Les hydrocarbures représentent la principale source d'énergie mondiale actuellement et c'est pourquoi les gisements non conventionnels intéressent les pétroliers. Mais la technique pour extraire les gaz de schiste est coûteuse et le rendement peut être insuffisant. Cela dépend donc en partie de la baisse des coûts de production et du prix du gaz. La question de la rentabilité est centrale, car c'est elle qui provoque la décision de forer par les pétroliers et donc le début de la controverse.
Après la question de la rentabilité, une seconde question se pose : l'exploitation présente-t-elle des risques ? En effet, on peut se demander si une telle exploitation est polluante, aussi bien pour la roche mère, les sous-sols, les nappes phréatiques, l'air,... ; les risques seraient alors d'ordre environnementaux. Ces risques entraîneraient par la suite des risques d'ordre sanitaires pour les populations vivant à proximité des sites de forages. Plus généralement, la question des risques sous tend le problème de la responsabilité juridique des pollueurs. Les points de vue sur la question divergent, mais ce qui est certain est que cette thématique des risques a eu un rôle majeur dans la naissance de la controverse en France. En effet, elle est à l'origine des premières mobilisations, et a été relayée notamment par le film Gasland qui a permis une réelle prise de conscience du problème.
Suite au boom économique en Amérique du Nord provoqué par l'exploitation des hydrocarbures de schiste, d'autres pays commencent à envisager d'utiliser cette ressource, disponible dans leur sous sol. C'est le cas de la France en particulier, qui ne dispose que d'une soixantaine de gisments d'hydrocarbures. 98% des énergies fossiles sont donc importées (60 milliards d'euros en 2011), sachant que le pétrole représente 41% et le gaz 22% de la consommation en 2010. Nous consommons donc en une demi journée ce que nous produisons en France sur une année. La question de la réduction de la dépendance énergétique (voir définition dans le lexique) y est donc cruciale. Les ressources françaises en hydrocarbures de schiste sont, avec la Pologne, les plus importantes d'Europe, en particulier dans le Bassin Parisien et le Sud de la France. Afin de mieux équilibrer la balance commerciale, et pour diminuer la dépendance énergétique, le ministre de l'Environnement de l'époque, Jean-Louis Borloo a répondu aux attentes des pétroliers (en Particulier Vermillon et Torreador) en délivrant 3 permis d'exploration dans la région de Montpellier en mars 2010. Cependant ils ont été accordé sans aucune consultation publique, et sans évaluer les impacts de l'exploitation. Les populations locales se sont donc mobiliséesen collectifs citoyens, pour dénoncer cette absence de démocratie, et les risques environnementaux et sanitaires qu'ils redoutent, du fait de « l'expérience nord américaine ». La mobilisation citoyenne, soutenue par des élus politiques de tout bords, fait plier le gouvernement et les pétroliers, qui décrète un moratoire le 3 février 2011.
Après de multiples mobilisations, émanant des politiques et des citoyens, organisés en collectifs ou non, la nécessité de réglementer l'exploitation des hydrocarbures de schiste semble s'imposer au sein du gouvernement, et plus généralement au sein des partis, notamment en vertu de l'article 5 de la Charte de l'Environnement de 2005 qui énonce le principe de précaution. Plusieurs propositions de loi sont déposées. Mais les enjeux sont importants, et la délimitation du champ d'action de la future loi ne fait pas consensus.
Est-ce que la loi du 13 juillet 2011 met fin à la controverse ? Lors d'un entretien avec Monsieur Lavenka, conseiller de Monsieur Jacob, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale ayant porté le projet de loi sur l'interdiction de la fracturation hydraulique en France, il nous a été affirmé que la loi mettait fin à la controverse. Cependant la loi du 13 juillet 2011 est loin de faire consensus dans la mesure où elle est à la fois décriée par des militants qui voit l'interdiction de la fracture hydraulique et non de l'exploitation comme une porte d'entrée vers l'exploitation industrielle, et par les industries pétrolières qui crient à l'obscurantisme face au refus de profiter d'une ressource si abondante.
