu’il est dangereux. Ah bon. Pourquoi est il dangereux? Parce que il y a la théorie de l’escalier, qui vole un bœuf vole un bœuf et qui se met à fumer un pétard entre 15 et 20 ans va avoir envie de plus et se mettre de l’héroïne dans les veines. Scientifiquement on a démontré que c’était archi faux et c’est pourtant très simple à comprendre. Évidemment il y a un lien si vous prenez des héroïnomanes de 30 ans et que vous regardez chez ces gens là qui d’entre eux a consommé du cannabis entre 15 et 20 ans vous allez voir que c’est le cas d’une écrasante majorité . Mais 95% des ce ceux qui prennent du cannabis entre 15 et 20 ans vont s’arrêter parce que ce n’est pas un produit dont l’usage soutenu est compatible avec une vie affective qui ressemble affective de faire des études, de tenir des diplômes donc petit à petit le sujet va abandonner ça. C’est comme si finalement vous faisiez une enquête en Afrique et vous regardiez le niveau de vie des gens et le fait qu’ils portent une cravate et vous verriez que finalement les porteurs de cravate sont plus riche que ceux qui n’en portent pas. Mais si vous donnez une cravate à un pauvre ce n’est pas qu’il va devenir riche pour autant. Il n’y a pas de lien causal entre les deux. La question de la dangerosité est intéressante parce que justement on appréhende toujours la dangerosité d’un produit souvent par rapport à l’autre ou cette notion de la théorie de l’escalade. Mais cette séquence, cette initiation d’ un produit à l’autre est fausse. Voilà. Si elle était vrai on aurait dit qu’elle était vrai mais on a prouvé qu’elle était fausse. Donc moi je pense bien évidemment qu’il faut changer complètement le logiciel de prévention et des politiques publiques sur les drogues et moi j’ai une position dure. Moi je pense qu’il faut organiser et mettre à disposition des populations générale avec un contrôle sanitaire public et économique de tous les produits. Pas seulement du cannabis mais de l’héroïne, de la cocaïne parce que c’est le seul moyen de tuer le marché les réseaux de trafics. C’est le sens de l’histoire. Et quand vous avez le président du département de lutte contre les trafiquants qui vous dit on est dans l’échec total on a injecté des milliards de dollars depuis plus de 20 ans dans la lutte des narcotrafics et qu’on fait qu’enrichir un plus ces trafiquants, un peu plus corrompre les politiques avec un impact absolument nul sur les diffusions du produit. Quand vous entendez ce constat là. Quand vous entendez le responsable de la police dire le bilan c’est le suivant on injecte énormément d’argent et on inefficace et si on veut contrôler le trafic il faut l’organiser. Moi je suis convaincu que c’est le sens de l’histoire et puis c’est quand même hallucinant de voir que la France récupère plus de 6,5 milliards de taxe sur l’alcool qui va tuer 23 mil personnes par an dans notre pays alors que sur le cannabis elle ne récupère strictement rien alors qu’elle pourrait selon les experts entre 12 et 20 milliards d’euros par an! Si le gouvernement se mettrait à vendre le cannabis. Donc moi je pense que de toute façon c’est le sens de l’histoire et qu’on est des ringards dangereux et assassin dans ses politiques publiques de maintenir les choses en état. Avec une hypocrisie absolument majeure. A quoi ça sert de mettre un produit comme illicite alors qu’il est consommé et expérimenté par la moitié des jeunes entre 15 et 25 ans. Et qu’est que c’est cet argument qu’on continue à nous vendre en nous disant que justement il faut limiter l’accès au produit et que quand il est illicite on limite son accès on diminue son attractivité. Au contraire on augmente son attractivité. Et puis aujourd’hui ça n’a plus aucun sens puisqu’on peut tout commander sur internet, donc voilà je ne vais pas continuer là dedans parce qu’on est hors sujet.

 

11. Que pensez-vous de la convention sur les substances psychotropes de l’OMS en 1971 qui définit une classification en 4 tableaux? (évaluation des dangers selon 3 critères : dépendance psychique, dépendance physique et tolérance)

Écoutez c’est très bien dans les tableaux de dépendance psychique et physique on est très incomplet et je vous invite encore une fois à intégrer dans votre travail le papier de David Nutt vous verrez quels sont les critère de dangerosité des produits. Ils dépassent très largement ces critères.

 

12. Que pensez-vous du rapport Roques de 1998 et de son tableau sur la dangerosité des produits? (Dépendance physique / Dépendance psychique / Neurotoxicité / Toxicité générale / Dangerosité sociale).

