1421
- Brunelleschi est le premier inventeur à obtenir un brevet industriel. Il bénéficie d'un pouvoir de monopole de trois ans sur la fabrication d'un chaland avec des machines de levage qui était utilisé pour transporter le marbre de Carrare jusqu'aux portes de Florence.
1623
- "The statute of Monopoly" est établi en Grande Bretagne. Généralisation d'un système de droit de monopole octroyé par le pouvoir royal britannique.
1791
- L'assemblée constitutionnelle française passe
la première loi sur le brevet.
1793
- Le Congrès Américain passe une première loi sur le brevet.
1850
- Première controverse sur la propriété intellectuelle. Critique des brevets fondée sur deux arguments: prix élevé et ralentissement de l'innovation. Victoire des opposants au brevet dans une période favorable au développement du libre échange.
1868
- Bismarck se prononce contre le principe
de protection inclus dans le brevet.
1869
- Abolition du brevet aux Pays Bas.
1873
- Début de la grande dépression. Victoire du protectionnisme économique et reflux des idées des anti-brevets. Le débat disparait de la scène économique et les brevets s'imposent définitivement.
1884
- Entrée en vigueur de la Convention de Paris. Première étape de la création d'un droit de propriété intellectuelle international. Les 14 États signataires s'engagent à faire en sorte que la même protection et les mêmes privilèges accordés aux demandeurs locaux soient octroyés aux demandeurs étrangers.
1962
- Mise sur pied de l'Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), organisation qui délivre des brevets valables pour l'ensemble des 15 États francophones membres.
1967
- Naissance de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle,institution spécialisée des Nations Unis, dont l'objectif est de promouvoir la propriété intellectuelle à travers le monde. Elle compte à l'heure actuelle plus de 184 membres.
1973
- Institution de l'Organisation Européenne des Brevets. Née d'une volonté politique commune des États européens d'édifier en Europe un système de brevets unifié, cette organisation permet une procédure centralisée de délivrance de brevets pour tous les États membres via son organe exécutif, l'Office Européen des Brevets.
1970
- Signature à Washington de l'Union Internationale de Coopération en matière de Brevets (Patent Cooperation Treaty) qui permet de préparer dans une seule langue une demande internationale unique qui pourra éventuellement être déposée dans les pays membres choisis par le déposant par la suite.
1994
- accords sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC). Cet accord général sur la propriété intellectuelle établit des normes minimalesde protection devant être prévues par chaque membre. La signature des accords ADPIC marque une inflexion dans la politique internationale concernant la propriété intellectuelle, avec l'entrée en scène d'une organisation mieux contrôlée par les pays industrialisés : l'OMC.
1800
Les médicaments sont considérés comme des marchandises non brevetables dans tous les pays, à l'exception des Etats Unis -
1806
Edward Jenne reçoit une récompense de 30 000 livres
pour son vaccin contre la variole -
1860
Les médicaments deviennet progressivement brevetables -
1884
Cette convention n'inclut pas dans son champ de compétence
les innovations en matière médicale
1970
Le développement de secteurs de l'industrie pharmaceutique dans des pays émergents entraîne une chute du prix des médicaments via la production de générique -
1994
Les accords de l'ADPICS engagent les pays signataires à respecter une norme de protection universelle de 20 ans pour les brevets et limitent les pratiques discriminatoires permises par la convention de Paris. Son impact principal est l'interdiction de la production de génériques et donc la hausse du prix des médicaments. Les différents en matière de propriété intellectuelle seront réglés par l'ORD, organe qui arbitre les différents en matière d'accords commerciaux internationaux.Un article de ces accords autorise les licences obligatoires: elles permettent une production de générique en cas de prix excessif des médicaments. Cependant, les conditions liées à ces exceptions ont rendu leur application difficile -
2000
La santé et l'accès aux soins sont décidés prioritaires dans
les Objectifs du Millénaire pour le Développement -
2001
Ouverture du Procès dit de Pretoria. 39 firmes pharmaceutiques attaquent le gouvernement sud africain qui autorise le ministère de la santé à limiter le droit des brevets afin de produire des génériques des antirétroviraux. La plainte est retirée suite à la forte mobilisation de l'opinion publique et des ONG. Ce procès symbolise alors la victoire des malades -constitués partie civile- sur la stricte application de la loi des brevets.
Conférence à doha qui déclare que «l'intérêt de la santé doit toujours prévaloir sur les intérêts du commerce». Ces accords confèrent aux Etats membres de l'OMC une nouvelle légitimité pour « suspendre un brevet pour raison de santé publique et promouvoir l'accès aux médicaments» -
2003
Le Conseil ADPIC adopte une décision qui permet aux pays qui ne sont pas en mesure de fabriquer eux-mêmes les médicaments d'importer sur leur territoire des produits génériques fabriqués dans le cadre de licences obligatoires. Cet accord n'a pris la forme que d'une exemption temporaire au droit de propriété intellectuelle, c'est seulement en 2007 qu'un pays, le Rwanda, a utilisé la possibilité d'importer des licences obligatoires -
2005
Novartis engage un procès contre l'Etat Indien. La firme pharmaceutique suisse reproche à l'Etat Indien sa loi sur les brevets qui visait à s'adapter aux accords ADPICS. Pour limiter l'impact de cette loi sur le prix des médicaments le gouvernement indien avait conditionné l'obtention d'un brevet au principe de véritable innovation. L'attitude de l'Inde symbolise l'opposition entre les pays du Nord défenseur des brevets et les pays du Sud producteur de génériques. Novartis perdra le procès -
Il faut avant tout comprendre en quoi l'industrie pharmaceutique nécessite une régulation économique propre à la source des problèmes de cette controverse.
