Afin d’approfondir cette étude, nous avons réalisé de nombreux entretiens avec différentes personnalités liées à la controverse autour du PIE.

Benoit Muracciole, Amnesty International

Au cours de cet entretien, nous avons particulièrement traité le sujet de l’usage du P.I.E. par les forces de police. Sa réflexion sur le P.I.E. se dessine à travers son expérience au sein d’Amnesty International, le rapport traitant de l’usage du P.I.E., et plus généralement du Code de Conduite des officiers de Police et usage de la force et des armes à feu, de l’ONU. Dès lors, la notion essentielle de la proportionnalité de l’usage du P.I.E. a structuré notre entretien. Les questions de mauvais traitements, de torture ont été soulevées. C’est pourquoi Benoit Mfuracciole insiste spécialement sur la formation des policiers en charge d’un P.I.E. comme élément fondamental à sa bonne utilisation. Le rôle de la caméra proposée sur chaque P.I.E. en France doit aussi être relativisé selon lui car la police a pour intérêt de faire tomber toute situation de violence ou d’abus s’il y a lieu. De fait, en pratique la caméra montre seulement le moment du tir et non pas ce qui a provoqué le tir. Finalement, l’éventuelle solution résiderait dans la formation.

Mathieu Zagrodzki, chercheur au CEVIPOF

Mathieu Zagrodzki part du principe que le métier de policier est un métier controversé par sa nature même. Partant, il parle du P.I.E. comme pouvant être potentiellement un support d’aide, une arme intermédiaire. L’utilisation de la caméra devrait aussi être reconnue comme un point positif exerçant un certain contrôle dissuasif, même si perfectible. En effet, le policier possède un pouvoir discrétionnaire non négligeable. Par ailleurs, il s’agit aussi de poser des principes, principes philosophiques ou codes déontologiques, élaborés par le décideur politique car tout ne doit pas être décidé par les experts techniques selon lui. Enfin, il y a une grande différence de culture entre la France et les Etats-Unis qui ne permet pas la comparaison dans l’utilisation du P.I.E. Ainsi, la culture des armes, le déroulement des patrouilles de police, l’exposition au danger, sont autant d’arguments qui distinguent l’utilisation du P.I.E. en France et aux Etats-Unis.

Docteur Fornès, CHU de Reims

En France, aucune autopsie n’a encore été réalisée à cause du P.I.E à ce jour d’après l’expertise du Docteur Fornès. Ce dernier pense qu’il n’y a aucun lien direct entre un tir reçu par le P.I.E. et la mort de la personne. Il y a une différence entre une mort à cause du P.I.E. et une mort à l’occasion de l’utilisation du P.I.E. Ainsi, il y aurait un trépied de conditions qui ferait le lien entre le tir du P.I.E. et la mort : un cœur malade, des éléments favorisant les effets négatifs du P.I.E. (alcools, cocaïne, médicaments) et le stress. Ces trois éléments sont hautement susceptibles de provoquer la mort subite. Le PIE pose la question de la violence légalisée. Il y a une différence entre l’utilisation du P.I.E. par un civil et par les forces de police notamment, ce qui différencie la sous-controverse du Stoper C2 commercialisé au grand public de celle du Taser X26. En cas de surmortalité liée à l’utilisation du P.I.E. des questions pourront se poser, or ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Direction Générale de la Police Nationale (DGPN)

Marie-France Moneger, et Mr François Petraz
Respectivement à la DGPN, directrice du service et Commandant du Cabinet des Etudes de l’IGPN.

