Plus tôt dépisté, mieux soigné



    L’un des principaux arguments de ceux qui soutiennent la systématisation du dépistage néonatal de la surdité est qu’il permet un meilleur développement de l’enfant, ce qui favorise notamment son intégration sociale. Leurs opposants soutiennent en revanche qu’aucune preuve de cela n’a été apportée jusqu’à présent.


    Différents acteurs défendent des points de vue divergents par rapport à l’argument selon lequel un dépistage précoce permet d’améliorer le développement de l’enfant ainsi que son intégration sociale.
    Selon l'académie de médecine,le dépistage précoce de la surdité augmente les chances d’un enfant sourd d’obtenir un niveau de développement quasiment identique à celui d’un enfant entendant. Certains acteurs ont une position plus modérée sur la question. C’est le cas de la HAS qui a constaté que le dépistage systématique améliorait les possibilités de diagnostiquer et de traiter l’enfant avant l’âge de six mois. Néanmoins, elle n’a pas pu montrer que le dépistage systématique permettait une amélioration de l’acquisition du langage et du développement des capacités liées à la communication, elle ne fait que supposer que ce dépistage systématique est bénéfique pour ces deux aspects. Au contraire, RAMSES considère justement qu’un dépistage systématique trop précoce condamnerait le bon déroulement du développement de l’enfant. Selon eux, « la violence de cette annonce (« votre bébé est peut être sourd ») au lendemain de la naissance, même dans de bonnes conditions matérielles, est à prendre en compte comme un facteur de risque majeur des troubles psychopathologiques pour l’enfant et d’entrave au développement du langage. Ce qui irait à l’encontre du but du dépistage : favoriser la parole ».

    Pour mieux comprendre ces différentes positions, voici différentes études scientifiques s’intéressant au lien entre une détection rapide de la surdité et le développement de l’enfant qui ont été menées ces dernières années. La majorité d’entre elles se sont intéressées à l’acquisition des composantes lexicale, phonologique, syntaxique et morphologique du langage chez différents enfants normaux, malentendants, non dépistés ou bien dépistés précocement. Ces études ont mis en évidence les différentes périodes critiques d’acquisition de ces différentes variables qui sont intimement liées au développement de l’enfant et par conséquent à son intégration sociale.


    Acquisition du vocabulaire et dépistage précoce



    L’acquisition du vocabulaire est facilitée par deux variables principales qui sont l’âge de la détection de la surdité et l’investissement parental.
    On peut citer l’étude “Identification of hearing loss after 18 months is not early enough. American Annals of the Deaf » de Apuzzo et de Yoshinaga-Itano. Elle est consacrée à l’habilité d’enfants mal entendants âgés de cinq ayant été détectés à des âges différents comparativement à un enfant entendant de cinq ans. Ils ont montré qu’une déficience de l’audition détectée avant six mois, permettrait à l’enfant atteint de déficience auditive d’acquérir une dextérité dans l’usage du vocabulaire quasiment similaire à celle d’un enfant entendant. En revanche, une détection de la surdité après l’âge de six mois limite compromet une telle acquisition. Cet écart serait dû au fait que les enfants étant détectés plus tardivement ont bénéficié de moins de temps dans les structures spécifiques établies pour rattraper leur retard. La deuxième variable qui peut influencer l’habilité de l’enfant à manier correctement le vocabulaire est l’engagement de ses parents à ses côtés. Selon les auteurs, cet engagement est d’autant plus important que la surdité de l’enfant a été détectée précocement. Dans cette hypothèse, ils sont beaucoup plus confiants dans les infrastructures établies, et prêts à s’investir davantage dans le développement de leur enfant.

    Ils ajoutent qu’il n’y a pas de corrélation entre le degré de la surdité et de la qualité des résultats obtenus.


