Jusqu’au 31 décembre 1957

C’est par euphémisme qu’on appelle garde à vue la mesure par laquelle la police judiciaire maintient à sa disposition des personnes qui ne sont pas inculpées et qui ne font pas l’objet de dtitre de détention. A la vérité, elle s’apparente à la détention préventive et elle en est souvent la préfiguration. Il paraît donc indiqué d’en faire un examen d’ensemble après l’exposé des dispositions relatives à la détention préventive. Contrairement à une opinion couramment répandue, la garde à vue n’est pas prévue par aucun texte. Elle est seulement tolérée par les tribunaux dans la mesure où elle ne dégénère pas en une violation de la liberté individuelle. Le caractère arbitraire de la garde à vue s’apprécie non par sa durée, mais par les circonstances qui l’ont motivée.(Exposé des motifs de la Loi n°57-1426 du 31 décembre 1957)

L’article 1er de cette loi institue un code de procédure pénale, remplaçant le code d’instruction criminelle de 1808 de Napoléon. Cette loi encadre pour la première fois la garde à vue et statue entre autres sur sa durée (24h renouvelables).

 

31 décembre 1957

L’article 1er de la loi n°57-1426 institue un code de procédure pénale, remplaçant le code d’instruction criminelle de 1808 de Napoléon. Cette loi encadre pour la première fois la garde à vue et statue entre autres sur sa durée (24h renouvelables).

 

Avant 1958

Le régime du code d'instruction criminelle est appliqué. Il n'existe aucune règle de droit du gardé à vue et les magistrats déterminent eux même la durée de l'enfermement.

 

Après 1958

Le Code de Procédure Pénale fait son apparition et instaure au fil des années des règles de droit du gardé à vue.

 

1993-1994

les droits du gardé à vue incluent le droit de contacter familles et tiers, le droit de faire appel à un avocat et celui de bénéficier d'un examen médical.

 

15 juin 2000

Apparition de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (application le 01/01/2001)

 

13 octobre 2009

La Cour européenne des Droits de l’Homme rend son arrêt dans l’affaire Dayanan contre Turquie. M. Dayanan est condamné à douze ans d’emprisonnement suite à une garde à vue dans laquelle il a gardé le silence et n’a pu être assisté par un avocat.

« (…) un accusé doit, dès qu'il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu'il subit. En effet, l'équité de la procédure requiert que l'accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer. »

Pour le Conseil National des Barreaux en France, la jurisprudence de la Cour doit conduire à une modification de la législation sur le régime de garde à vue en place.

 

1er mars 2010

Une question prioritaire de constitutionnalité est posée lors d’une affaire au tribunal correctionnel de Paris. Elle est transmise à la Cour de cassation puis au Conseil constitutionnel : « L'article 63-4 (relatif à la présence de l’avocat au début de la procédure) du code de procédure pénale porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et, plus précisément, au principe du respect des droits de la défense, au droit à une procédure juste et équitable, à la liberté individuelle, à la liberté d'aller et venir, au droit de ne pas faire l'objet d'arrestations d'une rigueur non nécessaire, au principe d'égalité ? »

 

30 juillet 2010

Le Conseil constitutionnel rend sa décision faisant suite à la QPC (question prioritaire de constitutionnalité) :

Article 1er.- Les articles 62, 63, 63-1 et 77 du code de procédure pénale et les alinéas 1er à 6 de son article 63-4 sont contraires à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet le 1er juillet 2011 dans les conditions fixées au considérant 30.
Article 3.- Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de statuer sur l'article 706-73 du code de procédure pénale et le septième alinéa de son article 63-4.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

 

14 octobre 2010

La Cour européenne des Droits de l’Homme condamne cette fois la France dans l’affaire Brusco contre France, où le requérant est condamné à cinq ans d’emprisonnement en partie sur la base de propos obtenus de lui lors d’une audition sous serment que la Cour a jugé contraire au droit de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination. « La Cour rappelle que le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et le droit de garder le silence sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable. » D’après les juges, « le droit français ne répond pas aux exigences du procès équitable ».

 

19 octobre 2010

La Cour de cassation juge certains aspects du régime de garde à vue français non conformes à la Convention européenne des Droits de l’Homme. Elle confirme l’ultimatum posé par le Conseil constitutionnel (la nouvelle loi sur la garde à vue devra entrer en vigueur au plus tard le 1er juillet 2011) et prescrit le respect des principes suivants : la restriction au droit, pour une personne gardée à vue, d’être assistée dès le début de la mesure par un avocat; la personne gardée à vue doit être informée de son droit de garder le silence; la personne gardée à vue doit bénéficier de l’assistance d’un avocat dans des conditions lui permettant d’organiser sa défense et de préparer avec lui ses interrogatoires, auxquels l’avocat doit pouvoir participer.

 

12 avril 2011

Après la navette parlementaire (échange du texte en discussion entre le Sénat et l’Assemblée), le Parlement adopte la réforme de la garde à vue dans sa version définitive. Le texte est publié au Journal officiel et devait normalement entrer en vigueur le 1er juin.

 

15 avril 2011

À la suite d'une décision attendue de la Cour de cassation dans une affaire concernant des étrangers en situation irrégulière, le ministère de l'intérieur a boulversé les attentes, annonçant de manière inattendue que les nouvelles règles de la garde à vue, prévoyant notamment la présence des avocats lors de tous les interrogatoires, devaient être appliquées « immédiatement ». Le même jour, une circulaire était donc envoyée à la police et à la gendarmerie, leur ordonnant d’appliquer sans délais les nouvelles dispositions de la réforme de la garde à vue. Les syndicats de police seront les premiers à dénoncer la précipitation dans laquelle la réforme a été appliquée.