Schéma des acteurs: Démarche et analyse
Ce schéma des acteurs a été réalisé en fonction des différents acteurs de la controverse que nous avons recensés et des liens entre eux. Au centre sont représentées les organisations internationales traitant de ce sujet et auxquelles appartiennent tous les pays concernés. Ces pays ont été représentés autour de ce premier cercle, dans la même disposition que si ce cercle avait été le cercle polaire. Nous avons tenté de représenter l'ensemble des acteurs de la manière la plus exhaustive et en même temps la plus concise possible, afin de bien montrer les différences entre les pays concernés.
Nous avons essayé de partir sans préjugés sur les liens entre les acteurs et donc sur leur positionnement sur le schéma. Néanmoins, après de longs tâtonnements, il nous est apparu que la représentation par pays était la plus représentative. Dans la très grande majorité des cas, les acteurs dépendent, directement ou non, d'un seul État, ce qui justifie une telle représentation.
De même, nous nous sommes rendu compte après une première réalisation de ce schéma que la même organisation était globalement respectée par tous les pays concernés. Sur un premier cercle se trouvent les ministères dont relèvent ces questions d'établissement des frontières en Arctique. Il s'agit généralement des ministères des affaires étrangères, du climat ou encore de l'environnement. Ensuite viennent des organisations qui existaient avant la signature de la convention de Montego Bay et qui traitent de sujets autres que l'extension du plateau continental. Il s'agit par exemple du GEUS danois, de l'USGS américain ou de l'Agence fédérale du sous-sol russe. Ensuite apparaissent les programmes spécifiques à cette question, par exemple le Programme du Plateau continental canadien ou le Kontinentalsokkelprojektet danois. D'autres organisations et instituts se greffent à ces programmes, et ceux-ci sont souvent en coopération avec les autres pays.
Sont également représentés les scientifiques jouant un rôle important dans notre controverse. Tout scientifique responsable de la récolte de données sur les fonds marins arctiques est un acteur, mais nous n'avons représenté que ceux dont le rôle ne se limitait pas à cela. Par exemple, le Norvégien Harald Brekke est un acteur majeur, en tant que scientifique travaillant pour la Norvège et en tant que membre de la CLCS.
Ce schéma permet de constater la grande collaboration entre les différents pays concernés par cette controverse. Les programmes de coopération scientifique sont nombreux (on peut citer LORITA ou LOMGRAV pour le Danemark et le Canada) et des organisations scientifiques existent au niveau international (comme Eurogeosurvey). Les scientifiques des différents pays travaillent donc très souvent ensembles.
Enfin, le dernier cercle englobant l'ensemble des acteurs représente les différents lieux où la controverse est née. Le plateau continental et tous ses aspects géologiques sont des acteurs de la controverse à part entière. Ils ont donc leur place sur un tel schéma. Ces différentes zones géologiques comme la mer de Barents ou la Dorsale de Lomonossov sont liées aux programmes de recherches qui les étudient. On peut ainsi voir quels sont les scientifiques qui tentent de « faire parler » le plateau et dans quel lieu. Afin de mieux représenter la relation entre les scientifiques et les éléments géologiques, les flèches les reliant doivent traverser un autre cercle. Ce cercle représente l'ensemble des contraintes que doivent subir les scientifiques pour «atteindre» le plateau. Il s'agit par exemple des difficultés liées aux conditions climatiques extrêmes, à la présence de la banquise ou encore aux différentes méthodes de mesure utilisées.
Cartographie du web
Sur cette cartographie du web, réalisée avec le logiciel Gephi grâce aux données acquises à l’aide de Navicrawler, sont représentés les différents sites internet traitant des revendications territoriales en Arctique. Deux schémas ont été crées à partir de la même cartographie de départ : le premier représente le pays d’origine des différents acteurs sur le web, tandis que le second correspond au type d’acteur, c’est-à-dire leur caractère scientifique, politique etc.
