La presse et les jeux vidéo en France
Compte-rendu et synthèse des entretiens
Quand on parle de la presse vidéoludique, on fait référence à deux réalités bien distinctes, aux enjeux éditoriaux, économiques et politiques très spécifiques : les rubriques jeux vidéo des médias généralistes d’une part ; et les journaux et sites spécialisés dans les jeux vidéo d’autre part.
La presse spécialisée
Site de jeuxvideo.com (2016)
Le milieu des médias spécialisés dans le jeu vidéo en France est ultra-dominé par un site internet, leader européen de l’information sur les jeux vidéo : jeuxvideo.com. Les autres sites et les publications papier, en crise pour la plupart, vivent dans l’ombre de jeuxvideo.com et s’adressent à des niches éditoriales restreintes.
En France, il y a jeuxvideo.com qui est le premier site européen du jeu vidéo et après il y a d’autres sites, type Gameblog, Gamekult, mais le rapport est de 1 à 10. Eux, ils ne sont pas sur le même créneau, ils sont obligés de changer.
Jeuxvideo.com est un site gratuit, qui vit de la publicité faite par les grands éditeurs de jeux vidéo sur son site. Sa logique éditoriale est d’être “attrape-tout” - l’expression est de Laurent Checola - pour maximiser son audience, et donc ses revenus. Le coeur du site réside dans la “hard news” et les vidéos de jeu, mais jeuxvideo.com traite également de manière plus sporadique de l’e-sport, d’actualité économique ou de jeu expérimental, parfois en association avec des médias plus généraliste, comme dans le cas de l’émission Let’s Play, d’Arte Créative. Cette orientation éditoriale a été encore accentuée avec le rachat de jeuxvideo.com par Webedia, spécialiste de l’”infotainment” et déjà propriétaire d’Allociné ou 750g, en juin 2014.
1ère vidéo de la série Let’s Play (2015)
Le modèle économique de jeuxvideo.com repose sur deux piliers : les publicités des grands éditeurs de jeux, et la fréquentation du site. Cette dépendance financière influe fortement sur le contenu éditorial : les articles ne sont que rarement critiques envers les jeux vidéo et les créateurs, parce que le risque de perdre un budget publicitaire est trop grand.
Tu as une presse purement business, qui fait du fric. Tu as un article élogieux d’Ubisoft, une pub d’Ubisoft. Un article élogieux de Quantic Dream, une pub Quantic Dream. Mais il y a la même chose dans la mode.
Cette situation, généralisée dans l’univers de la presse vidéoludique spécialisée durant les années 2000, a été mise sur le devant de la scène par le Doritos Gate en 2012, lorsque des industriels du jeu vidéo et des journalistes ont été pris en photo ensemble, autour d’affiches publicitaires du jeu Halo 4 et d’un sachet de Doritos. Le Doritos Gate n’est en fait que le révélateur d’une situation intimement liée au modèle économique de ces sites d’information gratuits. Néanmoins, certains acteurs interrogés, comme Erwan Higuinen pointent une amélioration légère depuis une vingtaine d’années : le modèle économique et éditorial n’a pas changé, mais les rédactions concernées ont réalisé qu’il ne s’agit pas d’un modèle sain.
La dépendance des sites spécialisés était telle que les news reflétaient le traitement impressionniste du jeu et reflétaient le modèle économique. Quand on vous paie des voyages presses et que vous faites une session de jeu où on vous tient la main, forcément…
Oui il y a le Doritos Gate, mais c’est pas une polémique, c’est un système.
Au-delà des impératifs économiques, si un tel modèle de relations existe depuis si longtemps, c’est également parce que le journalisme vidéoludique se vit comme un métier de passion. La plupart des journalistes et des industriels se connaissent, échangent, et la tentation de “faire bloc” pour défendre leur objet “jeu vidéo”, dont la légitimité n’est pas encore complètement acquise.
C’est un champ dominé dans la société, les acteurs de ce champ vont avoir tendance à faire bloc d’une certaine mesure. [...] Il y a cet effet de scène, ces gens qui vont aller aux mêmes endroits, avoir les mêmes centres d’intérêts. C’est tout à fait normal. Le problème, car il y en a, c’est que l’effet de scène il va avoir tendance à être un petit peu incestueux, il va y avoir des renvois d'ascenseurs.
