Christian Walter



Christian Walter appartient à la fois au monde universitaire, il est enseignant est chercheur associé au CEFRA de l'EM Lyon, et au monde des professionnels de la finance, puisqu'il est également conseil en finance (gérant associé de H et W conseil), et spécialisé dans la gestion de portefeuille. Il a notamment travaillé sur les processus de Lévy et sur la performativité de la modélisation financière. Il a publié, outre de nombreux articles et ouvrages collectifs, Le virus B. Crise financière et mathématiques (avec M. de Pracontal) en 2009, Critique de la valeur fondamentale (avec Eric Brian) en 2007, et Les marchés fractals (avec Jacques Lévy Véhel) en 2002.

Christian Walter est très critique envers le modèle Brownien, qui conduit selon lui à une forte sous-estimation des risques, par le biais d'une vision brownienne de l'incertitude. Il critique d’abord l’hypothèse de continuité. Il souligne ainsi est que les cotations des valeurs, sur lesquelles sont formés les modèles, sont par nature discontinues, puisque par exemple, il y a un saut de temps entre la valeur à la fermeture et à l'ouverture des marchés (la nuit). Alors que dans les hypothèses browniennes, même si les cotations sont discontinues, on considère qu'il y a une limite continue à l'infini, ce qui n'est pas le cas dans une vision non brownienne où les limites sont discontinues même à l'infini. Pour lui, c'est là un des points clefs de la distinction entre brownien et non brownien.
Cette vision brownienne retire aux vecteurs humains leurs rôles : elle réduit l'espace de décision qui reste aux acteurs, et augmente en même temps la place du calcul, justement pour gagner du temps, et se rapprocher de ce temps continu, sans pour autant l'atteindre. Ainsi, « l'action tombe directement du calcul », et réduit le temps de la décision, pour finalement aboutir, selon Walter, à des « automates déshumanisés ».
Pour Christian Walter, le modèle brownien conduit ainsi à une sous-estimation des risques, en constituant une véritable vision de l’incertitude. Le point crucial est donc la performativité du modèle brownien, ce que Christian Walter appelle le virus B, dans le livre éponyme paru en 2009 en collaboration avec M. de Pracontal. Les hypothèses probabilistes browniennes ont préformé l’ensemble de la finance, et conduisent à une certaine vision de l’incertitude.
Une des conséquence de la performativité est notamment l’influence sur les normes prudentielles. Celles-ci sont établies avec ce modèle en toile de fond,  et ne peuvent justement pas être réellement efficaces, ce qui de nouveau entraîne une sous-évaluation du risque.
Pour comprendre l'ampleur de la sous-estimation des risques du modèle brownien, Christian Walter et Michel de Pracontal dans Le virus B, font un parallèle avec la circulation routière : si une voiture respecte les limitations de vitesse, mais que le compteur n'indique pas la bonne vitesse, il y a un accident, malgré le respect de la limitation de vitesse, qui pourrait alors être assimilée à la règle prudentielle, tandis que le compteur correspondrait à l'évaluation des risques. Ainsi, pour Christian Walter il est difficile d'accuser les acteurs d'avoir eu un comportement défaillant si même les règles prudentielles sont pathogènes.

Dans le modèle brownien, originellement la modélisation du mouvement aléatoire de grains de pollens, les fluctuations, ici des grains de pollens, se font autour de la position de départ, et restent centrés autour de cette position, même s'ils peuvent aller dans tous les sens. C'est ce qui fait, pour les critiques du modèles brownien, dont Walter que les marchés ne voient pas les crises, et qu'ils sous-estiment les risques. Il faudrait alors plutôt modéliser un « hasard sauvage ». Christian Walter, en contestant l'idée même d'un « hasard sage » met notamment en cause l'idée brownienne de trouver des moyennes sur les grands nombres, et donc des risques moyens, des écarts moyens, des consommateurs moyens, idée séduisante, mais dangereuse.

Un des exemples donnés par Walter est l'étude menée par F. Quitard-Pinon et O. Le Courtois, qui ont recalculé un ensemble de probabilités de défaut de paiement qui avait été établies par l'agende de notation Moody's, de 1920 à 1996 avec le processus de Lévy, et qui sont arrivés à la conclusion que le risque de faillite prévu sur le court terme avec le processus de Lévy, et non un modèle brownien, était jusqu'à cinq fois plus élevé que celui prévu par Moody's, alors que, en comparant les prévisions obtenues avec le processus de Lévy et les données historiques, on peut se rendre compte que cette méthode de calcul n'exagère pas les risques.

Il y a donc bien à la fois une invalidation du modèle brownien, et la preuve que certains modèles alternatifs peuvent être plus pertinents dans l'évaluation des risques, et cependant, c'est ce modèle qui demeure, comme si le modèle brownien imprégnait tellement le cadre de pensée de la finance qu'il n'est pas possible de le remettre en cause, et encore moins de s'en passer.
C'est donc la croyance brownienne sur l'incertitude qui préforme le social, et les pratiques professionnelles dans la finance, et C. Walter souligne notamment que malgré par exemple la crise de 1987, le modèle brownien a été conservé. Une des critiques qui est également soulevée, par C. Walter est celle de la trop grande croyance dans la 'vérité des maths'. En effet, on peut oublier parfois que les modèles mathématiques sont fondés sur un certain type d'hypothèses, et qu'ils fonctionnent si ces hypothèses sont respectées. Il souligne de plus l’importance, dans la montée en puissance du brownien, de la facilité à utiliser certains modèles comme Blacks-Scholes.

Pour C. Walter il faudrait donc changer de paradigme, et abandonner le brownien, puisqu'en raison de sa performativité, ce modèle n'a pas une influence uniquement au niveau des équations qui nécessitent ses hypothèses, mais également dans la vision commune de l'incertitude, de l'image que le monde financier, politique, … a de l'incertitude, qui est donc biaisée. En effet, pour lui, la règlementation prudentielle elle même est reliée aux hypothèses probabilistes browniennes. C'est ce qu'il appelle le  « Virus B », ou virus brownien, qui contamine même les normes, qui en deviennent pathogènes. Il compare les divers ajustements du modèle brownien à l'épisode des épicycles de Ptolémée (où de même les modèle était régulièrement modifié à la marge pour mieux correspondre aux nouveaux calculs empiriques qui étaient faits, alors qu'il a fallu, au bout d'un moment, changer de paradigme, car le modèle constamment modifié, ne correspondait finalement plus du tout aux observations). Par ailleurs, C. Walter souligne le phénomène d'inertie qui interviendrait dans une remise en cause du modèle brownien : la majorité des acteurs de la finance sont imprégnés de cette vision, ce qui a des conséquences sur leur manière de penser, de travailler, sur leur organisation, et changer tout cela serait un bouleversement, il faudrait changer les modèles bien sûr, mais aussi les systèmes, les formations, etc. cette remise en cause serait donc particulièrement difficile à grande échelle, mais des modèles non browniens sont toutefois utilisés, de manière marginale, par certains acteurs financiers, dont Christian Walter lui-même.

Applications professionnelles:

Christian Walter utilise des modélisations non browniennes dans le cadre de sa société de conseil en finance, HetW Conseil, puisqu'il utilise notamment la théorie des valeurs extrêmes pour évaluer les risques. Il construit également des portefeuilles concentrés sur quelques titres (au contraire de la théorie de Markovitz qui vise à diversifié les portefeuilles d'actifs) et fait de la gestion d'un portefeuille par des processus de Lévy.