« La proposition de Licence globale intervient dans un contexte de bouleversement du marché de la musique à l'échelle mondiale. Nous avons décidé de consacrer notre étude au marché français. En France comme ailleurs, le marché de la musique s’était progressivement stabilisé et organisé autour de la distribution de supports matériels de diffusion : le disque vinyle, puis la cassette et, depuis environ vingt ans, le CD. La production et la commercialisation de la musique passaient le plus souvent par les majors du disque et suivaient une chaîne de financement définie. Les maisons de disques se chargeaient de découvrir des talents et assuraient les 4 étapes fondamentales de production des œuvres musicales : l'édition d'un master, la production industrielle des CD, la promotion de l'œuvre et sa commercialisation. L'étape suivante était la vente au public. Dans ce contexte, un support musical, le CD, était vendu à un acheteur, ce qui engendrait une somme donnée pour les maisons de disque. Ce point de contact entre l'industrie du disque et le public était aussi le point d'extraction majeur de valeur économique dans cette chaîne.
Autour des années 2000, l'émergence et la démocratisation d'Internet alliés à la dématérialisation des supports perturbent cette chaîne bien établie et le marché de la musique dans son entier. Fin 2010, 64% des Français possèdent une connexion internet, dont 9/10 en haut débit. Et certaines études estiment qu’en 2011, 49% des Français auraient déjà pratiqué le téléchargement illégal. Bien sûr, au cours de son histoire, l'industrie du disque a déjà subi plusieurs mutations, dues notamment à l'apparition de nouveaux supports comme la cassette audio ou le disque vinyle. Mais, cette fois, ce sont les fondements même de l'industrie qui sont ébranlés.
Tout d'abord, avec le téléchargement, qu'il soit légal ou non, l'importance de la production industrielle est relativisée.
En parallèle, des liens directs entre les artistes et le public se créent : des sites Internet, comme Mymajorcompany, permettent au public de financer lui-même la production d'un artiste, sans passer par une maison de disque. En outre, certains artistes assurent eux-mêmes promotion et commercialisation de leurs œuvres par Internet. Le rôle des maisons de disque est donc parfois atténué, ce qui fragilise leur modèle économique.
De plus, certains acheteurs de musique numérisent les œuvres et les mettent à disposition sur Internet. Ces œuvres, qui peuvent désormais être copiées sans perte de qualité, circulent entre les internautes sans création de valeur économique pour les ayants-droit de la musique. D'après les maisons de disque, le phénomène du piratage serait responsable d'une crise du marché du disque qui menacerait l'avenir de la création. Ainsi, selon elles, le marché du disque français aurait perdu plus de 50% de sa valeur entre 2002 et 2008.
Avec la loi DADVSI, adoptée au Parlement français en juin 2006, et la loi Création et Internet, dite HADOPI, adoptée en mai 2009 et complétée en septembre, les pouvoirs publics ont tenté à plusieurs reprises de préserver l’ancien système en empêchant le développement du téléchargement illégal, sans y parvenir.
Des propositions alternatives, sous le nom générique de licence globale ont été avancées en 2006 comme en 2009, mais ont été à chaque fois écartées. Concernant d'abord toutes les créations audiovisuelles susceptibles de numérisation, la licence globale a été pratiquement restreinte à la musique pendant les débats législatifs. Elle prétend instaurer un nouveau modèle économique permettant le financement de la création dans le monde numérique, et par conséquent la stabilisation d'un marché de la musique reconfiguré par les nouveaux modes de distribution de la musique. Pour ses défenseurs, elle incarne la seule solution adaptée aux modes de consommation d'une société de plus en plus « numérique ». Pour ses détracteurs, elle se heurte à des difficultés insurmontables dans sa mise en œuvre pratique et entrainerait des conséquences néfastes pour l'ensemble des acteurs de la chaîne économique de la musique.
De plus, l’expression « licence globale » recouvre des propositions qui diffèrent parfois sensiblement. En quoi consistent-elles ? Pourquoi la licence globale revient-elle sans cesse, sous des formes variées, dans le débat sur la création musicale à l’ère du numérique ? Est-elle une solution applicable pour pallier les problèmes du financement de la musique ? Pourquoi déchaîne-t-elle les passions, faisant s’affronter forces politiques, économiques et intellectuelles ?
Ce site est là pour cartographier la controverse et vous aider ainsi à vous forger votre propre avis sur le sujet.