La controverse des machines à voter

Conseil Constitutionnel

 

 

Le Conseil Constitutionnel a brièvement rappelé la situation juridique des machines à voter avant les élections, il a analysé leur utilisation pendant, et proposé une analyse de la controverse, tout en affirmant certains principes et en proposant quelques solutions. La position du Conseil Constitutionnel a évolué dans le temps. Elle a été critiquée et/ou saluée par certains acteurs.

 

 

 
La position du Conseil Constitutionnel se résume à :
 

-         une page spéciale sur son site internet avec une brève « fiche technique », avec des renvois vers le réglement technique et les agréments, une fiche sur les objectifs/garanties, une fiche sur la conduite à tenir en cas de défaillance des machines à voter

 

-         Déclarations juridiques avant utilisation des machines à voter.

  • Les machines à voter sont autorisées depuis 1969 ; celles utilisées lors de ces élections présentent toutes les garanties.

-         Déclarations bilans sur le déroulement des scrutins avec une attention particulière accordée aux machines.

  • Entre les deux tours de l’élection présidentielle, le CC invite à la prudence en suggérant le retrait des machines pour assurer le bon déroulement des élections.
  • A la fin du second tour, le bilan est positif au sujet de l’utilisation des machines de vote (pas de fraude, réduction des difficultés telles que les files d’attente…). Le CC ne comprend pas certaines oppositions et réaffirme la sûreté des machines. Le CC comprend cependant le malaise induit par la rupture de contrôle physique possible par l’électeur. Le CC propose une explication « psychologique » supplémentaire : la liturgie républicaine est remise en cause. Le CC souhaite que la technique puisse entrer dans les bureaux de vote, mais rappelle la nécessité de garder la cérémonial républicain (pas de proposition concrète).
  • Suggestion : - juridiquement affirmer le principe « une machine = une urne = un isoloir », ce qui permettrait d’installer une machine pour 300 électeurs (exigence concernant les isoloirs)

                                - techniquement : pour installer plusieurs machines de vote dans un même bureau, les relier entre-elles « en grappes », mais sans communication exterieure.

 

  

 Notons que le CC ne cite personne directement, probablement pour affirmer son caractère impartial.

 
 

 
 

 

 

Le discour du Conseil Constitutionnel:

 

 

 

Première intervention : communiqué de presse court avant le déroulement des élections.

« Communiqué du 29 mars 2007

"Machines à voter"
 

Le Conseil constitutionnel a tenu à rappeler, lors de sa séance du 29 mars 2007, que l'utilisation des machines à voter pour les élections, notamment présidentielles, est autorisée par le législateur depuis 1969.

Ce recours aux machines à voter dans les conditions fixées par l'article L. 57-1 du Code électoral a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. »

Ce communiqué a été fortement critiqué par M Guglielmi.

 

 

 

Le bilan du premier tour des élections présidentielles :

 

-Communiqué de presse du 25 avril 2007 : un paragraphe est consacré aux machines à voter.

 

-Le CC relève à l’issue du vote « un certain nombre de problèmes » et « notamment, des durées d’attente excessives ».

 

-Le CC suggère que la suspension de l’utilisation des machines à voter est souhaitable.

«Il demeure loisible aux communes concernées, lorsque des problèmes sérieux se sont produits le 22 avril, de renoncer provisoirement à ce procédé afin de mettre les prochaines échéances électorales, y compris le second tour de l'élection présidentielle, à l'abri de toute contestation. »

 

 

-Déclaration de presse de Michel Debré du 25 avril 2007 :

 

Dans sa déclaration, le Président du CC développe l’analyse sur les machines à voter.

 

D’abord, il relativise l’impact négatif de l’utilisation des machines à voter.

« Les files d’attente qui ont été ainsi créées dans les grandes villes sont imputables

à plusieurs facteurs :

- taux de participation élevé,

- concentration du public à certaines heures (les électeurs désirant profiter                               

du beau temps qui a uniformément régné sur la métropole le jour du

scrutin),                                       

- dans certaines grandes villes, diminution des bureaux de vote ou

inadéquation entre bureaux de vote et inscrits,

-          machines à voter.

