la controverse s'exprime à travers cinq points chauds, cinq problématiques principales qui animent le débat entre les acteurs.
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la dangerosité du bpa
Si pendant longtemps l’innocuité du BPA n’a pas été remise en cause par les agences sanitaires,
de nombreuses études sont apparues depuis quelques années qui suggèrent que le bisphénol A serait dangereux pour la santé humaine et serait impliqué dans différents troubles et maladies tels que le cancer, le diabète, les problèmes de reproduction ou les troubles neurocomportementaux
(voir la liste détaillée des maladies dans la partie enjeux sanitaires) et ce, à un seuil inférieur à celui de la DJA fixé par l’EFSA.
Selon une veille effectuée depuis mai 2009,
sur les 125 études menées sur le bisphénol A, aussi bien sur l’homme que sur des animaux, 119 montreraient des effets, soit plus de 95% des études.
Si certains considèrent que l’existence de plusieurs études affirmant que le BPA est dangereux constitue une preuve qu’il l’est réellement, d’autres se positionnent différemment sur cette question.
Les études menées sur le bisphénol A
mettent en exergue des données contradictoires ou du moins des données
qui sont interprétées de manière différente selon les acteurs (selon le modèle biologique utilisé, selon la dose de BPA administrée, selon les pratiques de laboratoires employées).
L’absence d’accord sur ces derniers points implique donc l’absence d’accord scientifique sur la question des effets potentiellement dangereux du bisphénol A.
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Selon le modèle biologique utilisé : les effets nocifs du bisphénol A qui ont été observés diffèrent selon que l’expérience s’effectue sur des animaux ou sur des cellules humaines, sur une espèce animale plutôt qu’une autre, sur une lignée d’une espèce animale plutôt qu’une autre. (
> point chaud sur les tests sur les animaux)
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Selon la dose de BPA administrée : si des études ont mis au jour des effets du bisphénol A à des doses inférieures à la
dose journalière admissible (DJA)
Dose journalière admissible •
La dose journalière admissible (DJA) (en anglais, Acceptable Daily Intake) représente la quantité d'une substance qu'un individu moyen de 60 kg peut théoriquement ingérer quotidiennement, sans risque pour la santé.
Elle est habituellement exprimée en mg de substance par kg de poids corporel.
Wikipédia
, certaines études ont montré au contraire qu’à des doses aiguës aucun effet n’était observé sur la santé humaine.
L’approche toxicologique classique, qui évalue les actions toxiques des perturbateurs endocriniens selon le principe de la dose journalière admissible, est remis en cause par certains en ce sens : ce principe («
c’est la dose qui fait le poison ») ne serait pas le plus adapté pour évaluer les risques liés au BPA. (
> point chaud sur la DJA)
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Selon les pratiques de laboratoires employées : la question de la variabilité d’une expérience à l’autre est en jeu (l’expérience s’est-elle faite selon les «
bonnes pratiques de laboratoire » ? Les manipulations sont-elles faites de la même manière ? L’état de base du matériel biologique est-il stimulé au départ ? ...) (
> point chaud sur l’indépendance de la législation européenne)
Des publications d’études sur l’homme ont mis en lumière des corrélations existant entre le bisphénol A et le risque de développer certaines maladies.
Pour prendre un exemple, une étude de l’University of Michigan School of Public Health de 2010 a montré que les femmes ayant accouché prématurément auraient des concentrations urinaires en bisphénol A plus élevées que celles ayant donné naissance après 37 semaines de gestation.
Mais dans cette étude, comme dans toutes les autres d’ailleurs, si des rapports peuvent être observés entre présence de bisphénol A et apparition de troubles ou de maladies, aucun lien causal ne peut être établi entre les deux phénomènes. D’où les conclusions différentes tirées de ces expériences : l’absence de certitudes est la preuve pour certains qu’il y a un risque (diverses études apparaissant comme des signaux d’alerte) tandis que l’absence de certitude est la preuve pour d’autres que le bisphénol A n’est pas dangereux pour la santé de humaine.
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la dangerosité de la dose journalière
La dose journalière admissible «
est une estimation de la quantité d’une substance, exprimée en fonction du poids corporel, qui peut être ingérée quotidiennement pendant toute la vie sans risque notable ».
Dans le cadre du BPA, une dose journalière admissible totale a été mise en place fin 2006, suite à la publication «
des résultats d’une nouvelle étude portant sur deux générations de souris » mettant fin au manque d’informations concernant la dangerosité ou non de la substance.
Ainsi, cette DJA est
aujourd’hui égale à 0,05 milligramme/kg de poids corporel (avec une application du facteur d’incertitude habituel de 100).
