Le discours de palaiseau

Le 17 décembre 2008, Nicolas Sarkozy prononce son discours sur l'égalité des chances. Ce discours annonce la vision du gouvernement sur ce sujet et la direction qu'il va prendre. Il donne sens à la politique de Nicolas Sarkozy, disperse les doutes et énonce les missions que le gouvernement se donne. C'est ainsi qu'au cours de ce discours Nicolas Sarkozy annonce officiellement la nomination de Monsieur Yazid Sabeg au poste de Commissaire à la Diversité et à l'Égalité des chances.

Ce discours est un élément clé de la controverse car il fixe les futurs grands points de la controverse.

Un rappel des fondement de notre société, et les spécificités de notre nation

" La France ne serait pas la France sans cette passion de la liberté, de l’égalité et de la fraternité qui est le propre de la République. La République s’est donnée pour but d’accomplir le vieux rêve des rois, celui d’une nation une et indivisible. Elle y a ajouté celui d’une communauté de libres citoyens soudés par le civisme et l’égalité des droits et des devoirs. "

Énonciation des enjeux politiques et sociaux

" La République, ce n’est pas un modèle figé pour l’éternité. [...] La République, c’est le mouvement, c’est le progrès, c’est l’appel de la justice. [...] Comment peut-on parler de République quand la réussite scolaire et l’avenir professionnel dépendent non de l’intelligence, non du courage, non de l’ardeur au travail, non du mérite mais d’abord du milieu social d’où l’on vient, du quartier où l’on habite, du nom que l’on porte, de la couleur de sa peau ? [...] L’égalité des chances : c’est la priorité d’aujourd’hui. Quel est l’objectif ? Relever le défi du métissage que nous adresse le XXIème siècle. [...] Répondre au défi de la diversité en recourant à des critères ethniques ou religieux conduirait à prendre le risque de dresser les unes contre les autres des communautés rivales et à enfermer chacun dans son identité et son histoire alors même qu’il s’agit de le faire accéder à une citoyenneté pleine et entière, de conforter le sentiment de son appartenance à quelque chose qui le dépasse et qui l’ouvre sur l’universel. "

Le moyen envisagé pour répondre à ces enjeux

" Pour mener à bien ces réformes, la France doit se doter d’outils statistiques permettant de mesurer sa diversité, pour identifier précisément ses retards et mesurer ses progrès. Ces instruments doivent reposer sur des méthodes objectives et incontestables. Ils ne doivent pas traduire une lecture ethnique de notre société. Je souhaite qu’un travail soit conduit avec la communauté scientifique pour avancer, dans le dialogue, sur ce sujet sensible. [...] Si la question des statistiques pour mesurer les inégalités et les discriminations liées à l’origine est ouverte, la question d’une action publique volontariste fondée sur des critères ethniques ou religieux doit être close. [...] C’est par le critère social qu’il faut prendre le problème parce que les inégalités sociales englobent toutes les autres. "

Les secteurs concernés par le problème et les pistes de solutions

" D’abord, en matière d’éducation.[...] 25 % des places de chaque classe préparatoire aux grandes écoles soient réservées aux meilleurs lycéens boursiers. "

Ici se point soulève la question de l'utilisation des statistiques ethniques dans la mise en place de quotas.

" Après l’éducation, le monde du travail.Je veux que le CV anonyme devienne un réflexe pour les employeurs. [...] A cet effet, nous donnerons à la HALDE le pouvoir d’effectuer des contrôles inopinés sur les lieux de travail. " [...] "Il faut aller au-delà, inciter les entreprises à introduire la diversité au coeur de leur gestion des ressources humaines. A partir d’une certaine taille, elles devront obligatoirement faire état dans leur bilan social des actions qu’elles conduisent sur ce sujet. Un « label diversité » va être créé pour valoriser les meilleures pratiques." [...] "Le monde politique aussi doit s’ouvrir à la diversité sociale."[...] "La diversité doit aussi trouver sa place à la télévision."

Le rapport du COMEDD

Ce rapport détient une place centrale au sein de la controverse. En effet, à l’apogée de notre controverse, ce rapport est également un actant social. Il nous permet d’étudier la genèse, les résultats ainsi que les critiques proférées à l’encontre tant de la commission que des résultats et recommandations préconisées. Par ailleurs, ce rapport est d’autant plus important qu’il se donne la mission d’être le porte-parole de la controverse ; ce rapport à vocation, en outre, de performer le social en offrant une nouvelle vision du sujet. Le comité formule deux propositions majeures. Tout d’abord, le premier enjeu est de dépasser le "faux dilemme des données objectives ou subjectives" afin d’avoir un regard plus pragmatique et objectif dans les enquêtes et études portant sur "le ressenti d’appartenance". Par ailleurs, la seconde proposition concerne les données de naissance des parents. Cette donnée est privilégiée dans la mesure où cela permet de mesurer les obstacles que rencontrent les enfants issus de l’immigration. De surcroît, le rapport du COMEDD préconise les recommandations suivantes : "assurer un système d’information statistique régulier sur les discriminations et la diversité", permettre l’autorisation des enquêtes utilisant la perception des appartenances, permettre aux instituts d’études d’utiliser les données (INSEE), construire un observatoire des discriminations au sein de la HALDE.

Contrairement à la volonté initiale de Nicolas Sarkozy d’organiser un comité composé essentiellement de scientifiques, on observe que François Héran a choisi dans son comité un panel de personnalités reflétant la diversité des intelligences et des domaines scientifiques et sociaux. Ceci a suscité une vive critique d’Hervé Le Bras qui a créé en réaction la CARSED –la Commission Alternative de Réflexion sur les "Statistiques Ethniques". Elle est composée de vingt-deux chercheurs et universitaires regroupant notamment Elisabeth Badinter, Gwenaëlle Calvès Jean-François Amadieu, et Jean-Loup Amselle ; ces derniers reprochent au COMEDD un manque de représentativité des chercheurs qui seraient tous en faveur de l’instauration des statistiques ethniques.

Considéré par François Héran comme une véritable "Boîte à outils", le rapport se conçoit comme un index des méthodes et des situations sur le sujet. Le rapport cherche à clarifier le problème pour élever le débat à un niveau différent. Cependant, certains acteurs, et particulièrement la CARSED attendaient davantage de recommandations pratiques du rapport, ce qui lui a valu de vives critiques.

Les principes républicains

Les principes et valeurs de la République française sont souvent invoqués dans la controverse. Les statistiques ethniques sont notamment accusées de les remettre en cause ou d'y porter atteinte. L'article premier de la Constitution est l'élément le plus important et affirme que "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances". Pour certains acteurs, le principe d'indivisibilité et d'égalité de tous les citoyens se confronte au risque de communautarisme et de racialisation de la société française induits par l'utilisation de statistiques ethniques. De même, la devise de la République française "Liberté, égalité, fraternité" réaffirme le fondement de solidarité sociale et d'égalité des citoyens.

Au-delà des textes français, on fait également référence à la déclaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen de 1948 qui consolide ces principes dans son article premier: "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité". En outre, c'est en tant que défenseur de ces droits fondamentaux qu'intervient la Ligue des droits de l'Homme dans la controverse en se prononçant contre la création d'un référentiel ethno-racial.