Le « bien médicament » dispose d'un statut particulier et, à plusieurs titres, exige l'intervention de différents organes de régulation. Pour protéger la santé des consommateurs l'autorisation de mise sur le marché doit être effectuée suivant des protocoles rigoureux. Il s'agit de vérifier les effets thérapeutiques du médicament, et son innocuité. Pour garantir leur accès et les rendre solvables, certains médicaments sont donc couverts par des systèmes socialisés ou système d'assurance maladie qui ont progressivement émergés tout au long du XXème siècle dans les pays développés et dans certains pays en voie de développement comme le Brésil. Il n'existe aucune autre activité commerciale où les investissements publics dans la recherche sont aussi importants ce qui s'explique par l'impact de ce secteur sur la qualité du bien-être des consommateurs.
La question qui se pose est alors comment favoriser au mieux l'essor de l'innovation médicale garante du progrès médical?
L'innovation médicale se particularise par une structure tangible qui résulte dans la production d'un produit fini qu'est le médicament et une structure immatérielle constituée par la “connaissance” des techniques chimiques et mécaniques permettant la fabrication du médicament. Le fait que l'industrie pharmaceutique soit en réalité une industrie de la connaissance en fait une industrie à part. En effet, l'industrie pharmaceutique est sujette à trois types de déficiences de marché qui risquent de remettre en cause son bon fonctionnement:
- Les coûts en matière de recherche médicale sont indivisibles et en perpétuelle augmentation. La présence de coût fixe élevé fait que l'investissement dans une nouvelle molécule est un investissement lourd et donc risqué si le produit est rapidement copié. L'économiste Grabowski a démontré que les coûts de R&D dans l'industrie pharmaceutique ont augmenté de manière significative au cours des 30 dernières années. Le coût des recherches pour lancer un nouveau médicament s'élevait à 138 millions de dollars (valeur en dollar en 2000) dans les années 1970, somme qui est montée à environ 315 millions de dollars dans les années 1980 avant d'atteindre dans les années 1990 plus de 800 millions de dollars.
- La présence d'une forte incertitude du fait de la longueur des procédures de contrôle et du taux élevé d'échec dans la mise en place de nouveaux médicaments constitue un second risque pour l'investisseur (une molécule sur cent est en moyenne commercialisée selon un rapport de l'OCDE en 2000).
- La présence de nombreuses externalités positives que ce soit pour la création future de nouvelles innovations ou bien simplement pour la santé de la population fait que sans régulation le marché intègre mal les bienfaits de l'activité médicale.
A ces trois déficiences de marché qui remettent en cause la qualité de l'investissement il faut ajouter un mécanisme essentiel. La spécificité majeure de l'industrie pharmaceutiques réside dans la facilité de la copie en matière qui induit qu'une fois que la molécule est mise sur le marché par le laboratoire à l'origine de l'innovation il faut seulement deux ans, soit une durée quatre fois plus courte que pour le produit initial, pour arriver à en produire une copie. Cette copie du médicament légèrement différente s'appelle un générique.
Le rôle de la propriété intellectuelle est justement de tempérer les effets négatifs de ces déficiences de marché spécifique aux industries de la connaissance et de l'innovation. Ainsi le rôle des brevets est de palier à ces risques potentiels sur la qualité de l'investissement en recherche médicale. Le brevet assure à l'inventeur un pouvoir de monopole qui lui permettra, si le médicament mis en place est efficace, de rentabiliser ses investissements. Par ailleurs il dispose d'un droit de regard sur son invention qui empêche quiconque de s'en servir sans son autorisation. La seconde vertu du brevet est la mise en commun des connaissances via la publication des innovations qui permet de rompre avec le secret industriel et de rendre possible les innovations futures.
On comprend dès lors immédiatement que ce pouvoir de monopole constitue un risque d'exclusion d'une certaine frange de la population de l'accès au soin. C'est pour cela que la régulation en matière de santé doit toujours tenter de concilier incitation à la recherche par des mécanismes de propriété intellectuelle et accès au soin des populations.
Le cœur de notre sujet est l'étude de la controverse contemporaine sur l'arbitrage entre propriété intellectuelle et santé.
Comment concilier au mieux incitation à l'innovation médicale et
accès au soin ?
Présentation de la controverse sur la nature et les effets de la propriété intellectuelle
dans le monde de la santé.
Le système de propriété intellectuelle fondé sur le brevet et son pouvoir de monopole semble
incapable d'inciter de façon optimale les grandes firmes pharmaceutiques à adapter leurs recherches
aux défis sanitaires du XXIième siècle.
On assiste à une critique de plus en plus virulente du système des brevets jugé responsable,
à tort ou à raison, d'un impact négatif sur le prix des médicaments et sur les recherches médicales
pour les “maladies des pays pauvres” (malaria, paludisme...).
L'objet de ce site est de vous rendre accessible cette controverse en présentant les arguments
qui s'opposent et les acteurs qui interviennent dans le débat, et en montrant l'importance des
enjeux.
Cette controverse spécifique liant mode de propriété intellectuelle et monde de la santé est à placer
dans le cadre plus général de la controverse actuelle sur la remise en cause de la propriété
intellectuelle.
Ce site a été réalisé dans le cadre du cours cartographie de controverse.
L’objectif de ce cours est, à partir de questions actuellement présentes dans le débat scientifique et politique, de réaliser une cartographie de ces controverses, c'est-à-dire d’analyser comment le débat scientifique se développe, quels sont les acteurs en présence, quels sont leur nature et leurs relations, comment ils s’affrontent et dans quels espaces. Adoptant la démarche des sociologues pragmatiques, notre but est d’établir une « sociologie » de la controverse. Par conséquent, il ne s'agit pas pour nous de résoudre la controverse ou de prendre position mais simplement de la décrire, de l’analyser et de la rendre intelligible en restituant les positions de l'ensemble des acteurs.
La problèmatique que nous avons choisie, la propriété intellectuelle dans le milieu pharmaceutique, reflète à la fois des considérations sociales planétaires et des enjeux politico-économiques entre les pays du nord et du sud. Elle discute le modèle bien établi du brevet par des arguments à la fois théoriques et ancrés dans la réalité.