Ce service permet d’engager et de mener des réflexions sur l’utilisation d’éventuels nouveaux armements utilisés par les forces de police. On y compare les pratiques avec les polices de chaque pays dans un rôle d’anticipation. La DGPN travaille avec le CREL et le STSI pour choisir certaines armes plutôt que d’autres avec un triple critère : maniabilité, sécurité, efficacité. Le P.I.E a précisément fait l’objet de tests au préalable par de petites unités qui ont garanti que cette arme intermédiaire était fiable. Les deux interlocuteurs parlent d’une arme à létalité réduite et d’une arme par destination. La formation dure un jour et demi avec des policiers déjà habilités à utiliser des armes. Elle comprend une Doctrine et une Instruction d’emploi, les spécificités du modèle juridique et des cas d’utilisation du P.I.E., les conditions d’emplois et les contextes d’intervention, un code déontologique et enfin une mise en situation. De nombreux garde-fous sont mis en place quant à son utilisation. De plus, après chaque usage du P.I.E., une évaluation et un rapport sont écrits et remis à un groupe de suivi. Ce dernier étudie et exploite chaque rapport et vidéo pour revoir le code déontologique si nécessaire. Enfin, dans un souci de traçabilité, la caméra et la puce électronique sont exigées et les données analysées.

Bureau de l’armement et des matériels techniques

Mrs Commissaire Bavois, Olivier Rosso et Jean-Guy Becret

Le Service de l’armement gère le Cahier des charges, les recettes techniques et le déploiement des armes par divisions de police ainsi que le suivi de l’utilisation du matériel. Cet entretien est fondamental pour une meilleure compréhension de la technique utilisée par la P.I.E. Si la société Taser a le monopole du marché aujourd’hui, ce dernier s’ouvre à la concurrence avec la société Stinger Systems. Le service insiste sur l’utilisation du P.I.E comme arme complémentaire, sur la proportionnalité. Ainsi, l’utilisation du P.I.E. est recommandée dans trois cas de figures : la légitime défense, empêcher un suicide et calmer un individu. L’arme X26 est uniquement utilisée par les forces de police car c’est une arme de 4e catégorie.

Antoine Di Zazzo, Président de Taser France

Ancien Directeur de Motorola, Antoine Di Zazzo a souhaité mettre en place une technologie dont les objectifs principaux étaient d’éviter les blessures et la mort. Le besoin de sécurité devait prévaloir ainsi que prévenir l’escalade de la violence. Ce qui peut être mis en cause selon lui est l’intention et l’usage qui en est fait plus que l’arme en tant que telle. La polémique relancée en permanence est erronée car c’est une arme électronique et non électrique dont le but est d’annihiler les forces musculaires. Risques et bénéfices ne seraient donc pas correctement évalués dans le cas du PIE. Di Zazzo souligne la partialité du traitement médiatique dans les cas d’utilisation du PIE. Par ailleurs, Taser France fait partie d’une autre entité plus générale appelée SMP Technologies, bénéficiant d’un monopole dans le secteur, dû au brevet du Taser notamment. Pour Mr Di Zazzo, la concurrence serait judicieuse car SMP technologies n’aurait plus ce rôle de bouc émissaire. Selon l‘échéancier du Président de la République, le développement du PIE s’opèrerait en trois phases : équipement des forces de police, puis des voitures et enfin supprimer les armes à feu et les remplacer par des armes non létales. En outre, en 2006, le stoper C2 est mis en circulation et commercialisé au grand public, constituant une autre sous-controverse. Il reste pourtant moins dangereux que la libre circulation du shoker dont les tests ont été négligés. Le PIE reste donc une alternative crédible à l’arme à feu.

Remerciements :

Nous remercions toutes les personnes qui nous ont reçues lors de ces entretiens, ainsi que tous ceux qui ont œuvré à leur réalisation :
Merci de l’attention et du temps que vous nous avez consacrés.
Mr Muracciole
Mr Zagrodzki
Mr Fornès
Mme Moneger et Mr Petraz
Mrs Commissaire Bavois, Olivier Rosso et Jean-Guy Becret
Mr Di Zazzo

Nous souhaitons aussi remercier nos professeurs, et en particulier :
Mr Latour
Mr Benvegnu
Mr Venturini
Mr Jacomy
Mr Rouilly