Alors ce qui très intéressant qui a été commandé par rapport à Bernard Kouchner à mon ami Bernard Roques. Ce n’est pas Kouchner qui l’a demandé ce rapport c’est Nicole Maaestrachi qui était la présidente de la MILDT et qui avait préparé un dossier évidemment politique que je Jospin ne nous a pas acheté. Et quand je dis nous c’est parce que j’étais conseillé technique dans cet histoire là et on avait préparé justement une dépénalisation de l’usage du cannabis et Jospin n’a pas eu les décisions politiques de nous l’acheter. Des questions techniques qui pouvaient être intéressantes sur l’impact que ça pouvait avoir sur les microéconomies de banlieues. Donc dans le travail de Roques lui aussi il a dépendance psychique, dépendance physique, neurotoxicité, toxicité générale, dangerosité sociale et il faut reprendre dans son document et il faudrait que vous vous procureriez la peine de voir la publication du monde le jour où le rapport est sorti. C’était complètement caricatural. Et pourtant Dieu sait si moi j’étais à fond pour Bernard Roques dans cette histoire là, et ça quand même été un tollé en France de dire que l’alcool était plus dangereux que le cannabis là vraiment c’était un signe de lèse majesté. Et il y avait quand même à mon avis présenté les choses d’une manière trop banalisante par rapport à la question du cannabis. D’autre part il a oublié justement cet indice dangerosité parce qu’il s’en fout. Il s’en fout parce qu’une drogue dès qu’elle est présenté comme dangereuse et bien il faut des facteurs protecteurs. C’est le cas de l’héroïne. Mais il faut que se soit vrai vous voyez ce que je veux dire? C’est à dire que si vous expliquez à tout le monde que le cannabis c’est très dangereux parce que si vous prenez du cannabis vous allez tous développer le cancer, devenir zinzin avoir des difficultés d’érection sur le plan sexuel et ce qui est tout à fait vrai dans le cannabis un syndrome décisionnel, c’est à dire une grande difficulté à prendre des décisions, un impact sur le cerveau frontal c’es à dire le cerveau antérieur celui qui va programmer la vision ou qui va anticiper, un échec scolaire majeur. La première image du cannabis en France c’est l’échec scolaire. C’est évident le meilleur moyen de foirer ses études et sa place dans l’existence c’est de fumer des pétard entre 15 et 20 ans . C’est pas moral ce que je vous dis c’est ma conviction en tant que scientifique. Bernard Roque avait juste oublié cet indice de dépendance c’est à dire que si vous dite, attention l’alcool c’est très dangereux et plus dangereux que l’héro ça n’ira pas parce que vous allez dire ça à des gens qui boivent de l’alcool et qui en sont pas dépendant et qui savent très bien qu’ils ont pas les même conséquence qu’avec l’héroïne. Donc il fallait ça il manquait ça au travail de Bernard Roques .

 

13. Chronologiquement parlant, comment qualifieriez vous le parcours scientifique sur la question des dangers du cannabis? Est-il linéaire dans le sens d’une considération toujours plus dangereuse du produit ou y a-t-il présence de cycle dans les considérations? (Au moins en France).

Je crois que je l’ai bien évoqué.

En France on a en gros un noyau de résistance très nuisible qu’est l’Académie de médecine. Moi j’ai assisté à la présentation de l’académie de Bernard Roques qui était le plus grand pharmacologue d’Europe mais il s’est fait mais torpillé, mais torpillé par des gens qui ne comprennent rien à rien. Et qu’ils sont juste inquiets par leurs petits intérêts et le cannabis a une représentation catastrophique. Moi je crois hélas que la population française, si c’est le sens de votre question, n’est pas prête. Elle ne l’était pas en 2001 et c’est pour cette raison que Jospin n’a pas eu les couilles d’aller plus loin sur le sujet elle ne l’est hélas toujours pas aujourd’hui. Et j’en tiens pour preuve des parents qui viennent parce qu’ils ont trouvé du shit dans la chambre de l’adolescent, il arrivent avec l’adolescent dans une situation, panique totale. Soignez le moi docteur c’est un grand drogué. Et puis vous évaluez avec ce jeune et puis vous vous rendez compte qu’il se met en danger toutes les semaines avec l’alcool. Il raconte même qu’il rentre ivre mort à quatre pattes et que son père est assez fier de le voir gerber mais dès qu’il fume c’est un grand drogué. Alors que les dangers qu’il prend avec l’alcool sont beaucoup plus importants que ceux du cannabis. Alors la représentation qu’on a en France elle est ringardissime . Il y a un énorme, énorme, énorme travail des passeurs que sont les journalistes, que sont les scientifiques vulgarisant pour faire passer ce message. Parce que ce message n’est pas mur. Et je vous le dis moi qui connait bien un parti politique pour y avoir milité et vouloir faire bouger les choses on verra qu’à la fin dans le programme on n’aura pas la dépénalisation du cannabis, ils n’ont n’auront pas les couilles. Et je trouve que vraiment c’est juste aberrant et de toute façon ils le paieront

 

14. Comment expliquez-vous l’immense diversité des considérations sur le cannabis dans le monde? (Légale aux Pays-Bas, disponible en pharmacie en Californie, fortement réprimandé en France)

Je vais vous faire une réponse partiellement vraie. Quand vous êtes dans une représentation judéo chrétienne et qui met en concurrence les produits et les dogues vous voyez la tolérance majeure qu’on a avec l’alcool. Ça ne vient pas de nulle part ça et puis il y a un lobby archi puissant en France qui s’exerce partout.



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