Ce travail a été réalisé par des étudiants en double cursus Sciences Po/Paris 6 et des étudiants en graphisme de l’Ecole Nationale Supérieur des Arts Décoratifs (ENSAD):
- coordonnateur - Félix Demonts
- enquêteurs - Audrey Boullot, Anne Leila Batel, Arnaud Panis
- cartographe - Anne Berets
- graphistes - Anaïs Lefèbvre, Sophie Caron
Nous tenons à remercier particulièrement nos professeurs et maîtres de conférences de Sciences Po et de l’ENSAD, pour le soutien et leur aide tout au long de l’année : Bruno Latour, Tommaso Venturini, Benoît Montigné
Nous souhaitons également exprimer notre reconnaissance à l’ensemble des personnes qui ont accepté de nous rencontrer pour nous donner leur vision de la controverse et nous aider dans notre travail d’investigation : Tanguy Van Ypersele, Emeric Henry, Paul Belleflamme, Henry Lepage, Bertrand Lemenicier, Christian Richard.
Pour conclure, nous souhaitons adresser de chaleureux remerciements à Alexandre Sourzac-Lami sans qui ce site n’aurait pas pu voir le jour.
Cette controverse oppose à la fois des théories et des arguments.
Ceux-ci sont cartographiés dans un système à deux dimensions, qui fait ressortir leurs différences et leurs singularités et permet de visualiser leurs rapports de force: opposition, alliance, ramification.
Dans le premier schéma, les arguments apparaissent en fonction de leurs affinités avec les différents acteurs.
Le second schéma, plus global, met en scène les acteurs et arguments.
L'axe vertical symbolise le «degré de monopole», soit l’importance de la propriété intellectuelle dans la proposition. Il s’agit d’une comparaison relative des arguments et des acteurs sur un axe dont l’origine représente le degré séro de monopole, soit l’absence totale de propriété intellectuelle, et qui échelonne les acteurs et leur arguments vers une importance croissante de la propriété intellectuelle.
L'axe horizontal représente le degré de prise en compte des problèmes de santé, en comparant relativement les acteurs et les arguments: sur la gauche sont représentés ceux qui ignorent les problèmes de santé induits par le système de propriété intellectuelle, sur la droite ceux qui leur accordent une plus grande importance.
L'importance d'une régulation en matière de santé a été mise en valeur dans la partie sur les spécificités de l'industrie pharmaceutique et l'étude chronologique de l'évolution de la propriété intellectuelle dans le monde de la santé permet de comprendre que le brevet s'est imposé dans l'industrie pharmaceutique depuis les années soixante. Cette émergence du brevet s'est accompagnée d'une explosion des innovations médicales. Néanmoins, depuis les années 1990 le système de propriété intellectuelle du monde de la santé fondé sur le brevet fait l'objet de critiques et remises en cause profondes à l'origine du débat qui anime la controverse.
Ces critiques peuvent être classées en trois catégories:
- Critique théorique sur les dysfonctionnements inhérents au système des brevets
- Critique des déséquilibres entre les recherches médicales et les problèmes sanitaires réels
- Critique pratique des effets de la normalisation internationale en matière de propriété intellectuelle
C'est à partir de cette grille de critiques que l'on peut comprendre les alternatives et les propositions de réformes qui animent la controverse.
Critique théorique sur les dysfonctionnements inhérents au système des brevets
Lorsqu'une innovation est protégée par un brevet, le pouvoir de monopole qu'il implique diminue la valeur sociale de l'invention puisque le monopoleur vend des quantités trop faibles à des prix trop élevés. On parle de perte sèche du monopole et celle-ci constitue le premier et inévitable dysfonctionnement causé par le système des brevets. Le brevet entraine donc une sous allocation du bien et exclut de son accès les plus démunis s'il n'existe pas de système d'assurance maladie universelle.
Une autre inefficacité provient du fait que la rente de monopole est plus faible que le surplus social généré par la production. Le brevet induit donc un effort de recherche généralement trop faible au vu des bienfaits que pourraient produire l'innovation qui est une externalité positive non internalisée. C'est l'éternel problème d'arbitrage entre le fonctionnement de l'économie et l'utilité réelle du bien produit. Le système de brevet ne permet donc pas d'adapter de façon idéale la recherche médicale aux besoins de santé réels.
Le système de propriété intellectuel du brevet implique la transparence sur la nature de l'invention ce qui permet à terme d'entrainer de nouvelles innovations. Cependant, le brevet procure jusqu'à son expiration l'autorisation à l'inventeur de refuser à quiconque l'utilisation de son invention. Cette réalité peut en réalité limiter l'accès à l'innovation comme en atteste l'exemple du brevet obtenu par Watt sur la machine à vapeur qui a empêché le développement pendant une vingtaine de nouvelles machines. Jonathan Hornblower et Richard Trevithick ont en effet dû attendre l'expiration de son brevet pour développer des nouvelles machines à vapeur plus performantes.
On retrouve dans l'évolution des dépôts de brevet des grands laboratoires des éléments qui permettent d'affirmer que ces dysfonctionnements théoriques se matérialisent. Dans les pays où le système d'assurance maladie n'est pas développée le brevet induit de fait une exclusion de l'accès au soin des plus démunis. Le nombre de brevets accordés dans l'industrie pharmaceutique américaine a plus que triplé entre 1980 et 2001 alors qu'il avait été pratiquement stable au cours des deux décennies précédentes. Cette explosion du nombre de brevets c'est paradoxalement accompagné d'un diminution du nombre de produits fondamentalement nouveaux, c'est-à-dire d'innovations. Dès lors, il n'est pas sûr que l'augmentation du nombre de brevets a donné lieu à davantage d'innovations utiles d'un point de vue social. Au contraire le brevet serait devenu véritablement un moyen de protection des monopoles plus que d'innovations. Ce dysfonctionnement du système corrobore avec l'étude du National Institute for Health Cara Management qui affirment qu'entre 1989 et 2000 seuls 15% des brevets octroyés ont visé des médicaments réellement innovants.
