Interview Ovidie

Comment définissez-vous le point G (point, zone...)? Pensez-vous que tout le monde a un point G ou que c’est quelque chose qui s’acquiert avec la pratique sexuelle?

 

Tout le monde a un point G. C’est une zone qui correspond à une conjoncture de plusieurs choses. C’est une zone qui est palpable, si on met ses doigts à l’intérieur du vagin on se rend bien compte qu’il y a une zone différente, où il y a plus de relief que le reste de la paroi du vagin. C’est une zone qu’on peut palper qu’on peut voir, si on met un spéculum en travers on le voit, c’est pas une zone où on tâte au pif et on se dit peut être que c’est là, c’est quelque chose de concret. Derrière le point G il y a tout un ensemble de choses : les glandes de skène, le clitoris interne qui se prolonge jusqu’à cet endroit là, toute une conjecture de choses qui font que cette zone est sensible.

C’est une réalité anatomique autant de dire que l’urètre, le clitoris, le col de l’utérus sont là. Ce qui est beaucoup plus subjectif c’est que toutes les femmes n’ont pas forcément érotisé leur point G, tout le monde n’a pas développé sa sensibilité à ce niveau là, comme tout le monde n’a pas développé sa sensibilisé au niveau du col de l’utérus, chez certaines cela provoque du plaisir, chez certaines c’est douloureux.

 

Connaissez vous Odile Buisson et Pierre Foldès? Leurs recherches?

 

Je connais Odile Buisson mais pas Pierre Foldès. Je l’ai rencontré car j’ai failli faire une expérience avec elle mais que je n’ai finalement pas faite pour un problème de calendrier. Je voulais qu’elle me fasse une échographie pendant que j’avais une éjaculation féminine pour prouver son existence et son fonctionnement.

 

L’étude du King vous a scandalisé (nous avons lu le billet dans votre blog). Nous avons eu la possibilité d’interviewer Andrea Burri (co-auteure de l’étude). Le point de départ de leur recherche était de prouver l’existence du point G. Mais ils n’ont pas réussi: leurs recherches les ont mené à conclure que le point G est subjectif et que ce n’est pas un trait anatomique donc pas génétique non plus. Ils ne disent pas vraiment qu’il n’existe pas et ils ne nient pas le plaisir vaginal. N’êtes-vous pas d’accord avec cette vision?

 

Dire que le point G n’existe pas c’est aussi aberrant que de dire à une époque l’orgasme féminin n’existe pas. Non, le point G existe, il se stimule, c’est une réalité anatomique, on le voit et on le sent. Faut arrêter le délire, il existe, il se stimule et sa stimulation peut entraîner l’éjaculation féminine.

Pourquoi selon vous y-a-t-il aussi peu de recherches sur le plaisir féminin? Sur le point G? Pourquoi cherche-t-on le point G féminin et pas masculin?

 

Pour la recherche il n’y a pas d’argent débloqué. Odile Buisson a fait des démarches pour avoir des crédits et elle a beaucoup ramé. C’est très compliqué en France, il y a toute une démarche administrative soviétique pour faire une expérience qui n’est ni compliquée ni dangereuse. On n’ouvre pas le cerveau de quelqu'un. Il s’agit de faire une échographie. C’est pas compliqué mais tout un système administratif tue l’expérience dans l’œuf. C’est très bloqué administrativement.

Il y a désintérêt de la science à cet égard.

Est-ce que l’éjaculation féminine et le point G sont liés ? Est-ce que l’éjaculation féminine est une preuve de l’existence du point G ?

 

L’éjaculation féminine peut être obtenue même sans stimulation du point G mais c’est en général la stimulation du point G qui favorise l’éjaculation féminine et la déclenche. Mais j’ai déjà vu et il m’est déjà arrivé d’éjaculer sans stimulation interne.

L’éjaculation féminine est intimement liée avec le point G. Mais ce n’est pas parce qu’il y a éjaculation féminine que ça prouve l’existence du point G.

Comment prouveriez-vous le point G?

Je ne suis pas scientifique, mais juste en prenant une photo, j’ai déjà vu pleins de photos avec un spéculum placé de manière latérale et pas de haut en bas et on le voit. Ce n’est pas compliqué il suffit de mettre ses doigts dans un vagin, c’est juste une réalité physique.

Mais la vraie controverse c’est est-ce que la stimulation du point G permet d’amener du plaisir. Peut-on avoir du plaisir vaginal par sa stimulation ?

Pourquoi cherche-t-on le point G?

