Contexte de l’entretien
:
Marc Wasilewski m’a reçue dans son bureau à la Clinique des Emailleurs
le 23 mai 2008 ; L’entretien a duré environ 45 minutes. La
retranscription qui suit ne concerne que les 20 premières minutes, le
reste de l’entretien ne concernant pas directement notre étude.
M. W. : « L’idée, vous l’avez bien compris, nous on est
pour un dépistage. Alors, le mot systématique qu’on avait utilisé,
finalement on l’a un petit peu retiré suite à l’approche du Conseil
national d’éthique qui s’est… Et on adopte une méthode plus simple où
on propose à chaque maman.
Jusqu’à présent, avec plus d’un an de
retour, on a eu un refus. On n’a pas demandé de justification ni rien,
effectivement. Mais en contrepartie on a eu des parents sourds dont la
madame a accouché ici et qui ont été eux les premiers à demander, etc.
On reste nous dans cette approche. Je
pense qu’il est de notre rôle, on a mis en place ici un management basé
sur le développement durable et dans une des composantes du
développement durable tel que moi je l’envisage il y a une partie
sociétale à l’intérieure de laquelle moi j’intègre tout ce qui est à la
fois éducation et dépistage, finalement toutes ces choses que nous
pouvons faire, nous, établissement de santé et pour lesquelles je
trouve que notre pays réagit mal ou peu.
Alors j’ai eu des positions
intéressantes dernièrement puisque l’hôpital Robert Debré (à Paris),
par l’intermédiaire de ses orthophonistes, a lancé une pétition. Ils
m’ont demandé d’être le parrain de leur mouvement justement pour faire
changer d’avis ce comité d’éthique. Ca paraît toujours un peu compliqué
parce que dès qu’on médicalise le dépistage on revient tout de suite
aux craintes qu’avaient Sophie Vouzelaud. C’est vrai que le fait
d’avoir travaillé avec elle sur ce dossier m’a apporté beaucoup de
choses, parce que l’implant me paraissait une bonne formule, en en
mesurant les risques. Je suis aussi père de famille et je pense que je
n’aurai peut être pas hésité si j’avais appris que ma fille était
sourde. Sauf que quand on discute avec Sophie, elle me dit « pourquoi
veux-tu me forcer à entendre, je n’ai jamais entendu. Ca ne fait pas
partie de mes besoins ». Et c’est vrai que ce sont des choses qui sont
tout à fait nouvelles donc nous on a fait le choix de donner un maximum
d’informations les plus pertinentes aux parents. Mais surtout de ne pas
rentrer dans une filière médicale. Ce sera aux parents de choisir la
filière et c’est pour ça que le CIS (Centre d’information sur la
Surdité) est devenu notre partenaire dans cette opération, ainsi que la
mutualité. Nous avons intégré la mutualité pour avoir un dépistage fait
par un établissement qui n’est pas là pour en faire une affaire
commerciale mais juste pour apporter un examen complémentaire, examen
que nous ne réalisons pas et qu’on ne tient pas à réaliser. Pour
qu’ensuite on puisse dire aux gens :« voila on vous donne un maximum
d’informations, les filières ce sont celles-là, il y en a plusieurs.
Interrogez, voyez, etc. et essayez de trouver la meilleure ou la moins
mauvaise solution. »
Mais de contester le dépistage tel que
ça a été fait par le Comité d’éthique moi je trouve ça un peu
surprenant. J’ai lu il n’y a pas très longtemps un mail des chirurgiens
ORL, d’un syndicat je ne sais plus trop où, qui ont pris une position
extrêmement claire, qui va tout à fait dans notre sens.
Je n’aurai jamais cru qu’en me lançant
dans ce projet ça déclenche autant de passion, pour quelque chose qui
me semblait être une évidence, et que je maintiens être une évidence.
Impression du mail (pétition des ORL)…
Je vais vous donner l’adresse du site, parce que vous pourrez peut être les rencontrer ces orthophonistes.
Moi
de signer leur pétition ça ne m’a pas gêné puisque j’ai retrouvé dans
le texte ce que nous avons écrit à la fin du DVD. Oui j’ai eu quelques
mots avec les ORL, avec certains pédiatres. Moi j’étais pour la
gratuité de cet examen. Mais certains en tirent aujourd'hui une
rémunération. A partir du moment où il s’agit d’un acte qui peut être
fait par un médecin et remboursé par la sécurité sociale ça ne me gêne
pas. Il y a eu quelques écarts j’ai cru comprendre, là c’est pas
acceptable. Je n’ai pas la prétention de pouvoir essayer de remettre en
place tout le monde.
Après l’impression du mail
Alors c’est le Journal faxé de l’ORL
sous l’égide du Conseil national de l’ORL. C’est extrêment clair et
tranché. Vous avez je pense lu la recommandation de la Haute Autorité
de Santé.
« Ethique et dépistage » donc c’est
bien les mots concernés. « Ethique et dépistage néonatal des anomalies
auditives, Pr Lucien Maotti, hôpital Armand Trousseau, Paris, 16 mai
2008 » donc c’est bien d’actualité.
