« Une révolution médicale », « des sachets miracles », « le Nutella du pauvre », « la potion magique » ... autant de qualificatifs pour désigner l’espoir que suscite le Plumpy’nut®. Ce sachet de 92g contenant une pâte à base d’arachide, de sucre et de lait fait partie des RUTF (Ready-to-Use Therapeutic Food), produits révolutionnaires dans la lutte contre la malnutrition (...)
Ne nécessitant pas d’eau pour être dilués, tout en contenant une valeur nutritionnelle appropriée, ils ont en effet la vertu de pouvoir être directement consommés par les populations ciblées : les enfants souffrant de malnutrition aigüe sévère.
Néanmoins le développement de l’entreprise Nutriset autour de ce que certains qualifient de “business alimentaire” suscite de nombreux débats et critiques. En décembre 2009, deux fondations américaines à but non lucratif, Mama Cares et Breedlove Foods, entreprennent d’attaquer Nutriset devant les tribunaux afin de casser son brevet et d’ainsi pouvoir utiliser cette recette miracle : selon eux, payer une licence serait dommageable pour les enfants malnutris. De son côté, Nutriset se défend alors et explique que son brevet porte sur des procédés technologiques et non sur la composition des RUTF. Cependant, sous cette pression renouvelée, en octobre 2010, la PME normande ouvre son brevet à vingt-huit pays du sud, dans le but d’y booster le développement, complétant ainsi le réseau déjà existant, Plumpyfield, composé de producteurs locaux franchisés. Pourtant, l’essentiel de la production demeure importée de France, et la réalité de l’ouverture du brevet n’est pas si évidente : cette démarche ne permettrait-elle pas avant tout de se prémunir de toute concurrence du Nord ?
Par ailleurs, si Plumpy’nut a fait ses preuves, sa composition est le fruit de nombreux essais empiriques. Sa formule s’est donc imposée comme standard des RUTF sans aucune base scientifique préalable. Ainsi, selon André Briend, le Plumpy’nut n’est pas le produit miracle abouti en soi ; sa recette pourrait faire l’objet d’améliorations pour obtenir un RUTF optimal. Les alternatives ne se sont donc pas fait attendre, telles la luzerne, proposée par Daniel Fancony, ou le BP-100 de l’entreprise Compact, qui s’est depuis associée à l’Inde….Etat même qui avait refusé à l’Unicef la diffusion du Plumpy’nut. La création d’aliments concurrents devient alors un enjeu plus commercial que nutritionnel. D’autant plus que des études# ont depuis prouvé que l’efficacité du Plumpy’nut égalait celle de RUTF produits sur place à partir d’aliments locaux. J-H Bradol, ancien directeur de MSF, prévient également de la probable compétition entre le RUTF et le lait maternel. L’importation commerciale massive de tels produits distrairait-elle des solutions durables et locales à la malnutrition ? Ce type d’alimentation ne devrait-il pas être effectivement produit au plus près des zones cibles, et donc par des locaux afin d’écarter la menace de nouveaux monopoles commerciaux ? Apparaît alors l’enjeu du contrôle de qualité du RUTF, puisque des champignons, appelés aflatoxines, sont susceptibles de se développer dans les cacahuètes en amont de la production.
Autant de questions qui bousculent le statut de “solution miracle” du Plumpy’nut. Si le produit est pertinent dans des cas d’urgence alimentaire, doit-il être utilisé en prévention ou en réponse à un degré plus faible de maladie, comme MSF a pu le faire à plusieurs reprises ? En effet, l’alimentation d’êtres humains ne doit pas dépendre de l’assistance du Nord au Sud. Indirectement, le Plumpy’nut repousse la mise en place de programmes de long terme de sensibilisation à la nutrition, et d’adaptation de l’économie locale à un mode d’alimentation durable. Ne pourrait-il pas ainsi contribuer à empêcher de résorber la malnutrition ? Mais doit-on pour autant se passer d’un produit aussi efficace ?