Critique des déséquilibres entre les recherches médicales et les problèmes sanitaires réels
La seconde remise en cause fondamentale du système vise les déséquilibres entre les investissements en recherches et les besoins sanitaires mondiaux.
En effet, la recherche médicale est pilotée par les maladies rentables du Nord et voit ainsi un sous investissement massif en terme de maladies dites des pays pauvres.
Une étude menée entre 1975 et 1999, à montré que moins de 2% des nouveaux brevets déposés concernaient les maladies tropicales et la tuberculose, maladies pourtant responsables de l'essentiel de la charge de morbidité de 70% de la population mondiale. Se pose également la question de la marginalisation des recherches vaccinales pour des maladies comme la bilharziose, la dengue, le paludisme ou la tuberculose. Ce phénomène a été violemment dénoncé par Michæl Kremer.
Critique des effets de la normalisation internationale en matière de propriété intellectuelle
A ce mouvement de contournement des fins du brevet et au déséquilibre en matière de recherches il faut allier un mouvement récent d'internationalisation des normes de propriété intellectuelle. Ce mouvement symbolisé par les accords de l'ADPIC de 1994 met un terme au caractère national de la régulation en matière de propriété intellectuelle.
Avant les ADPICS les Etats étaient souveraints en matière de propriété intellectuelle. Depuis cet accord, les 153 pays signataires des ADPICS doivent respecter un droit de brevet universel d'une durée de 20 ans. Ils ne sont donc plus libres de mener une politique de santé en accord avec leur état de développement.
Ces accords visaient à mettre fin aux pratiques de copies des médicaments par les pays moins développés afin de rattraper leur retard technologique et de faire chuter les prix des médicaments sur les marchés intérieurs comme extérieurs. Ces pratiques étaient alors considérées comme anti concurentielles.
Néanmoins, ce bouleversement pose un double problème.
- Tout d'abord ces accords sont jugés susceptibles d'aggraver les inégalités entre les pays du fait de l'impossibilité de combler le retard technologique par de la copie industrielle comme l'avait fait la Corée du Sud. Cette question est d'autant plus troublante au vu des inégalités en matière de dépôt de brevet puisque plus de 97% des brevets sont détenus par des individus ou des entreprises des pays de l'OCDE, et 80% des brevets accordés dans les pays en développement appartiennent indirectement à des intérêts de ces mêmes pays. L'impossibilité de copie risque d'aggraver ces inégalités et de renchérir le coût d'accès aux innovations et donc au soin.
- Ensuite la question de la santé dépasse le cadre des règles marchandes classique. Selon de nombreux auteurs la santé est un bien public mondial. Les accords internationaux sont décriés pour la complexification qu'ils ont introduites dans l'accès aux licences obligatoires et le risque craint par les ONG d'assister à une explosion du prix de l'accès au soin. Ce phénomène est d'autant plus redouté que les systèmes d'assurance maladie universelle sont inexistants dans de nombreux pays du Sud. C'est pour cette raison que les dépenses en médicaments représentent environ entre 10-20 % des dépenses de santé dans les pays les plus riches contre 20-60 % dans les pays les plus pauvres.
Ce phénomène d'internationalisation des normes de propriété intellectuelle n'empêche pas certains pays comme le Brésil ou l'Inde de produire et d'exporter des génériques et d'adapter des législations de contrôle strict des brevets afin d'octroyer des brevets qu'en cas d'innovations réelles. Ce mécanisme de contournement des normes internationales permet d'éviter un renchérissement trop important des prix des médicaments.
De nombreuses critiques s'opposent à ce phénomène de normalisation internationale et craignent que les inégalités en matière d'accès au soin ne soit qu'accentuée par ces dispositions. Une crainte qui se justifie quand on sait que les pays en voie de développement où vivent plus de 80 % de la population mondiale ne représentent qu'environ 10 % des ventes mondiales de produits pharmaceutiques.
Les dysfonctionnements inhérents au fonctionnement de la propriété intellectuelle dans le domaine de la santé ont entrainé la formulation de nombreuses propositions afin de permettre une amélioration de l'accès au soin, une meilleure adéquation entre recherche médicale et problèmes de santé et une facilitation des effets positifs de l'innovation en grappe. Ces propositions, alternatives et autres solutions sont l'oeuvre d'économistes, de chercheur en développement mais aussi d'hommes politiques ou d'organisation non gouvernementale.
Il faut comprendre l'importance des propositions théoriques dans cette controverse qui est avant tout un débat d'idées aux impacts vitaux sur l'accès au soin et les innovations médicales futures.
Le travail du cartographe est de rendre accessible ces propositions. A cet effet nous avons choisi de regrouper les alternatives et les propositions qui animent la controverse en six grandes catégories. Chacune des catégories étant composées de plus ou moins nombreuses propositions pouvant être théoriques/pratiques, connue/inconnue.
L'important étant de simplifier l'accès à la controverse sans pour autant en masquer la complexité.
PROPOSITIONS QUI AFFIRMENT LE RÔLE POSITIF DES BREVETS ET SOUHAITENT UN MAINTIEN SI CE N'EST UN RENFORCEMENT DU RÔLE DU MONOPOLE AFIN DE FAVORISER PLUS ENCORE L'INNOVATION
Ce sont les prépositions qui sont soutenus par les acteurs qui profitent du pouvoir de monopole octroyé par les brevets. Cette position théorique revient à affirmer que les brevets ne sont pas responsables des dysfonctionnements en matière d'accès au soin et que bien au contraire ils sont seuls capables de garantir l'innovation. Cette position revient à affirmer que les problèmes d'accès au soin et d'innovations dépendent d'une absence de coopération internationale.