Cette dépendance économique influe en effet sur le travail d’écriture des journalistes. Il y a la difficulté à être critique vis-à-vis des annonceurs, on l’a dit, mais aussi une appétence des journalistes pour traiter des sujets plus mainstream, plus formatés, parce que ce sont eux qui amènent à la fois un public de masse et des éditeurs prêts à dépenser de l’argent pour insérer leurs publicités. C’est une donnée que doivent prendre en compte les créateurs de jeux vidéo indépendants pour avoir plus de chance de figurer dans les articles de ces sites. La presse couvre les grands jeux, les grands événements. Les festivals indépendants, la production alternative, un discours critique sur le jeu vidéo n’est pas complètement absent, mais traité à la marge.
[En allant dans les festivals grand public], tu dis, voilà, moi je suis prêt à dépenser des milliers d’euros en com. Et la presse spécialisée, la presse en général, c’est quelque chose qu’ils entendent bien, ça leur fait plaisir… même s’ils sont éthiquement “irréprochables”.
Ce contexte de domination écrasante du modèle économique “jeuxvideo.com” se double d’une perte relative de diversité de la presse spécialisée, ruinée et marginalisée. Des titres vus comme ambitieux, qui voulaient renouveler la manière de traiter les jeux vidéo ont disparu l’un après l’autre. Des titres de la presse papier comme IG Magazine ou Games, auquel un certain nombre d’acteurs ont collaboré, n’ont ainsi pas pu survivre.
Je trouve qu’il y a une perte de diversité. Beaucoup de titres ont disparu. Il manque des titres à la fois indépendants mais qui chercheraient à faire évoluer le discours, à faire passer l’idée que le jeu vidéo peut s’adresser à tout le monde.
L’une des solutions trouvée par les titres de presse spécialisés mineurs pour continuer à exister est de proposer des modèles économiques et éditoriaux alternatifs, de niche, destinés à une cible qui ne se satisfait pas de la production journalistique actuelle. Le site spécialisé emblématique de ce positionnement en France est Gamekult. Il a choisi un positionnement premium, avec une offre d’abonnement pour accéder à des contenus supplémentaires. Ces contenus sortent de la logique de la “hard news” pour proposer des “dossiers”, des contenus plus longs, analytiques et riches. Ils revendiquent surtout une indépendance de ton, garantie par les abonnements et la diminution de la dépendance à la publicité. Ce positionnement correspond à un mouvement plus général d’évolution du modèle économique de la presse en ligne. Néanmoins, la preuve de la rentabilité de ces choix nouveaux reste encore à faire, comme le déplore Laurent Checola.
Alors heureusement, il y a des sites qui se font une réputation d’indépendance qui est méritée, je pense notamment à Gamekult. A Gamekult, ils ont prouvé plusieurs fois qu’il avait fallu qu’ils résistent sérieusement à des constructeurs, à des éditeurs, pour continuer à écrire ce qu’ils pensent. Parce qu’il s’agit bien de dire ce qu’on pense.
Ce choix de positionnement économique s’accompagne d’une évolution éditoriale. S’adresser à des niches de lectorats a en effet pour conséquence dans le milieu du jeu vidéo une forme de repli identitaire sur la “communauté des gamers”, sur des contenus qui plaisent aux lecteurs, quitte à sortir du journalisme d’actualité, pour s’intéresser plutôt à l’histoire du jeu vidéo et au rétro-gaming.
En gros, maintenant il y a deux logiques qui se dessinent dans la presse spé c’est la logique pub à son maximum et la logique on se replie sur la communauté.
Youtube, Twitch et les médias vidéo
Une des dernières vidéos de Squeezie (2016)
On va voir les youtubers, parce qu’on retrouve l’effervescence de notre jeunesse. Nous les vieux papis qui avons fait la guerre, on va les voir.
En termes de nombre de vues et de production de contenus, c’est le média qui connaît la plus forte croissance et le plus grand succès. La presse spécialisée dans le jeu vidéo a aujourd’hui perdu son rôle de prescripteur de jeux vidéo principal au profit des youtubers et des live streamers - ce qui accentue encore la crise qu’elle connaît.
Aujourd’hui les youtubers sont les prescripteurs essentiels du monde du jeu vidéo. Aujourd’hui, si vous faites la couverture du Monde ou même de la presse spécialisée… je suis désolé, je les aime beaucoup, mais malheureusement en termes de prescriptions, il ne vont avoir aucun impact sur les ventes.
