Je travaille avec les milieux associatifs depuis 40 ans pour promouvoir les huiles végétales pures. J'ai également fait parti du PSU (parti socialiste unifié)à l'époque; je trouvais leurs idées intéressantes, mais il y avait beaucoup d'intellectuels, en réalité, j'étais le seul manuel.
Ma véritable prise de conscience environnementale, c'est l'écologiste René Dumont qui me l'a transmise. J'ai lu son livre L'utopie ou la mort; puis j'ai choisi l'utopie: j'ai décidé de me battre et de continuer à travailler dans l'environnement et la politique. J'ai notamment créé l'Institut Français des Huiles Végétales Pures il y a 5 ans, après que la société Valenergol, que je soutenais, ait perdu tous ses procès. Nous faisons, entre autre, de la recherche appliquée sur les HVP, montons des projets et suivons les collectivités locales.
L'analyse globale qu'on allait manquer de pétrole et les conséquences environnementales de celui-ci nous a montré la nécessité de trouver une solution alternative. La solution des HVP était une des solutions possibles.
Il faut savoir que Rudolf Diesel, l'inventeur des moteurs Diesel, roulait aux huiles végétales pures au début du siècle dernier. J'ai trouvé son idée intéressante et j'ai donc décidé de remonter l'historique. J'ai regardé en Allemagne ce qui avait été fait: dans les années 1940 les Allemands avaient déjà environ 10 ans d'avance sur nous en termes de HVP.
J'ai finalement décidé de prendre contact avec tous ces acteurs, et de monter une unité d'HVP en France afin de pouvoir produire des huiles végétales pures à destination de la combustion sur moteurs diesel.
Oui. La législation française n'étant pas adéquat, les procédures contre nous, en tant que Valenergol, ont commencé très tôt. L'Etat français nous a considérés comme des délinquants, nous accusant de faire de la concurrence déloyale à la production de pétrole et à la filière Diester qui a le monopole de la production des huiles végétales.. estérifiées. Ces derniers reçoivent une taxe volontaire obligatoire pour la promotion d'oléagineux, ce qui leur a permis de se créer une manne et d'étouffer tous les concurrents. Ils ont fait pression sur les ministères pour que les poursuites continuent. Finalement, après 10 ans de procédures, nous avons perdu tous les procès. Nous avons été verbalisés, mais avons refusé de payer l'amende ainsi que le rectificatif de la TIPP.. ce que nous avons, finalement, payé grâce aux dons de notre comité de soutien.
Quelles ont été les conséquences de toutes vos actions?
Elles ont été plutôt bonnes. On a cherché à expliquer notre démarche en montrant qu'il va y avoir des transformations dans les prochaines années dans le milieu agricole. De plus, il est clair que la situation environnementale nous porte actuellement. Tout cela a fait que nous avons été bien écoutés, jusqu'à être reçus par l'Elysée. Autant avant nous étions considérés comme des délinquants, autant maintenant nous sommes considérés comme des référents. L'Etat a bien compris que nos actions n'étaient pas des actes de délinquance mais bien une façon d'envisager l'avenir.
Quel rapport entretenez-vous avec les autres associations de promotion des HVP?Nous travaillons avec le PPOA, association européenne de promotion des HVP, avec laquelle nous partageons et nous transmettons mutuellement des informations. Ils nous ont notamment aidés pour le dépôt des amendements au niveau des directives européennes.
Sinon, je connais très bien le Réseau Pétales puisqu'ils sont venus me voir avant sa création. Ils ont une démarche éthique qui me plaît énormément même si elle est plutôt anarchique alors que la nôtre est scientifique, mais ils ont beaucoup participé à informer la population sur le sujet et je tiens, bien sûr, à leur disposition toutes les données dont ils pourraient avoir besoin. Cependant, nos actions sont très différentes; beaucoup d'associations font des actions très personnalisées, l'IFHVP essaie plus de travailler au niveau du politique car au final, le décideur, c'est le politique!