Renforcement du pouvoir de monopole
Propositions formulées par plusieurs laboratoires pharmaceutiques des pays développés qui souhaitent un allongement de la durée de monopole octroyée par les brevets. Leur demande est une augmentation de 5 ans de la durée du monopole qui passerait alors de 25 à 20 ans. Cette proposition repose sur le constat de l'allongement des recherches après la déposition du brevet, de la hausse des coûts des dites recherches et du renforcement des procédures de tests des médicaments.
Cette proposition reflète l'idée selon laquelle seul le brevet est capable de réellement optimiser l'investissement en recherches médicales dont découlent à termes des externalités positives majeures.
Maintien du système des brevets en l'état et application des accords internationaux en matière de propriété intellectuelle
C'est la position défendue par l'ensemble de l'industrie pharmaceutique des pays développés qui souhaite un maintien du pouvoir de monopole de 20 ans octroyé par les brevets et une limitation de la production de générique quand cette production n'est pas justifiée par des impératifs sanitaires majeurs. Leur argumentation repose sur les spécificités de la recherche médicale (présence des 3 déficiences de marchés) et la faiblesse des coûts de production de génériques.
Cette proposition d'un maintien du système en l'état s'accompagne de pressions exercées par les laboratoires sur la production de génériques dans les pays émergents (du type Brésil ou Inde). Cette attitude qui vise à s'assurer du respect des accords internationaux en matières de proprités intellectuelles (cf voir les accords ADPICS de 1994) s'explique par la crainte des firmes pharmaceutiques de voir ces génériques envahir des marchés où les licences obligatoires ne devraient pas siéger. Les laboratoires ne sont pas contre l'accès aux médicaments pour les populations défavorisées; ils craignent juste de voir des marchés potentiels leur échapper au profit de “génériqueur”.
PROPOSITIONS FONDÉES SUR LE SYSTÈME DES brevetS MAIS QUI VISENT À LE MODULER AFIN D'INCITER LES RECHERCHES POUR LES MALADIES ACTUELLEMENT DÉLAISSÉES.
Les deux propositions de cette catégorie ont le mérite d'être simple à mettre en place et véritablement efficaces pour infléchir les activités de recherches des grands laboratoires dans le sens des maladies actuellement délaissées.
Cependant, elles souffrent du même manque de visibilité.
Transfert du pouvoir de monopole
Ce système consiste à inciter les firmes pharmaceutiques à mener des recherches pour les maladies délaissées. Le principe est d'autoriser les firmes pharmaceutiques à transférer le droit d'exclusivité obtenu, suite à l'innovation médicale pour la maladie délaissée, sur un autre médicament ou de le revendre à une autre firme.
Ce système a le mérite d'être simple. Cependant, il souffre de deux défauts. D'une part ce système suppose que les malades des pays riches acceptent de payer le prix induit par un allongement du pouvoir de monopole car le transfert du droit de brevet se ferait vers des produits à succès commercialisés dans les pays développés. D'autre part cette proposition semble à l'heure actuelle peu reprise par les institutions normatives qui ont le pouvoir de modifier la législation internationale en matière de propriété intellectuelle.
C'est Hanna Kettler qui a développé cette proposition en publiant en 2000 Narrowing the gap between provision and need for medicines in developing countries. Cette proposition a reçue le soutien de la fondation Gates.
Droit de traitement prioritaire
Ce système consiste à inciter les firmes pharmaceutiques à mener des recherches pour les maladies délaissées. Le but de cette proposition est de récompenser les firmes qui développent des solutions sanitaires pour des maladies négligées en leur octroyant un droit de traitement prioritaire dans leurs futurs dépôts de brevets. David B. Ridley, Henry G. Grabowski et Jeffrey L. Moe, les auteurs de cette proposition, estiment qu'un traitement prioritaire sur un médicament donné a pour effet de diminuer de 18 mois l'entrée du produit sur le marché ce qui permet à la firme de bénéficier d'environ 300 millions de dollars de bénéfices supplémentaires.
Pour plus d'information sur cette proposition nous vous invitons à la lecture détaillée de leur article “Developing drugs for developing countries” qui se trouve dans la bibliographie.
PROPOSITIONS QUI AFFIRMENT QU'IL FAUT CHANGER LE SYSTÈME DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE QUE CE SOIT PAR LE MODÈLE DE LA RECOMPENSE OU SOUS D'AUTRES FORMES
Ces propositions illustrent le mouvement de remise en cause des effets du brevet sur les questions d'innovations médicales et d'accès au soin qui émergent au sein de la communauté universitaire depuis une quinzaine d'années.
Ces propositions formulent des nouveaux systèmes de propriété intellectuelle afin de mieux concilier innovations et accès au soin. Cependant, ils souffrent d'un fort manque de visibilité et aucune application pratique de ces propositions ne semblent à l'ordre du jour.
Système de fenêtre d'ouverture
Ce modèle, formulé par Emeric Henry, propose de laisser à l'inventeur le choix entre un droit de monopole sur l'invention court mais exclusif ou un droit de monopole plus long mais que l'inventeur devrait partagé si d'autres instituts de recherches trouvaient dans un laps de temps donné une invention similaire. Ce modèle théorique vise à combler le mécanisme du “winner takes all” caractéristique des brevets et souhaite réduire les effets négatifs du monopole par une compétitivité en matière de recherche accrue.
Cette proposition souffre comme de nombreuses propositions d'économistes d'un manque criant de visibilité.
Pour la comprendre plus en détail nous vous invitons à lire:
Runner-up patents: is monopoly inevitable?, Scandinavian Journal of Economics, 2010, 112(2), p 417–440
Système de récompense ex ante généralisée
Cette proposition vise à remplacer le système de brevet par un système généralisé de récompense calculée avant la distribution de l'invention. La récompense étant en ce sens opposé au brevet car la production de l'innovation se ferait alors en libre concurrence.
La critique de fond que reçoit en général le modèle de la récompense est son incapacité à bien évaluer la demande véritable pour une innovation. Problème qu'arrive à résoudre le brevet car la rémunération de l'invention s'effectue via les consommateurs.