[...]
L’époque “ce jeu est super, 20/20” et qui entraîne des ventes n’existe plus
En France, le phénomène est même hypertrophié par rapport à la situation mondiale en raison d’une particularité de l’offre vidéo : il n’y a qu’un petit nombre de youtubers stars, comme Squeezie, qui possèdent des audiences massives.
La France est un petit marché mais en France il y a une sorte de concentration de la starification des youtubers. Vous prenez un magazine indépendant, avec une belle plume qui a du mordant comme CanardPC, les mecs ils ont 30 000 abonnés. Donc au maximum, même s’ils le passent à leurs copains et tout ça, tu vas avoir 200 000 vues. C’est quand même beaucoup plus faible qu’un youtuber lambda.
Le grand succès des youtubers pose un certain nombre de question auprès de nos acteurs. En effet, ceux-ci jouent un rôle de journalisme, en parlant de l’actualité des jeux, mais sans être eux-mêmes journalistes. Les notions d’éthique journalistique leur sont souvent inconnues, et les placement de produit - plus ou moins explicites - légion.
Il y a deux choses; il faut pas idéaliser le modèle de Youtube. Il y a des histoires de placement de produits, de relations avec les éditeurs qui sont quand même très très louches.
Des initiatives existent cependant, pour faire exister une offre vidéo critique et indépendante, mais si elles peuvent obtenir des succès d’audience, elles restent mineures. D’autres youtubers ne sont pas forcément dans une perspective critique, mais ne sont pas pour autant dans une logique de placement de produit. Ils partagent leur expérience de jeu et peuvent obtenir beaucoup de succès pour cela. Toutes ces expériences constituent un foisonnement éditorial et créatif face auquel les médias spécialisés traditionnels ont du mal à réagir.
Les Dorian et Usul, c’est pas les gros youtubers, en terme de vues. Mais un Frigiel par exemple, il parle beaucoup de Minecraft et son audience c’est les jeunes; moi ce qui m’intéresse, c’est pas qu’il va avoir un propos “Allez les gars faites du gameplay politique” non, c’est qu’il parle aux enfants, et il leur dit “Regardez ce que j’ai créé dans Minecraft” et il raconte toute une histoire, comment il a imaginé son truc… c’est juste une manière différente de parler du médium.
Les rubriques jeu vidéo dans la presse généraliste et culturelle
A chaque fois qu’il y a de la presse généraliste, cela veut dire que dans le desk de rédaction, il y a un fan de jeux vidéo.
La place du jeu vidéo dans la presse généraliste est contrastée. Le sujet a pu être abordé très tôt - dès la fin des années 1990 pour Libération, mais bien souvent cela n’est le fait que d’initiatives isolées, qui ne subsistent que tant que la personne qui porte le projet reste au sein de l’équipe de rédaction. Ces acteurs ne se heurtent pour autant pas à une hostilité explicite de leurs collègues. Le sujet du jeu vidéo est généralement accepté comme légitime, mais comme extrêmement secondaire et accessoire. Le nombre de vues des articles, quand il sont publiés sur internet, accrédite cette vision : il est généralement assez faible, autour des 5000 vues pour les Inrocks, par exemple.
Il faut en parler, c’est important, il faut qu’il y en ait quelque part, mais a la limite, où c’est, c’est pas très important.
Néanmoins, pour des titres de la PQN, comme Le Monde, le jeu vidéo en tant que tel n’était pas un sujet jugé d’une importance suffisante. L’entrée par le poids économique du secteur était dans les années 2000 la manière de justifier à la fois auprès de la rédaction en chef et du lectorat la présence du sujet sur le site internet du Monde. La situation a fortement évolué à partir des années 2010, avec une légitimation importante du sujet dans les rédaction.
tu fais ce que tu veux sur ton blog, sur ton espace, tu traites de jeux indé dont on a jamais entendu parler, mais sur Le Monde, pour aller sur “Le Monde” (ton pompeux), il fallait avoir l’accroche et l’accroche qui fonctionne tout le temps, c’étaient les enjeux économiques.