Mais l’évaluation de cette dose journalière
fait toujours débat entre son initiatrice – l’Autorité européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) – et la communauté scientifique.
Effectivement, l’EFSA défend la limite qu’elle a fixé en expliquant que l’exposition alimentaire des consommateurs au bisphénol A, y compris les enfants et les nourrissons, est largement inférieure à la nouvelle dose journalière admissible.
Le groupe scientifique AFC de l’EFSA a notamment conclu sur le fait qu’un « bébé de trois mois nourri au biberon et pesant environ 6 kg devrait boire plus de quatre fois le nombre de biberons habituels à cet âge chaque jour » pour atteindre la DJA actuellement en vigueur.
La dose journalière légalement admissible ne serait donc pas dangereuse pour l’Homme, à tous les stades de sa vie, car bien inférieure à ce à quoi l’Homme est exposé au quotidien.
Ces propos sont remis en question par bon nombre d’associations et de scientifiques pour qui cette dose est quasi-meurtrière car toujours trop élevée ; les risques du BPA étant potentiellement effectifs à une infime dose.
Le bisphénol A serait donc dangereux à long terme,
dès qu’il interfère dans nos vies,
et à la plus petite exposition possible. Effectivement, les effets du BPA ne peuvent être évalués sur le court terme car leur effectivité ne se mesure qu'après plusieurs années. Ainsi,
la DJA représenterait un risque potentiel pour la santé et s’apparenterait donc à de la non-assistance à population en danger.
Le Réseau Environnement Santé par exemple, critique le choix de cette DJA car l’EFSA n’aurait pas respecté la règle de l’Evaluation des Risques qui préconise de prendre l’effet survenant aux doses les plus faibles chez l’animal.
Selon le RES, la dose journalière admissible devrait être située entre 0,025 et 10 ng/kg/j, soit 5000 à 2000000 fois moins que la DJA européenne actuelle.
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l'indépendance de la législation européenne
L’indépendance de la législation européenne est souvent
remise en cause par certains scientifiques, qui voient derrière les évaluations de risques et les décisions prises par les grandes agences sanitaires l’
action de puissants lobbys.
L’objectif de ces derniers serait d’éteindre le débat, en déguisant les résultats des études, et de retarder la prise de conscience des effets nocifs du BPA sur la santé humaine pour pouvoir continuer à vendre, ou à déstocker, leurs produits.
Le bisphénol A est en effet très utilisé dans l’industrie et représente un
enjeu économique considérable : 3,8 millions de tonnes de bisphénol A ont ainsi été produites en 2006, dont 700 000 tonnes dans l’Union Européenne.
En 2008 par exemple, des membres du comité d’experts de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments sont accusés par le Canard enchaîné d’entretenir des liens avec l’industrie du plastique.
Or, des obligations légales, telles que les DPI (Déclarations Publiques d’Intérêt), existent pour prévenir les éventuels conflits d’intérêts pouvant potentiellement compromettre l’indépendance des scientifiques impliqués.
Plus généralement, les acteurs qui mettent en doute l’indépendance de la législation européenne critiquent l’exclusivité accordée par les agences sanitaires aux études menées selon le référentiel des bonnes pratiques de laboratoire établi par l’OCDE. Ce référentiel, qui date des années 1970, ne permettrait pas de détecter certains effets du bisphénol A sur le système nerveux, à de faibles doses. Il impose une démarche très rigoureuse et contraignante, et nécessite en ce sens un financement important.
De nombreux laboratoires ont dû abandonner ce référentiel pour des raisons financières. Leurs études ne sont donc pas prises avec autant de considération par les comités d’experts des agences sanitaires européennes que les études fondées sur les bonnes pratiques de laboratoire.
Les laboratoires laissés pour compte dénoncent ainsi le rôle joué par les lobbys dans le champ sanitaire puisque, selon eux, seuls les laboratoires financées par des aides privées – c'est-à-dire des aides des
industriels –
peuvent adopter ce référentiel.
Pour autant, les mécanismes de pression et de conflits d’intérêts, et plus généralement le rôle des industriels dans la recherche publique sur le bisphénol A, n’ont pas été véritablement et directement mis au grand jour, même s’ils ont été dénoncés par différents acteurs (aussi bien de la société civile et scientifique que de la société politique).
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la validité des tests sur les animaux
La question du matériel biologique à privilégier en laboratoire pour étudier les effets du bisphénol A fait débat. Si certains voient dans le modèle animal le meilleur moyen d’évaluer les risques potentiels du BPA chez l’homme (
rat, souris, singe, poisson, amphibiens …), d’autres lui préfèrent les cellules humaines en culture.