La première extraction commerciale des hydrocarbures de schiste a été réalisée en 1821 aux Etats-Unis.
Le premier forage horizontal a été réalisé en 1929 et Halliburton a développé la technique de
fracturation hydraulique dès 1949. Mais l'exploitation des gaz de schiste était bien moins rentable
que celle des gaz conventionnels jusqu'à ce que dans les années 2000 les prix des gaz conventionnels
augmentent significativement et la fracturation hydraulique soit combinée au forage horizontal en dans
le Barnett Shale (Texas) en 2003.
Ce fut le début d'un « boom » de l'exploitation du gaz de schiste
en Amérique du Nord.
La fracturation hydraulique est la technique de stimulation de la roche mère utilisée pour extraire les hydrocarbures de schiste. Elle est composée d'une étape de forage (souvent horizontal), puis une explosion, et une injection de liquide de fracturation. Le schéma ci-dessous résume seulement les aspects techniques de la fracturation.
Une des questions fondamentales lorsqu'on parle de l'exploitation des hydrocarbures de schiste reste l'intérêt économique. Comme nous allons le voir, c'est en se basant sur le cas américain que certains avantages comme la création d'emplois, la réduction de la dépendance énergétique ou encore la baisse du prix du gaz sont invoqués pour défendre le droit d'exploiter les sources d'hydrocarbures de schiste en France. Aujourd'hui, 12% de la production américaine de gaz repose sur les gaz de schiste. En effet, c'est en raison du boom du prix du gaz depuis 2007 environ que les exploitations de gaz de schiste se sont révélées être rentables et ont pullulé. Avec ces nouvelles exploitations et donc une augmentation de la production, les prix ont baissés mais « le temps de retour sur investissement [d'un forage de gaz de schiste] étant relativement court », les grandes entreprises énergétiques continuent d'explorer car la moindre hausse du prix du gaz rendrait les gisements très rentables.
Le droit du sol français diffère du droit du sol américain. Le Code qui régit tout les ressources minières en France est le Code minier : selon ce code, toute ressource minière ou d'hydrocarbure, dans quelque terrain que ce soit, appartient à l'Etat et est de ce fait gérée par l'Etat. C'est donc des représentants étatiques qui distribuent les permis de recherche et d'exploitation aux compagnies pétrolières, et non le propriétaire du terrain, et qui fixent les conditions de forage et d'exploitation. Aux Etats-Unis, les ressources du sous-sol appartiennent au propriétaire du sol, et les compagnies traitent directement avec les particuliers. L'Etat n'intervient à aucun moment dans la signature du contrat. La législation a été assouplie pour permettre le développement de l'exploitation industrielle.
L'exploitation des hydrocarbures de schiste est une activité qui produit une pollution multiforme dans la mesure où l'air, l'eau, les qualités de vie auditive et visuelles sont impactés. La pollution de l'air provient d'une part de la libération de gaz toxiques et à effet de serre, notamment du méthane, des entrailles de la terre ; d'autres part de l'utilisation de machine à moteurs thermiques qui rejettent de grandes quantités de CO2 et autres polluants. La pollution des réserves aquifères est sans doute celle qui est la plus problématique. La fracturation hydraulique nécessite l'emploi d'additifs chimiques qui restent prisonniers des sols (70% du total injecté) qui in fine peuvent contaminer les réserves d'eau environnante. D'autre part, l'eau de fracturation récupérée est en grande partie souillée et doit être retraitée faute de quoi l'environnement est pollué. Des analyses scientifiques quantifient la dangerosité de la pollution de l'air et de l'eau pour l'homme et l'environnement. Celles-ci, se basant sur les résultats empiriques d'études menées aux Etats-Unis et au Canada, concluent à une dangerosité critique pour les réserves aquifères. En effet, les eaux en surface peuvent être contaminées par des cancérigènes (le Benzène), des matières radioactives, des métaux lourds. Les industries pétrolières répondent à ces arguments en pointant le fait que la fracturation hydraulique est une technique maitrisée depuis de longues années et que les pollutions ne sont systémiques mais marginales. Néanmoins, l'Assemblée nationale française a décidé d'interdire l'exploitation des gaz et huiles de schiste par fracturation hydraulique avec la loi du 13 juillet 2011, invoquant le principe de précaution. Les législateurs ont donc jugés que les conditions de sécurité n'étaient pas suffisamment assurées et que face à l'ampleur du risque, l'interdiction de la fracturation hydraulique était une nécessité.
