Effets sublétaux & toxicité chronique :
Les effets
sublétaux et la toxicité chronique ne sont pas faciles à prendre en
compte. La
toxicité chronique correspond à une exposition quotidienne à des
faibles doses
de pesticides ou à une ingestion répétée de faible doses de pesticides.
La
durée de vie de l'insecte est ainsi raccourcie. Les effets sublétaux,
quant à
eux, produisent des effets néfastes qui sur le long terme conduisent à
la mort
de l'abeille. La molécule ne fait pas mourir directement l'abeille mais
affecte
son comportement et sa physiologie. L'abeille en tant qu'insecte social
subit
ainsi des troubles importants du comportement et une désorientation qui
ne lui
permet plus toujours de revenir à la ruche. L'abeille ne meurt pas au
contact
immédiat de la molécule mais les troubles du comportement, de la
physiologie ou
de la respiration entraînent une mort différée.
Jean-Noël Tasei insiste
sur la difficulté de la prise en compte de
ces troubles et ce notamment au niveau européen. Une évaluation du
risque
prenant en compte les effets sublétaux pose problèmes. L'évaluation du
risque
doit en effet concerner la colonie entière alors que la manipulation
d'abeille
en laboratoire atomise la colonie en individus autonomes. La précision
des
manipulations de laboratoire ne correspond en rien à la réalité de la
vie de
l'abeille en colonie. Il apparait alors délicat de faire le lien entre
l'abeille dont le comportement est affecté par l'insecticide et la
colonie
prise dans son ensemble. Seule la désorientation permet d'estimer un
taux de
perte dans la mesure où l'abeille désorientée ne rentre pas à la ruche.
Au
niveau européen, les effets sublétaux ne sont pas pris en compte dans
la mesure
où aucune méthodes standard ne le permet.
Les effets sur
les œufs et les larves
Selon
Waller, G.
D. Barker, R. J. [1], l’absorption
de sirop
contaminé par 1 mg/kg de diméthoate provoque un arrêt de l’éclosion des
œufs. De
nombreux scientifiques convergent sur le fait que des concentrations de
0,1 à
0,2 mg/kg d’acéphate et de diméthoate dans le sirop conduisent à des
troubles
du développement larvaire et une réduction du couvain.
Les effets
sublétaux ne concerneraient que les abeilles adultes
Un grand nombre
de scientifiques[2] pensent que
l’acéphate
et le diméthoate engendrent des effets létaux sur larves alors qu’aux
mêmes
concentrations, il n’y a pas de mortalité chez les adultes. Cela doit
être du
au fait que les ouvrières peuvent transporter 20 à 25 fois la DL50
mais régurgitent 95% de la
nourriture contaminée, ne consommant ainsi que des doses sublétales.
Les
principaux effets sublétaux signalés sont :
a.
La
réduction de la consommation de sirop "contaminé"
par
l'imidaclopride (0,003 mg/kg) [3]
- le sulfoxyde
d'aldicarbe (3mg/kg) [4]
- par
l'acéphate (0,25 mg/kg) [5]
b. la réduction
de la ponte de la reine
lorsque la colonie est nourrie d'un sirop à 0,2 mg/kg de diméthoate et
l'arrêt
de la ponte lorsque la concentration atteint
- 0,4 mg/kg de
ce produit [6]
- ou 0,5 mg/kg
de méthamidophos [7]
c.
l'affaiblissement du réflexe d'extension
conditionnée de la langue (E.C.P.) lorsque le sirop alimentaire est
contaminé
avec 0,012 mg/kg d'imidaclopride selon la Commission d'Etude de la Toxicité
des Produits
antiparasitaires
d. l'altération
de la communication sociale
(montrée par les danses d'ouvrières sur les rayons) dans le cas d'un
sirop
contaminé à 0,02 mg/kg d'imidaclopride selon
la Commission d'Etude de la Toxicité
des Produits
antiparasitaires.
Les
effets sublétaux désignés par les apiculteurs
sont surtout l’activité de butinage (Dr. M.E. Colin / INRA),
les
performances de la mémoire olfactive (Dr. M.H. Pham-Delègue /
INRA), la
communication dans la ruche et les capacités d’orientation (Prof. W.
Kirchner / Univ. Konstanz - Allemagne).
Pour les apiculteurs,
ces doses sublétales sont inadmissibles car elles ont les mêmes
conséquences de
dépopulation des ruches (en cas de désorientation), de fâcheuses
conséquences
sur l’environnement et la production (des tremblements, des chutes des
abeilles
rendent inefficaces la pollinisation). La coordination des
Apiculteurs de
France a assuré que ces concentrations générant des effets
sublétaux sont
susceptibles d’être rencontrées par les abeilles sur le terrain,
notamment par
le butinage de tournesol et maïs traité à l’imidaclopride. L’apiculteur
professionnel de Vendée, Franck Aletru, regrette que des
substances actives
aux effets sublétaux puissent être perçues comme conformes, tandis que
les producteurs
de pesticides omettent les effets sublétaux, ne les intégrant
pas à leur
discours.
[1]Waller, G. D. Barker,
R. J., Effects of dimethoate on honey
bee foraging, Chemosphere, 1979
[2]Davis,
A. R. Shuel, R. W. Invisible damage to
honeybee colonies from pesticides, Canadian Beekeeping, 1985
Davis,
A. R. Solomon, K. R. Shuel, R. W., Laboratory
studies of honeybee larval growth and development as affected by systemic
insecitices at adult-sublethal levels, Journal of Apicultural Research,
1988
Davis, A. R. Shuel, R. W. Distribution
of C14-labelled carbofuran and dimethoate in royal jelly, queen larvae and
nurse honeybee, Apidologie, 1988
FergusonF., Long term effects of systemic pesticides
on honey bees. Bee keeping in the year 2000 Procedings of the second
Australian and International Beekeeping Congress, 1988)
Fiedler,
L. Acephate residues after pre-blossom
treatments : effects on small colonies oh honey bees. Bulleton of
Environmental Contamination & Toxicology, 1987
Stoner,
A. Wilson, W. T. Harvey, J. Acephate :
effects on honey bee queen, brood and worker survival, American Bee
Journal, 1985
Waller,
G. D. Barker, R. J., Effects of
dimethoate on honey bee colonies, Journal of Economic Entomology, 1979
[3]Commission
d'Etude de la Toxicité
des Produits antiparasitaires, Avis
relatif aux effets de l'insecticide Gaucho à base d'imidaclopride, sur les
abeilles, 11 avril 2001
[4]Nigg, H. N. Russ, R. V. Mahon, W. D. Stamper, J. H. Knapp, J. L. Contamination of sucrose solution with
aldicarb sulfoxide inhibits foraging by honeybees Journal of Economic
Entomology, 1991
[5]Fiedler L., Assessment of
chronic toxicity of selected insecticides to honeybees, Journal of
Apicultural Research, 1987
[6] Lensing W., Changes in honeybee
workers after feeding them with subletal doses of dimethoate,
Apidologie,1986
[7]Ferguson F., 1998, Long term effects of systemic pesticides
on honey bees. Bee keeping in the year 2000 Procedings of the second
Australian and International Beekeeping Congress, 1988
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