Mise en activité du nouveau barrage
- 2009
Premier ouvrage d’importance réalisé dans le cadre des études menées par l’ensemble des acteurs, notamment scientifiques, le barrage sur le Couesnon est porté par deux types d’acteurs: ceux qui voient en lui le moyen clé pour lutter contre l’ensablement à travers les chasses d’eau, et ceux qui voient en lui un « balcon maritime », une vision originale du Mont.
En termes techniques, le barrage possède huit vannes de trente tonnes chacune. Les lâchers d’eau de 30m3/seconde permettent d’élargir le lit du Couesnon de près de deux-cents mètres derrière le Mont et d’aider au reflux des sédiments au loin. Le point de vue scientifique développé par les experts sédimentologues et hydrologues a été soumis aux guides professionnels pour les prévenir des conséquences du barrage sur le comportement du Couesnon et la topologie de la baie, leur lieu de travail. Il est à noter que les modifications du terrain engendrées par l’action du barrage ont un impact violent sur la Baie, puisque le lit du Couesnon a déjà quadruplé moins d’un an après sa mise en activité, dépassant les prévisions des experts sédimentologues ; or, cette action a des répercussions sur l’activité des guides qui se sont trouvés au centre de plusieurs incidents, notamment en mai 2009 lorsque 140 touristes ont été surpris par la montée des eaux. Les guides sont actuellement encouragés par la Préfecture à coordonner leur profession et à signer une charte de compétences, chose qu’ils ont toujours refusée jusqu’à maintenant.
Le barrage a également une dimension culturelle et il est devenu un nouveau lieu touristique depuis lequel le visiteur pourra assister « au ballet des marées et à l’arrivée du mascaret ». On y constatera dans le temps, l’évolution du paysage sous l’action répétée des chasses. « Le jeu des vannes, la mécanique du barrage constitueront de vraies sources de curiosité. Ses abords seront aménagés pour permettre au public d’assister à ce spectacle quotidien », recréant ainsi le lien entre le Mont et la mer (journal La Baie du Syndicat Mixte N°1, été 2009). Autrement dit, pour le Syndicat Mixte, au delà de l’aspect purement technique et scientifique, le barrage du Couesnon est vu comme un nouveau bien culturel s’inscrivant dans le nouveau paysage du Mont. Le respect de la signification culturelle de l’insularité du Mont Saint-Michel est en effet essentiel dans la vision du syndicat mixte : « Ce qui est intéressant dans la motivation de l’opération, c’est que si on prend les choses à l’envers on pourrait se demander « mais pourquoi fait-on ça ? ». Le Mont entouré d’herbe serait beau quand même. » On fait cela parce que jamais l’archange saint Michel n’aurait demandé à construire un lieu de culte sur ce tas de caillou s’il n’était pas porteur d’autant de dimension spirituelle » (François-Xavier de Beaulaincourt, entretien du 19 février 2010). Luc Weizman, l’architecte en charge du projet n’hésite pas la comparaison avec l’abbaye même. Dans une courte interview donnée au magazine la Baie, les aspects techniques ne sont même pas évoqués, préférant parler de l’emploi du bronze pour le balcon maritime qui « devrait permettre aux visiteurs de l’approprier l’endroit. Comme les murs de l’abbaye ont accueilli les gravures des visiteurs qui ont voulu laisser leurs traces à travers le temps ». C’est sa vision de l’ouvrage hydraulique qui garantit le respect des éléments culturels et esthétiques ayant permis le consensus entre les niveaux local et national en 1989. Retrouvez L’interview de Luc Weizmann sur le barrage par Danielle Birck, journaliste RFI.