Edouard Balladur se saisit du projet -

1994

 

          1993 marque un point de ralentissement dans l’avancée du projet du point de vue environnemental, du fait de la polémique sur l’emplacement des parkings.  La construction de ceux-ci aurait en effet créé un nouveau polder à 500 mètres du Mont, et aurait donc été donc contraire à la loi sur le littoral de 1983. Une nouvelle lutte interministérielle commence alors qui oppose le Ministère de l’Équipement au chef de la Mission Mont Saint-Michel, ainsi qu’aux ministères de l’Environnement et de la Culture, qui se positionnent en faveur du consensus local pour faire respecter cette loi. Cependant, derrière l’enjeu environnemental se trouve une multiplicité d’autres intérêts. L’emplacement des parkings est stratégique car il regroupe les enjeux esthétiques d’ouvrages qui doivent s’intégrer au paysage, et les intérêts économiques car il permet une affluence touristique à un endroit précis. Ce conflit d’intérêt ne sera fixé que de nombreuses années plus tard, en 2001, par une  décision juridique au nom des enjeux environnementaux qui fixe définitivement l’emplacement des parkings au sud de la Caserne. Dans son application, la loi littorale complique les échanges entre les administrations centrales, mais les oblige à gérer maintenant le même territoire de concert, une transition vers la collaboration qui ne se fait pas sans douleur.

          A cause de ces disputes administratives devenues habituelles, le projet est donc en phase d’enlisement. C’est alors que le Conseiller Régional et Général Michel Thoury, appuyé par le maire du Mont Eric Vannier et le Préfet de la Manche, vont relancer l’opération de désensablement auprès du candidat Edouard Balladur sans passer par les canaux institutionnels. Ils rencontrent directement son ministre de l’Equipement, M. Bernard Bosson, et lui soumettent le projet de synthèse mis au point par M. Maillard. Cette intervention porte ses fruits lorsque le Premier Ministre se saisit personnellement du projet en 1994. Le projet change alors de nature, passant d’un statut administratif à un statut politique : équipe réduite, réunions fréquentes, subordination des différents ministères, délais écourtés… l’inscription du désensablement sur l’agenda politique provoque une considérable accélération de son élaboration, qui est achevée pendant l’été 1994. Simultanément, le ministre Michel Barnier joue le rôle de médiateur en se rendant fréquemment sur place pour rassurer une population toujours hésitante.  C’est le 1er avril 1995 qu’Edouard Balladur se rend sur place pour prononcer un discours qui lance officiellement les travaux du désensablement, et jette sur l’opération une lumière médiatique considérable. Jusqu’en 1997, l’Etat va conserver ce rôle moteur et planificateur.
 
          Il est particulièrement visible au niveau technique : des études de cadrages environnementales et sédimentologiques sont initiées par l’Etat en consultation avec le public. « L’Etat, avec son chef  de projet désigné par le premier ministre, a fait la locomotive et lancé les premières études » explique Yves Lalaut, le Chef de la Mission Mont-Saint Michel, en parlant notamment des études sur modèle de la SOGREAH. En 1996 sera par ailleurs mise en place une cellule spécifique de la DDE de la Manche pour conduire l’opération en tant « qu’outil technique du Syndicat Mixte et de l’Etat ». L’Etat légitime son action par l’expertise. A cette époque, c’est dans la structure de la Mission Mont Saint Michel que se rencontrent le scientifique et le politique : il s’agit du maître d’ouvrage qui coordonne et informe tous les autres acteurs sur les aspects techniques de l’opération. Cette Mission, émanant de la DDE, est un acteur central représentée et dirigée presque exclusivement par des personnes issues des Ponts-et-Chaussées.

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