En mars 2010, le ministre de l'environnement Jean-louis Borloo délivre 3 permis d'exploration sur les gaz de schiste dans le Sud de la France. Ceux-ci ont provoqué une forte mobilisation (voir suite de la chronologie), car ils ont été accordé sans consultation publique, ni des élus ni des habitants. Ainsi les risques environnementaux n'ont pas été évalués, et la technique d'exploitation, la fracturation hydraulique n'a pas même été décrite dans les permis.
Parfois, les objets occupent une place aussi importante, voir plus déterminante que les individus dans les controverses. « Gasland » en est un exemple évocateur. En effet, le documentaire de 104 minutes réalisé par Josh Fox et sortit en 2010 aux Etats-Unis a permis de faire entrer la controverse sur l'extraction des hydrocarbures de schiste dans l'arène publique et citoyenne. Il est un véritable réquisitoire contre l'exploitation des gaz et huiles de schiste, qui a été et est encore actuellement un outil de mobilisation efficace aux Etats-Unis, mais aussi à l'internationale, et notamment en France. Etant donné l'écho considérable du film, et les potentielles répercutions en termes médiatiques, politiques ou économiques pour les firmes, celui-ci a été passé au crible par les lobbies pétroliers nord américains, qui ont pu dénoncer un certain nombre d'inexactitudes en s'appuyant sur des rapports des institutions étatiques, fédérales, universitaires... Des arguments qui sont également repris par les entreprises pétrolières en France, à l'image de l'UFIP (voir l'interview). En réponse à ces accusations, le réalisateur Josh Fox a rédigé un rapport où il défend point par point ses affirmations, en s'appuyant sur études scientifiques. Nous assistons donc réellement à une « controverse au sein de la controverse » autour de cet acteur-objet Gasland. Essayons de mieux comprendre les enjeux du débat, et le rôle de Gasland dans la controverse sur l'extraction des hydrocarbures de schiste...
Les collectifs sont des réunions de citoyens qui se sont créées spontanément à partir de la fin de l'année 2010, souvent après une projection de Gasland. Les collectifs sont mouvants, leur agrandissement est progressif. On ne s'inscrit pas pour être membre, on peut estimer le nombre d'intéressés par le nombre de personnes qui ont demandé à être tenues au courant par mail : entre 100 et 200 pour le collectidf Ile De France. Il n'y a pas de représentants élus dans le collectif, chaque citoyen se représente soi-même, la prise de décision se veut horizontale, par consensus. Les membres viennent de tous les bords politiques. Les collectifs se veulent « a-partidaires » (ne se rattachant à aucun parti) mais pas apolitique, car les questions qu'ils soulèvent sont profondément politiques.
Samedi 5 mars 2011 : une manifestation nationale est organisée à Doue à 15h contre le projet de forage. Le rassemblement surprend par son ampleur, environ 2 à 3000 personnes, beaucoup d'associations de défense de l'environnement, pratiquement tous les élus de la communauté de communes, des élus d'autres municipalités de Seine et Marne, le président du conseil général et des conseillers généraux, des vice-présidents et conseillers régionaux d'IdF, des députés européens...Après les discours, le cortège s'est dirigé vers le site de forage. Le lien ci-dessous sur une vidéo prise sur le site de la butte.