Leur site c’est
http://airdame.asso.free.fr
Annie Dumont qui est un membre important
a contacté Sophie parce qu’elle a lu un article dans le dernier Journal
de la FHP : « le dépistage de la surdité en maternité ». A partir de là
elle est entrée en contact avec nous. Vous verrez leur pétition est
intéressante. Je crois que Sophie leur a répondu qu’elle avait cette
espèce de crainte de la médicalisation de cette prise en charge. Je lui
donne tout à fait raison, il y a un risque quoi qu’il arrive. »
E. C. : « j’aurais voulu savoir comment
fonctionne le dépistage ? A quel jour vous avez-vous choisi de dépister
? »
M. W. : « Jamais
avant le 3e jour. Je crois qu’on le dit bien dans le film. C’est à J+3
obligatoirement parce que dans les deux 1ers jours il peut toujours
rester un petit peu des liquides, etc, donc on attend toujours le 3e
jour pour le faire. Quand certaines mamans sortent prématurément ou
n’importe quoi, on les invite à revenir. Et quand on a un résultat
négatif, qui peut venir d’un conduit auditif bouché ou d’un conduit
auditif un peu compliqué on les invite aussi à revenir.
Aujourd'hui notre souci c’est qu’on a dépisté plus de 1000 enfants et
nous n’avons pas trouvé d’enfants sourds. Mais ça va arriver
inéluctablement, on le sait.
J’ai rencontré les gens de la Mutualité, ça m’a paru intéressant,
puisque annoncer à des parents que leur enfant est sourd d’abord c’est
pas notre vocation. L’idée c’est de dire maintenant il y a des
difficultés auditives que nous nous avons dépistées et c’est de dire
maintenant on va faire faire un examen beaucoup plus poussé qui devient
paramédical et puis ensuite effectivement c’est à partir de ce moment
là qu’on pourra, si le diagnostic se confirme, mettre les gens dans une
filière ORL, une filière purement médicale, pour être sûre d’avoir
ensuite un diagnostic de surdité.
C’est un petit peu la crainte parce qu’on rêve de ne jamais en avoir
mais statistiquement c’est inéluctable, ça va se produire. »
E. C. : « Si j’ai bien compris s’il
jamais on détecte qu’il y a un problème, c’est pas la clinique qui va
se charger de faire le 2e examen ? »
M. W. : « Non. S’il y a un problème au
3e jour on leur demande de revenir puisque ça peut effectivement un
petit bouchon, un canal auditif. Donc on refait. C’est ce qui s’est
produit déjà une quinzaine de fois mais à chaque fois le signal est
redevenu bon. Si jamais à ce « deuxième tour » fait à la clinique on
est toujours dans « l’expectative », l’idée c’est de faire réaliser un
examen beaucoup plus sophistiqué par cet orthophoniste et ensuite de
mettre dans la filière et à ce moment là de faire intervenir le centre
d’informations de la surdité. Cette filière passera obligatoirement par
un ORL pour le diagnostic mais on aura déjà donné aux parents toutes
les informations nécessaires pour qu’ils puissent aller parler avec les
associations.
Je ne sais pas si vous connaissez la plaquette du CIS ? »
E. C. : « Oui elle m’en avait parlé ».
M. W. : « Donc vous aurez la plaquette.
C’est d’ailleurs bizarre parce qu’il faut qu’on en arrive là à lancer
des initiatives comme ça pour découvrir l’existence de ces
associations. Avant je ne savais même pas que ça existait. »
E. C. : « Sinon au niveau technique, si
j’ai bien compris la vidéo vous utilisez la technique des oto-émissions
acoustiques, pourquoi avoir fait ce choix ? »
M. W. : « On a fait ce choix parce
qu’ici on a 4 pédiatres mais ils sont tous débordés et il fallait qu’on
puisse trouver un appareil extrêmement simple d’utilisation et très
fiable. Donc on en a testé plusieurs et on est resté sur cette solution
là sachant que ça pose problème puisqu’au début on m’a dit que
j’outrepassais mes droits, que j’avais pas le droit de faire ça, que
c’est un acte de médical.
Il faut savoir que le dépistage de la surdité est noté sur le carnet de
santé des enfants même si sur celui de Sophie il n’y a rien eu de noté,
tout a été fait sauf ça, mais qu’avant les méthodes étaient extrêmement
simples : on tapait dans ses mains ou on claquait la porte. Il pouvait
y avoir quelques réactions qui étaient plus nerveuses qu’autre chose,
que des réactions liées à une entente parfaite.
On s’est dit de toute façon les médecins n’auront pas le temps et ne
veulent pas le faire, donc il faut que ça puisse être un diagnostic
infirmier, donc avec un appareil très simple. Il ne faut du tout que ce
soit compliqué ni pour le personnel, ni pour l’enfant, ni pour la
maman, il faut pas que ça dure. Donc on a fait une espèce de recherche
systématique, on s’est renseigné dans d’autres maternités, auprès des
ORL, etc, qui ne nous ont d’ailleurs pas le mieux conseillé puisque les
appareils conseillés par les ORL étaient vraiment des cochonneries
finies. On a trouvé l’appareil qui effectivement est beaucoup plus cher
mais qui nous donne aujourd'hui, vous l’avez vu dans le film, un examen
extrêmement simple.
