Pourquoi le biopesticide Bt, et pourquoi pas le Bt OGM ?
L’Agence nationale de sécurité sanitaire l’affirme depuis 2008 : on mangerait le Bacillus Thuringiensis à la petite cuillère. Cette bactérie compose d’ailleurs 95% des insecticides utilisés dans notre saine agriculture biologique. Pulvérisé par tonnes dans les parcs naturels de Camargue pour lutter contre les moustiques ; ennemi mortel des lépidoptères forestiers, tordeuses de vigne, noctuelles des cultures maraîchères et autres insectes nuisibles, le Bt nous rend bien des services depuis sa première utilisation en France en 1938.
Applaudi sous forme d’insecticide biologique, la France a pourtant décidé, avec l’interdiction de toute culture commerciale d’OGM (2008), que le Bt ne pénètrerait pas les gènes de notre maïs et de nos pommes de terre. D’autres grands pays agricoles n’ont pas tant de scrupules, car à première vue le Bt semble être un « super OGM » aux bienfaits éblouissants, et sans danger sanitaire ou environnemental. La décision française est discutable, mais lorsqu’on se penche un peu plus en détails sur le sujet, plusieurs questions d’ordre économique, scientifique et politique peuvent justifier le fait de continuer l’utilisation « biologique » du Bt en agriculture biologique sans autoriser les cultures OGM. En tant que composante centrale de deux modèles d’agriculture aux techniques et aux idéologies très différentes, l’une basée sur les biotechnologies et l’autre sur l’environnement, la petite bactérie suscite aujourd’hui des discours très tranchés d’acteurs variés, et pose le débat plus global de l’avenir de notre agriculture.
La culture des OGM Bt doit-elle être autorisée en France ?
Aujourd’hui, la France ferme ses portes à un modèle qui, pour certains acteurs comme LM. Houbedine, ancien chercheur à l’INRA, présente plus d’avantages que d’inconvénients et pourrait même constituer l’avenir de l’agriculture. En effet, les performances économiques à court terme font largement pencher la balance en faveur de l’OGM Bt. D’un autre côté l’ensemble de la filière biologique française (notamment l’Institut National d’Agriculture Biologique et la Fédération Nationale d’AB) représentée à l’international par l’International Federation of Organic Agriculture Movements, dénoncent l’agriculture OGM comme « la suite de l’agriculture industrielle avec tous ses problèmes connus, dans une dimension encore plus grande ». Plus encore, elle serait un danger pour une agriculture biologique durable.
L. Peron, directeur de la communication chez le semencier OGM Syngenta, soutient que la controverse n’est qu’idéologique. La « manipulation du vivant » qu’implique la transgénèse peut, en effet, être dérangeante. De plus, le principe même de l’agriculture OGM, qui consiste à rendre la plante résistante à son environnement, est fondamentalement contraire à l’idéologie de l’agriculture biologique qui recherche l’intégration des cultures au sein de leur environnement naturel. Du point de vue scientifique, plusieurs questions cruciales se posent cependant : y a-t-il un risque que les insectes visés développent une résistance à la toxine, ce qui conduirait à une inefficacité du produit ? Le manque de connaissances actuelles sur des produits alternatifs et l’importance du Bt (en tant qu’OGM comme sur le marché biologique) nous laissent entrevoir les graves conséquences d’un tel événement, dont le risque est clairement pointé par l’IFOAM. Est-il possible que, dans le processus de transgénèse, les séquences de la molécule soient modifiées et rendent les Plantes Bt plus nocives que la molécule répandue directement en spray ? C’est une possibilité scientifiquement reconnue, mais pour LM. Houbedine les processus de vérification sont suffisants pour garantir la sécurité. Hervé Le Meur, président de l’association « OGM danger », affirme le contraire. La production en continu et dans des proportions massives de toxine par les plantes peut elle présenter un danger pour la santé ou l’environnement, inexistant lorsqu’on utilise le Bt de façon raisonnée ? Pour JP. Berlan, soutenu par la FNAB, c’est un risque qu’il faut prendre en compte.
Ces questions scientifiques s’insèrent dans une controverse éminemment politique. Des lobbies bios aux grands semenciers OGM, en passant par des scientifiques reconnus et jusqu’à Claude Allègre, l’Etat français doit composer avec une grande variété d’acteurs économiques et sociaux dont nous chercherons à éclairer les positions pour comprendre le choix français et ses possibles évolutions.