Tout d’abord, l’Arctique est le premier théâtre du réchauffement climatique. La fonte de la banquise permanente, en superficie
(de 7,5 à 4,4 millions de km² entre 1979 et 2007) et en épaisseur (diminution de 40% de l’épaisseur de la glace), reflète l’état de réchauffement de la planète, et fait l’objet de nombreux projets de recherches de la part de scientifiques du monde entier. Les implications de la fonte de la banquise sont graves. Trois effets d’emballement rendent en effet le réchauffement de l’Arctique particulièrement inquiétant.
Premièrement, alors que la glace renvoie 90% de la lumière qu’elle reçoit, l’océan en absorbe 80%. À la baisse de la réverbération s’ajoute le problème de la libération dans l’air du méthane contenu dans les glaces du permafrost ne fait qu’accentuer l’effet de serre. Enfin, l’eau douce déversée dans l’océan ayant une densité plus faible que l’eau de mer salée va modifier les courants marins qui reposent majoritairement sur ces différences de densité, menaçant plus particulièrement les courants du Labrador et le Gulf Stream. La diminution de la surface couverte par la banquise n’entraînera donc qu’un réchauffement supplémentaire de l’océan.
La question de la fonte de la banquise est donc cruciale dans la lutte contre le réchauffement climatique.
De plus, la disparition de la banquise permanente conduirait à la modification voire la destruction d’un écosystème tout entier, dont l’animal caractéristique est l’ours blanc. De plus, l’eau et l’air se réchauffant, des espèces de poissons et d’oiseaux vivant habituellement dans l’Atlantique Nord migrent déjà vers le pôle. Les poissons ne seront pas les seuls à migrer, puisque les flottes de pêche remonteront aussi vers le Grand Nord. Une augmentation du trafic maritime est donc prévisible, d’autant plus que la navigation sera rendue plus facile et plus économique suite à la libération des voies maritimes des glaces. Le risque de pollution et de catastrophe écologique ne doit pas être sous-estimé non plus, et ce d’autant plus que l’écosystème polaire est très fragile et donc très sensible à la pollution.
La fonte de la banquise, aussi néfaste soit-elle pour l’environnement,
a aussi quelques implications intéressantes du point de vue commercial. En effet, la fonte des glaces en été libère deux voies maritimes en Arctique: le passage du Nord-Ouest, au nord du Canada, et le passage du Nord-Est, au nord de la Sibérie. Depuis l’accélération de la fonte des glaces, ces passages sont empruntables une bonne partie de l’année, puisqu’ils sont ouverts en moyenne 150 jours de plus qu’en 1980.
Les avantages liés à l’ouverture de ces passages ne sont pas minimes. D’une part, la réduction de la distance et du temps de transit (40% du trajet et dix jours de voyage) représentent une première économie, et d’autre part l’absence de contraintes sur le tonnage des cargos, à la différence de ceux empruntant le canal de Panama, permet de rendre plus rentable le transport massif de marchandises telles que les céréales européennes vers l’Asie.
En outre, l’Arctique a un fort potentiel commercial indépendamment des voies maritimes, et concentre de nombreuses ressources. L’enjeu le plus important se situe naturellement autour des immenses réserves d’hydrocarbures des plateaux continentaux. Mais, les ressources halieutiques ne sont pas négligeables non plus, que ce soit, le long des côtes du Labrador, du Groenland, de l’Islande, ou dans la mer de Barents, puisque le réchauffement de l’Arctique va entraîner de nombreuses espèces subaquatiques vers le Nord.
D’autre part, l’eau douce des icebergs groenlandais pourrait aussi être exploitée : en remorquant ces derniers, on pourrait répondre à la demande croissante d’eau dans le monde.
Enfin, le tourisme est une activité montante en Arctique. Ainsi, un tourisme écologique se développe peu à peu, à la demande de personnes voulant constater de leurs propres yeux les effets directs du réchauffement climatique.
Le potentiel commercial de l’Arctique ne fait que s’accroître avec le réchauffement climatique, et met peu à peu cette zone longtemps négligée au centre de l’attention internationale.
L’Arctique est une zone particulièrement riche en hydrocarbures.
En effet, selon des experts Norvégiens, près d’un quart des réserves mondiales de gaz et de pétrole non découvertes se situeraient en Arctique, ce qui correspondrait à 600 à 700 milliards de tonnes de pétrole et entre 500 000 et 700 000 Gm3 de gaz naturel. Étant donné l’augmentation constante des besoins de l’humanité en hydrocarbures, et sachant que le peak oil a été dépassé cette année ou sera dépassé dans les prochaines années, selon les différents modèles, ces réserves représentent une source de richesses cruciale pour chacun des pays riverains de l’Arctique.
Pour la Russie, qui pourrait revendiquer la moitié du plateau continental arctique, l’Arctique est un enjeu majeur, car elle pourrait assurer ainsi 30% de la production mondiale d’hydrocarbures. Une partie de ces hydrocarbures proviendrait de la Mer de Barents, située entre la Norvège et la Russie. Etant donné que d’ici 25 ans, les réserves en minerai et hydrocarbures de la Mer du Nord seront épuisées, la mer de Barents deviendrait le site principal d’extraction à proximité de l'Europe.
