Les prémisses de Gaïa

La théorie Gaïa n’est pas sortie de nulle part, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, de nombreuses idées, approchant celle de Lovelock, avaient déjà vu le jour avant qu’il ne concrétise « l’hypothèse Gaïa » au début des années 1970.

On peut trouver des précédents d’ordre mystique ou religieux à cette théorie; par exemple, certaines mythologies des religions primitives des Amériques seraient holistes (elles voyaient la Terre comme un tout, un ensemble de phénomène formant une totalité).

Mais nous nous attacherons ici principalement aux prémodèles scientifiques qui ont pu soutenir la thèse de Lovelock. On peut citer les précédents suivants:

Léonard de Vinci (15ème siècle) : comparaison du microcosme et macrocosme
Lamarck (19ème siècle) : développement de la biologie
Hutton (fin 18ème siècle) : théorie de l’uniformisation des roches
Huxley (fin 19ème siècle) : la Terre comme système autorégulant
Lotka (1922) Cycles d’autorégulation des roches
Kostitzin (1935) Evolution de l’atmosphere
Vernadsky (1927) Elaboration des modèles de la noosphère et de la biosphère
Pierre Theilhard de Chardin ( 20ème siècle)
Odum (milieu du 20ème siècle) : Théorie de l’organicisme
Press et Siever (1974): la vie est contrainte par son environnement

D’autre part, on a constaté que la conception de la théorie Gaïa comme super organisme trouvait ses racines dans l’histoire de l’écologie ; nous nous attacherons donc à décrire cette histoire, de la création du terme “écologie” à la naissance de la théorie Gaïa. (Historique de l’organiscisme)

Léonard de Vinci

Léonard de Vinci (1452 - 1519) est parmi les premiers à opérer une comparaison entre le fonctionnement interne du corps humain avec l’organisation de la Terre (exemple: les fleuves à la surface de la Terre sont comparables aux artères au corps humain; le flux et reflux de la mer, à la respiration). D’une manière plus générale, il considérait que le microcosme et le macrocosme fonctionnait de la même façon à une échelle différente, et suivaient les mêmes lois.

Lamarck

Lamarck (1744 - 1829 biologiste français à l’origine de la théorie du transformisme) a influencé l’évolution de cette science nouvelle qu’était la biologie. Il considérait la nature comme un tout, insistant sur les interconnexions proches existant entre les composés biotiques et abiotiques.

En fait, on constate que de nombreux de concepts développés par Vernadsky un siècle plus tard présentent des similitudes avec le travail de Larmarck sur la biologie. (Voir Vernadsky)

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James Hutton

James Hutton (1726 - 1797, géologue écossais, auteur de The theory of the Earth) est considéré comme un des pères de la géologie. Il s’est opposé à la théorie selon laquelle la Terre et tout ce qui se trouve à sa surface a été créé en une seule fois et est intact depuis l’Ancien Testament. Sa théorie de l’évolution des roches est dite uniformiste: l’environnement matériel (les roches) est constamment recyclé dans un état plus ou moins stable. Selon lui, la Terre est une énorme machine, construite dans le but de remplir une fin, c’est un système unitaire, avec des connections entre les différentes parties. “I consider the Earth to be a super organism and that its proper study should by physiology”. La Terre serait en perpétuelle formation, contrairement à ce que prétend la théorie fixiste. Il se situe ainsi dans la même lignée que Darwin avec l’évolution des espèces, mais au niveau géologique.

D’autre part, il a aussi étudié la composition de l’atmosphère: “Il observa que la quantité de « buée – vapeur » (« moisture ») que l’air peut retenir en solution augmente avec l’augmentation de la température et que par conséquent la vapeur de deux masses d’air de différentes températures peut se condenser et prendre une apparence visible.” Il regarda les différentes données disponibles sur différentes régions de la Terre, en ce qui concerne la pluie, et le climat et en vint à la conclusion que partout, le climat était régulé par l’humidité de l’air et d’autre part, par les conditions dans une atmosphère plus haute qui donnait ses propriétés aux mélanges d’air.

Enfin, dans la même optique que Lovelock plusieurs décennies après, il souhaitait renouer les différentes disciplines entre elles.