La directive européenne 2003/30 reconnaît les HVP; le problème c'est que la France ne l'a pas retranscrite dans son intégralité en droit français, elle a mis des barrages. Elle a donné l'autorisation d'utiliser les HVP simplement aux marins pêcheurs, ce qui n'a aucun intérêt puisqu'ils utilisent déjà du gasoil détaxé et que, par conséquent, ça leur reviendrait plus cher, aux agriculteurs, et aux collectivités uniquement sur des flottes captives. Aujourd'hui, nous continuons à nous battre, nous avons déposé des amendements pour que la directive soit retranscrite dans son intégralité et que l'utilisation d'HVP puisse être étendue car c'est le statut juridique actuel qui est l'un des principaux freins à la libéralisation des HVP en France.
Oui. Nous avons, dès le départ, trouvé intéressant qu'on autorise les collectivités à expérimenter les HVP pour leurs flottes captives. Nous avons donc, évidemment, décidé de travailler avec elles, en particulier avec la première d'entre elle à avoir essayé: la communauté de commune de Villeneuve sur Lot. L'Etat a été un peu pervers car il ne leur a laissé que les véhicules de ramassage poubelle pour l'expérimentation, c'est-à-dire les véhicules ayant la pire condition technique puisqu'ils ne chauffent jamais du fait qu'il faille constamment les allumer et les arrêter; ils pensaient que ça ne marcherait pas. Malgré tout, après 3 ans d'expérimentation, nos résultats sont très bons. Nous avons travaillé sur la filtration des huiles et sommes parvenus à obtenir des huiles compatibles avec les moteurs diesel de dernière génération.
Qu'est-ce qui vous oppose radicalement à la filière Diester?Tout d'abord, les HVP sont un produit non modifié chimiquement, contrairement à Diester Industrie qui estérifie ses huiles; nous, nous avons une étape en moins car nous n'avons pas à les estérifier. Ensuite, la filière HVP est courte, c'est-à-dire que le trajet entre le producteur et le consommateur d'huile est de 50km maximum. Du coup, notre bilan énergétique est beaucoup plus intéressant.
Notre bilan économique est, lui aussi, meilleur. En effet, ce sont directement les agriculteurs qui transforment la graine, ils peuvent donc en revendre les tourteaux ce qui leur fait un complément de revenu. Les agriculteurs sont à la fois producteurs et vendeurs, leurs plus-values restent donc scellées dans le milieu agricole et cela est important parce qu'avec les suppressions d'aides à l'exportation générées par la nouvelle PAC de 2013, il sera nécessaire d'apprendre à créer sa propre huile. A l'inverse, avec la filière Diester, les agriculteurs ne peuvent vendre que leur graine (i.e. à Diester), par conséquent, c'est Diester Industrie qui se génère une plus-value; c'est un véritable manque à gagner pour les petits agriculteurs.
Il s'agit du système capitaliste industriel, c'est-à-dire les gros exploitants agricoles du nord de la France qui ont créé la filière Diester ainsi que les industriels qui transforment les produits. Ces derniers ne veulent pas entendre parler des HVP car leur utilisation leur retirerait une partie des plus-values qu'ils gagnent. Nous sommes face à une bataille économique pour garder les avantages acquis. Ce sont ces mêmes personnes qui pratiquent le lobbying pour que le droit européen ne soit pas retranscrit dans son intégralité en droit français.
Que répondriez-vous à ceux qui bloquent la libéralisation des HVP?Je leur parlerai de démocratie et de l'avenir de notre société; je leur dirai qu'on ne peut pas maintenir des avantages acquis quand d'autres solutions sont plus intéressantes. Avec la disparition progressive du pétrole on va avoir tellement besoin d'énergie que les choix qui seront faits devront être basés sur les filières les plus intéressantes au niveau énergétique et non au niveau économique pour certains individus.