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Historique

Evolution de la controverse


Déjà constaté par les apiculteurs dans les années 70, le phénomène de surmortalité des abeilles semble empirer dans les années 1990. A tel point que les apiculteurs décident de se mobiliser pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur la question. Ils font très vite le lien entre la surmortalité de leurs ruches et l'arrivée concomitante sur le marché des pesticides composés de nouvelles molécules: les néonicotinoïdes. Mais le Ministère de l'Agriculture se trouve dépourvu face à cette manifestation. Il ne dispose d'aucun service spécialisé sur la question des abeilles. Les connaissances scientifiques sur la question sont quasiment nulles. Il va d'abord commander des études sur la surmortalité des abeilles. Puis il va charger des instituts de recherche publics d'étudier l'impact des pesticides et notamment des néonicotinoïdes sur les abeilles. C'est le début de la controverse scientifique qui perdure toujours. Elle va être entretenu par la parution d'études scientifiques produites par les firmes, des instituts de recherche et des agences d'experts. La controverse va aussi évoluer avec la progression dans la précision des méthodes pour étudier l'impact des faibles doses et d'abaisser les seuils de concentrations. Cet aspect scientifique de la controverse est indissociable de son aspect juridique et politique. En effet, la dénonciation par les apiculteurs des néonicotinoïdes est indissociable des leur mobilisation pour interdire les pesticides utilisant les molécules. La controverse juridique autour des pesticides (et de leurs différentes versions) « Régents » et « Gaucho » est essentielle car elle pose le rapport de force de la controverse actuelle du Cruiser. On peut diviser cet historique en trois grandes périodes. Pour rendre le plus clair possible cette chronologie, nous ne relèverons que les faits majeurs qui expliquent l'évolution de la controverse.

Première période

Dans un premier temps, les différentes versions des pesticides Gauchos et Régent sont commercialisés, les apiculteurs constatent une surmortalité et commencent à se mobiliser mais ils ne sont pas organisés et ne parviennent pas à légitimer leur interprétation du phénomène faute de données scientifiques. Au cours de cette période c'est plutôt la réalité de la surmortalité qui est discutée. Les pouvoirs publics découvrent le phénomène, mettent en place des structures d'observations et commandent des études.

1991: La première autorisation de mise sur le marché (AMM) est délivrée pour le Gaucho betterave produit par la société Bayer agro.

1992: Homologation du Gaucho Maïs

1993: Homologation du Gaucho Tournesol.
La précision des méthodes dn du Gaucho Tournesol détections du thiametoxam est de 20 ng.

1995: La mobilisation des apiculteurs commence lorsqu'un groupe d'apiculteur accuse le Gaucho tournesol d'être à l'origine de la surmortalité des abeilles.

1997: Le Régent commercialisé par BASF est autorisé sur maïs et céréales. L'année suivante le Régent tournesol est homologué.

Deuxième période

La deuxième période est celle de la mobilisation des apiculteurs et de la publication des premières études scientifiques sur la question.Ces études portent pour la plupart sur la définition de seuils létaux (concentration limite au dessus de laquelle l'abeille meurt en une exposition). Les apiculteurs essaient de faire entrer l'opinion publique dans la controverse en même temps qu'ils recourent à des moyens juridiques. Leur mobilisation ainsi que la publication des premières études changent le rapport de force.

1998: Les apiculteurs manifestent à Paris contre les pesticides Régent et Gaucho.

1999: Le Ministère de l'agriculture retire l'AMM sur le Gaucho Tournesol. Les firmes (Bayer, Rustica Prograin Genetique, Monsanto, Froce Limagrain, Pioneer Semences, Maïsadour Semences, Novartis seeds, Ragt et Verneuil semences) font une requête devant le conseil d'Etat visant à l'annulation de la décision du ministère de l'agriculture. Le comité des toxiques, organe du ministère de l'agriculture chargé de l'homologation et des pesticides est accusé d'être partial, il est remplacé par l'AFSSA.

2000: La Cour d'appel de Paris oblige par un arrêt le Ministère de l'agriculture de communiquer à l'UNAF le dossier d'AMM sur le Gaucho. Début des études Kirchner, Belzunces et Bonmatin. La précision des méthodes de détection est de 2 ng.

2001: Création à l'initiative du ministre de l'agriculture Hervé Gaymard du Comité Scientifique et Technique de l'étude multifactorielle du trouble des abeilles. (CST)

2002: Publication du rapport de la Commission des toxiques « Evaluation des risques pour les abeilles de l'utilisation de la préparation Gaucho (imidaclopride) utilisée pour le traitement de semences de maïs » (16 octobre 2002). Ce rapport s'appuie sur les études de Kirchner, Belzunces et Bonmatin. Ses conclusions sont mitigées mais il conclut que dans l'ensemble les imidaclopride ne sont pas responsable de la surmortalité. Le Gaucho maïs est renouvelé pour 10 ans.

2003: Rapport final du CST prenant en compte toutes les études sur le sujet. Il conclut que l'utilisation du Gaucho « pourrait être un des éléments de l'explication de l'affaiblissement des populations d'abeilles ».

24 février 2004: Suspension de toutes les autorisation provisoire de vente du Régent et interdiction de tous les produits à base de Fipronil.

Troisième période

La dernière période correspond au renouveau de la controverse. Si le Régent et le Gaucho sont définitivement interdit. Une série d'études insistant sur l'aspect multifactoriel de la surmortalité des abeilles sont publiées. Les études se concentrent maintenant sur les effets des petites doses et les synergies. De plus un nouvel insecticide : le Cruiser est homologué.

2007: Rapport de l'AFSSA: « Enquête prospective multifactorielle: influence des agents microbiens et parasitaires, et des résidus de pesticides sur le devenir de colonies d'abeilles domestiques en conditions naturelle ». Ce rapport présente les pesticides comme une des multiples causes de la surmortalité des abeilles mais bien moins importante que les parasites et le déclin de la biodiversité.

2008: Autorisation provisoire de mise sur le marché du Cruiser pour maïs. Elle est reconduite l'année suivante. Cela déclenche des manifestations des apiculteurs qui obtiennent la construction de ruchers d'observation.

2010: Le Conseil d'Etat annule les autorisations provisoires de mise sur le marché (APMM) délivrée par le Ministère de l'agriculture en 2008 et 2009. Il fait de même en 2011 pour celle de 2010. Fusion de l'AFSSA avec l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail pour former l'ANSES.

2012: Etude de l'INRA et de l'ACTA publiée dans Science le 29 mars sur l'impact du thiaméthoxam sur les abeilles. Elle conclut que même à faible dose, plus de 30% des abeilles sont intoxiquées par cette substance. Le Ministère indique qu'il attend l'avis de l'ANSES, mais que si ces conclusions sont validées, il compte ne pas délivrer l'APMM pour l'année suivante. La précision de la détection est de 0,1 ng.