A cet égard, il convient cependant de relativiser les choses :

- Des délais d’attente importants ont pu être observés alors qu’aucune

machine à voter n’était en service (dans certains arrondissements de Paris

par exemple) ;

- Inversement, dans certaines villes où tous les bureaux de vote étaient

équipés en urnes électroniques (à Mulhouse par exemple), aucun retard

n’a été constaté ; »

Ensuite, M Debré constate l’absence de fraude avérée. Il constate également les difficultés d’électeurs liées à l’utilisation de machines à voter.

« - Aucune fraude, détérioration ou sabotage n’a été mis en évidence ;

- L’incompréhension ressentie par certains électeurs vise essentiellement

les machines de type nouveau (particulièrement celles à écran tactile) ; »

M. Debré développe un point juridique important : la machine à voter est à la fois urne et isoloir. Il en tire la proposition de relier les machines entre elles dans un même bureau de vote pour diminuer les files d’attente.

« - Une machine à voter étant à la fois assimilable à une urne et à un isoloir,

il ne peut y en avoir plus d’une par bureau de vote : une urne électronique

composée de plusieurs machines mises en réseau permettrait d’éviter les

bouchons. »

Enfin M. Debré termine sa réflexion sur ces machines par une incitation à la réflexion sur le sujet, constatant le caractère psychologique du problème.

« Il reste que, ici ou là, l’usage des machines à voter n’est pas psychologiquement

accepté, à tort ou à raison, par une part importante de nos concitoyens. Il faudra

y réfléchir posément et non dans la précipitation comme certains ont été tentés

de le faire.  »

 

Bilan du second tour des élections présidentielles

 

Le CC reconnaît une amélioration de fonctionnement/utilisation des machines de vote et ne déplore qu’un seul incident.

« 4) Les machines à voter ont, dans l'ensemble, mieux fonctionné (ou été mieux utilisées) qu'au premier tour.

Un léger incident est toutefois à déplorer dans le bureau n° 3 de Marignane (Bouches-du-Rhône) où l'impression des résultats s'est révélée illisible par mauvais fonctionnement de l'imprimante (et, pour être précis, de son tampon encreur). Le bureau de vote en cause (dont la composition était heureusement pluraliste) s'est vu dans l'obligation de relever manuellement les résultats affichés à l'écran. Au demeurant, le procédé n'est pas irrégulier au regard de l'article L. 57-1 du code électoral. » 

Le CC souligne l’amélioration également des bureaux de vote

« Les délais d'attente imputables aux machines à voter ont été sensiblement moindres qu'au premier tour.

Les files d'attente qui ont pu être créées par une première  utilisation de ces machines au premier tour n'ont plus guère été constatées au second tour : les bureaux de vote s'étaient organisés ; l'apprentissage s'était réalisé.

L'expérience des bureaux de vote de Reims est à cet égard illustrative. Ainsi, aucun incident notable n'est à rapporter dans la centaine de bureaux de vote de cette ville, où le vote électronique avait entraîné retards et mécontentements lors du premier tour. »

Mais des « solutions » de long terme sont envisagées : plus de machines de vote par bureau, relier les machines en « grappes »

« A plus long terme, deux solutions sont concevables pour prévenir de tels embouteillages :

- à droit constant, créer plus de bureaux de vote (un pour 300 inscrits) en conservant une machine à voter par bureau et l'assimilation « une machine à voter = une urne = un isoloir » ;

- mettre en réseau une grappe de machines connectées entre elles au sein du même bureau de vote, mais non à l'extérieur de ce bureau, et regarder ce réseau local comme une seule urne électronique. »

Le CC réaffirme cependant sa totale confiance en les machines de vote, et associe les craintes à de la « hantise irrationnelle ». Il cherche à analyser la situation anxiogène :

 

-le CC ne comprend pas « l’acharnement » de « certains milieux »

 

-le CC accorde cependant crédit aux électeurs apeurés, qualifiés « de bonne foi ».

 

-le CC donne deux éléments d’explications aux craintes :

 
  • la « liturgie républicaine » et le « sacerdoce partagé » ne seraient plus possibles avec les machines de vote.