Cartographie du web en fonction des pays
Chaque couleur correspond à un pays, sauf le jaune qui indique le caractère international de l’organisation considérée. On peut tout d’abord remarquer le nombre très important de liaisons entre les pays. Il n’y a aucun pays impliqué dans la controverse qui n’a pas de relations avec l’ensemble des autres États de la région. On peut par exemple noter le fait que les sites Internet des États-Unis (en bleu foncé), tout comme ceux du Canada (en rouge) sont très imbriqués entre eux et avec les organisations internationales. Les liens sont particulièrement nombreux au milieu du schéma entre les sites Internet canadiens, américains et internationaux, comme avec l’IBCAO.
De même cette cartographie nous permet de constater l’ampleur des relations et de la collaboration des scientifiques et des commissions chargées de l’extension du plateau continental entre les pays. Par exemple, le lien fort qui unit le Danemark (en vert) avec le Canada au niveau scientifique est ici particulièrement visible, confirmant ainsi la coopération que nous avons constatée précédemment. Les centres de recherches danois et canadiens sur le plateau continental en Arctique travaillent souvent ensemble (par des programmes internationaux tels que LORITA et LOMROG), et ces relations étroites sont confirmées par les nombreux liens entre leurs différents sites Internet.
Un autre fait particulièrement visible est la dépendance totale du Groenland (en turquoise) par rapport au Danemark dans le domaine de la recherche géologique en Arctique. Les sites gouvernementaux comme nanoq.gl ou les sites scientifiques tels asiaq.gl ou nunagis.gl sont toujours liés principalement ou exclusivement à des sites danois. Cela reflète la dépendance politique, matérielle et logistique du Groenland vis-à-vis du Danemark.
En revanche on peut noter le relatif isolement de la Russie (en violet) dans le cadre de cette controverse. Contrairement aux autres pays évoqués, les sites russes sont peu fréquemment liés aux sites scientifiques ou gouvernementaux des autres États. Les sites Internet des organisations russes les plus importantes, telles que vsegei.ru, vniio.ru ou encore aari.ru sont seulement liés entre eux, alors que les sites des organisations de même importance dans les autres pays (GEUS, USGS etc.) sont toujours liés à des organisations étrangères. De même, la forme du « bloc russe » sur cette cartographie est intéressante puisqu'elle diffère grandement de celle des autres pays. Celui-ci n'est relié à l'ensemble des autres sites qu’à deux endroits : au niveau du site de l'Année polaire internationale et avec le site de Eurogeosurvey.
Le cas de la Norvège (en orange) semble également relativement atypique si on le compare avec les autres pays. En effet, ce pays présente peu de sites Internet et ceux-ci sont « éparpillés » parmi des sites d’autres pays. Par exemple, le site de l'agence NGU (Geological Survey of Norway), qui est une institution majeure de ce pays, se situe plus loin du bloc de la Norvège que du bloc russe ou des organisations internationales.
Le Canada, en revanche, présente un réseau compact de sites gouvernementaux. Ceux-ci sont très nombreux et se citent toujours mutuellement. Le cas des États-Unis est assez similaire à celui du Canada. On peut tout de même noter la grande importance de ce pays grâce à sa position centrale dans la cartographie, surtout grâce au site arcus.org. Nous étudierons plus en détail le cas de ce site plus bas dans l'analyse.
Globalement, cette cartographie du web rend donc bien compte des collaborations entre les pays sur ce sujet. On retrouve les collaborations privilégiées au niveau scientifique (Danemark-Canada, Danemark-Groenland etc.), et on voit les types d’organisations spécifiques à chaque pays en matière de ministères, de départements spécialisés et de programmes de recherches. Elle complète donc sans la contredire la représentation que nous avons faite dans notre schéma des acteurs.
Certains sites Internet apparaissent comme des sites incontournables de la controverse. Ils citent de très nombreux sites majeurs et sont aussi cités à de nombreuses reprises. ARCUS est l'exemple parfait d’un tel site. Site américain, il semble être au centre de la cartographie du web, au sens où tous les liens semblent partir de lui. D’autres sites peuvent être considérés comme des « sites-nœuds » plus locaux, comme le site du GEUS ou de l'Année polaire internationale.
