En 1967 fut lancé le processus d’élaboration d’une nouvelle législation internationale devant régir les mers et océans, sous l’impulsion de l’Ambassadeur de Malte, M Arvid Pardo, qui réclamait un régime international efficace des fonds marins et des océans au-delà d'une juridiction nationale clairement définie
. Quinze ans plus tard, en novembre 1982, fut adoptée la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) à Montego Bay, en Jamaïque. Pourquoi quatorze années de négociations furent-elles nécessaires à l’élaboration d’un tel document, et quelles furent les positions des différents acteurs au moment où se tinrent les débats?
À l’origine de l’idée de droit international était la volonté d’établir un ordre juste et équitable du droit de la Mer. La difficulté résidait principalement en la définition de ce qu’était un ordre juste et équitable, quand les 150 États prenant part aux conférences avaient des niveaux de richesses, de développement, et de régimes politiques différents.
Lorsque furent mises en lumière les extraordinaires ressources contenues dans les eaux internationales, les négociations prirent une forme bien particulière. Deux parties s’opposèrent lors des débats : d’une part le groupe du Tiers Monde, et d’autre part le groupe des pays occidentaux, menés par les États-Unis. La première partie défendait l’idée d’un patrimoine mondial de l’humanité et de l’interdiction aux pays industrialisés d’exploiter les ressources du sous-sol marin au-delà de leur zone économique exclusive de 200 miles marins. Les pays industrialisés souhaitaient en revanche un plus grand libéralisme, notamment au sujet de la libre navigation, et revendiquaient la libre exploitation des ressources immenses contenues dans les hautes mers et les fonds marins. L’introduction de ces aspects économiques fit rapidement de la question du statut du plateau continental au-delà des ZEE des États le point le plus controversé des négociations.
Après quatorze ans de recherche du consensus à partir de réunions en petit comités et informelles, les 320 articles de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer furent adoptés, et trois instances internationales créées: le Tribunal international du droit de la mer, la Commission des limites du plateau continental (CLCS) et l’Autorité maritime internationale.
Cependant, de nombreux désaccords, principalement au sujet des plateaux continentaux, empêchèrent l’application de la Convention jusqu’en 1994, où l’introduction d’un agrément relatif à l’application de la Partie XI de la Convention a permis la sortie de l’impasse et l’entrée en vigueur de l’UNCLOS.
La Convention définit différentes zones de souveraineté sur la mer selon la distance au rivage.
Dans les 12 miles marins au-delà de la ligne de base se trouve la zone appelée la mer territoriale. Sur cette surface maritime, l’État côtier dispose de l’ensemble des droits souverains dont il jouit sur les eaux intérieures. Cela signifie qu’il décide de l’exploitation des ressources et établit ses propres règlements. Cependant, il se doit de laisser passer les navires internationaux.
Ensuite vient la zone appelée «zone contiguë», dans laquelle la souveraineté de l’État côtier est plus étroite. Celle-ci se limite principalement un droit de douane et de police (arrestation, poursuites etc.). Elle s’étend sur 24 miles ou delà de la ligne de base.
La zone suivante est la «Zone Économique Exclusive» (ZEE). Elle correspond aux 200 miles partir de la ligne de base. Telle qu’elle a été définie par la Convention de Montego Bay en 1982, la ZEE est un espace dans lequel l’État côtier gère les ressources naturelles, leur conservation et leur exploitation.
Ce que le droit de la mer nomme depuis 1982 le «plateau continental» est une nouvelle zone de souveraineté s’étendant au-delà de la ZEE. À l’intérieur de cette zone, l’État dispose de droits sur le fond marin et son sous-sol, et non sur la colonne d’eau. Il décide donc de l’exploitation et de la gestion des ressources (en hydrocarbures par exemple). Nous définirons les caractéristiques juridiques de ce type de territoire maritime plus loin dans l’étude de la controverse (voir les parties concernant les aspects juridique et scientifique).
Chaque État côtier dispose dans tous les cas d’un plateau continental (dans son sens juridique) de 200 miles marin. Cela correspond à la ZEE. Cependant l’article 76 de l’UNCLOS permet l’extension du plateau. La Convention de Montego Bay offre donc la possibilité aux États côtiers d’étendre leur pouvoir et leur souveraineté encore plus loin sur la mer.
Cet article de la partie VI de l'UNCLOS intitulée "Plateau continental" définit le plateau continental, énonce les critères de son extension et crée la commission des limites du plateau continental (CLCS)
L'UNCLOS définit le plateau continental dans l'article 76 comme suit:
"Le plateau continental d'un Etat côtier comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l'étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet Etat jusqu'au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu'à 200 miles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure."
Pour chaque Etat côtier, on définit un plateau continental s'étendant à 200 miles marins des côtes quoiqu'il en soit. Il est ensuite possible de revendiquer une extension de ce plateau jusqu'à 350 miles marins des lignes de base si l'on prouve que le plateau existe au-delà des 200 miles marins.
