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La théorie de l'acteur-réseau, développée notamment par Bruno Latour, Michel Callon et John Law, insiste sur le fait que le social est un tissu d'acteurs à la fois humains et non humains ; les sites internet peuvent être considérés comme appartenant à la seconde catégorie. Il est donc profondément heuristique d'étudier les sites internet qui font partie de la controverse sur l'exploitation des hydrocarbures de schiste et d'analyser le réseau qu'ils forment entre eux. Les propriétés du réseau des sites internet contribuent à l'intelligence de l'évolution de la controverse non seulement sur le web, mais aussi dans le monde réel. Une analyse de 169 sites internet a été menée à l'aide des logiciels Navicrawler et Gephi. Cette étude nous a permis de mettre en évidence un certain nombre de propriétés. Premièrement, on remarque que les militants écologistes se regroupent dans le bas du réseau et sont très fortement liés. Ils utilisent principalement des blogs, surtout pour les sites se concentrant sur la défense d'une région en particulier. Ces sites de militants défendent l'idée selon laquelle l'exploitation des gaz de schiste entraine une pollution dangereuse pour l'homme et l'environnement. Certains complètent cette approche en refusant l'exploitation pour des raisons économiques ou en la replaçant dans la problématique plus globale de transition énergétique. Les sites des entreprises pétrolières, complétés par leurs sites de lobbying, mettent en avant les avantages macro-économiques de l'exploitation des gaz et huiles de schiste et sont regroupés dans le haut du réseau. Certains s'opposent à la thèse de la pollution et d'autres attaquent le film Gasland qu'ils considèrent être un film de propagande. Ces sites sont beaucoup moins liés, car livrés à une concurrence économique, et ce sont des sites de lobbying qui tendent à les agglomérer. Les sites des entreprises pétrolières sont pour la plupart en anglais, ce qui démontre leur tendance transnationale et le fait qu'ils ne sont pas spécialisés dans la controverse du gaz de schiste, encore moins spécialisés sur la controverse française, contrairement à la plupart des sites des militants écologistes. Les sites des scientifiques sont dans une position éclatée sur le réseau, ce qui peut être analysé comme une preuve du fait qu'il n'existe pas encore de consensus scientifique sur les diverses problématiques liées au gaz de schiste. Notre étude démontre que pour la quasi-totalité des acteurs la loi de juillet 2011 interdisant le recours à la fracturation hydraulique en France ne mettait pas fin à la controverse. Pour les uns, principalement les militants écologistes, elle n'allait pas assez loin en n'interdisant pas définitivement l'exploitation et permettant l'exploration. Pour les autres, notamment les industries pétrolières, elle prive la France de réserves énergétiques stratégiques et limite la création de centaines de milliers d'emplois. Nous émettons l'hypothèse que la législation française sera tenue d'évoluer tant les pressions sont importantes, rendant la situation instable. Deux situations se profilent à l'horizon. Soit la pression des opposants s'intensifiera et la France interdira totalement l'exploitation et l'exploration. Soit les nécessités de la real politique énergétique se feront sentir, couplés à une pression accrue du lobbying pétrolier, et l'exploitation sera autorisée. Le fait que le ministère du développement durable soit pour une poursuite des explorations à des fins scientifiques, le fait que le réseau institutionnel et scientifique américain et canadiens soit globalement acquis à la cause de l'exploitation, le fait que l'Agence Internationale de l'Energie insiste sur les bénéfices macro-économiques des hydrocarbures de schiste, tout cela nous inviterait à penser que ce sera le second équilibre qui sera atteint.