Face à la constitution des collectifs et la montée de la contestation, le gouvernement modifie sa position à l'égard des gaz de schiste et se prononce alors davantage en faveur d'une interdiction de l'exploitation. En effet, le jeudi 14 avril 2011, sous l'impulsion du premier ministre François Fillon, un moratoire est mis en place et suspend les activités d'exploration validées par les permis délivrés par Jean-Louis Borloo en mars 2010 à Villeneuve-de-Berg, Nant et Montélimar. Après la présentation d'un projet de loi, c'est donc la tendance à l'interdiction de l'exploitation qui semble s'affirmer au sein du monde politique, et ceci en raison de l'écho que trouve cette question au sein de l'opinion publique.
Le 1er avril 2011, un tremblement de terre de magnitude 2,3 a été enregistré dans le Lancashire, dans le nord-est de l'Angleterre, puis le 27 mai un autre tremblement de magnitude 1,5 a également été enregistré près de la station balnéaire de Blackpool dans la région. Des experts indépendants estiment que la méthode de fracturation hydraulique employé par la compagnie énergétique Cuadrilla pour l'extraction des gaz de schiste pourrait être à l'origine de ces deux petits séismes. Ainsi, selon un rapport britannique, il est « hautement probable que des tests de forages de gaz de schiste aient déclenché des secousses sismiques dans le Lancashire ». La fracturation hydraulique est permise au Royaume-Uni et Cuadrilla Ressources estime que le site du Lancashire pourrait fournir jusqu'à 10% de l'approvisionnement en gaz du pays. Une étude scientifique a été réalisée par trois scientifiques (voir la description en anglais ci contre), et qui ont publié un rapport dans lequel ils établissent clairement la causalité ente les tremblements de terre et la fracturation hydraulique (voir le rapport). Cette étude a été commentée dans la presse, en particulier dans Le Monde (voir l'article ci contre).
Séverin Pistre était invité par les euro-députés EELV Michèle Rivasi, José Bové, Reinhard Bütikofer et Bas Eickhout. Egalement invité en même temps, Kees Van Der Leun, un spécialiste des gaz à effet de serre venu des pays bas. Il y avait aussi des collectifs citoyens (aussi invité EELV), et des représentants de la commission européenne. A l'issue de la réunion, les eurodéputés ont rédigé une lettre pour demander : L'organisation d'un débat au niveau européen avec toutes parties prenantes avant l'été 2011 Garantir que l'agence européenne des produits chimiques ait accès à l'ensemble des informations concernant les produits chimiques utilisés lors de la fracturation hydraulique, qu'elle les analyse et informe le public. Qu'une étude d'impact soit réalisée sur l'empreinte écologique et les effets de serre dus à l'exploitation des gaz de schiste. Soutenir la demande de moratoire formulée par "Tyndall Centre for Climate Change Research" tant que l'Agence de protection de l'environnement des Etats Unis n'a pas produit son rapport. La lettre est datée du 14 avril 2011
André PICOT est un toxico chimiste, directeur de recherches honoraires du CNRS, expert français honoraire auprès de l'Union européenne pour les produits chimiques en milieu de travail et président de l'Association Toxicologie-Chimie (ETC). Dans cet article publié en mai 2011 sur le site internet http://actoxicologie.free.fr, avant l'étude du projet de loi à l'Assemblée nationale sur l'interdiction du gaz de schiste en France, il livre une étude sur la dangerosité des produits chimiques utilisés, produits et libérés lors de la fracturation hydraulique avant de délivrer des conseils quant à l'exploitation des gaz et huiles de schiste.
La Loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 « visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique » a été publiée au Journal Officiel du 14 juillet 2011. A la suite de son adoption, les avis seront mitigés, certains souhaitant une interdiction plus drastique de l'exploration et exploitation des gaz de schiste, d'autres souhaitant redonner plus de marge de manœuvre aux compagnies pétrolières qui considèrent la loi comme paralysante.