L’écriture d’articles sur le jeu vidéo dans la presse généraliste reste cependant généralement le fait d’acteurs individuels qui ont une vision, une ambition pour le jeu vidéo, et ne sont pas satisfaits du traitement qu’en font la presse spécialisée et la presse généraliste. De fait, c’est dans la presse généraliste française qu’on a parlé tout d’abord du jeu vidéo indépendant ou alternatif, avant que cela ne devienne un phénomène économique et sociétal, et que la presse spécialisée ne s’empare du problème. Être dans un média généraliste permet en effet d’être indépendant des revenus publicitaires issus des grands éditeurs de jeux vidéo, et donc de développer des discours plus critiques, des discours de prescription de jeux, des analyses plus poussées du secteur économique du jeu vidéo. Seuls quelques médias, dédiés à la culture ou aux arts numériques mettent le jeu vidéo en bonne place dans leur ligne éditoriale : Bits, d’Arte, par exemple.
La chaîne youtube Bits, par Arte (2016)
Je trouvais que ce qui se disait a l'époque sur le jeu vidéo n'était pas très intéressant : on avait des tests conso. La seule question c'était est-ce que techniquement c’est fort et est-ce qu’il faut acheter ou pas? et je me suis dit qu’il y avait des choses a faire là-dedans.
Le journaliste qui traite de jeux vidéo dans la presse généraliste s’adresse à un double lectorat : les lecteurs habituels du média, qui peuvent être néophytes en jeux vidéo, et un lectorat joueur, qui est attiré sur le média par le sujet de l’article. Ce double lectorat met le journaliste dans une position ambiguë : quels choix d’écriture faire, entre de la pédagogie, au risque de laisser les lecteurs-joueurs sur leur faim, ou de l’analyse, au risque de perdre les lecteurs-néophytes ? De plus, certains lecteurs-néophytes peuvent être insatisfaits du fait que leur média traite des jeux vidéo, mais surtout, le journaliste peut subir un procès en illégitimité de la part des lecteurs-joueurs, mécontent du traitement journalistique de leur jeu.
Mais il y a quand même des choses que je ne m’explique pas. Par exemple, en ce qui concerne les réactions sur Facebook, c’est souvent les mêmes : « Vous n’y connaissez rien », ou « vous n'êtes pas légitime. » Si je dis du mal d’un gros jeu, c’est que je n’y connais rien, si je dis du bien d’un gros jeu c’est que je suis corrompu.
La presse généraliste reste cependant encore “schizophrénique” pour reprendre les termes de Laurent Trémel. Si le discours critique et informé sur les jeux vidéo se développe, il demeure encore un discours de dénonciation du médium, se basant sur des idées d’effets délétères du jeu vidéo sur la jeunesse : violence, addiction, désocialisation. Encore présent, ce discours est cependant en perte de vitesse, et dominé par le discours désormais dominant de légitimation du jeu vidéo.
Cependant, une troisième forme de discours émerge également, qui est le fait de journalistes non spécialistes du jeu vidéo, mais qui cherche à entrer dans une forme de légitimation du jeu vidéo. Cette forme de discours est très critiquée par les chercheurs en sciences sociales, parce qu’elle reproduit certaines des pires formes de copinage avec les grands éditeurs de jeux vidéo, à la limite du publi-reportage, ou qu’elle reprend les “pires stéréotypes possibles” concernant la représentation sociale courante du joueur de jeu vidéo jeune adolescent mâle.
On me contacte quasiment exclusivement que pour parler des femmes dans les jeux vidéo. Même pas du genre, des femmes. [...] Ça fait des années que personne ne connaît mon sujet de thèse, et je suis la meuf qui parle des meufs dans le jeu vidéo.
Les blogs et les médias alternatifs
Le blog Merlanfrit.net (2016)
Après, il y a aussi tout ce qui est farouchement indépendant et qui n’a pas besoin d’argent sur le web, heureusement.
De nombreux blogs ou chaînes youtube existent sans but lucratif, dans le seul but de proposer un contenu différent et créatif, s’inspirant de la critique artistique ou des sciences humaines. Ils sont pour la plupart eux aussi nés d’une insatisfaction face aux articles des médias spécialisés dans le jeu vidéo, qui leur semblaient trop superficiels et partiaux. Si leur audience est minime comparée aux grands médias, ils fréquentent pour autant le milieu, et peuvent influencer les autres acteurs par leurs écrits et leurs actions.
Le but c’était d’avoir une écriture un peu particulière sur le jeu vidéo dans la mesure où on essayait d’avoir des papiers qui n’étaient pas des tests ou des choses comme ça, mais qui partaient d’un angle particulier.
