Cartographie de la controverse sur le web

 

Comme le montre notre graphique principal, la controverse implique des acteurs qui viennent d’horizons différents de la société, évoluent au gré de temporalités distinctes et se rencontrent dans une série de lieux très divers : du cabinet ministériel au pré salé, du tribunal de commerce de Caen au laboratoire d’études hydrologiques. Un endroit existe cependant où les opinions d’une grande partie de ces acteurs viennent se cristalliser, se relier, s’affronter parfois : il s’agit d’Internet.


Le but de la cartographie du web est donc d’observer ce qui se dit en ligne à propos de la controverse, et comment. Quels types de sites se font l’écho des revendications écologiques, commerciales ? Qui est le mieux représenté dans les médias ? Certains acteurs se lient-ils entre eux ? Emploient-ils, ou non, le même langage pour exprimer leurs préoccupations ?


C’est ce que donne à voir cette représentation :

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Ici sont représentés les sites les plus pertinents sur la controverse à l'heure qu'il est. Il s'agit d'une sorte de photographie instantanée des discussions sur le web, et elle ne reflète donc pas son évolution historique.

Au fur et à mesure de l'exploration, deux catégories de sites nous sont apparues :

  • Les sites des «acteurs» de la controverse qui représentent les plateformes où s'expriment des institutions ou des individus qui prennent réellement part au projet : collectivités territoriales, laboratoire, architecte... Ces acteurs se veulent informatifs et présentent leur point de vue comme s'il était factuel. Le plus souvent, ces sites ne font pas d'analyses et se résument à présenter l'acteur.
  • Les sites «qui produisent du contenu» sont ceux sur lesquels nous avons trouvé les commentaires d'internautes, les prises d'opinion, les études scientifiques, les travaux universitaires, les interviews d'associatifs, les discours politiques... qui donnent à la controverse sa substantifique moelle. Ceux qui tiennent ces sites ne prennent aucune part directe au déroulement des travaux.
  • Ces deux catégories se recoupent parfois, soit qu'un acteur produise du contenu, soit qu'un producteur de contenu ait une influence réelle.

 

Que nous dit cette typologie ?

  • Tout d'abord, les acteurs sont bien reliés entre eux sur Internet. Ils forment un tissu serré de sites qui se renvoient l'un vers l'autre, et cet agrégat est au centre de la carte. A l'inverse, les sites de contenu sont rejetés à la périphérieet ils forment la majorité des sites isolés. Cet état de fait nous a amené à constater que les acteurs non-institutionnels suivaient des logiques séparées et ne semblaient pas collaborer. Ils n'emploient pas le même vocabulaire ni les mêmes canaux médiatiques, leur parole reste fragmentée.
  • Les sites d'acteurs sont rarement liés aux sites qui produisaient du discours sur leurs actions, qu'on peut voir sur la représentation accrochés en filaments de part et d'autre de la nébuleuse centrale. En fait, les sites «de contenu» référencent les sites des acteurs qu'ils citent comme sources, tandis que les sites d'acteurs ne citent jamais les commentaires et les critiques sur les travaux.
  • Les sites les plus visités, les plus visibles, les plus cités, sont ceux au croisement des deux. Or, parmi eux on retrouve 5 acteurs (dont le Syndicat Mixte, son site d'information et son blog) pour seulement un site qui relaie les points de vue divergents, Ouest France. Un seul site d'acteur, le blog (le plus récent), crée un pont avec les médias.

Que pouvons-nous dégager de ces observations ?

  • Les gestionnaires des travaux ont réussi à mettre en place des plateformes d'information qui servent de référence sur la controverse, et leurs fortes relations sur Internet les rendent d'autant plus visibles.
  • Leurs contradicteurs et leurs analystes sont multiples, ils représentent des domaines très différents, mais ces plateformes d'information ne leur donnent aucune visibilité et eux-mêmes ne se coordonnent pas.
  • Tout ce qui fournit matière à controverse se trouve rejeté dans l'ombre, difficile d'accès, tandis que le centre de la controverse sur Internet est une sorte de noyau vide qui se présente comme neutre.
  • Les sites considérés comme des sources qui font autorité sont tous actifs au niveau le plus local, alors que les sites gouvernementaux, par exemple, gravitent loin du centre de la nébuleuse.

 

D'accord, mais comment cela peut-il servir à comprendre la controverse ?

  • D'abord en prenant note des natures variées des sites «de contenu». Ce fut un des éléments qui nous a amené à distinguer des lignes, des champs de force, qui parfois se croisent mais peuvent rester longtemps séparés: Ecologie, Tourisme, Technique...
  • Puis en remarquant le peu d'organisation et de visibilité de ces sites. Leurs convictions sont-elles tièdes? Ont-ils du mal à accéder aux médias? Peuvent-ils encore avoir une influence sur le déroulé des travaux? Ces questions nous ont aiguillés vers la probabilité que la controverse soit en voie de résolution, puisque les responsables des travaux détiennent un quasi-monopole de représentation tandis que les revendications de leurs contradicteurs sont ponctuelles.
  • Enfin en constatant que, contrairement à ce que l'on pourrait supposer, les acteurs qui font autorité ne sont pas des structures étatiques qui s'opposeraient aux petits pêcheurs mais des médias et des collectivités de la Baie. Cette remarque laisse supposer deux choses: d'une part que c'est à ce niveau que se joue aujourd'hui la controverse, d'autre part qu'il y a peut-être une dimension de temporalité qui émerge dans ce motif où le local est au centre tandis que le gouvernemental est à la périphérie, comme si les ministères s'en étaient éloignés pour laisser la Baie prendre de l'importance. C'est cette piste que nous avons exploré en retraçant les changements de niveaux des différentes lignes sur notre graphique.

 

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