    Acquisition de la parole et dépistage précoce



    En ce qui concerne l’expression orale, l’étude « Early intervention and language development in Children who are deaf and hard of hearing » de Moeller et l’étude de Yoshinaga-Itano se sont intéressées aux compétences de communication d’enfants malentendants âgés de cinq ans ayant été dépistés à des moments différents comparativement à un enfant entendant du même âge. De la même manière que dans l’étude concernant les compétences en vocabulaire, plus le déficit auditif de l’enfant a été dépisté précocement et plus il a des facilités à s’exprimer. Néanmoins ces résultats sont plus faibles que pour la capacité à manier le vocabulaire. Cela révèle que même une intervention précoce ne permet pas à l’enfant sourd de parler aussi facilement qu’un entendant. Les enfants dépistés tardivement sont plus largement déficitaires que les enfants bénéficiant d’une audition normale : ils montrent de nombreuses difficultés à répondre à des questions simples. De plus, cette étude, comme la précédente, a mis en exergue la corrélation entre l’engagement des parents et l’acquisition du langage des enfants. Plus l’enfant est dépisté tôt et plus les parents sont engagés : ce qui améliore les résultats de l’enfant sourd.
    Une part infime d’enfants ayant été dépistés tardivement peut rattraper son retard si les parents sont très engagés. Cela reste cependant peu fréquent car il demande une présence quasiment continue des parents aux côtés de l’enfant.


    Développement cognitif non verbal et dépistage précoce surdité




     Le Professeur Yoshinago-Itano a montré que les enfants sourds dépistés de façon précoce ont un développement cognitif non verbal approprié pour leur développement langagier verbal. Contrairement à eux, les enfants dont la surdité a été identifiée plus tardivement ont des écarts de 30 points et plus entre le développement non verbal et le développement langagier verbal.



   Développement intellectuel et dépistage précoce de la surdité

    Les premiers jours de la vie d’un nourrisson sont des jours critiques à cause de la plasticité cérébrale. Cette période est considérée comme étant celle au cours de laquelle une stimulation sensorielle (audition) aboutit à une fonction cérébrale organisée (langage oral). C’est pourquoi la prise en charge doit avoir lieu le plus tôt possible car elle permet de pallier les conséquences de la surdité sans pour autant la guérir.


    Intégration sociale de l’enfant sourd et dépistage précoce

    L’alphabétisation de l’enfant sourd est privilégiée par un diagnostic précoce et par un engagement important des parents. Dans le cas des enfants diagnostiqués trop tardivement, leur scolarisation sera difficile pour eux. En effet, le fait de ne pas avoir acquis l’ensemble des bases essentielles leur fera défaut alors qu’un diagnostic précoce permettrait à des enfants sourds d’avoir un espoir d’intégrer l’école et de pouvoir communiquer avec les autres enfants.
     Ainsi, une intervention tardive dans le diagnostic de la surdité a des conséquences désastreuses sur le développement de l’enfant : déficiences de la parole et du langage, mauvaise adaptation sociale, une éducation insuffisante et un désavantage économique.



    Age critique et dépistage de la surdité précoce

    La période critique représente la période au cours de laquelle le développement d’une des composantes fondamentales pour le développement de l’enfant a lieu. L’âge critique dépend de la composante du langage à laquelle on s’intéresse c’est à dire la composante sémantique, la composante syntaxique, la composante morphologique ou bien la composante phonologique.
    Les six premiers mois de la vie représentent une période extrêmement sensible dans le développement de l’enfant. Ce sont les premiers moments où l’enfant intègre l’usage de la parole, le langage oral ainsi que l’articulation. Les études de Pipp-Siegel, Sedey, Mayne et Yoshinaga-Itano, 2003 ont montré que l’âge auquel est effectué le diagnostic au début de la prestation de services d’intervention précoce joue un rôle prédictif significatif au niveau des résultats langagiers : ce qui signifie que plus tôt l’enfant est dépisté et meilleure est l’acquisition du langage. Par exemple, toujours selon cette étude, les enfants atteints de surdité ayant été identifiés tardivement ont une acquisition du langage comparable à celle d’enfants sourds atteints de handicaps multiples qui ont été identifiés précocement.
    Cette acquisition est, par ailleurs, déterminante pour le développement de l’enfant et pour d’autres composantes du langage (composantes phonologique, syntaxique et morphologique).
    Enfin, les études de Yoshinaga-Itano, Sedey, Coulter et Mehl, 1998, Moeller, 2000 ont montré que dans les trois premières années de vie de l’enfant, l’âge du diagnostic (dans les premiers six mois) ainsi que la prestation de services d’intervention précoce (soit avant douze mois) sont associés à une acquisition du langage significativement meilleure.
    En ce qui concerne la période critique pour l’acquisition de la parole, elle est beaucoup plus longue que celle de l’acquisition du langage. Ainsi, les enfants qui ont une acquisition faible ou nulle de la parole dans les trois premières années de leur vie peuvent apprendre à parler de façon intelligible. Ceci s’explique par le fait que les périodes d’acquisition des composantes phonologiques, syntaxiques et morphologiques sont beaucoup plus longues que la période d’acquisition du vocabulaire.