Ces acteurs sont des spécialistes de l'analyse de cycle de vie. A l'instar des scientifiques, ils cherchent à produire l'analyse la plus complète possible, en essayant de prendre en compte tous les points significatifs. Leurs exigences sont l'application stricte des normes ISO, la transparence du rapport et la présence d'une revue critique. Cependant ils doivent répondre aux commandes de leurs clients (cf. Producteurs de biocarburants, cf. ADEME), qui fixent des objectifs précis limitant l'ACV. Ainsi ils sont parfois obligés de laisser de côté certains points qu'ils auraient aimé traiter, car ils sont trop complexes pour certaines commandes.
La première entreprise française spécialisée en ACV est Ecobilan, fondée en 1990. Elle a été rachetée il y a plus de 10 ans par le groupe PricewaterhouseCoopers, cabinet de consulting international. En 2002, le premier rapport de l'ADEME (cf. ADEME) avait pour objectif d'effectuer une ACV des biocarburants. Celui-ci a été effectué par Ecobilan et c'est à cette occasion que s'est posée pour la première fois la question de l'évaluation de l'impact des biocarburants.
L'autre grande entreprise effectuant des ACV en France s'appelle BIO Intelligence Service (Bio IS). Depuis plus de 20 ans elle utilise l'ACV comme méthode de référence pour évaluer l'impact environnemental, et c'est cette entreprise qui a été chargée du rapport de l'ADEME de février 2010 (cf. ADEME).
Isabelle Spiegel, de l'entreprise Ecobilan, applique le plus strictement possible les normes ISO lorsqu'elle effectue une ACV. Sur la prise en compte des coproduits (cf. Coproduits), la norme donne l'ordre des méthodes à appliquer. Si la première méthode listée - la méthode par substitution - ne fonctionne pas, alors seulement on peut passer à la méthode par allocation, qui peut être massique ou énergétique, et enfin à la méthode économique. Cependant il y a des limitations fortes à la méthode par substitution, l'incertitude sera de l'ordre de 30%, au lieu de 20% pour une autre méthode. En effet on ne collecte jamais l'ensemble des données mais on fait des approximations sur les produits à substituer, les impacts évités ce qui augmente considérablement la marge d'erreur. En plus lorsqu'on effectue une substitution on se projette dans un marché où le coproduit qu'on substitue n'existerait pas, et dont la production pourrait être arrêtée à n'importe quel moment, ce qui est faux.
Le problème des changements directs des sols (cf. CASD) n'existait pas il y a quelques années en France car on cultivait sur des surfaces en jachère. Cependant le problème peut se poser si l'objectif politique augmente. Pour 10% d'incorporation, qui est l'objectif aujourd'hui, les terres en jachère en Europe ne suffisent pas et il faut importer une partie de la production. Les scientifiques de l'INRA ont néanmoins des modèles qui tournent sur le sujet, ce changement peut donc être pris en compte.
Le changement indirect des sols (cf. CASI) n'a pas été inclus dans l'étude de l'ADEME même s'il est possiblement le facteur discriminant. En fait, il est très complexes de l'étudier et c'est clairement une des limites de l'ACV. Les problématiques qui y sont liés sont nombreuses : déforestation, biodiversité, équilibre alimentaire mondiale... Et il n'y a pas encore de modèle qui pourrait les prendre en compte de façon précise. Des études au niveau européen sont en train de se faire mais elles sont à prendre avec précaution car il va falloir vérifier toutes les hypothèses prises. Le JRC (Joint Research Center à la Comission européenne) (cf. UE) ne souhaite pas communiquer les premières valeurs des rapports car elles pourraient être très élevées.
Les données collectées et utilisées (cf. Collecte des données) dans les rapports d'Ecobilan sont issues des bases de données agricoles et industrielles. Selon l'objectif, il s'agit de moyennes entre différents sites de production, ou bien de moyennes site par site. Dans une ACV à l'échelle de la France, il faut collecter les moyennes des différents acteurs représentatifs des consommations sur le marché. Il faut aussi raisonner par régions car les grandes régions agricoles n'ont pas les mêmes caractéristiques. Les moyennes permettent de donner un ordre de grandeur des données, qui va ensuite être affiné. Chaque nouvelle ACV est encore plus précise au niveau des données.
Les effets de toxicité et des particules sont très peu abordés (cf. Effets sur la santé) dans la plupart des études. Ecobilan a cherché à les prendre en compte, en les ramenant à des externalités. On consomme plus de biocarburant que de carburant classique pour le même nombre de kilomètres, la question se pose alors de savoir si on émet plus de particules. Et sur ce sujet les études se contredisent, c'est un point encore émergent. Des méthodes de calcul existent mais elles sont diverses et parfois contradictoires.
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Sites internet :
Ecobilan
BioIS
Entretien :
Isabelle Spiegel, Ecobilan