Le 4 octobre 2011, le gouvernement a annulé les trois permis d'exploration accordés par l'ancien ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo en mars 2010. En raison de la loi votée le 13 juillet 2011 interdisant l'utilisation de la fracturation hydraulique, les entreprises Schuepbach Energy et Total se voient retirés leur permis (à Nant et Villenauce-de-Berg pour la première, à Montélimar pour la seconde). Les opposants à l'exploitation des gaz de schiste se sont réjouis de cette décision sans verser cependant dans l'euphorie. Ainsi, l'association Générations Futures a rappelé que « d'autres permis ont été accordés et ne sont pas annoncés comme devant être abrogés ». « C'est le cas du permis de Château-Thierry (Aisne), qui est un permis ouvrant des droits d'exploration à la société Toreador […] sur plus de sept cents kilomètres carrés » et de ceux « de la Plaine d'Alès, du Bassin d'Alès ou encore de Navacelles (Gard). Dès lors, selon l'association, la situation n'est pas réglée ». Son porte-parole, François Veillerette, auteur de Le Vrai scandale des gaz de schiste, a affirmé pour sa part que « l'argument de la ministre selon lequel le problème des gaz de schiste serait derrière nous car aucune société ne voudrait plus en faire l'exploration […] est à ranger au rayon de la pure propagande électorale », preuve s'il en était encore besoin que le débat est loin d'être clos.
Article: « Methane and the greenhouse-gas footprint of natural gas from shale formations », HOWARTH, Robert.W, SANTORO, Renee, INGRAFFEA, Anthony, 12 April 2011. L'empreinte écologique du gaz de schiste n'a pas fait l'objet jusqu'à ce jour d'études approfondies. Cependant, dès 2009, le National Research Council notait que les émissions de gaz à effet de serre provoquées par l'exploitation du gaz de schiste pouvaient être plus élevées que celles des gaz conventionnels. De même, en 2010, le Council of Scientific Sociey Presidents avertissait le Président Obama sur l'insuffisance des études autour des énergies censées assurer la transition énergétique. Il s'avère après étude que le méthane domine l'empreinte écologique du gaz de schiste pour une période considérée de 20 ans, contribuant au réchauffement climatique de 1,4 à 3 fois plus que les émissions de CO2. Dès lors, pour cette période de temps considérée, l'empreinte écologique du gaz de schiste est de 22% à 43% plus élevée que celle du gaz conventionnel. Article : Methane contamination of drinking water accompanying gas-well drilling and hydraulic fracturing OSBORN, Stephen. G, VENGOSH, Avner, WARNER, Nathaniel. R, JACKSON, ROBERT. B Dans les régions où l'extraction de gaz de schiste est intense (un ou plus d'un puits au kilomètre), les concentrations moyennes et maximales de méthane dans les nappes phréatiques augmentent singulièrement, et s'élèvent respectivement à 19,2 et 64 mg de méthane par litre. Par opposition, dans les régions où il n'y pas exploitation de gaz de schiste, pour des formations géologiques identiques, la concentration moyenne de méthane dans l'eau est de 1,1 mg par litre.
Un décret crée « la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux ».Il met ainsi en application l'article 4 de loi du 13 juillet 2012. Celle-ci est chargée : 1) de détailler comment mettre en place un projet d'expérimentation de la fracturation hydraulique ou autre technique de stimulation dans le cadre d'une recherche scientifique sous contrôle public. 2) de créer la réglementation nécessaire à cette expérimentation 3) d'étudier l'impact (surtout environnemental) des technique de stimulation, dont la fracturation hydraulique 4) de dresser un bilan de l'exploitation des hydrocarbures de schiste sur les plans économique, environnemental, énergétique et climatique. Sa composition dépend directement du gouvernement qui en nomme le président et le vice président. Mais celle-ci doit correspondre à la distibution détaillée ci-dessous (5 représentants de l'Etat, un député et un sénateur, trois membres des collectivités territoriales, trois membres d'associations de protection de l'environnement, trois membres des entreprises pétrolières, trois membres des syndicats du personnel des entreprises pétrolières, trois personnalités scientifiques). Il faut y ajouter les membres consultatifs : « Le vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable, le commissaire général au développement durable, le vice-président du Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies, le président d'IFP Energies nouvelles, le président du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et le président de l'Institut national de l'environnement industriel (INERIS) ». Les membres sont nommés pour trois ans. Les réunions se font au moins deux fois par an et les avis de la commission sont publics. Cette commission suscite beaucoup de craintes pour les opposants à l'extraction des hydrocarbures de schiste, car elle ouvre la voie selon eux à une expérimentation sur l'exploitation, qui a pour but le développement dans un futur proche d'une exploitation à grande échelle des hydrocarbures de schiste en France. D'autant que les forces issues du milieu économique exploitant sont deux fois plus nombreuses (à laquelle nous pouvons ajouter l'IFPEN dont les recherches au niveau européen sont financées par 9 firmes pétrolières, voir la fiche d'acteur IFPEN et le projet GASH) que les associations de protection de l'environnement. L'association No Fracking France est par exemple très incisive sur le rapport final commandé par NKM et Eric Besson, et qui a conduit à la création de la Commission. Pour eux « explorer, c'est exploiter », voir leur court article écrit le 22 mars 2012,
