A-t-on encore besoin de la modélisation brownienne en finance?
Notre équipe
Notre démarche
Remerciements
S’inscrivant dans le cadre du cours de B. Latour « Cartographie de la controverse », notre étude a été l’occasion de suivre la controverse liée à la modélisation brownienne en finance. Partant donc de l’ouvrage Le virus B de C. Walter, nous nous sommes interrogés sur les raisons de l’ancrage du modèle. Notre travail de chronologie nous a permis, selon la démarche adoptée par D. MacKenzie dans son article An Equation and its Worlds: Bricolage, Exemplars, Disunity and Performativity in Financial Economics, de relever l’hétérogénéité des démarches qui ont conduit à la construction théorique de ce modèle. Le modèle brownien n’a pas été pensé pour mesurer les risques sur les marchés financiers, il ne dispose pas d’une théorie mathématique robuste à la base, mais son adaptation progressive et son implantation dans des outils en ont fait, par « bricolages » successifs, un élément majeur de nos marchés contemporains. D’autre part, son implantation massive, qui a permis donc sa stabilisation, a aussi été l’un des fondements du développement massif des marchés d’options dans les années 70. Cette controverse est donc une illustration du concept de co-construction développé par M. Callon. Le modèle brownien s’ancre dans des pratiques, des outils, qui construisent les marchés, alors que la modélisation des risques a pour but justement d’évaluer les risques de ces mêmes marchés. Or c’est justement grâce à cet ancrage dans les pratiques que les marchés sont devenus plus prédictibles et plus efficaces. Au delà de la modélisation, le modèle brownien est performatif, car il modèle les données même sur lesquelles il est construit selon la théorie de M. Callon. C’est le sens que nous avons voulu donner à notre analyse, symbolisée par le cycle de la vue d’ensemble de la controverse.
Notre enquête s’est donc appuyée en premier lieu sur des ouvrages et articles universitaires, ceux-ci étant la base des discussions sur les caractéristiques précises du modèle. Puis les interviews nous ont permis d’avoir quelques avis significatifs sur les différentes questions. Le choix de N. El Karoui, très médiatique et surnommée par la presse « prêtresse des mathématiques financières » s’est imposé à nous en raison de son implication dans la formation de générations de quants (analystes quantitatifs), principaux utilisateurs sur les marchés des modèles mathématiques. C. Walter nous avait d’autre part conseillé de rencontrer J.P. Bouchaud en raison de ses prises de positions contre les idées de N. El Karoui. Notre étude historique nous a naturellement conduit à étudier aussi en profondeur l’analyse de B. Mandelbrot. Mais au delà des universitaires, nous souhaitions rencontrer d’autres acteurs des marchés afin d’évaluer leurs pratiques et leurs rapports au modèle. C’est pourquoi un analyste financier et C. Vignix (informaticien pour traders) nous ont permis d’avoir un aperçu des différents aspects de la modélisation mathématique sur les marchés.
En tant que designers, nous avons souhaité aborder cette thématique compliquée par l'intermédiaire de l'image. Explorer tout l'univers visuel qui entoure ce monde obscur et le lier à des disciplines artistiques nous semblait être une réponse appropriée. Le choix de couleurs franches tend à simplifier l'abondance d'informations qui entoure ce vaste sujet. En guise d'introduction, l'extrait de Mary Poppins se déroulant dans la banque en pleine crise nous semblait une référence amusante et universelle, loin des images médiatiques que l'on voit trop souvent à la télévision