ARCUS est une organisation intéressante étant donnée que ce site est le nœud le plus important de cette cartographie du web, alors qu’il n’apparaît pas dans la cartographie des acteurs. Ce paradoxe a une explication simple : ARCUS (Arctic Research Consortium of the U.S.) est une institution dont le but est de favoriser la communication entre les différents instituts de recherche et programmes spécifiques à cette controverse. Il n'agit donc pas directement sur le problème des revendications territoriales en Arctique, mais se contente de recenser des organisations, américaines ou non, participant à cette controverse. On peut considérer ce site comme un annuaire pour les acteurs de la controverse.
D'autres sites jouent le rôle de « noeuds » dans cette cartographie du web, même s'ils sont moins importants que le site arcus.org. On peut citer les sites du GEUS, du Ministère canadien des ressources naturelles ou encore du NOAA, ce qui confirme bien l'importance que nous leur avons donnée dans le schéma des acteurs. Enfin, la très grande présence de sites traitant de l'Année polaire internationale mérite une explication. Cet événement a débuté le 1er Mars 2007 et s'est terminé le 1er Mars 2009. Il consistait en un ensemble de conférences internationales et de mise en place de projets scientifiques divers en relation avec l'Arctique (ou l'Antarctique). Ces conférences ont joué un rôle déterminant dans la controverse sur l'établissement des frontières en Arctique dans le sens ou elles ont encouragé une plus grande coopération et collaboration entre les scientifiques et les gouvernements des pays impliqués. La plupart des États ont créé des sites nationaux présentant leur action au sein de l'Année polaire internationale, ce qui explique en partie le grand nombre de sites liés à ipy.org (International Polar Year).
Pour finir nous allons brièvement traiter des sites isolés. Il s'agit principalement de sites de pays non directement impliqués dans la controverse, comme la France, l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Les scientifiques par exemple de l'Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) ou encore du « Otto Schmidt Laboratory » (Allemagne) collaborent avec les scientifiques des pays directement concernés par la controverse.
Cartographie du web en fonction de la nature des acteurs
On distingue sur cette cartographie du web quatre grandes catégories d'acteurs : les acteurs « scientifiques » (ce sont les sites des programmes de recherches), les acteurs «politiques» (correspondant aux sites gouvernementaux ou organisations à caractère plus diplomatique que scientifique), les universités et enfin l'ONU et les organisations qui lui sont affiliées.
On peut tout d'abord noter que les sites scientifiques (en rouge) sont bien plus nombreux que les autres types de sites. Cela confirme l'importance du caractère scientifique de la controverse. Avec une vue d'ensemble, on se rend compte que les sites scientifiques sont la plupart du temps liés entre eux, tout comme les sites politiques. Il existe des liens entre les acteurs politiques et scientifiques, mais ils sont moins nombreux qu'à l'intérieur de ces catégories.
On voit également que la collaboration entre le Danemark et le Canada se fait tout aussi bien sur le plan scientifique que politique. En revanche, les liens entre les sites russes et les autres sites sont presque uniquement scientifiques, ce qui confirme un certain isolement diplomatique de la Russie sur cette question. Il faut toutefois nuancer la portée d'un tel schéma en notant que certains facteurs importants de la controverse ne peuvent pas apparaître dans une cartographie du web. À titre d'exemple, les accords bilatéraux entre la Norvège et le Danemark ne sont pas visibles, tout comme ceux entre la Norvège et la Russie.
Conclusion
Malgré une opposition parfois forte et des argumentations contradictoires, les scientifiques travaillent ensemble au recueil de données en Arctique. Cette cartographie du web nous permet de constater que, malgré des tensions apparentes, la coopération existe et elle est même souvent très poussée (par exemple entre le Canada et le Danemark).
Cette étude de la controverse sur Internet nous permet de confirmer certains éléments représentés sur le schéma des acteurs. Ainsi, on voit apparaître les principaux niveaux de la controverse. Il y a tout d'abord un aspect scientifique qui apparaît comme majeur. Les sites correspondants sont incontournables dans cette étude du web. Ensuite viennent des aspects politiques et juridiques comme le prouvent les nombreux sites de gouvernements ou d'organisations internationales comme l'IHO. Ces deux aspects de la question, bien que différents, sont intimement liés entre eux, comme le prouve la deuxième représentation de la cartographie du web.