Deux membres de notre groupe de cartographie sont allés rencontrer des membres du collectif Ile de France en les interviewant le 31 mars et en participant à une réunion du collectif et 1er avril 2012. Cela nous a permis d'apprendre beaucoup de choses sur : l'organisation des collectifs : le collectif Ile de France se veut une incarnation de la démocratie directe : pas de statut de membre autre que celui d'appartenir à la liste d'adresses mail régulièrement informées des actions du collectif, décision par consensus lors de réunions informelles, pas de représentants élus. Un noyau dur d'activistes impliqués de façon continue est entouré d'une ou deux centaines de personnes intéressées faisant partie de la liste de mail. leurs motivations : contre les hydrocarbures de schiste, quelle que soit la technique d'exploitation : « pas de gaz de schiste ni ici ni ailleurs, ni aujourd'hui, ni demain ». Une exploitation propre n'est techniquement pas possible. Pour une transition énergétique : Il faut investir dans des énergies renouvelables plutôt que d'essayer de maintenir en vie l'industrie des énergies fossiles qui de toutes façons n'a plus que quelques décennies devant elle avant un épuisement complet de ses ressources. Pour une consultation citoyenne avant l'attribution de permis d'exploration ou d'exploitation, et pour cela, ils souhaitent une réforme du code minier. « L'enjeu du débat, c'est la démocratie. » leurs actions : sensibilisation citoyenne locale avant tout, les effectifs étant pour le moment trop faibles pour engager des manifestations d'ampleur en Ile de France les relations entre militants : Collectifs français coordonnés au sein de la « Rencontre nationale des collectifs locaux réunit en coordination ». Partage d'expérience avec les organisations anti-gaz de schiste américaines. les relations des collectifs avec les politiques : les collectifs souhaitent intéresser les politiques à la question des gaz de schiste. Une lettre a été rédigée par la coordination des collectifs, appelant les candidats à la présidentielle à se positionner sur le sujet. JL Mélenchon, Eva Joly, Nathalie Arthaud, François Hollande et Nicolas Dupont-Aignan ont répondu. Tous se sont positionnés contre, François Hollande est accusé d'avoir modéré ses propos avec l'expression « en l'état actuel ». Avec les instances gouvernementales : Le danger pour les collectifs, c'est de répondre en tant que collectifs aux invitations d'instances gouvernementales en se rendant à leur réunions, permettant ainsi à ces instance s de se légitimer en disant qu'ils ont consulté les collectifs citoyens tout en déformant les paroles des membres des collectifs afin d'arriver aux conclusions qui leur conviennent. La solution adoptée par les membres du collectifs Ile De France est de s'y rendre à titre individuel, en précisant qu'ils ne représentent pas le collectif. industriels, scientifiques : Certains scientifiques se font acheter par des industriels, estiment les militants. Les activistes ont souvent tout-à-fait la formation nécessaire pour comprendre les enjeux scientifiques des gaz de schiste. Il faut bien garder à l'esprit que de nombreux scientifiques s'engagent contre les gaz de schiste (l'une des personnes nous répondant étant par exemple physicienne au CNRS), seulement leurs recherches ne sont pas financées par l'extérieur. Comme de plus il n'y a pas consensus au sein des collectifs, ces scientifiques sont traités d'amateurs. la visibilité des collectifs dans la société (relations avec les médias) : les militants sont peu couverts par les médias, car ceux-ci sont en recherche de scoops, pas de réflexion. Il n'y a plus de personnalité médiatique qui porte la lutte contre les gaz de schiste, comme José Bové l'a fait à un moment, ce qui signifie qu'il n'y a plus de dimension « people », et donc un intérêt des médias bien moindre. La plupart des médias participent à la dé-crédibilisation des militants en leur demandant d'exprimer leur colère sans leur laisser le temps de proposer leurs solutions. leur avis sur la loi du 13 juillet 2011 : elle est mieux que rien, mais elle est totalement insuffisante car en ne définissant rien elle n'interdit rien. leur avis sur la création de la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux : il s'agit d'une défaite pour les militants contre les hydrocarbures de schiste, car la commission telle qu'elle a été créée est sous la chope du gouvernement, avec seulement 3 représentants des écologistes sur 22 membres. De plus, elle se place dans une réflexion autour d'une possible exploitation des hydrocarbures de schiste.