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T. H. Huxley

Thomas Henry Huxley est connu pour avoir été le défenseur de la théorie de l’évolution au coté de Darwin (le “bulldog” de Darwin). Il connaissait la théorie de Hutton sur l’évolution des roches de la croûte terrestre, très similaire à celle de Darwin mais dans le domaine géologique. il voyait également la terre comme un système s’autorégulant dès 1877. Il est reconnu par Kirchner comme une source d’influence de la théorie Gaïa.

A. Lotka (1922) et les cycles d’autorégulation des roches

Alfred Lotka (1880 - 1949, mathématicien, chimiste physicien et statisticien américain) écrit Elements of Physical biology en 1925 (reconnu comme un classique de l’écologie théorique); est un contemporain de Vernadsky qu’il apprécie; développe une approche globale du système monde qui ouvre la voie à l’écologie des systèmes, ensuite développé par Hutchinson et Odum. Il propose que la sélection naturelle est, à ses débuts, une bataille entre les organismes pour l’énergie disposnible; les organismes qui survivent and prospèrent sont ceux qui capture et utilise l’énergie à un niveau plus efficace que les autres.

Il établit le parallèle selon lequel l’évolution des organismes n’est pas séparé de l’évolution de leur environnement physique; adaptation à notre environnement et inversement. Selon Lovelock, (citant Lotka) “the American scientist Alfred Lotka first suggested the idea that there was more to evolution than simply the natural selection of organisms : ‘It is not so much the organism or the species that evolves, but the entire system, species and environment. The two are inseparable’.” et Lovelock souhaite aller plus loin que cela dans sa théorie; et dit clairement s’être directement inspiré du travail de Lotka sur la dynamique des populations (à propos du daisyworld) “I would like to think of it as the kind of model that the first population biologist, Alfred Lotka, who was a wise man and not a dogmatist, had in mind but could not develop in his day, 1925“. Le modèle de Lotka passe inapperçu à l’époque, jusqu’à sa redécouverte par Lovelock.

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Kostitzin (1935) Evolution de l’atmosphere

Vladimir Kostitzin (1883-1963) écrit un ouvrage en 1935 L’ évolution de l’atmosphère: Circulation organique, époques glaciaires. Réalise un premier modèle mathématique de la coévolution de l’atmosphère et des biota. On trouve très peu de choses sur lui.

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Vernadsky (1927) : l’élaboration des modèles de la noosphère et de la biosphère

Vladimir Vernadsky (1864 - 1945, géochimiste russe, reconnu pour son travail sur la noosphère et la popularisation du therme biosphère) est l’un des fondateurs de la biogéochimie. Bien que le terme de biosphère ait été crée en 1885 par un géologue autrichien Suess, le concept a ensuite été approfondi de manière considérable par Vernadsky: “the biosphere is a special cover of Earth’s crust embraced by life” et constamment modifié par les organismes vivants. Il y a introduit la notion d’équilibre: “there is no great chemical equilibrium in Earth’s crust without a considerable influence by biological process“. Son approche de la biosphère est déterministe.

Dans son ouvrage biosphère, Vernadsky voit la Terre comme un système dynamique recyclant des millions de tonnes de matières chaque année; ceci créant un déséquilibre qui promeut l’évolution et la diversité de la vie. La végétation et le climat serait interdépendant. Il met en avant l’importance des processus biologiques (exemple : les organisme svivants sont des transformeurs primaires de l’énergie solaire en énergie chimique. La vie est donc comme un phénomène en soi et non un agent des modifications géologiques; et de plus, il y a dépendance de ces êtres vivants par rapport à la biosphère, et des intéractions avec celle-ci.

Pour comprendre la planète, il faut prendre en compte les effets de la vie sur elle.

The “gases of the entire atmosphere are in an equilibrium state of dynamic and perpetual exchange with living matter”. Thus Vernadsky anticipates the idea of J. Lovelock that the composition of the atmosphere is an indicator for life, which later led to the development of the Gaia theory by Lovelock and Margulis. Vernadsky points out that the ozone layer, which is protecting life on Earth from harmful UV radiation, originates from the oxygen produced by photosynthesis, and by this Vernadsky gives an example of how living organisms create an ambient environment on Earth

“Life appears as a great, permanent and continuous infringer on the chemical ‘dead-hardness’ of our planet’s surface … Life therefore is not an external and accidental development on the terrestrial surface. Rather, it is intimately related to the constitution of the Earth’s crust, forms part of its mechanism, and performs in this mechanism functions of paramount importance, without which it would not be able to exist.” (1929)

