Interview de David Jobin, Directeur général d'Interbrand et spécialiste de la marque
1. Sciences Po est-il une marque ?
Oui, Sciences Po est une marque. Elle a des attributs de marque. En effet, elle créé une envie de la préférer et les étudiants l’évaluent supérieurement par rapport à d’autres écoles.
Un diplôme marqué Sciences Po est mieux qu’un diplôme marqué université d’Angoulême, et ce parce que Sciences Po a un héritage et une réputation d’école qui forme des élites et des demi-élites capables de traiter beaucoup de sujet . Historiquement c’est une école qui forme des fonctionnaires. Sa réputation récente est de s’ouvrir au monde moderne. Elle garde donc son héritage tout en entretenant un dynamisme de modernité. Cette démarche est positive, malgré le fait que Sciences Po reste une petite école par rapport à des universités américaines ou anglaises. Elle a comme autre attribut de marque une forme de singularité : sa situation dans un centre-ville, une scolarité publique à prix raisonnable, mais une réputation qui reste insuffisante au niveau international...
Sciences Po fait un effort louable d’organiser son architecture de marque. Elle a réuni les appellations Institut d’Etudes Politiques, Fondation Nationale des Sciences Politiques, Sciences Po sous le nom sympa Sciences Po. Ce regroupement renforce le nom Sciences Po sur toutes ses offres et cible mieux les étudiants, les chercheurs, les journalistes, les professionnels.
Sciences Po est donc clairement une marque en devenir. Cependant, à travers le prisme de la concurrence, on voit bien qu’il manque une caractéristique principale de la marque , c’est à dire cette concurrence. Il y a concurrence entre écoles, mais Sciences Po ne vit pas exclusivement du revenu des étudiants.
2. Une université a-t-elle intérêt à se développer en tant que marque ?
Oui, une université a clairement intérêt à se développer en tant que marque, car la tendance va se renforcer et la concurrence entre les universités sera mondiale. Il faut peut être envisager que bientôt les universités seront complètement privées et sponsorisées par des entreprises. Pour Sciences Po, la limite est la dimension de service public. Tant que le gouvernement aura besoin de Sciences Po, le rôle du privé sera toujours limité. On aurait pu par exemple envisager des formations entièrement anglophones pour des clientèles intéressées ( ex : Golfe persique , Chine ), ce qui pour l’instant ne peut pas exister à Sciences Po.
3. Interbrand pourrait-il un jour faire le classement des universités ( un des critères pourrait-être la représentation dans les médias ) ?
Ce ne serait pas le classement des universités, mais le classement des marques des universités. C’est une très bonne idée. Evidemment, les critères seront plus difficiles à quantifier. Ce pourrait être la singularité, la qualité du corps professoral, la notoriété ( la représentation dans les médias ), le rayonnement national et international, l’apport d’imaginaire, comme par exemple la Sorbonne. On ne peut pas vraiment se baser sur des éléments financiers, c’est donc difficile d’évaluer ces marques de manière quantitative. On peut très bien imaginer qu’un cabinet d’audit s’en charge au sein d’Interbrand.
4. Une agence de communication a-t-elle déjà fait la publicité d’une université ?
On a les cas de l’ESSEC dont la publicité a été faite par Hémisphère ( « My business attitude ») ou HEC avec Ogilvy. Mais comme pour les journaux, c’est très dur de faire la publicité d’une école. Généralement, les écoles font de la pub sur des sujets très marginaux, c’est à dire sur une formation particulière pour recruter une cible précise. Le budget investi est infime, et ça ne fait pas de l’école une marque. Il ne faut pas oublier que les écoles françaises sont très petites par rapport aux universités américaines, et il en va de même pour les fonds. Il faut voir comment les écoles américaines font leur pub, car elles ont bien plus de moyens que les établissements français.
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