Entretien avec Sophie Vouzelaud et sa
mère
Contexte de l’entretien :
Sophie Vouzelaud et sa mére m’ont reçue
chez elles le 2 mai 2008. L’entretien a duré environ 50 minutes. Sophie
Vouzelaud étant sourde, elle s’exprime oralement avec quelques
difficultés et il ne m’a pas semblé approprié d’enregistrer cet
entretien. Néanmoins, le fait d’avoir pris des notes pendant
l’entretien et d’avoir fait la retranscription immédiatement après
garantit une bonne fidélité par rapport à ce qui a été dit.
Retranscription de l’entretien :
Sophie Vouzelaud est marraine d’une
opération entamée à la clinique des Emailleurs de Limoges en juillet
2007 et qui est en train de s’étendre à d’autres cliniques de France.
Cette opération consiste à proposer (pas d’obligation) aux jeunes
mamans un dépistage de la surdité de leur nouveau-né au 3e jour après
la naissance normalement.
Cette opération,
commencée à Limoges, a fait l’objet d’un colloque à Paris où beaucoup
de cliniques de France étaient représentées. C’est aux directeurs de
cliniques qu’il revient de décider s’ils adoptent cette opération ou
pas.
Le test de dépistage dure 3 secondes, est
indolore et gratuit. Si jamais il y a un doute, si on détecte un
problème, on ne dit pas à la mère « votre enfant est sourd » mais on
lui explique qu’il y a peut être un problème et qu’il faut qu’elle
revienne dans 3 ou 4 jours à la clinique pour faire un nouveau test. Si
le doute se confirme, on ne dirige pas la maman directement vers des
médecins mais on lui distribue une plaquette d’informations qui devra
bientôt se trouver dans toutes les maternités de France.
Cette plaquette oriente vers le centre
d’information de la surdité régional, organisme neutre et indépendant,
dans lequel les parents pourront trouver toute l’information nécessaire
pour décider de la prise en charge de leur enfant.
Sophie Vouzelaud a posé comme condition à son
parrainage de l’opération qu’une fois la surdité dépistée, on n’oriente
pas les parents directement vers des médecins, car ils ont toujours
tendance à défendre l’implantation de l’enfant, mais qu’on leur donne
toute l’information nécessaire pour qu’ils puissent prendre leurs
décisions librement, sans être influencés.
En effet, Sophie est contre l’implant
cochléaire car elle n’accepte pas qu’on ne laisse pas à l’enfant la
liberté de choisir comment mener sa propre vie. De plus, c’est une
opération très lourde, qu’il faudra peut être refaire plus tard car
l’implant ne fonctionne pas toute la vie et qui comporte des risques
(récemment, une petite fille est morte car on lui a fait passé un IRM).
D’autre part, l’implantation ne permet pas de retrouver une audition
normale et les implantés doivent également pratiqué la LSF (Sophie a
une amie dont c’est le cas).
La surdité de Sophie a été dépistée
vers 12 mois et elle a été appareillée vers 14 mois. Sa mère souligne
qu’elle a ainsi perdu un an pour apprendre à parler. Elle regrette que
le dépistage n’ait pas eu lieu plus tôt. Plus on attend pour dépister
et moins l’enfant sourd peut apprendre à parler et la LSF tôt.
Sophie est l’exemple qu’une personne sourde
peut, grâce à un bon accompagnement, communiquer à la fois avec les
entendants et les malentendants. En effet, elle a une bonne
prononciation et peut être comprise quasiment sans problème lorsqu’elle
s’exprime en parlant.
Elle a suivi la méthode orthophonique LPC : langage parlé complété, ce qui lui a permis d’apprendre à parler.
Ensuite, vers l’âge de 7 ans environ, elle a été en contact avec
d’autres enfants sourds qui eux parlaient la langue des signes, elle a
donc commencé à l’apprendre à leur contact.
La mère de Sophie explique que lorsqu’on
apprend la surdité de son enfant, on veut absolument qu’il puisse
parler un jour. Elle s’est donc dirigée vers la LPC et ne lui a pas
appris la LSF. Si jamais les médecins lui avaient proposé
l’implantation (ce qu’ils n’ont pas fait), elle aurait peut être dit
oui car elle voulait que Sophie parle et les médecins présentent
souvent l’implant cochléaire comme la solution, alors qu’aujourd'hui
elle est contre l’implantation. Les docteurs ne sont pas du tout
neutres. D’où l’importance de donner tous les renseignements de manière
neutre aux parents avant qu’ils se décident.
En plus aujourd'hui les appareillages externes se sont améliorés.
Sophie ne voit pas la surdité comme un
handicap. Le handicap c’est la communication. Sophie n’a jamais
entendu, ce n’est pas un problème pour elle. En revanche si une
personne entendante devient sourde elle sera handicapée. De la même
manière, les aveugles de naissance se sentent bien dans leur peau.
Ce qui crée la situation de handicap c’est
l’accessibilité insuffisante en France, (alors qu’aux Etats-Unis et en
Suède elle est quasiment totale, et donc les sourds ne sont pas du tout
handicapés).
Grâce à sa notoriété, Sophie se bat pour
développer cette accessibilité : médaillon de la langue des signes en
bas des écrans de TV (elle a déjà obtenu des résultats de ce côté mais
ils sont insuffisants : par exemple l’intervention de N. Sarkozy à la
télé d’il y a quelques jours ne comportait pas ce médaillon), sous
titrage des films au cinéma (existe à Paris, Clermont-Ferrand, pourquoi
pas à Limoges ?)… Dans les administrations, les banques, préfectures,
il n’y a pas non plus d’interprètes et les personnes sourdes ont donc
du mal à se faire comprendre. Les interprètes sont trop coûteux pour
les malentendants les payent personnellement, Sophie pense donc que les
administrations, …, devraient en engager par eux-mêmes pour assurer
l’accueil des personnes sourdes.