Les hydrocarbures représentent la principale source d'énergie mondiale actuellement et c'est pourquoi les gisements non conventionnels intéressent les pétroliers. Mais la technique pour extraire les gaz de schiste est coûteuse et le rendement peut être insuffisant. Cela dépend donc en partie de la baisse des coûts de production et du prix du gaz. La question de la rentabilité est centrale, car c'est elle qui provoque la décision de forer par les pétroliers et donc le début de la controverse.
Après la question de la rentabilité, une seconde question se pose : l'exploitation présente-t-elle des risques ? En effet, on peut se demander si une telle exploitation est polluante, aussi bien pour la roche mère, les sous-sols, les nappes phréatiques, l'air,... ; les risques seraient alors d'ordre environnementaux. Ces risques entraîneraient par la suite des risques d'ordre sanitaires pour les populations vivant à proximité des sites de forages. Plus généralement, la question des risques sous tend le problème de la responsabilité juridique des pollueurs. Les points de vue sur la question divergent, mais ce qui est certain est que cette thématique des risques a eu un rôle majeur dans la naissance de la controverse en France. En effet, elle est à l'origine des premières mobilisations, et a été relayée notamment par le film Gasland qui a permis une réelle prise de conscience du problème.
Après de multiples mobilisations, émanant des politiques et des citoyens, organisés en collectifs ou non, la nécessité de réglementer l'exploitation des hydrocarbures de schiste semble s'imposer au sein du gouvernement, et plus généralement au sein des partis, notamment en vertu de l'article 5 de la Charte de l'Environnement de 2005 qui énonce le principe de précaution. Plusieurs propositions de loi sont déposées. Mais les enjeux sont importants, et la délimitation du champ d'action de la future loi ne fait pas consensus.
Après de multiples mobilisations, émanant des politiques et des citoyens, organisés en collectifs ou non, la nécessité de réglementer l'exploitation des hydrocarbures de schiste semble s'imposer au sein du gouvernement, et plus généralement au sein des partis, notamment en vertu de l'article 5 de la Charte de l'Environnement de 2005 qui énonce le principe de précaution. Plusieurs propositions de loi sont déposées. Mais les enjeux sont importants, et la délimitation du champ d'action de la future loi ne fait pas consensus.
Lors d'un entretien avec Monsieur Lavenka, conseiller de Monsieur Jacob, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale ayant porté le projet de loi sur l'interdiction de la fracturation hydraulique en France, il nous a été affirmé que la loi mettait fin à la controverse. Cependant la loi du 13 juillet 2011 est loin de faire consensus dans la mesure où elle est à la fois décriée par des militants qui voit l'interdiction de la fracture hydraulique et non de l'exploitation comme une porte d'entrée vers l'exploitation industrielle, et par les industries pétrolières qui crient à l'obscurantisme face au refus de profiter d'une ressource si abondante.