Roland Goigoux est professeur des universités IUFM d’Auvergne. Il est formateur des inspecteurs, des cadres de l’Education Nationale depuis 10ans. Il dirige un laboratoire qui étudie les pratiques des enseignants.
J’étais dans la controverse : je me demande si c’est
parce que j’ai été évincé de mon poste de formateur que la controverse et
l’emballement médiatique ont débuté.
En 2002, le livre des programmes de l’école est réédité
(éditions Jacob). Jack Lang déclare déjà à l’époque que la méthode globale ne
devrait pas être enseigné. Donc Gilles De Robien reprend ce que Jack Lang avait déjà
écrit. Jack Lang s’est d’ailleurs quelque peu moqué de Gilles De Robien à ce
sujet.
En effet, la controverse est clairement partie de positions
idéologiques mais s’est développée avec d’autres facettes :
Il y a d’abord eu une facette idéologique sur la pédagogie:
De Robien dit non aux pédagogies post-68, il ne faut pas selon
lui utiliser une pédagogie qui parie sur l’intelligence enfantine. Selon le ministre de l’Education, un enfant a besoin
d’appliquer les règles, donc on a mis en avant une conception
« transmissive » de la pédagogie : il faut des règles pour les
enfants. Le « tâtonnement » doit être exclu dans
l’enseignement de la lecture.
Ensuite, on s’est servit des erreurs commises par les pédagogues dans les dernières années; mais les inspecteurs les avaient déjà listés. Donc je ne conteste pas qu’il y avait des erreurs mais pour moi, les programmes de 2002 avaient déjà améliorés les choses. Donc il fallait simplement continuer l’amélioration qui avait été amorcée. J’avais ainsi une position critique mais encore trop nuancée pour le ministre.
Ensuite, la controverse s’est servit de la science :
Gilles de Robien avait besoin de fondements.
Au
début, il a eu de son côté des gens qui n’avaient pas
bien compris : ces chercheurs pensaient que Gilles De Robien
voulait mettre
en avant le déchiffrage. Mais quand ces chercheurs (notamment Ramus)
ont
réalisé que De Robien voulait imposer la méthode syllabique, ils ont
écrit
publiquement qu’on ne pouvait pas faire dire n’importe quoi aux
recherches. Donc les recherches scientifiques ne disent pas que la
méthode syllabique est meilleure !
Sur l’orthographe, selon une étude de personnes très
progressistes, le fait de consacrer moins de temps à cet enseignement a eu
pour conséquence une baisse de niveau. Pour la lecture : aucune étude ne montre de baisse de
niveau. La France a un niveau moyen dans ce domaine par rapport à d’autres pays
mais il n’y a pas de quoi s’inquiéter.
Je pense personnellement qu’on peut faire mieux car
aujourd'hui 5% des enfants en 6ème
ne savent pas lire et 10% en 6ème lisent très mal. Ces chiffres sont les mêmes qu’il y a 20 ans : il n’y a
pas de dégradation !
Dans l’histoire, les journalistes sont très ignorants :
pour eux il y a seulement une opposition entre syllabiques et globales et les
méthodes mixtes ne sont pas importantes.
L’idée de la méthode intégrative, c’est qu’on ne peut pas compter seulement sur l’enseignement du déchiffrage. Il faut simultanément le déchiffrage, l’encodage, les sons, la compréhension syntaxe-phrase, la compréhension du texte, le travail ‘culturel’ c'est-à-dire donner des références simples aux enfants. Il est nécessaire de faire tout ça en même temps ! Et cela n’est rien d’autre que ce qu’il y a d’écrit dans les programmes. J’estime donc toujours être resté loyal envers la loi mais pas envers le ministre, qui lui n’était plus respectueux de la loi. J’avais contribué à écrire les programmes et je dirige aujourd'hui un laboratoire que analyse beaucoup les travaux des enseignants. Il y a un vrai problème de dosage entre le scientifique et la pédagogique notamment dans les méthodes d’apprentissage de la lecture : je suis à l’interface, je suis donc très concerné par tout ça.
Sans composante idéologique, ce débat est dur à comprendre.
Je voudrais aussi ajouter que les gens défendant la
méthode syllabique le font de bonne foi parce que des maître continuent
parfois à certains endroits comme dans les années 80. La famille est alors
inquiète pour de bonnes raisons. Et quand, le ministre affirme « la méthode syllabique
est la bonne méthode », au moins, il rassure ces familles ! Mais il ne faut pas être dans le tout ou rien. Il faudrait
nuancer toutes ces positions pour ne pas attiser les craintes de tous les
camps.
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