Certains auteurs comme Barton et Emmanuel, répondent que la récompense définie ex-ante permettrait au contraire d'éviter les asymétries d'information car il est possible d'évaluer les gains sociaux liées à une nouvelle thérapie en mesurant par exemple la charge globale d'une maladie en « années de vie ajustées sur l'incapacité (DALY) » selon la méthodologie de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) ou sinon en calculant son cout social à partir des pertes économiques qu'elles représentent pour un pays.
Une dernière option est celle du “cash out” qui verrait la firme pharmaceutique recevoir la somme correspondant au bénéfice induit par le droit de monopole auquel elle refuse.
Cette proposition a l'avantage d'axer la recherche médicale sur les besoins réels en santé. Cependant, ce modèle théorique s'avère dans la pratique peu soutenu et ne répond pas à de nombreuses questions de l'ordre pratique: Qui paie les récompenses? Qui organise la régulation et à quel niveau?
Pour de plus amples informations nous vous conseillons de lire:
Barton, J.H. et EMANUEL, E.J. (2005). “The patents-based pharmaceutical development process: Rationale, problems, and potential reforms”, The Journal of the American Medical Association294 : 2075-2082.
Système de récompense ex post généralisée
Cette proposition vise à remplacer le système de brevet par un système généralisé de récompense fonction du succès de l'invention. Le laboratoire à l'origine de l'innovation rend celle-ci accessible ce qui entraîne une production concurrentielle du bien. En échange, elle touche des royalties sur chaque médicament vendu.
Ce système permettrait d'éviter les récompenses inutiles, de rompre avec les effets négatifs du brevet par la suppression du monopole et d'axer plus la recherche médicale en fonction des besoins réels en matière de santé.
Cette proposition est formulée par Tanguy Van Ypserlee et Paul Belleflamme dans leur article :
"Comment favoriser l'innovation dans le secteur pharmaceutique : brevets et/ou récompenses ?" paru dans Reflets et perspectives de la vie économique en 2006.
Cependant, ce modèle théorique s'avère dans la pratique peu soutenu et ne répond pas à de nombreuses questions d'ordre pratique: qui paient les récompenses? qui organisent la régulation et à quel niveau?
Système de récompense hybride généralisée
Ce système concilie les deux modèles de récompenses et vise à établir un système généralisé de récompense. Le niveau de récompense serait composée d'une partie fixe (définie au préalable pour récompenser l'effort de recherche) et d'une partie variable (définie a posteriori pour récompenser l'utilité réelle de l'invention). Ce modèle théorique qui semble le parfait compromis pour établir un système généralisé de récompense souffre d'un manque de visibilité et d'applicabilité pratique.
Système hybride brevet/récompense
Ce système cherche à prendre en compte les aspirations d'une diminution des impacts négatifs du monopole sans pour autant prendre le risque de rompre totalement avec le système des . Ce système hybride consisterait à laisser le choix aux firmes pharmaceutiques entre bénéficier d'un brevet classique ou d'une récompense qui induirait une production en libre concurrence. Cette récompense pourrait être définie ex ante ou ex post, c'est à dire dépendre du nombre d'unité du médicament écoulées.
Ce système à l'avantage de concilier modèle des brevets et modèle de récompense afin de rassurer les firmes pharmaceutiques tout en les incitant à mieux prendre en compte les problèmes sanitaires des pays pauvres.
Les économistes à l'origine de ce modèle ne détaillent pas le financement des récompenses qui s'avère pourtant être une question cruciale.
PROPOPOSITIONS QUI PROPOSENT DE LUTTER CONTRE LES EFFETS NÉFASTES DE L'ÉMERGENCE DE NORMES INTERNATIONALES UNIQUES EN MATIÈRE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
Ces propositions sont celles qui font le plus de bruit dans la controverse puisqu'elles sont fortement soutenues par le ONG et les gouvernements des PVD et des PMA. De telles propositions se concentrent sur une limitation du rôle du brevet dans les pays pauvres par la demande de faciliter transfert de technologie et émissions de licences obligatoires. Ces propositions sont donc de l'ordre pratique et sont paradoxalement souvent déconnectées d'une remise en cause générale du système de propriété intellectuelle fondé sur le brevet.
Promotion des licences obligatoires
Cette proposition vise à limiter les effets négatifs des accords de l'ADPICS en facilitant la production de génériques pour le marché intérieur ou extérieur via l'obtention de licences obligatoires. Elle vise in fine à assurer une chute du prix des médicaments sur les marchés où les pauvres sont exclus de l'accès au soin.
Derrière cet argument pratique se cache une remise en cause profonde des effets néfastes du pouvoir de monopoles des brevets sur les prix et la promotion d'une idée d'un droit à la santé.
Révision des accords de l'ADPIC dans le domaine de la santé
Cette proposition promeut la compétitivité afin de garantir l'accès au soin et le rattrapage technologique par une étape d'industrie de la copie. La proposition ne vise pas à abolir la transparence de l'information permise par le brevet mais souhaite favoriser le développement technologique en brisant les effets néfastes des brevets. Elle revient à postuler que le brevet n'est pas une garantie de l'innovation et que l'établir comme modèle universel revient à limiter le rattrapage technologique des pays moins développés.
En somme, cette proposition souhaite un retour à une économie nationalisée de la propriété intellectuelle en matière de santé.
PROPOSITIONS QUI AFFIRMENT QUE LES DYSFONCTIONNEMENTS SONT DUS À UNE RÉGLEMENTATION TROP ÉLEVÉE QUI N'A PAS LIEU D'ÊTRE
Ces deux propositions sont radicales. Elles affirment que la régulation est un obstacle au bon fonctionnement de l'économie en décriant le rôle négatif de tout système de propriété intellectuelle. La deuxième proposition classée dans cette catégorie est paradoxale pour une controverse dont le sujet est propriété intellectuelle et accès au soin cependant elle est formulée par certains libertariens.
