Date : Janvier 2010 à maintenant, cf.chronologie
Lieux : Ministère de la culture, Espace public,

Où en est-on au jour où se site s'achève ? Quelles sont les positions finales des acteurs, les questions sans réponse ? On ne peut que constater que nous n'avons pas trouvé de portes parole de la technique et se demander si cette controverse aura ou pas produit de l'ordre social.

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La promulgation de la loi nous a fait entrer dans ce qui sera pour nous l’épilogue : la phase de mise en application du dispositif. Au fil de la publication des décrets, on observe une redistribution des comportements et parfois des positions. Les acteurs commencent à porter un jugement final, certains considèrent leur rôle comme terminé, d’autres réorientent leur action. Les limites techniques (IP, sécurisation des réseaux : négligence caractérisée) reviennent sur le devant de la scène comme des interrogations.

POSITIONS FINALES DES ACTEURS

Les pouvoirs publics : les représentants des pouvoirs publics (Parlement, ministère) que nous avons pu interroger considèrent que leur mission législative est terminée. Bien entendu il reste à finaliser la mise en place, ce à quoi travaille le ministère de la Culture en préparant et en publiant les décrets d’application. Il en manque un, particulièrement important: celui définissant la négligence caractérisée et spécifiant quelles seront les conditions à remplir (logiciel de sécurisation...) pour ne pas être reconnu coupable de ce délit. Le Parlement quant à lui conserve une fonction d’évaluation et de veille sur ce sujet mais le cadre de droit est institué. Les pouvoirs publics considèrent avoir rempli leur rôle, au moins pour le moment. En effet, les acteurs que nous avons rencontrés sont pleinement conscients du caractère dynamique de ce secteur. Si l’on a pu parler de loi biodégradable en matière de bioéthique c’est le concept de mise à jour, voire de version de la loi qui peut apparaître ici si l’on file la métaphore informatique.

Les ayants droit de l’audiovisuel, de la musique et du cinéma : ils s’affichent plutôt satisfaits du dispositif qui va rentrer en application et se préparent à l’utiliser. Ils ont notamment déposé les demandes officielles auprès de la CNIL pour être autorisés à mandater des sociétés privées pour repérer les internautes en illégalité et donner ainsi les premières IP à l’HADOPI dès son entrée en fonctionnement effective.
Ils savent cependant que la situation peut très vite évoluer, les effets de la loi HADOPI vont peut-être être limités dans le temps (moyens de contournement plus accessibles, retombée de l’effet gendarme). Ils cherchent donc à optimiser l’exploitation de cette ”fenêtre de tir” pour développer les offres légales et proposer des solutions capables de faire changer définitivement le comportement des internautes. Pour les professionnels de la culture, le débat sur la loi HADOPI aura déjà été un moment important permettant de bien clarifier dans l’esprit des gens ce qui était légal et permettant peut-être l’installation de nouvelles pratiques, plus respectueuses du droit d’auteur.

Les associations d’internautes (Quadrature du Net, Parti Pirate...) : elles attendent avec impatience la définition précise de la négligence caractérisée pour pouvoir l’attaquer. En effet elle sera pour eux soit trop facile à contourner et donc inefficace (prouver que la loi HADOPI n’est pas une bonne réponse), soit très intrusive et liberticide et donc la cible potentielle de campagnes de protestation. Les représentants de ces associations considèrent qu’ils n’ont pas été entendus, ce débat a été une occasion manquée de faire progresser institutionnellement leurs idées. Ils se concentrent alors sur des controverses plus larges autour d’autres textes (comme la Loi LOPPSI) engageant les mêmes principes ou bien alors mettent leur expérience de ce débat au service de discussions similaires à l’étranger (Belgique, Royaume-Uni...).

Les experts, juristes : ils attendent eux aussi le contenu exact du décret sur la négligence caractérisée, sa définition progressive par la jurisprudence, et sont pour la plupart assez dubitatifs sur l’applicabilité de l’étape sanction. Les doutes quant à l’identification systématique entre adresse IP et personne physique réapparaissent de plus en plus forts.

Les internautes : la publication d’une première enquête par des universitaires Nantais permet d’avoir une première appréciation de l’évolution des comportements avant même l’entrée en application de la loi.

 

enquete contourner

On voit assez clairement que dans les interrogations persistantes les réserves initiales quant à l’utilisation de la technique resurgissent. Identification à partir de l’adresse IP, garantie de sécurisation de son réseau, applicabilité d’échelle... le rapport à l’économie et surtout au droit ne paraît pas très bien clarifié. Nous n’avons trouvé personne apte à nous donner des précisions substantielles sur les possibilités de rédaction du dernier décret. En effet nous n’avons pas trouvé au cours de notre enquête de portes paroles de la technique. C’est l’installation informatique d’un internaute lambda que nous aurions voulu interroger, mais malheureusement le dialogue avec cet acteur certes non-humain mais central n’a pas été possible.

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Ce site est terminé le 4 Juin 2010, les prochaines semaines devraient apporter des réponses aux questions restées en suspends. Il ne fait aucun doute que les positions vont encore évoluer, la cartographie que nous venons de faire ne va pas rester figée. La mise en fonctionnement du dispositif HADOPI passe par une mise à l'épreuve des questions techniques, ces masses manquantes vont donc être ré-intégrées de fait. On peut regretter qu'elles ne l'aient pas été pendant le débat.

Une controverse n'a pas besoin de trouver d'issue définitive pour être utile, elle peut produire de l'ordre social en tant que telle. Est-ce que cela a été le cas avec HADOPI ? L'informatique est une science créatrice comme l'écrit Gérard Berry, les discussions autour de la Loi Création et Internet ont eu la possibilité d'être un creusé dans lequel le droit se construit en interaction avec la technique dans un débat politique. Est-ce que cela a été le cas ? L'hypothèse que nous pouvons faire est que cette controverse a mis en lumière l'intérêt du public pour de tels sujets. Aucun acteur ne considère cette question comme définitivement tranchée. Il n'est plus évident pour personne qu'une seule vision d'Internet ou de la création existe. Il ne paraît plus possible d'imposer un modèle dans ce domaine du haut vers le bas (top-down) alors qu'Internet se construit justement par les terminaisons du réseau (end-to-end). Le débat n'est donc pas terminé il reprendra sous une forme probablement bien différente de celle dans laquelle le débat HADOPI a débuté.