// ACCES // Les effets du filtrage
- Acteurs : Observateurs du web, Autorités politiques, Acteurs économiques
- Instruments : outils de filtrage et opérations de blocage
- Mise à l'épreuve : peut-on bloquer 'seulement' le contenu pédoponographique, ou n'y a-t-il pas forcément des dommages collatéraux ?
En Australie, après la censure des films de Pasolini, Larry Clark et ou Catherine Breillat au cinéma, c’est au tour des petits seins d’être filtrés par le « Loppsi australien ». En 2010, une nouvelle loi dictée par le Conseil National de Classification (Australian Classification Board) a interdit de publier sur l’internet des poitrines nues si celles-ci n’avaient pas la taille réglementaire. En effet, le code national de classification affirme que « n’importe qu’elle personne qui est, ou parait être un enfant mineur (que ce soit dans le cadre d’une activité sexuelle ou pas) représenté d’une manière qui puisse causer offense à un adulte raisonnable, est refusé de classification”. Le code permet donc au Conseil de décider très subjectivement si les seins ont une taille de « femmes » ou de « filles ».
En 2008, le fournisseur d’accès de Wikipedia Grande Bretagne a bloqué le site et a été mis dans liste noire de la Internet Watch Foundation UK pendant plusieurs semaines. En effet, une de ces pages présentait la pochette de l’album « Virgin killers » sorti en 1976 du groupe The Scorpions, considéré comme une image relevant de la pornographie enfantine. En blacklistant une page de Wikipédia, c’est tout le trafic se dirigeant vers l’encyclopédie en ligne qui s’est retrouvé filtré.
Aux USA, après une opération menée pour bloquer une dizaine de noms de domaines engagés dans dans la distribution de contenus pédopornographiques, 84 000 sites ont été bloqués par erreur. « Preuve que si la lutte contre la pédo-pornographie est nécessaire, elle doit être menée avec les bonnes armes. »
« C'est un dommage collatéral conséquent », et une preuve des dangers du blocage des sites.
L'opération "Protect Our Children", une intervention de l'Immigration and Customs Enforcement (l'ICE, une agence fédérale gérée par le département de la sécurité intérieure), a permis de bloquer - au moins temporairement - l'activité de dix noms de domaines implication dans le commerce pédopornographique. Un juge a signé le mandat de saisie contre ces dix sites, puis l'ICE a contacté les registres de noms de domaine.
Sauf que sur internet un même nom de domaine est utilisé par de très nombreux sous-domaines -ici, un des noms de domaine saisi, mooo.com, qui se trouve relié à FreeDNS (un fournisseur de service DNS), est utilisé par 84 000 sous-domaines. L'avertissement publié sur les sites suspects s'est donc retrouvé également sur des dizaines de milliers d'autres sites : des blogs, des pages personnelles, des sites de commerce électronique et même des miroirs dédiés à Wikileaks.
Ces erreurs prouvent que les outils utilisés pour filtrer, bloquer et ainsi lutter contre la pédopornographie ne sont pas du tout forcément adaptés au fonctionnement d'internet.
Si la lutte contre la pédo-pornographie est absolument nécessaire, encore faut-il utiliser les bons outils. Le « filtrage entraînera inévitablement des dommages collatéraux. Si celui-ci est trop grossier, le risque de surblocage est alors immense. S'il veut être très précis, il sera alors très compliqué à mettre en œuvre techniquement dans des coûts supportables. D'autant qu'il existe de nombreuses méthodes efficaces permettant de contourner ces mesures. »
Ces mesures (de l'installation de sites miroirs au changement régulier d'adresse IP, en passant par les serveurs mandataires (proxy), les réseaux anonymes comme TOR, l'utilisation de DNS tiers ou les contournements de types fast-flux) sont si nombreuses que « la solution idéale est le retrait des contenus à la source. »
C'est pourquoi, en raison du nombre d'erreurs commises dans le jugement des caractères pédopornographiques des sites blacklistés, l'Allemagne a ainsi fini par renoncer au filtrage.
En effet l'association des industriels allemands de l'Internet, l'ECO, a montré l'an dernier que la suppression des contenus pédo-pornographiques à la source était autrement plus efficace que le simple blocage au niveau des opérateurs ou la saisie de noms de domaine. Des contenus pédo-pornographiques présents sur des serveurs allemands ont pu ainsi être retirés en une journée