 

L’explication date des luttes féministes des années 1970. Par exemple, avec le rapport Shere Hite qui a fait l’éloge de la masturbation féminine et du plaisir clitoridien. Il y a eu l’idée que le plaisir féminin ne se limitait pas au coït. Et l’idée que les femmes avaient un clitoris et que c’était par là qu’elle jouissait. On a fait avancer les choses en faisant la promotion du clitoris, de la masturbation, du plaisir féminin et du cunnilingus. Effectivement le clitoris est une clé de l’orgasme. Mais on a régressé aussi car on a remplacé le plaisir vaginal par le plaisir clitoridien. Et au final, on a dit en dehors du clitoris point de salut. Certains sont partis du principe que les femmes n’avaient du plaisir que par le clitoris et que l’idée du plaisir vaginal était une idée phallocrate puisque ca renvoyait à une sexualité réductive où on avait besoin de l’homme, ce qui n’est pas forcément vrai car on peut avoir du plaisir vaginal entre filles ou toute seule, mais l’image que ca renvoyait c’est on n’a pas besoin des hommes ni de la pénétration pour avoir du plaisir. Ca a plus été un rejet de la phallocratie qu’un rejet du plaisir. La polémique vient reposer la question : peut-on vraiment avoir du plaisir par le coït en dehors du clitoris ?

Les féministes disent qu’on ne peut pas avoir de plaisir par la pénétration car le vagin est une zone complètement insensible, combien de fois j’ai pu lire ça ! Il n’y a que le clitoris qui est innervé, faut pas déconner quand même. En général les femmes qui clament cette idée là ne parlent pas du tout de l’anus qui est hyper innervé. Pourquoi ? Car ca renvoie de nouveau à un coït et la pénétration par un phallus, donc une image phallocrate. On a confondu la phallocratie et le plaisir vaginal, c’est quand même con. Pour moi le fond de la polémique, c’est ça, et ça fait 30 ans qu’on en sort pas.

Pourquoi ne sort-on pas de la controverse alors que c’est si facile à prouver? Odile Buisson parle du machisme de la science, qu’en pensez-vous ?

 

Les scientifiques hommes ou femmes sont des humains avec leur sexualité. Il faut se mettre dans la peau d’une scientifique qui travaille là-dessus et qui n’a jamais eu de plaisir vaginal, faut pas oublier qu’il y a beaucoup de femmes qui n’ont jamais eu de plaisir vaginal et qui n’ont jamais eu de plaisir par la pénétration. Elles n’ont eu que du plaisir par le clitoris car le plaisir vaginal est moins accessible que le clitoridien. J’imagine la nana qui fait son étude, qui n’a jamais eu de plaisir vaginal, c’est rassurant de se dire qu’il n’y a pas de point G et que c’est normal de ne jamais avoir eu de plaisir vaginal. Il y a un truc très rassurant la dedans. Les femmes qui maintiennent qu’il n’y a pas de point G n’ont jamais eu de plaisir vaginal.

Sur votre chaîne TV, y-a-t-il des programmes consacrés au point G?

 

Oui, tout à fait. On a des programmes pour trouver le point G, sur l’éjaculation féminine ce que c’est et comment la provoquer. On a aussi un programme sur l’amplification du point G avec un médecin qui fait des injections d’acide hyaluronique.

Est-ce que ca marche ?

 

Oui ça marche, le pire c’est que ça marche mais est-ce que je suis pour c’est un autre débat.

Quelle est la position de l’industrie pornographique sur le point G? Si position il y a? Est-ce que son existence est communément acceptée? Le point G a-t-il un rôle dans les films?

 

Oui tout à fait, c’est complètement acquis. Dans le milieu du porno, les nanas connaissent bien leur corps et les hommes savent comment s’y prendre. Le squirting par exemple, c'est à dire l’éjaculation féminine en anglais, se développe vachement dans le porno ces dernières années. On en aurait parlé il y a quelques années, je vous aurais dit tout ce qu’on trouve comme squirting c’est bidon, autant maintenant à force de parler de point G, d’éjaculation féminine, il y a des acteurs qui ont appris comment s’y prendre et le font à toutes les filles à chaque scène. Il y a de plus en plus de vrai squirting, en tous cas en France.

D’après vous, quels intérêts économiques sont liés au « label point G »?

 

Je vois pas vraiment d’intérêt économique à la chose si ce n’est qu’il y a un certain nombre de livres qui sont sortis sur le sujet, dont le mien. Mais il n’y a pas vraiment de marché du point G en tous les cas plus que d’autre marché du sexe. En tous les cas dans le porno, pas du tout. Même s’il y a quelques films qui mettent en avant le squirting mais voila. Par exemple, il y a plus de marché de l’anal que du point G.

Dans votre livre, vous parlez de Deborah Sundahl comme étant la grande prêtresse de l’éjaculation féminine. Sur son blog, celle-ci garantit l’existence du point G de par le fait qu’il a été reconnu par le Federal Committee on Anatomical Terminology. Pensez-vous que cette simple mention constitue une preuve en soi?

 

Je ne sais pas. Pour moi ce n’est pas ça la preuve, la première preuve c’est je sais ce que je sens, c’est empirique après le reste c’est du blabla.

Quelles sont selon vous les conséquences de la recherche du point G dans le couple?

 

Peut-être une réintroduction, si je puis dire, du coït dans le couple, re-positiver le coït dans le couple. Afin que la sexualité ne soit pas vécue en décalé, la nana qui s’éclate pendant les préliminaires, le mec qui s’éclate pendant le coït et elle qui s’emmerde. Réintroduire une synchronisation du plaisir. 

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