Vous souhaitez avoir l’accès au compte Apple de Julie pour récupérer les musiques qu’elle a achetée. Malheureusement, les CGU d’Apple ne prévoient aucun héritage des données.

A la lumière des procès déjà intentés et de l’argumentation aiguisée d’Apple, vous ne pourrez rien faire, et nous allons vous dire pourquoi.

Tout cela tient d’abord au fait qu’Apple vend un droit d’exploitation de ses services, et non un droit de propriété. Lorsque vous achetez une musique sur I-Tunes, Apple vous donne accès au fichier, mais vous n’en êtes pas pour autant propriétaire. Dès lors vos héritiers ne peuvent demander l’accès à votre compte car le droit d’usage disparaît avec votre mort. Les conditions d’utilisation générales d’I-Cloud que vous signez en créant votre compte sont très claires:“Absence de transmission en cas de décès: Sauf obligation contraire imposée par la loi, vous acceptez que votre Compte est incessible et que tous les droits liés à votre identifiant Apple ou Contenu dans le cadre de votre Compte seront résiliés au moment de votre décès. Dès réception d’une copie d’un certificat de décès, votre Compte pourra être résilié et l’intégralité du Contenu de votre Compte pourra être supprimé.”

Cette approche en termes de droit d’usage et non de droit de propriété soulève des questions. Notre vie étant de plus en plus numérisée, et si ce modèle de droit d’usage promu par Apple s’étend à d’autres services, ne nous engageons-nous pas dans la voie d’une fin de la propriété, et dès lors vers une fin de l’héritage? En effet, si l’individu ne possède plus rien, que peut-il transmettre à ces descendants? Louise Merzeau soulignait ainsi l’importance de l’héritage et de la transmission dans notre société. L’émergence d’un Cloud tout puissant peut nuire à la transmission d’une culture si le travail d’archive est rendu impossible.

Par ailleurs Apple tient un discours strict sur le respect de la vie privée et utilise cet argument pour ne pas autoriser les héritiers à accéder aux données stockées dans le compte Apple de la personne décédée. Le droit français considère que la vie privée meurt avec l’individu, mais Apple a visiblement une autre approche.

Le Matin reporte le cas de Leonardo Fabbretti, un architecte italien qui a souhaité accéder aux photos stockées dans l’Iphone de son fils décédé. Il n’a pas le mot de passe nécessaire lorsque le téléphone a été éteint, mais son fils avait autorisé sa reconnaissance digitale (utilisable seulement si le téléphone est en veille). Il a donc écrit une lettre à Tim Cook le 21 mars 2016:“I think what’s happened should make you think about the privacy policy adopted by your company. Although I share your philosophy in general, I think Apple should offer solutions for exceptional cases like mine.”.

A ce jour il n’a pas obtenu gain de cause.