Le Homard et les dégonflés,
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Fallait-il exposer Jeff Koons au château de Versailles ? Le peintre Gérard Traquandi réagit,
23 septembre 2008
O.C. "Le travail de Veilhan ne m'a pas marqué, Koons est plus fascinant que lui, à tous points de vue. C'est quand même quelqu'un d'assez déterminant. Moi, je n'aime pas Koons, mais peu importe, car par la suite qu'il donne à Warhol, par la démesure, par la marchandisation, par son incursion dans le monde de l'art et sa façon de faire exploser l'industrie culturelle, il est devenu un acteur vraiment important. Veilhan n'est personne. Koons ne sait même pas qui est Veilhan. Il y a toujours quelques grandes figures et puis derrière, de petits suiveurs. Ce qui est étrange, c'est que j'ai plusieurs témoignages disant que Veilhan est un type extrêmement doué. (…) Koons est déterminant en matière d'histoire de l'art, il est celui qui exprime le plus clairement, sans la moindre honte, la post-modernité; c'est à dire cette impureté totale, cette médiocrité totale, il les assume et les revendique. C'est Koons qui marque le vrai début du cynisme. (…) Koons n'a pas hésité à dire "Moi je vous prends un ours en peluche et je vous le fais avec tous les moyens du pop", il n'a rien inventé de particulier, mise à part peut-être ce relativisme très contemporain. Finalement, c'est cela qui prime sur ses objets, dont on se fout complètement. Ce qui est important dans son travail c'est la course à l’argent avec les records financiers de ses œuvres, fabriqués avec la complicité de Gagosian et Pinault. Koons a très bien compris les ressorts du milieu marchand de l'art contemporain et comment il pouvait en jouer. (…) Il s'amuse, il revendique son côté ludique, décomplexé, très américain (dollar, aspirateur Hoover, Mickey, une succession d'objets à la con, quoi...). Il communique beaucoup aussi beaucoup sur la société qui développe ses œuvres, (…) il se construit un mythe."
O.C. "Oui, c'est de l'épate bourgeois tout ça, c'est du mythe à la Barthes : "Ouh là là c'est de la haute technologie alors c'est très bien"; Veilhan joue sur les mêmes procédés, avec son discours "c'est fait par ordinateur, avec une machine qui découpe, etc". A son niveau, Veilhan réveille les mêmes réflexes."
O.C. "Je n'ai pas été voir son expo à Versailles. Mais Koons, j'y suis allé."
O. C. "(…) Je trouvais déjà que Versailles était un monument baroque très kitsch, très décoré dans plein d'endroits. (…) Koons, ça donnait du kitsch dans du kitsch, rien de bien intéressant. On peut discuter de la valeur de l'expo, on peut discuter de la collusion Koons, Pinault, Gagosian ou encore de la collusion Koons, Sofia Coppola (avec son film Marie Antoinette) et les fondations américaines qui ont rénové tous les jardins de Versailles... Ce sont les Américains qui payent Versailles depuis des années, c'est plus du tout la France. On n'a plus les moyens d'avoir des machins comme ça! Du coup l'Etat fait appel à des fonds privés et ce ne sont ni les Français ni Pinault qui payent les rénovations du château. Donc les Américains, finalement, sont un peu chez eux à Versailles.
O.C. "Oui c'est peut-être un geste. Mais ce que je trouve le plus intéressant dans cette histoire là c'est l'idée de la décoration. L'idée du renversement. (…) Versailles est un écrin magnifique offert à Koons, qui ne fait pas un effort. Lui, il met ses œuvres dedans, comme si le château était une énorme galerie. Il arrive en terrain conquis, (…) sans gêne. Il est là le renversement. Et ça dénote un côté un peu perdant chez les institutions françaises. La réalité artistique illustre parfaitement notre réalité économique."
O.C. "Si, c'est intéressant, la manière dont il joue avec ses miroirs bombés, son jeu de reflet."