Le CC explique alors que ces éléments « psychologiques » ne pourront être réglés par des « apaisements techniques ».

 

 

"Dès avant le premier tour, le Conseil constitutionnel a publié un communiqué rappelant que les machines à voter présentaient toutes garanties contre les détournements et les fraudes et mettant en garde contre la hantise irrationnelle de leur dévoiement.

D'où vient alors la persistance des réticences constatées au second tour ?

Certes, l'acharnement déployé dans certains milieux pour jeter le doute sur la crédibilité du vote électronique, suggérer l'existence d'une fraude concertée et inciter au contentieux (des modèles de recours en référé et de réclamations étant diffusés sur Internet) laisse perplexe quant aux mobiles de leurs instigateurs.

Il n'en reste pas moins que beaucoup d'électeurs de bonne foi éprouvent eux-aussi un malaise.

Celui-ci semble avoir une cause beaucoup plus psychologique que technique.

L'usage de l'urne et des bulletins, le dépouillement manuel rendent palpables et familières les opérations électorales. Un contrôle mutuel, visuel, est rendu possible par la présence physique des scrutateurs.

Allons plus loin : la participation aux opérations qui se déroulent dans un bureau de vote, que l'on soit assesseur, scrutateur ou simple électeur, associe les citoyens à une sorte de liturgie républicaine.

L'intrusion des machines à voter dépossède les citoyens de tout cela. Elle rend opaque ce qui était visible. Elle leur confisque un sacerdoce partagé. Elle met fin à une « communion citoyenne ». Elle prive le corps électoral de la surveillance collective des opérations dans lesquelles s'incarne le suffrage universel. Elle rompt le lien sensoriel et symbolique que la pratique « manuelle » du vote et du dépouillement avait tissé.

N'est-ce pas cela, au fond d'eux-mêmes, que reprochent leurs détracteurs aux machines à voter ? Et si tel est le cas, les apaisements techniques sont vains.

Il ne s'agit pas, bien sûr, de condamner l'usage des machines à voter, mais de tenter de comprendre les ressorts profonds et dignes de considération de la résistance qu'elles rencontrent. Dans ce domaine, comme dans tant d'autres, la société contemporaine doit apprendre à mettre en œuvre le progrès sans sacrifier la tradition. »

La conclusion est : « Il ne s'agit pas, bien sûr, de condamner l'usage des machines à voter, mais de tenter de comprendre les ressorts profonds et dignes de considération de la résistance qu'elles rencontrent. Dans ce domaine, comme dans tant d'autres, la société contemporaine doit apprendre à mettre en œuvre le progrès sans sacrifier la tradition. »

 

 

 

Déclaration de M. Debré après le second tour : 10 mai 2007

 

M. Debré explicite la « liturgie républicaine », dont la phase de dépouillement est un élément. La technique introduite ne doit pas « déshumaniser » le processus, ni « décourager à sa participation ». Il « rappelle » ensuite que le CC a publié un communiqué de presse selon lequel les machines à voter présentent toutes les garanties. Il note ensuite qu’aucune fraude n’a été constatée.

M. Debré explique les inquiétudes de « certains » par un élément « psychologique » : les habitudes sont bouleversées, le caractère rassurant des bulletins papiers est remis en cause. M. Debré affirma alors qu’il existe trois impératifs :

« 1)     offrir à nos concitoyens la certitude du respect de la sincérité du scrutin,

2)     conserver intacte leur envie de prendre part au processus démocratique,

3)     éviter de désacraliser le scrutin.

En effet, le vote est l'expression d'une célébration, celle de l'unité de la Nation.

Pour que celle-ci soit parfaite, le code électoral édicte un certain nombre de règles et le Conseil constitutionnel veille à leur respect. »

« La République c'est un rituel, on pourrait presque dire une liturgie dont le moment fort est le scrutin. En effet, il n'y a pas de République sans élection puisque toute légitimité, dans notre système politique, est tirée de cette élection.

Ce rituel démocratique a ses règles consacrées.
Il y a d' abord l' inscription sur les listes électorales.

