ÉCHEC ET MATHS?

A-t-on encore besoin de la modélisation brownienne en finance?

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La controverse sur la modélisation brownienne des risques, en raison de la technicité qu’elle engage et de ses conséquences sur les marchés et dans la sphère de la régulation, circule entre différentes arènes. Les acteurs qui y prennent part peuvent donc interagir à différents niveaux, ce qui est particulièrement le cas pour les universitaires qui travaillent sur la question, ayant la plupart du temps un ancrage sur les marchés en tant que conseiller ou investisseur. Les outils passent donc eux aussi d’une arène à l’autre, les universitaires et d’autres acteurs du marché, mais aussi le régulateur, pouvant reprendre à leur compte des outils développés par ces premiers.

L'ARÈNE UNIVERSITAIRE
Le modèle brownien et ses dérivés en finance suscitent d’intenses débats dans le monde universitaire. Qu’ils s’appuient nommément sur les travaux des uns et des autres, débattent dans des colloques, comme ce fut le cas dans les années 90 avec une altercation entre Jean Philippe Bouchaud et Nicole El Karoui lors d’un colloque à l’ENS, ou se répondent pas publication interposée ; les universitaires sont les plus à même de débattre du sujet en raison de sa grande technicité. Ainsi, le débat théorique sur la pertinence de la modélisation brownienne est entre leurs mains, les acteurs des marchés déléguant la connaissance technique aux « polytechniciens » qui construisent les modèles. Ceux-ci discutent les hypothèses des modèles, leur pertinence par rapport aux variations réelles, mais proposent aussi des outils et des modèles alternatifs, qui pourront être testés sur les marchés, comme c’est le cas par exemple de la modélisation s’appuyant sur les données haute fréquence de J. P. Bouchaud, qu’il utilise dans sa propre pratique de gestionnaire.
Nicolas Bouleau
Rama Cont
Stéphane Jaffard
Laurent Lafforgue
L'ARÈNE DES MARCHÉS
Sur les marchés se joue un autre aspect de la modélisation brownienne des risques qui est sa stabilisation. Les modèles mathématiques complexes, dont la connaissance est reléguée aux mathématiciens, font alors face à une approche plus fondamentale du la valeur des actions, proposée en particulier par les analystes financiers. Cette recherche de la valeur juste est donc une méthode concurrente d’action sur les marchés. On observe cependant que l’utilisation des modèles mathématiques est massive, et que leur implantation dans de nombreux outils, tels que la méthode de Black et Scholes ou la VaR par exemple, en font le fondement des marchés contemporains. Le modèle mathématique sert aussi à construire des programmes informatiques de plus en plus présents dans le quotidien des marchés. Ainsi, aujourd’hui, les modèles de high frequency trading gèrent 40% du volume du NASDAQ, or ce sont des programmes d’anticipation des réactions communes des divers acteurs du marché afin de réaliser de petits gains à chaque opération, et ce sur un très grand nombre d’opérations au quotidien. Ces modèles adoptant tous les mêmes comportements au même moment, ils sont dénoncés par un analyste financier comme des accélérateurs d’instabilité en cas de situation inattendue. Cette pratique est ainsi dénoncée par un analyste financier comme vecteur d’instabilité par sa nuisance permanente à l’encontre des actions des acteurs réels. Nicole El Karoui aborde aussi ce problème de l’informatisation sous l’angle de la vitesse de réaction attendue pour les programmes, de l’ordre de la seconde, ce qui implique d’avoir des programmes efficaces et simples, ce que les modèles alternatifs de modélisation des risques ne sont pas en mesure d’offrir actuellement. Ainsi, au-delà du débat universitaire sur la pertinence empirique du modèle, les habitudes, l’importance des outils usuels comme un  langage commun et le coût d’une modification de ces outils sont des paramètres non négligeables de la controverse, comme le souligne Nicole El Karoui. L’implantation d’outils développés hors du cadre brownien constitue donc un enjeu majeur pour les universitaires et pour les autres acteurs des marchés.
Nicole El Karoui
Jean-Philippe Bouchaud
Nassim Nicholas Taleb
Analyste Financier
Master Finance & Stratégie
Christophe Vignix
Benoit Mandelbrot
Christian Walter
L'ARÈNE DE LA RÉGULATION
La réglementation induit nécessairement des comportements et des pratiques. Les choix faits en la matière peuvent donc se relever déterminant pour la controverse présente. Or, si cette réglementation s’est relativement désintéressée de la question, prenant appui sur les outils classiques- et donc browniens- sans réelle innovation à ce sujet, cette situation est en train d’évoluer selon B. Mandelbrot. Il cite en effet le bureau des standards de la comptabilité financière américaine (FASB), qui face à la question de l’évaluation des stock-options attribuées aux dirigeants, a effectué de nombreuses auditions et a étendu début 2004 la liste des méthodes d’évaluation au delà de la traditionnelle méthode de Black-Scholes. Les nouvelles méthodes incluses dans les marchés, regroupées sous l’acronyme GARCH (Generalized Auto-Regressive Conditional Heteroskedasticity), sont un ensemble d’outils statistiques permettant de modéliser des données dont les variabilités évoluent dans le temps. S’appuyant sur un modèle brownien, il l’ajuste cependant quand la volatilité augmente afin d’élargir la courbe en cloche : elle s’ajuste en fonction de la volatilité. Les modèles FIGARCH permettent une prise en compte en plus de la dépendance des prix. Ainsi, si l’on n’est pas passé à des normes fondées sur le non-brownien, comme le préconiserait C. Walter par exemple, le modèle brownien est cependant ajusté à la marge. Il semblerait également que les régulateurs, tant au niveau européen qu’au niveau français, cherchent quelque peu à réfléchir à de nouvelles formes de régulation, qui pourraient éventuellement s’inspirer de modèles non-brownien.
Régulateurs Européens
FASB
Bercy