"Oui c'est vrai, il joue aussi avec l'histoire, mais ça reste insuffisant. Je ne sais pas comment dire ça, mais je m'en fous un peu. J'ai pas été très virulent dans ma critique. Ce qui peut m'intéresser c'est ce que ça peut dire de la société. Ce relativisme qui m'inquiète mais qui m'intéresse aussi. Le côté parisien, inculte, show off. Il a une prof d'histoire de l'art qui a écrit un livre sur le kitsch et qui dit dans cet ouvrage dont j'ai oublié fort à propos le nom, quelque chose comme ça : "Personne ne peut nier aujourd'hui qu'un lapin gigantesque en taule brillante sur la lagune de Venise fait le même effet que le David de Michel-Ange." Moi ça me tue qu'on connaisse aussi peu l'histoire de l'art, le rapport des gens à l'art au temps de la Renaissance. Et puis c'est faux tout ça. Les gens peuvent être amusés, surpris ou épatés, mais il n'auront pas ce même rapport à une œuvre telle que le David. Et la nana est prof d'histoire de l'art! Cela revient à dire que tout se vaut."
"Ce n'est pas une question d'éducation, mais de place qu'occupe l'art dans la société. On est dans un art de la distraction, du jeu, du divertissement. Les acteurs de l'art n'en sont pas dupes et en tirent des profits, la populace est censée être impressionnée par ces nouveaux jeux du cirques, décomplexés et hédonistes. C'est grand, c'est neuf, ça brille, c'est technologique, et c'est tout. Et puis l'art d'aujourd'hui se veut critique mais il se vautre lui-même dans ce qu'il dénonce, sous prétexte de le dénoncer. Cela ne veut plus rien dire. Tout cela est extrêmement méprisant finalement. Il y a aussi des nouveaux acheteurs, sans culture, sans appréciation, qui ont tellement de pognon qu'ils sont bien obligés d'acheter de l'art, puisqu'ils ont déjà dix bagnoles, cinq villas et j'en passe. Moi-même j'en connais des gens comme ça. Qui n'en ont rien à faire d'acheter 3000 œuvres en trois ans, de les mettre à la cave après et de ne plus jamais les regarder."
"L'argent est un moyen de dénier, de tuer l'art. On n'achète plus une œuvre mais sa valeur marchande. Les œuvres tellement chères ne sont plus des œuvres. Elles deviennent autre chose. L'achat devient une performance, comme d'escalader l'Everest. C'est un geste statutaire, ou ce que tu veux. L'art ne sert plus à donner une autre vision du monde, une humanité, une inspiration. L'art sert à autre chose aujourd'hui. L'art aujourd'hui sert à différencier les riches des pauvres, c'est aussi ridicule que ça.
O.C. "Moi je trouve ça plutôt bien, mais c'est une mode aujourd'hui de mettre de l'art contemporain dans des lieux patrimoniaux. Et c'est parfois raté. Wim Delvoye au musée Rodin par exemple, ça donne un mélange des genres pas vraiment convaincant. C'est comme si j'arrivais à Sciences Po avec des arguments uniquement sociologiques pour répondre à une question de philo. Wim Delvoye c'est la sociologie amusante, le surréalisme crado, bon c'est marrant. Il invente des sacrées conneries et il est très fort dans ce qu'il fait, mais ça n'a rien à voir avec Rodin! Bon Versailles ça reste un décor, mais le musée Rodin c'est l'esprit et l'œuvre de Rodin. Et là on touche au vrai relativisme. Parce qu'il n'y a aucune raison pour les publics de penser que Wim Delvoye n'est pas égal à Rodin, vu qu'ils sont côte à côte. Et ce n'est pas vrai."
"Si sûrement. La conservatrice a voulu remettre un peu de glamour dans ce vieux musée qui est un peu dégueulasse, il faut bien l'admettre. Mais elle aurait pu mettre des sculpteurs contemporains qui avaient un rapport avec l'oeuvre de Rodin. Le souci avec l'art contemporain aujourd'hui, c'est qu'on n'arrive pas à l'appréhender. Contrairement au cinéma ou à la musique, où tu payes ta place ou ton CD, l'art est trop inaccessible. On arrive tout de suite à des sommes astronomiques. Du coup, il reste une matière mouvante et mal définie par les publics."