Pour ces derniers, aucune espèce animale ne peut être un modèle biologique fiable pour une autre. Les expériences qui se fondent sur le modèle animal arriveraient donc, selon eux, à des données prouvant tout et son contraire :
selon qu’une étude se fasse sur des rats et une autre sur des souris, ou selon qu’une étude se fasse sur une lignée particulière de souris et une autre sur une autre lignée de souris, les résultats pourraient amener à des données contradictoires.
Ils préfèrent donc au modèle animal les cellules humaines en culture, selon la méthode de la
toxicogénomique, qui consiste à soumettre les cellules à une substance et à mesurer la dérégulation de la transcription des gènes connus pour signaler l’entrée d’une cellule dans une pathologie particulière.
Ceux qui défendent la validité et la pertinence du modèle animal opposent à ces expériences en culture leur manque de lien avec la réalité : elles ne pourraient en effet être une traduction de la physiologie reproductrice d’un organisme humain dans la mesure où celui-ci, après avoir été exposé au BPA, le transforme et l’assimile de manière très variable.
Pour autant, les expériences en laboratoire pratiquées à partir du modèle animal ne peuvent qu’avouer elles-mêmes leur reconstitution imparfaite de la réalité.
En effet, si dans la vie courante l’organisme humain est confronté à des mélanges de substances,
l’animal utilisé lors de l’expérience n’est traité qu’avec une seule molécule, celle du BPA. De plus, l’homme est exposé au bisphénol A de manière chronique, tandis que
les animaux traités en laboratoire ne le sont que sur une période courte. Enfin,
les doses de bisphénol A administrées à ces mêmes animaux sont souvent plus aiguës que celles auxquelles est soumis l’organisme humain, ce qui est une preuve pour certains que le seuil fixé pour la DJA garantit la sûreté des consommateurs
(les effets étant observés à une dose supérieure à celle de la DJA). Lorsque, au contraire, des effets liés au bisphénol A sont perçus sur les animaux à une faible dose, certains y voient l’expression d’un plus haut degré de sensibilité de l’animal par rapport à l’homme, plus que la preuve que le bisphénol A est dangereux pour l’homme (
> point chaud sur la DJA).
Ces différents paramètres pèsent donc sur la question de savoir si les tests exécutés sur les animaux prouvent ou non que les effets sont les mêmes pour les humains.
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la dangerosité des molécules de remplacement
Depuis le début de l’année 2011, tous les fabricants de biberons sont invités à retirer du marché les biberons contenant du BPA pour les remplacer par des biberons produits à partir de composants « plus sûrs ».
Ainsi, certains acteurs proposent le remplacement du BPA par n'importe quelle autre substance, considérant qu'elles ne peuvent pas, de toutes les manières, être plus dangereuses que la molécule de base.
Le système
REACH, législation en matière de substances chimiques, exige l’évaluation, avant l’autorisation ou la restriction, des substances chimiques nouvellement créées. Il semble que les nouvelles substances chimiques employées par les industries du plastique n’aient pas été soumises à cette législation, laissant les consommateurs sans informations et avec de nouvelles préoccupations !
Effectivement,
la plupart des nouveaux biberons ne sont reconnaissables que par la mention « garanti sans BPA » (nous ne parlons pas des « biberons bio » garantis en verre 100%),
mais personne ne sait vraiment ce qu’ils contiennent.
Comment être sûrs que les nouvelles substances ne sont pas plus dangereuses que le BPA lui-même ? Effectivement, ce changement de composants représente la conquête d’un nouveau marché, et donc d’une nouvelle logique des coûts. Une incertitude chimique est donc employée afin de remplacer un danger.
La question sera donc de savoir si, à moyen terme, ces nouvelles substances ne sont pas plus dangereuses pour les nourrissons.
Mais au-delà de la question des biberons, qui a monopolisé l’attention des médias et de l’opinion publique, le remplacement du BPA doit être aussi évalué pour les autres objets en contenant.
C’est en tous cas la position défendue par certaines associations et certains journalistes, pour qui le BPA doit disparaître de tout ce qui peut être en contact avec l’Homme.
Ainsi, une question beaucoup plus large et encore plus complexe se pose :
comment remplacer le BPA présent dans quasiment tous les objets du quotidien ? Par quelle substance non-toxique abordable ? La crainte de l’emploi d’une substance chimique de masse tout aussi toxique, voire encore plus toxique que le BPA existe.
~ t o p ~