Ce que je peux vous donner aussi, puisque j’ai répondu il n’y a pas
très longtemps là-dessus, à une demande précise (il faut que je
retrouve ce mail) sur le décret infirmier. C’était un établissement où
il y avait conflit avec ses ORL et je lui disais qu’afin d’éviter tout
conflit avec le corps médical je rappelle que dans notre établissement
nous n’avons pas d’ORL et que nos pédiatres sont débordés, c’est donc
l’infirmière puer qui s’occupe du dépistage, conformément au décret
93-345 relatif aux actes professionnels et d’exercice de la profession
d’infirmier qui précise que ces derniers participent à des actions de
dépistage des troubles sensoriels, des handicaps, etc. Donc ça
correspond tout à fait au décret, on appelle ça le décret de compétence
des infirmières. »
E. C. : « Vous parliez du coût. Ca représente quoi comme coût pour la clinique. »
M. W. : « j’avais une facture là. Je
crois que c’était de l’ordre de 5 000 € la machine. En plus il y a les
petits embouts jetables pour chaque bébé, qui ont un prix dérisoire.
Nous on avait imaginé que pour une pris en charge à peu près saine il
suffisait qu’on majore …
… voila la facture. Je vous l’offre. C’est vrai que les Emailleurs
jouent toujours la transparence, qu’on ne cache rien et qu’on joue sur
des éléments simples et concrets.
Donc on avait imaginé qu’il fallait majorer la prise en charge globale
de la maman ou du nourrisson de 5 ou 10€ par naissance pour garantir un
dépistage systématique, pour tous les enfants naissants en France.
Je ne sais pas si Sophie vous a expliqué, ce DVD a été présenté, et
Sophie m’a accompagné, lors de la journée des maternités à Paris le 4
mars. Il a reçu un accueil, c’est vrai qu’il y a eu u n petit peu
d’émotion qui est passée. On sortait de dossiers très « professionnels
» à la fois sur l’IVG, à la fois sur le psychiatre en maternité, des
dossiers très techniques, etc. Ce film a apporté une espèce de bouffée
d’oxygène, peut être un peu facile, les mamans ont toujours tendance à
…, tant mieux, c’est une bonne chose. Donc ça a reçu plutôt un bon
accueil et le directeur de l’agence régionale du Limousin a bien eu le
message et a accepté de financer l’appareil dans toutes les maternités
publiques et privées du Limousin.
J’ai donc pris l’initiative d’en refaire faire des copies de ce DVD et
de l’envoyer avec une lettre accompagnatrice aux 21 autres directeurs
d’agences régionales pour qu’ils en fassent autant et pour que demain
tous les bébés naissants en France puissent en bénéficier. Je suis allé
au bout de ce qui était ma démarche, en espérant que ça se passe aussi
bien dans les autres régions et que demain plus un seul bébé ne naisse
dans ce beau pays sans bénéficier de ce dépistage. »
E.
C. : « à ce propos, il y a aussi d’autres programmes de dépistage qui
ont été mis en place dans d’autres maternités, sous d’autres égides.
Est-ce que vous avez comparé ces programmes ? »
M. W. : « L’idée c’est pas d’imposer
notre mode de fonctionnement. Nous on en a un. On a démontré qu’il
était simple et qu’il était facile à mettre en œuvre et puis son coût.
Je sais qu’il y a eu des initiatives des Caisses d’assurance maladie
qui ont financé, mais avec toujours un dossier, comme toujours, on est
en France, dossiers extrêmement administratifs et pas du tout dossiers
de terrain. Nous en 48h on s’est mis à faire du dépistage. De l’autre
côté on a tellement rempli de papiers, de conventions, de discussions
et de réunions que je ne sais pas où ils en sont mais en tous cas on
est toujours dans notre beau système français où la discussion prime
sur l’action.
Effectivement ça a provoqué des réactions, et je suis même surpris que
ça arrive à Sciences Po, mais tant mieux au moins ça prouve que ça
bouge et qu’aujourd'hui il y a déjà, au moins en Limousin, tous les
bébés sont dépistés.
Si demain on nous dit qu’il y a une méthode plus évoluée OK je serai
preneur. Aujourd'hui ce que je sais c’est que je pense qu’on a choisit,
je connais pas ces gens, probablement le meilleur appareil du marché à
l’instant où on l’a fait, le plus simple d’utilisation. Je suis ouvert
à tout si demain on peut faire encore mieux.
J’ai pas reçu beaucoup de contributions d’établissements qui faisaient
déjà ou qui s’étaient lancés. »
E. C. : « Ils ne vous ont pas fait partager leur expérience. »
M.
W. : « Pas du tout. Alors que moi ma volonté c’était vraiment … ,
d’ailleurs maintenant je travaille sur l’amblyopie du nourrisson, qui
est une 2e étape. C’est le concept de la myopie des enfants. »