"Oui c'est vrai, on peu acheter du papier peint à 100€ ou un petit champignon de merde en plastique, c'est vrai. A la Fiac, on peut acheter une sérigraphie naze de Murakami pour 1000€, éditée à 300 exemplaires. Il empoche quand même 300 000 € à la fin de la journée le mec, il est malin. Mais finalement c'est plutôt une question de posture critique. Je ne vais pas aller voir Iron Man 2 au cinéma avec le même regard que j'accorderai à Lola, le film de Mendoza, c'est pas la même chose. Cela n'empêche pas d'aller voir les deux, mais il faut un recul critique. Les gens font la différence entre le cinoche et le cinéma. Mais pas entre Wim Delvoye et Rodin. Pas encore. Et Rodin n'a aucune chance, Delvoye il est rigolo, abordable, coloré, il en met plein la vue. C'est beaucoup plus dur de regarder une sculpture de Rodin."
"T'as raison là, c'est vrai. C'est une question de respect. Les gens ne vont pas tout percevoir de Rodin mais il le respecteront. Ce qui n'est pas vrai pour Delvoye. Mais il ne faut pas oublier la force du spectaculaire. Tu peux faire venir à la terrasse de ce café, les plus belles femmes du monde, c'est le laideron qui baissera sa culotte que les gens vont regarder. C'est ça le principe de Koons aussi à Versailles, c'est un principe choc publicitaire. Et je lui reconnais ce don. Il est malin, rapide, réactif."
"Ecoutez, je crois qu'on en a pour un petit moment avec le post-modernisme. Ce que j'espère c'est que ce soit "pré quelque chose". Une transition en quelque sorte. On en mange depuis les années 70 quand même alors il faudrait que ça bouge un peu. Mais cette forme d'art est étroitement liée au capitalisme triomphant. Tant que ce modèle économique perdurera, on est un peu coincé artistiquement je pense. La financiarisation, l'enrichissement rapide, le cynisme, le goût du pouvoir, beaucoup de moyens et peu de besoins. Cela rappelle beaucoup la fin du XIXème siècle. Il a quand-même fallu une guerre pour enrayer le processus. Et après seulement est sorti le surréalisme, forme plus intellectuelle. Et après la deuxième guerre, l'art abstrait a approfondi un peu la scène culturelle. Aujourd'hui, il n'y a pas l'alternative économique. C'est un peu effrayant."
"Rien de réjouissant en tout cas. Pour l'art, on attend des singularités, une diversité qui va sortir. Il y a toujours beaucoup d'artistes non médiatisés qui sont d'une grande qualité. Peut-être que les singularités vont se regrouper pour faire sens. Cela ne viendra sûrement pas des Etats-Unis, ni d'Allemagne, ce sont des périodes révolues... De Chine, je ne sais pas. Même si l'art à l'export est très pop, l'art intérieur chinois reste très traditionnel, très pur. Il sont très multiples ces Chinois, ils apprennent la copie à l'huile et la vidéo dans la même journée. Les deux formes vont se rencontrer c'est sûr. Avec la force de production extraordinaire qu'ils ont, tout est possible. Les américains adorent les artistes chinois, qui sont capables d'exploits techniques incroyables comme de construire un mobile à la Calder en suspendant des grosses bagnoles dans le vide. Rien d'artistique là dedans, mais c'est bluffant. Tu peux aussi donner Versailles aux Chinois, ils n'auront pas peur!"
O.C. "Peut-on faire du palais de Versailles un simple show room pour un artiste, aussi excellent soit-il? Non. Peut-on demander à un artiste de travailler pendant deux ou trois ans dans Versailles à la réalisation d'une exposition. Oui, peut-être. Là est toute la différence. Je sens quelque chose de l'ordre de la fainéantise chez Aillagon. (…) C'est à celui qui trouvera des financements. Mais il est très sympathique cet homme."
