L'objet du cours

 

Le cours «description des controverses» a pour objet d'introduire les étudiants à se repérer dans l'univers de plus en plus divers de la recherche scientifique et technique. Le but est d'apprendre à cartographier des sujets qui sont l'objet d'une expertise technique poussée et qui, en même temps, sont devenus des affaires, souvent embrouillées, mêlant les questions juridiques, morales, économiques et sociales, au point que ces affaires « ces choses publiques » deviennent de plus en plus le cœur de la vie politique.

L'apprentissage concerne à la fois les méthodes de la sociologie des sciences et des techniques, l'étude de l'argumentation scientifique, l'analyse des médias ainsi que les nouvelles méthodes de «scientométrie» et de «géographie virtuelle» développées de plus en plus sur internet. Ainsi, le cours développe des aptitudes à l'enquête qualitative aussi bien que quantitative et permet d’établir de façon systématique des ponts entre la formation en sciences exactes et en sciences sociales.

Qu’est-ce qu’une controverse ?

 
Si l’on s’en tient à la définition du Petit Larousse, une controverse est une discussion suivie sur une question, motivée par des opinions ou des interprétations divergentes.

 

Pourquoi un chiffre peut être controversé ?

Dans un article paru dans la revue Genèses (n°58, mars 2005, pp. 4-27), Alain Desrosières soulignait l’ambiguïté de la statistique publique. Celle-ci répond en effet à deux exigences qui ne sont pas forcément compatibles : d’une part, on lui demande de décrire le plus objectivement possible la société, et d’autre part de refléter le fonctionnement de l’Etat. Ces deux méthodes présentent des avantages comme des inconvénients quant à leur caractère utilitaire.

EnquêtesSources administratives
AVANTAGES

Questions précises en adéquation avec les besoins de la société.

Harmonisation et comparaison avec d’autres pays possibles.    

Peu coûteuses dans la mesure où la collecte est assurée de toutes façons.

Leur exhaustivité permet une ventilation territoriale.

INCONVENIENTS

Coûteuses en temps et en argent.

Ventilation territoriale difficile du fait des contraintes de représentativité des échantillons.

Assujetties aux définitions des catégories réglementaires, qui ne reflètent pas toujours exactement ce que les statisticiens souhaitent mesurer.

Ainsi présenté, il semble que rien ne puisse venir perturber cette dichotomie. Cependant, pour des raisons de coût, les statisticiens combinent ces deux méthodes de collecte des données. Or le grand public est peu averti de ces distinctions pourtant essentielles. Il s’ensuit une confusion entre les chiffres provenant des sources administratives et ceux établis grâce aux enquêtes. Cette confusion est d’ailleurs largement relayée et amplifiée par les médias ; lorsque les chiffres présentés comme reflétant la même population diffèrent, la machine s’emballe, et la controverse naît. Il devient dès lors nécessaire de faire preuve d’un peu de pédagogie, en remontant les étapes de  « fabrication » des chômeurs.

 

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Comment naît la controverse ?

 

Le chiffre du chômage est généralement présenté comme une donnée : c’est une « boîte noire » au contenu de laquelle on ne s’intéresse plus. Cela signifie qu’un petit nombre de personnes mis à part, l’opinion publique l’accepte sans s’interroger sur les conditions dans lesquelles il est élaboré. La controverse a éclaté au mois de janvier 2007 parce que la « boîte noire » a été rouverte, c'est-à-dire que l’opinion publique s’est brusquement intéressée à la manière dont ce chiffre était calculé.

Le mardi 16 janvier 2007, la direction de l’Insee annonce, au détour d’un communiqué de presse son intention de reporter la publication des conclusions de l’enquête emploi 2006 à l’automne. Mal lui en prit. Le Canard enchaîné s’empare de l’affaire le 24 janvier portant ainsi sur la place publique la controverse sur le chiffre du chômage.

Le remous suscité par cette controverse nous a conduit à nous interroger sur l’origine et la signification de ce « sacro-saint » chiffre du chômage. Il est en effet légitime de vouloir comprendre de quoi l’on parle lorsqu’on aborde une controverse aussi brûlante que celle-ci. Nos recherches nous ont finalement conduit à nous poser les questions suivantes :

  • Pourquoi mesure-t-on le chômage ?

  • Qu’est ce qu’un chômeur ?

  • Que mesure-t-on exactement ?

  • Qu’est-ce qui est contesté dans cette controverse? 

  • Comment en est-on arrivé à cette remise en débat du chiffre du chômage ? 

  • Quelles implications en découlent en ce qui concerne sa « fabrication » ?

 

 

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Pourquoi s’intéresser à la controverse autour du chiffre du chômage ?

Cette enquête nous a permis de mettre en évidence qu’il n’existe pas un mais des chiffres du chômage, chacun correspondant à une définition donnée. Plus précisément, il ne peut pas exister un chiffre du chômage car ce qu’on entend habituellement par « chômage » correspond à une réalité sociale construite à partir de définitions variables. Il n’y a donc pas un « vrai chiffre » occulté et un « faux chiffre » annoncé, mais des chiffres recouvrant des réalités différentes.

 

Nous avons également pu remarquer que ce débat sur la quantification du chômage est un débat ancien. A partir du moment où les définitions sont multiples, parler du chiffre du chômage perd toute pertinence. La croyance selon laquelle la statistique révèle la réalité doit être remisée : la statistique ne révèle qu’une pluralité de réalités construites par des conventions sociales. Il est donc nécessaire de comprendre comment un chiffre est créé, c’est-à-dire comment la boîte noire qu’il est se ferme, faute de quoi on ne saurait appréhender objectivement la controverse actuelle.

 

Ainsi notre étude ne consiste pas à prendre partie pour l’un ou l’autre chiffre, mais à retrouver la substance de ces chiffres. Pour ce faire, nous nous sommes efforcés de retracer leur histoire, de rencontrer les acteurs qui les ont produits ou manipulés et de synthétiser les informations recueillies.

 

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Comment démêler la controverse ?

Nous vous proposons d’entrer dans les rouages de la statistique d’État afin d’y voir un peu plus clair sur la manière dont les statisticiens fabriquent des chômeurs. Deux fils principaux guideront nos pas à travers les dédales de la controverse :

Les acteurs

  • Qui produit quel chiffre ?

  • Qui conteste quel chiffre ?

  • Qui a intérêt à contester quel chiffre ?

L’histoire

  • Quand la « boîte noire » a-t-elle été fermée ?

  • Quand la « boîte noire » a-t-elle été rouverte ?

  • Dans quel contexte la « boîte noire » a-t-elle été rouverte ? Pourquoi ?

En répondant à ces questions, nous espérons éclairer le débat qui continue d’agiter les médias, les personnalités politiques et les Français en général. Nous souhaitons montrer que la polémique engagée ne remet aucunement en cause les chiffres eux-mêmes, mais l’usage qui en est fait.

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