Il y a ensuite la campagne électorale, ses réunions publiques, sa propagande, les professions de foi.

Enfin, le jour de l' élection, il y a les bureaux de vote tenus par des citoyens, il y a aussi le dépouillement qui est l' affaire de tous.

L'élection est un moment fort de la vie démocratique dans toutes les communes, dans les grandes, comme dans les petites. Le bureau de vote est un lieu où tous les citoyens se retrouvent . C'est pour cela qu'il faut veiller à ce que l'intrusion de la technique dans ce processus ne vienne pas  le déshumaniser,  le désacraliser en l' automatisant, voire dissuader certaines personnes d'y participer par peur de ne pas savoir se servir de la machine.

Je vous rappelle qu'avant le premier tour, le Conseil constitutionnel a publié un communiqué précisant que les machines à  voter présentaient toutes les garanties contre le détournement et les fraudes. D'ailleurs, au premier comme au deuxième tour, aucune fraude n' a été constatée.

Certes, au premier tour, des files d' attente ont été observées, elles ont pu être suscitées par des difficultés liées à une première utilisation de ces machines ; au second tour, ces files de attentes n' ont plus été constatées, preuve que les bureaux de vote se sont organisés, que l' apprentissage avait été fait. Au total, ce sont 77 communes qui ont mis en oeuvre des machines à voter au second tour contre 81 au premier, et un peu plus d'un million deux cent mille électeurs qui les ont utilisées.

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Certains, même si les choses se sont mieux déroulées au deuxième tour, nous ont fait part de leurs réticences à l'égard des machines à voter.

Je crois, pour ma part, que cela provient du fait que le problème posé par les machines à voter est plus psychologique que technique.

L'usage de l' urne et des bulletins, le dépouillement  manuel rendent palpables et familières les opérations électorales. La présence de scrutateurs assure un contrôle mutuel et visuel des opérations de vote. Tout cela est, d'une certaine façon, rassurant.

L' apparition des machines à voter ne permet plus cela, les habitudes sont bouleversées, les rites ne sont plus respectés.

Je rappelle que l' usage des machines à voter est ancien dans notre pays puisque le principe de leur utilisation a été autorisé en 1969.

Trois impératifs doivent être pris en compte :

1)     offrir à nos concitoyens la certitude du respect de la sincérité du scrutin,

2)     conserver intacte leur envie de prendre part au processus démocratique,

3)     éviter de désacraliser le scrutin.

En effet, le vote est l'expression d'une célébration, celle de l'unité de la Nation.

Pour que celle-ci soit parfaite, le code électoral édicte un certain nombre de règles et le Conseil constitutionnel veille à leur respect.

- Ainsi, le Conseil a rappelé la nécessité de l'isoloir et a annulé lors du premier tour les résultats des communes de Besneville, Catteville et du Valdecie dans la Manche qui n'en avaient pas installé.

- De même, le Conseil a voulu rappeler que, pour contrôler la régularité et la sincérité du scrutin, il convenait de s'assurer de l'identité des votants. Les résultats du deuxième tour de la commune de Sainte Rose à la Réunion ont été annulés, l'identité des votants n'ayant pas été contrôlée, même après que le délégué du Conseil en ait fait la demande. »

Législatives :

Rien pour le moment.

Plus largement :

Par ailleurs, le Conseil Constitutionnel rapporte les jugements liés aux machines de vote.

A Issy-les-Moulineaux :

Lorsque nous avons rencontré les représentants du Conseils Constitutionnels (magistrats) à Issy-les-Moulineaux, ils nous ont expliqué qu'il est facile de faire respecter les procédures de vote lorsqu'il s'agit de bulletins papier, car les régles sont bien connues. Actuellement avec les machines de vote, il leur est plus difficile de faire respecter le bon déroulement du scrutin du fait de l'absence de jurisprudence et d'information particulière sur ce sujet.

 

Rappels des attributions du Conseil Constitutionnel :

Constitution Française du 4 octobre 1958 :

« Article 58 :

Le Conseil Constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République.

Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin
Article 59 :

Le Conseil Constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs. »