O.C. "Il est très calé en histoire, il est très cultivé c'est sûr. N'empêche que Veilhan et Murakami à Versailles, tous deux représentés par Perrotin, alors que Pinault vient d'acheter Perrotin.... Maintenant c'est clair, c'est tout pour Pinault! Et ça sera la même avec Maurizio Cattelan et Othoniel!"
O.C. "Oui, mais bon, tous les artistes, tous les projets au départ concernaient de très près Pinault. (…) Et ce n'est pas Pinault qui s'en plaindrait! Il avait Venise, maintenant Versailles, Christie's et Perrotin...
O.C. "Moi je ne le connais pas personnellement, mais j'ai des amis qui le connaissent très bien et qui affirment que Pinault n'est pas un homme d'affaire, mais un joueur financier. Il aurait pu jouer avec autre chose. Il ne s'est intéressé à l'art que passés 50 ans. Et puis ce n'était pas du contemporain, mais plutôt du XIXème, des œuvres bretonnes. Et curieusement, son intérêt pour l'art ne se porte pas en premier lieu sur des œuvres, mais sur des maillons de la vente, comme Christie's. Tu en connais, toi, des collectionneurs, même des Américains, qui se payent des maisons de vente? Personne n'a jamais fait ça! Pinault joue, il spécule, il s'amuse et il change les règles du jeu. Lui, il veut gagner, influer sur les choses. (…)."
"Mais ça a toujours été comme ça. Il y a toujours eu la notion du luxe, comme le bijou. Koons joue d'ailleurs beaucoup là dessus avec ses cœurs en ferraille. Depuis l'avènement de l'ère bourgeoise, l'art donne un statut, même chez les gens qui ont déjà un statut ou de l'argent. Maintenant, ce sont les artistes qu'on choisit qui définissent qui l'on est. J'ai des amis, assez fortunés, qui collectionnaient déjà il y a vingt ans, mais des pièces peu médiatisées. Aujourd'hui, ils ont un mur de Sol Lewitt dans leur salon, quatre Louise Bourgeois, six dessins de Cy Twombly, que du bon. Je suis allé dîner chez eux récemment et il m'ont montré une petite croix historique de Beuys. Ces gens là dînent à la table de Pinault, ils font partie d'un tout petit cercle mondial qu'on invite systématiquement. Ils ne payent plus rien, dans les foires, les biennales, ils ont leur suite de luxe, pourvu qu'ils repartent avec un truc. Ils sont repartis récemment avec un Bill Viola."
"Oui, ils ne laisseraient pas rentrer un Koons chez eux, ça c'est sûr! Quand tu entres dans leur appart, t'as l'impression de mettre le pied dans un hall d'hôtel contemporain londonien. C'est hyper chic. Le mur Lewitt d'un côté, les lettres défilantes de Jenny Holzer de l'autre, ça en jette. C'est pas toujours de l'art, mais comme déco ça marche vachement bien. C'est un petit club privé qui ne peut plus acheter des oeuvres en dessous d'un certain prix. Ce n'est pas assez statutaire. Il préfère un truc à 300 000 plutôt qu'un truc équivalent à 30 000. C'est comme quand tu vas acheter une bouteille d'eau chez Colette plutôt que d'aller t'emmerder chez Carrefour. Quand t'as du fric, pourquoi tu veux t'emmerder?"
" Il y a les deux. Les productions qui y ressemblent sont les plus efficaces et les plus rapides. Il faut être fashion, apporter une nouvelle technique, être compétitif. Il faut un marché, et ce marché ne peut fonctionner qu'avec des grands artistes. Il faut du fashion. L'ennui c'est la bêtise des journalistes qui suivent au lieu de critiquer, ou qui mettent les prix en avant plutôt que les qualités de l'œuvre. Cela durera tant que durera cette société de l'argent. Il n'y a pas de raison que le paradigme change rapidement."