Suppression de la Propriété Intellectuelle
Cette proposition non spécifique à la question de la santé est radicale. Elle vise à affirmer que la propriété intellectuelle n'a pas lieu d'être car elle est en tout point un obstacle à l'innovation et à l'accès au soin. Il faut replacer cette proposition libertarienne dans un contexte plus large de remise en cause de la régulation. Les économistes qui soutiennent cette proposition affirme que les entreprises pharmaceutiques peuvent suffisamment protéger leur invention avec les principes fondateurs que sont l'innovation et le fencing (marketing).
La radicalité de la proposition fait qu'elle est isolée et fort peu reprise. Néanmoins, cette proposition s'inscrit dans la droite lignée des arguments des anti-brevets qui avaient initialement remporté la controverse sur la propriété intellectuelle au 19ème siècle. L'idée étant que les brevets constituent une niche qui pénalise l'ensemble de l'économie tant pour les innovations à venir que pour l'axer aux soins.
Une telle proposition s'inscrit en rupture avec les idées de promotion d'un système de récompense qu'il soit généralisé ou partagé. Car la récompense institutionnalisée n'est qu'une autre forme de rémunération qui n'a pas lieu d'être car elle n'est pas induite par le marché.
Nous vous invitons à lire l'ouvrage de Boldrin et Levine “Against Intellectual Monopoly” pour avoir de plus amples informations sur cette proposition.
Suppression des systèmes de protection sociale publique
Cette proposition émane aussi de certains libertairiens qui affirment que le système d'assurance maladie universelle garanti par l'Etat induit une déformation de marché regrettable. Ils reprochent à l'Etat de procéder à une forte baisse initiale des coûts des médicaments qui expliquerait l'impossibilité de supprimer la propriété intellectuelle dans un second temps. En somme sans système d'assurance maladie universelle le prix initial du médicament serait très élevé mais rapidement avec la production en libre concurrence les prix chuteraient fortement.
Cette proposition est à remettre dans un cadre plus générale de dérégulation économique et pour la majorité des acteurs de la controverse elle apparait contradictoire avec le fait que la question majeure du débat est celle de l'accès au soin.
PROPOSITIONS QUI AFFIRMENT QUE C'EST LE RENFORCEMENT DU MÉCÉNAT QU'IL SOIT PRIVÉ, PUBLIC OU INTERNATIONAL QUI PERMETTRA DE RÉSOUDRE LES DYSFONCTIONNEMENTS DU SYSTÈME EN MATIÈRE DE SANTÉ
Ces propositions affirment implicitement que le problème de l'accès au soin ne réside pas uniquement sur un système de propriété intellectuelle mais sur un marché de la santé inadapté aux lois classiques de l'économie. Ces différentes propositions induisent que le problème de fond n'est pas le système de propriété intellectuel et que l'essentiel est de favoriser des actions pragmatiques concrètes pour résoudre les problèmes existants.
Système de garantie de marché
Le système de garantie de marché est un contrat passé entre un laboratoire suite à un appel d'offre et un fonds public ou privé. A travers ce contrat le laboratoire s'engage tout d'abord à produire un vaccin à un prix fixé par les décideurs du fonds. Une fois le fonds épuisé le laboratoire s'engage à continuer à vendre le vaccin à un prix abordable pour le public visé; c'est à dire à un prix inférieur à celui initialement proposé par le fonds.
Conceptualisé par l'économiste Michael Kremer, le système de garantie de marché se distingue des autres propositions des chercheurs par son application pratique dans la production d'un vaccin contre les maladies à pneumoquoque suite à la mise en place d'un fonds international privé de plus de 1,5 milliard de dollars en février 2007. Avait participé à ce fonds la Russie, le Canada, l'Italie, la Norvège et la fondation Bill and Melinda Gates.
Cette proposition fait l'objet d'une vive attention et apparait comme une solution probable aux déficiences de marché par son mécanisme qui concilie lois du marché via l'appel d'offre et prise en compte des problèmes sanitaires par la création d'un fonds pour le vaccin et la promesse du laboratoire de vendre, une fois le fonds épuisé, ces vaccins à un prix abordable pour les marchés des pays pauvres.
Mécénat privé
Proposition qui affirme que c'est au mécénat privé -- c'est à dire à des initiatives personnelles d'organisations comme MSF, la Fondation Gates ou bien Oxfam -- de combler les déficiences du système de santé par des incitations extérieures au mécanisme de marché.
C'est en réalité à travers le mécénat privé que sont régulés les dysfonctionnements du système sanitaires à l'heure actuelle. L'exemple de l'action de Médecin Sans Frontières est illustratif puisque l'ONG française a soigné en 2010 plus de 160 000 patients atteints du VIH/ sida dans une vingtaine de pays et 29 000 personnes atteintes de la tuberculose. Les nombreuses actions isolées des ONG démontrent que le pragmatisme désorganisé prend le pas sur une refonte plus générale du système de la propriété intellectuelle en matière de santé.
Mécénat public et la coopération internationale
Le mécénat public, c'est à dire la coopération internationale en matière de santé, est une solution potentiellement prometteuse qui fait face en réalité à une absence de matérialisation concrète en dehors d'évènement ponctuel comme la mise en place par Michael Kremer d'une garantie de marché pour la production d'un vaccin contre les pneumocoques. L'incarnation de cette double réalité est l'évocation fréquente de la mise en place d'une taxe Tobin qui consisterait à taxer universellement les marchés financiers et de consacrer cette taxe internationale aux défis de la santé que sont la lutte contre le SIDA, le Paludisme etc. En réalité la mise en place de cette taxe semble être plus que compromise.
A l'heure actuelle la coopération internationale se cantonne à veiller à la stricte application des accords de l'ADPICS plus qu'à réfléchir collectivement aux réformes de fonds à mettre en place pour allier incitation à la recherche et problèmes sanitaires mondiaux.