Les médias anglo-saxons sont un modèle majeur pour les journalistes du jeu vidéo. Des sites comme Killscreen, Polygon, Edge ou même les articles du Guardian sont toujours cités en exemple, et les acteurs se positionnent par rapport à eux.
Comment parler du jeu vidéo ?
La conclusion d’un test sur Le Monde - Pixels
La question de la critique vidéoludique est au coeur de l’ensemble des initiatives des acteurs des médias sur le jeu vidéo. L’insatisfaction face à la manière hégémonique de parler des jeux vidéo dans la presse spécialisée est l’argument qui revient le plus souvent quand on cherche à comprendre pourquoi l’acteur s’est impliqué dans l’écriture sur le jeu vidéo. Les critiques classiques sont des “tests”, avec traditionnellement des systèmes de notation plus proches d’un comparatif technique (notation de la durée de vie, de la maniabilité) que d’une critique artistique.
On sort quand même d’une période de 20-30 ans, où la presse papier spécialisée ne faisait que dire “graphisme : 18/20 ; jouabilité 19/20”, ce qui était complètement marginal dans la critique d’oeuvres et de produits culturels, par rapport au cinéma par exemple.
L’implication des acteurs vise donc à essayer de recréer une critique du jeu vidéo. En supprimant les notes, pour certains, comme Laurent Checola. En sauvegardant ce qu’il y a sauver, pour d’autres, comme Martin Lefebvre, qui considère que le jeu vidéo étant également un programme informatique, il est nécessaire de connaître certaines spécifications techniques. Trois grandes tendances se distinguent, sans pour autant s’exclure.
La première consiste à défendre une forme de curation artistique du jeu vidéo, à donner au journaliste un rôle de sélection de “bons jeux”, à les défendre et à les faire connaître à son lectorat.
[Dans la presse traditionnelle], on rate quand même beaucoup de choses, à savoir la curation de jeux parce que si on parle de jeux vidéos c’est quand même bien de dire ce qui est bien et ce qui est pas bien. Et moi, je ne vois aucune personne qui prescrit des jeux.
La seconde consiste à vouloir décrire la spécificité du jeu dans un jeu vidéo, de l’expérience vidéoludique, et ce qui fait sa différence avec d’autres médias culturels. Il s’agit d’assumer et même de défendre une critique empirique, phénoménologique, impressionniste du jeu vidéo. Parce que le jeu vidéo est un médium d’impression, et d’interaction.
C’est vraiment une expérience intéressante le jeu vidéo : à écrire, à décrire. C’est quelque chose qui est nouveau, en perpétuelle évolution. Et il y a cet espèce d’objet bizarre qui nous happe pendant 20h, 30h. Qu’est ce qui s’est passé pendant ces 30h? Pourquoi on a été happé comme ça? C’est un sujet qui me parait vachement intéressant.
La troisième consiste à affirmer la liberté de la critique, et sa capacité à innover hors des cadres imposés depuis des décennies, du test de jeu vidéo. La créativité vient à la fois du format, qui peut être vidéo, du jeu en direct, et du contenu, qui s’intéresse à un point spécifique du jeu critiqué sans aborder par le menu tout ce qu’il contient.
Ah oui, je m’étais beaucoup amusé [en faisant une critique cinéma du cinéma dans GTA V], c’était quelques temps après la sortie. J’ai fait aussi la critique Metal Gear Solid 4, dans les pages cinéma de Libération. En disant : « c’est un film qui n’existe pas », ou quelque chose comme ça.
La nouvelle règle du jeu
La presse vidéoludique est critiquée pour son modèle éditorial et économique qui la rend dépendante de l’industrie du jeu, mais les initiatives de renouvellement se multiplient.
La presse spécialisée dans le jeu vidéo a du mal à innover éditorialement à cause d’un modèle économique agonisant et dépendant des grands éditeurs de jeu vidéo.
La presse généraliste permet l’expression d’un nouveau discours sur le jeu vidéo, mais souvent ne reconnaît pas encore le jeu vidéo comme un médium culturel majeur et ne lui donne pas toute sa place.
Youtube et les médias alternatifs ou étrangers constituent une source d’inspiration et de renouvellement pour le traitement du jeu vidéo. Mais ceux-ci ont soit une audience limitée et élitiste, soit ne sont pas à proprement parler faits par des journalistes et ne respectent pas les règles de déontologies de cette profession.