L'article 76 énonce les caractères retenus pour l'extension du plateau continental que sont l'épaisseur des roches sédimentaires et le pied du talus continental de la manière suivante:
"76.4.a)Aux fins de la Convention, l'Etat côtier définit le rebord externe de la marge continentale,
lorsque celle-ci s'étend au-delà de 200 miles marins
des lignes de base à partir desquelles est mesurée la
largeur de la mer territoriale par:
i) Une ligne tracée par référence aux points fixes extrêmes où
l'épaisseur des roches sédimentaires
est égale au centième au moins de la distance entre le point considéré et le pied du talus continental;
ii) Une ligne tracée par référence à des points fixes situés à 60
miles marins
au plus du pied du talus continental.
4.b)Sauf preuve du contraire, le pied du talus continental coïncide avec la rupture de pente la plus marquée à la base du talus.
Par ailleurs, l'article fixe aussi des contraintes. Au premier lieu, la distance entre deux points fixes ne peut excéder 60 miles marins tandis que l'extension est limitée au maximum, soit à 350 miles marins de la ligne de base, soit à 100 miles marins de l'isobathe de 2500m.
L’UNCLOS donne une définition juridique du plateau continental en se fondant sur un concept scientifique, la marge continentale. Une définition de la marge continentale est donnée par la convention. Celle-ci correspond à la prolongation terrestre de l’Etat côtier sous l’eau, mais elle ne coïncide pas strictement à la définition scientifique qui distingue la marge continentale de la marge océanique.
Aussi, les contraintes dictées par la convention limitant l’extension du plateau continental à 350 miles marins des côtes ou 100 miles marins de l’isobathe de 2500m imposent une restriction de la définition juridique du plateau continental alors que naturellement et géologiquement, la masse terrestre prolongeant le continent peut s’étendre plus loin.
Ainsi, pour établir les limites extérieures du plateau continental, c'est-à-dire pour établir les frontières de souveraineté des états ; on s’appuie sur une formation géologique, mais que l’on redéfinit et restreint à une définition juridique qui ne lui correspond pas exactement. Cette superposition de concepts a été très controversée et a posé de nombreux problèmes quant à l’interprétation de l’article 76 comme en témoignent les intitulés de quelques interventions à la 3ème conférence d’ABLOS à Monaco : “Geographic information systems, Charts and UNCLOS – Can They Live Together?”, “Reflecting on the Legal-Technical Interface of Article 76 of the Law of the Sea Convention: Tentative Thoughts on Practical Implementation”.
On voit donc que la science et la technologie jouent un rôle remarquable dans l’établissement des nouvelles frontières en Arctique.
Finalement, on peut citer Peter J. Cook et Chris Carleton (in Continental Shelf Limits, 2000) qui concluent que l’article 76 définit le plateau continental d’une manière scientifiquement fondée, juridiquement défendable et politiquement acceptable.
La Commission des limites du plateau continental pour le plateau continental au-delà des 200
miles marins a été créée par l'article 76 de l'UNCLOS dont l'annexe 2 la spécifie.
La CLCS est composée de 21 membres, experts en géologie, géophysique ou hydrographie. Chacun d'entre eux est élu pour cinq ans par les Etats parties à la Convention parmi leurs ressortissants et sont rééligibles. Chacun d'entre eux s'exprime au sein de la Commission en son nom propre et en tant qu'expert. Les dossiers sont déposés par les Etats sont traités séparément en sous commissions sachant qu'un expert du pays dont la demande est exminée en sous commission ne peut en faire partie.
Les fonctions de la Commission sont d'examiner les données et autres renseignements présentés par les Etats côtiers en ce qui concerne la limite extérieure du plateau continental lorsque ce plateau s'étend au-delà des 200 miles marins et de soumettre des recommandations conformément à l'article 76.
Elles consistent aussi à émettre, à la demande de l'Etat côtier concerné, des avis scientifiques et techniques en vue de l'établissement des données. Ainsi, la commission a édicté des aides techniques pour les pays.
La Commission peut aussi coopérer, dans la mesure jugée nécessaire ou utile, avec la Commission océanographique intergouvernementale de l'UNESCO, l'Organisation hydrographique internationale et d'autres organisations internationales compétentes en vue de se procurer des données scientifiques et techniques susceptibles de l'aider à s'acquitter de ses responsabilités.
les Etats disposent de 10 ans après leur entrée dans la convention pour formuler des requêtes d’extension. Pour permettre aux premiers signataires de préparer décemment leurs demandes, les premiers délais n’ont pas expiré pas avant mai 2009.
Les Etats doivent alors déposer une demande appuyée de données scientifiques afin que la commission émette une recommandation.
La CLCS en aucun cas, ne tranche les revendications litigieuses. Si un pays quelconque s’oppose à une demande déposée, la CLCS n’examine pas le dossier. Une négociation diplomatique préalable au dépôt de la demande est alors nécessaire.
Si l'Etat est en désaccord avec les recommandations de la Commission, il peut lui soumettre, dans un délai raisonnable, une demande révisée ou une nouvelle demande.
Si l’Etat côtier est d’accord avec les recommandations de la commission, il transmet les nouvelles cartes définissant ses frontières au Secrétaire Général des Nations-Unies qui les rend publiques.