"Et bien non, c'est vrai, parce qu'en même temps il y a Monumenta au Grand Palais avec Boltanski. Encore un Américain. Le marché de l'art n'est plus tourné vers la France et c'est dommage. Mais le plus important, en dehors du libéralisme, c'est cette idée que la France est incapable de raconter ou de bâtir son histoire. (…) Veilhan à Versailles, ce n'est qu'un prétexte pour servir Pinault. Veilhan n'a jamais eu d'exposition d'envergure ailleurs. On ne célèbre pas nos artistes. On a un complexe étrange. (…) On a l'air dans le coup quand on expose un artiste qui marche déjà partout ailleurs. Mais Koons ou Hirst n'ont jamais été exposés à Beaubourg, ils ne sont pas assez intello et ils sentent trop l'argent. En revanche, à Versailles, c'est moins dérangeant. Mais moi, voir toujours des artistes étrangers dans des musées nationaux, ça commence à me perturber. C'est quand même les impôts des Français qui nourrissent les Allemands ou les Anglais! Sans être dans l'argument de la préférence nationale, je trouve ça dommage. Ces choix ne reflètent plus que le marché. La vérité est du côté des riches qui se fichent du recul historique puisqu'ils auront revendu les œuvres bien avant qu'elles ne retombent. On a perdu ce côté romantique d'avoir un œil sur la qualité intrinsèque de l'œuvre. Aujourd'hui, les méga collectionneurs achètent tout. Donc il y en aura bien une partie qui restera à la postérité."
"Bien sûr, ce sont des acteurs majeurs et c'est aussi grâce à eux que les grandes galeries reviennent s'installer à paris. Pinault et Arnaud attirent les galeristes. Paris reste glamour pour les collectionneurs. (…) Et Versailles n'en parlons pas! Versailles ça fait rêver. Je pense que les expositions d'Aillagon participent de ce mouvement là. Mais les réseaux ça a toujours existé. Ce qui m'intéresse moi, c'est les conditions de ces expositions. Comment ça se fait que quelqu’un comme Pinault puisse se payer Versailles, comment un type comme Gagosian, qui est d'une vulgarité incroyable, puisse être reçu à Versailles comme un chef d'État. Cela en dit long sur les évolutions de la société. La France, Versailles ou Paris, deviennent progressivement l'écrin de l'art international. "
"Il vaut mieux cela que l'inverse c'est sûr. Ces expositions changent le statut des lieux et leur confèrent un glamour international. Que ce soit Versailles avec Koons ou le Grand Palais avec Richard Serra. Cela valorise les lieux du patrimoine c'est sûr. A un moment, il faut peut-être accepter d'être un contenant et non un contenu. Et malgré tout, le Château reste symbolique d'une quantité de choses. Je ne pense pas que ces expositions puissent être néfastes en tout cas. Le plus dur, c'est de ne pas avoir d'avis tranché, de ne pas donner dans le cliché, dans l'anti-américanisme. Il faut essayer de comprendre les mécanismes profonds des choses. (…) Ce qui est complexe, c'est que certaines affirmations catégoriques sont aussi très vraies. Les collusions, le show-room pour Koons, tout ça c'est vrai."
"Cela pourrait être un bon exercice. Mais c'est encore une pratique très peu courante. Mais pour avoir le même regard sur une œuvre ancienne, moderne, contemporaine, il faut être très honnête. Quand je regarde Titien, je regarde Titien aujourd'hui avec mes yeux d'homme moderne. Mais je ne dois pas me laisser impressionner par l'aura que lui a conféré l'histoire. Et aujourd'hui, c'est impossible de regarder les œuvres de manière égalitaire puisque les musées sont historicisés. Pour moi, il faudrait ne compter que sur l'émotion (enfin, il me faudrait un mot plus complexe, qui n'existe pas) et non pas sur le savoir que tu as pu accumuler sur l'œuvre que tu regardes. Il faut garder l'interaction de l'homme et de l'œuvre. Le fait qu'elle te rende vivant, qu'elle t'engage dans une relation. Et cette relation reste rare et précieuse."
"C'est vrai, la sensibilité, ça se libère. Il faut être curieux, généreux et libre. Les gens ont un peu peur de se laisser aller, d'aller dans certains endroits d'eux-mêmes. Regarder l'art c'est périlleux. C'est aussi pourquoi il est plus facile de l'effacer avec de l'argent."