La Norvège, troisième pays exportateur de pétrole malgré une production équivalente à seulement 1% de la production mondiale, cherche aussi à étendre son plateau continental. En effet, la plus grande part de ses exportations provient de gisements off-shore. La Norvège détenant la moitié des ressources en hydrocarbures de l’Union Européenne, l’enjeu que représente l’extension du plateau continental norvégien devient un enjeu européen.
Le plateau continental potentiel canadien contient lui aussi des hydrocarbures mais qui sont plus difficiles d'accès. L'exploitation de ces derniers est dépendante des cours du pétrole, les projets étant très honéreux, ils ne sont rentables que lorsque le prix du pétrole franchit un certain seuil.
Les Etats-Unis, via l’Alaska sont aussi concernés par les hydrocarbures arctiques. En effet, les réserves terrestres ne représentant que 10,4 milliards de Barils, les ressources contenues dans le plateau continental sont très intéressantes pour les Etats-unis. Cependant, l’exploitation de ces hydrocarbures rencontre des contraintes techniques, politiques, et financières. Les contraintes techniques sont principalement dues aux conditions climatiques et à la dérive de la banquise. Tandis que les contraintes politiques résident dans la réticence du Sénat américain à voter l’exploitation d’une zone protégée depuis 1960. Enfin, les concessions et compensations à verser aux peuples autochtones étant très élevées, cela entraîne des contraintes financières.
De plus, l’accès aux ressources est facilité d’années en années par la fonte des glaces ainsi que par l’amélioration des techniques de forage et d’extraction du pétrole ou du gaz. A l'image de la technologie norvégienne du gaz naturel liquéfié ou de la proposition russe de transformer ses sous-marins nucléaires en pétroliers évoluant sous la glace. En outre, le réchauffement climatique et la fonte de la banquise facilitent la navigation et l’accès aux puits de pétroles arctique, ce qui appuie la baisse des coûts d’exploitation, et augmente la rentabilité des tels projets. En effet, auparavant, extraire des hydrocarbures en Arctique revenait cinq fois plus cher que l’extraire dans n’importe quelle autre partie du monde.
La richesse du sous-sol arctique est au final l'une des principales motivations du Canada, du Danemark, de la Norvège, de la Russie, et des Etats-Unis pour étendre leur plateau continental, suivant la Convention de Montego Bay de 1982, qui a pour but de permettre la répartition de ces immenses richesses dans un climat de coopération et non d’affrontement.
L’implantation en octobre 2007 d’un drapeau Russe à l’exact emplacement du pôle Nord géographique par 4200 m de profondeur a réveillé certaines tensions géopolitiques en Arctique. Déjà durant la guerre froide, l’Arctique était le plus court chemin pour chacun des deux blocs afin d'atteindre l’autre par des missiles à courte portée. De nombreuses bases militaires ont été mises en place à cet effet. De nos jours, cet ensemble de bases a été intégré au dispositif antimissile des Américains : le North Warning System.
De plus, dans le contexte de la Guerre Froide, le développement des sous-marins nucléaires a participé à la militarisation de l'Arctique. En effet, la navigation sous la glace rend impossible leur détection par les satellites et le froid perturbe les ondes de détection des radars. Ainsi, leurs missiles peuvent atteindre n’importe quelle grande ville de l’hémisphère nord. De nombreux sous-marins nucléaires appartenant à différentes nations continuent de patrouiller dans cette région de moins en moins reculée, constituant ainsi les véritables instruments des forces de dissuasion des grandes puissances.
Du côté diplomatique, la fonte des glaces permet aux bâtiments de surface de naviguer plus au Nord, et de diminuer la dépendance aux détroits et canaux. Ainsi, le Canada ne dépend plus du canal de Panama pour relier sa façade atlantique à sa façade pacifique. Cependant, un contentieux oppose le Canada et les Etats-Unis à l’Union Européenne et au Japon en ce qui concerne la régulation du trafic maritime par le Canada dans toute une zone délimitée par lui au sein de l’archipel arctique. D’autre part, la Russie peut s’implanter sur les îles Kouriles et faire ainsi de la mer d’Okhotsk un véritable bassin russe. Cette dernière dispose en outre d’un atout majeur étant donné que le passage du Nord-Est se situe dans ses eaux territoriales. Ainsi, jusqu’en 2008, elle n’autorisait le passage de bâtiments étrangers qu’à la condition que ceux-ci soient précédés d’un brise-glace russe, dont les services étaient loués à des prix prohibitifs. Néanmoins, la décision a été prise récemment d’autoriser les navires dotés d’une coque renforcée seulement à utiliser ce passage. Ces quelques exemples ne représentent qu’une infime portion de tous les désaccords qui existent à propos du droit de la mer en Arctique.
Cependant, à travers les nombreuses missions internationales d’étude et de recherche, par exemple sur l’île Norvégienne de Svalbard, dont l’exploitation est régie par le traité de Paris, signé par 40 Etats, ou dans la collecte de données sur l’écosystème, le climat, les fonds marins et les courants, l’Arctique peut aussi être considéré comme un haut lieu de coopération scientifique internationale.
Que ce soit pour son rôle majeur dans le dérèglement climatique et son étude, ou pour son emplacement stratégique au niveau commercial et militaire, l’Arctique est de plus en plus exposé sur la scène internationale. La récente année polaire internationale en 2007-2008 en est une manifestation.
Au croisement entre intérêts commerciaux, énergétiques, politiques, scientifiques et surtout environnementaux, l’Arctique est un haut lieu de controverses.