Sa théorie assez peu connue en Europe : 50 ans après, Lovelock établit le concept de Gaïa, sans rien savoir sur Vernadsky, et ne reconnait que plus tard sa théorie. Cette idée que la croûte terrestre est sous contrôle de la vie émerge périodiquement (Lamarck, Vernadsky, Lovelock), rencontrant des approbations mais surtout de fortes critiques du faits des nombreux éléments incertains. La théorie Gaïa reprend et rénove l’héritage de Vernadky: “la Biosphère est le système écologique global intégrant tous les êtres vivants et les relations qu’ils tissent entre eux, avec les éléments chimiques de la lithosphère (les roches), de l’hydrosphère (l’eau) et de l’atmosphère (l’air), dans un métabolisme global qui transforme sans cesse la surface de la Terre” (Jacques Grinevald)

En revanche, les travaux de Vernadsky influençèrent les travaux de Lynn Margulis.

- influence de Lamarck: Lamarck considérait lui même l’activité des êtres vivants comme l’une des forces chimique les plus fortes. partage la conviction de Larmack sur le grand âge de la Terre. utilise des aspects identiques de méthodologie. fait de nombreuses références aux “naturalistes” tels que Lamarck, Buffon, Goethe ou Humboldt. opposition à l’idée de variations stochastique, indirecte et imprévisible comme Lamarck.

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Pierre Theilhard de Chardin ( 1881 - 1955)

Pierre Theilhard de Chardin est un géologiste, paléontologiste et philosophe jésuite francais. Après son ouvrage, Le phénomène humain, il est vu comme l’un des premiers écrivains ayant une influence sur la formation des fondations de la théorie Gaïa.

The general gathering together in which, by correlated actions of the without and the within of the earth, the totality of thinking units and thinking forces are engaged - the aggregation in a single block of a mankind whose fragments weld together and interpenetrate before our eyes in spite of (indeed in proportion to) their efforts to separate - all this becomes intelligible from top to bottom as soon as we perceive it as the natural culmination of a cosmic process of organisation which has never varied since those remote ages when our planet was young.”

Sa théorie de la “conscience collective” anticipe l’hypothèse gaïa, selon laquelle tous les écosystèmes terrestres forment un super organisme plus ou moins conscient. La terre aurait ainsi une personnalité autonome , et serait le centre premier et directeur de notre futur. Cette hypothèse est développée dans une forme plus limité et restreinte par Lovelock.

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E. Odum (1951, 1955, 1970) : la théorie de l’organicisme

Eugen Odum (1913 - 2002, écologiste américain des écosystèmes) développe le concept d’écosystème (terme inventé par Lindeman en 1942). Il met en place la relation entre les activités humaines les processus naturels. Dans son ouvrage “Fundamentals in Ecology” en 1953, il montre comment les humains sont une partie du problème des écosystèmes mais aussi une partie de la solution.

En 1969, il opère un retour aux racines de la théorie holistique et organiciste du scientifique Clements. L’équilibre classique de la nature est celui du schéma prédateur / proies; mais Odum y ajoute un équilibre production de biomasse / respiration (équivalent du cycle du carbone) existant dans un écosystème mature. Quand l’écosystème n’est pas mature, la production de biomasse excède la respiration; le système se ferme (l’ecosystème de Clements étant fermé) quand la perte d’éléments nutritifs est compensée par son apport, afin d’atteindre un équilibre matériel. Dans un système mature, la diversité augmente, rendant l’écosystème plus stable et le protégeant mieux contre les perturbations environnementales (moins d’entropie et plus d’information). Les systèmes matures prennent le “contrôle” de leur propre environnement; et sont auto reproducteur et autorégulateur.

On trouve dans cette thèse les précurseurs de la théorie Gaïa.

Il définit l’écologie comme science de « la structure et [du] fonctionnement de la nature » et a ensuite accepté de parler de l’écologie comme structure et fonctionnement de Gaïa.

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Press et Siever

En 1974, Frank Press et Raymond Siever écrivent dans Earth “La vie dépend des environnements dans lesquels elle évolue et auxquels elles s’adapte”. Et J.M. Smith dans the theory of Evolution, disait déjà que “l’étude de l’évolution concerne la façon dont, au cours de l’histoire de la planète, différents animaux et plantes se sont adaptés aux différentes conditions, et aux différentes styles de vie dans ces conditions”.

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