Renforcer la Responsabilité sociale des entreprises
Le concept de Responsabilité Sociale des entreprises est multidimensionnel et vise à affirmer que les entreprises vont par elles mêmes se responsabiliser et agir positivement sur leur environnement respectif. Dans le cadre de notre controverse, la RSE induit que les entreprises pharmaceutiques ont un rôle positif par des actions de type mécénat afin d'améliorer les conditions sanitaires mondiales.
Cette proposition, proche du mécénat privé, vise donc à affirmer que ce sont les entreprises de santé qui vont naturellement produire des médicaments à bas coûts. L'idée étant que ces marchés n'étant pas accessible de toute façon une vente des médicaments au coût de production sur ces marchés est bénéfique pour l'entreprise en terme d'image. Il est vrai que les entreprises pharmaceutiques ont un rôle important en matière de lutte contre les problèmes sanitaires comme en atteste le rôle de Sanofi dans la lutte contre le Palu. Cependant, aussi louable qu'apparaissent ces actions qui démontrent bien qu'il ne faut pas caricaturer les activités des entreprises, ce mécanisme apparait incapable de résorber à lui seul les problèmes de santé.
Renforcement du pouvoir de monopole
Proposition formulée par plusieurs laboratoires pharmaceutiques qui souhaitent un allongement de la durée de monopole octroyée par les brevets. Ils justifient leur proposition par le constat de l’augmentation des coûts et de la durée de recherche après le dépôt du brevet.
Maintien et protection du système des brevets
C’est la position défendue par l’ensemble de l’industrie pharmaceutique des pays développés qui souhaite un maintien du pouvoir de monopole octroyé par les brevets et une limitation de la production de générique.
Transfert du pouvoir de monopole
Ce système consiste à inciter les firmes pharmaceutiques à mener des recherches pour les maladies délaissées : celles-ci pourraient transférer le droit d’exclusivité obtenu sur un autre médicament ou le revendre à une autre firme.
Droit de traitement prioritaire
Ce système consiste à inciter les firmes pharmaceutiques à mener des recherches pour les maladies délaissées en leur octroyant un droit de traitement prioritaire dans leurs futurs dépôts de brevets.
Système de garantie de marché
Le système de garantie de marché est un contrat passé entre un laboratoire suite à un appel d’offre et un fonds public ou privé. Le laboratoire s’engage à produire le vaccin au prix fixé par les décideurs du fonds. Une fois le fonds épuisé le laboratoire continue à vendre le vaccin à un prix adapté au public visé.
Mécénat privé
Donner une part plus importante au mécénat privé permettrait de combler les déficiences du système de santé par des incitations extérieures au mécanisme de marché.
Mécénat public
Cette proposition consiste en une coopération internationale en matière de santé. C'est une solution potentiellement prometteuse qui fait face en réalité à une absence de matérialisation concrète en dehors d’évènements ponctuels.
Promotion des licences obligatoires
Cette proposition pratique vise à limiter les effets négatifs des accords de l’ADPIC en facilitant la production de génériques pour le marché intérieur ou extérieur via l’obtention de licences obligatoires. Celles-ci permettront in fine de diminuer le prix des médicaments, notamment dans les pays en voie de développement.
Révision des accords de l’ADPIC dans le domaine de la santé
Cette proposition promeut la compétitivité afin de garantir l’accès au soin et le rattrapage technologique des économies moins développés par une étape d’industrie de la copie.
Système de fenêtre d’ouverture
Ce modèle théorique, formulé par Emeric Henry, propose de laisser à l’inventeur le choix entre un droit de monopole sur l’invention court mais exclusif ou un droit de monopole plus long mais que l’inventeur devrait partager si d’autres instituts de recherches trouvaient dans ce laps de temps une invention similaire.
Système hybride brevet/récompense
Ce système hybride consisterait à laisser le choix aux firmes pharmaceutiques entre bénéficier d’un brevet classique ou d’une récompense qui induirait une production en libre concurrence.
Système de récompense ex ante généralisée
Cette proposition vise à remplacer le système de brevet par un système généralisé de récompense calculée avant la distribution de l’invention. Ce calcul serait fondé sur l’évaluation des gains sociaux d’une nouvelle thérapie ou sur les pertes économiques entraînées par la maladie.
Système de récompense ex poste généralisée
Cette proposition vise à remplacer le système de brevet par un système généralisé de récompense dépendant du succès de l’invention. Le laboratoire à l’origine de l’innovation la rend accessible, ce qui entraîne une production concurrentielle du bien. En échange, la firme touche des royalties sur chaque médicament vendu.
Système de récompense hybride généralisée
Ce système concilie les deux modèles de récompenses. Le niveau de récompense serait composée d’une partie fixe, définie au préalable pour récompenser l’effort de recherche, et d’une partie variable définie a posteriori pour récompenser l’utilité réelle de l’invention.
Suppression des systèmes de protection sociale publique
Cette proposition affirme que le système d’assurance maladie universelle garanti par l’Etat induit une déformation de marché. Les libertariens qui la soutiennent reprochent à l’Etat de procéder à une forte baisse initiale des coûts des médicaments qui expliquerait l’impossibilité de supprimer la propriété intellectuelle.
Suppression de la Propriété Intellectuelle dans la santé
Cette proposition radicale vise à affirmer que la propriété intellectuelle n’a pas lieu d’être car elle est en tout point un obstacle à l’innovation et à l’accès au soin. Les économistes qui soutiennent cette proposition expliquent que les entreprises pharmaceutiques peuvent utiliser les outils « classiques », innovation et marketing, pour protéger leur invention avec les principes fondateurs d'innovation et de marketing.
Responsabilité Sociale des Entreprises
La RSE induit que les entreprises pharmaceutiques ont un rôle positif par des actions de type mécénat afin d’améliorer les conditions sanitaires mondiales.
Réduction des monopoles en matière de santé
Cette proposition générale matérialise les diverses critiques faites au brevet : celui-ci est accusé d’augmenter des coûts de l’accès au soin et de limiter les innovations.