L'IMAGERIE CÉRÉBRALE DANS LES TRIBUNAUX, L'ALLIÉE D'UN MEILLEUR JUGEMENT ?

INTRODUCTION

L'UTILISATION DE L'IMAGERIE CÉRÉBRALE DANS LES TRIBUNAUX, L'ALLIÉE D'UN MEILLEUR JUGEMENT ?

psyche

Les rêves les plus fous des grands maîtres du roman d’anticipation comme Aldous Huxley et George Orwell n’étaient pas allés aussi loin. Si l’on redoute
le fameux « Big brother is watching you », on s’inquiète beaucoup moins de savoir si nos pensées les plus intimes sont toujours hors de portées. Pourtant, notre cerveau, cette mystérieuse boîte noire livre peu à peu ses secrets.

Depuis les années 1980, le développement d’appareils d’imagerie par résonnance magnétique IRM fonctionnelle est à l’origine d’une véritable révolution neuro biologique qui rend possible l’observation du cerveau en action. Les chercheurs du monde entier ont entrepris un travail titanesque : répertorie
et cartographier les moindres replis, les moindres connexions neurales
du cerveau et leur rôle respectif. De telles avancées ont immanquablement
des répercussions dans des domaines autres que scientifiques : l’économie,
le marketing et même la justice commencent à investir notre encéphale.
En 1991, un New-Yorkais de 65 ans, étrangle sa femme avant de déguiser
le meurtre en suicide en jetant le corps du 12e étage d’un immeuble
de Manhattan. Lors de son procès, il avoue tout mais plaide l’irresponsabilité :
un kyste dans son cerveau serait la cause de son comportement, clichés cérébraux à l’appui. Ce cas constitue l’acte de naissance de l’utilisation de l’imagerie cérébrale comme preuve à décharge dans les tribunaux.
Des centaines de cas suivront aux Etats-Unis.

En France, le processus est moins évident bien que l’on puisse noter une avancée législative récente : suite à la révision des lois de bioéthique, le député Jean Leonetti a fait introduire le 26 janvier 2011 dans le nouveau projet de loi
le titre VII bis restreignant l’usage de l’imagerie cérébrale à des fins uniquement médicales ou scientifiques. Pourtant, à titre dérogatoire, ces techniques d’imagerie peuvent intervenir dans le cadre d’expertises judiciaires pour « démontrer l’existence d’un préjudice ou d’un trouble psychique chez une personne ayant commis des infractions afin de plaider son irresponsabilité pénale ou d’obtenir une réduction de peine ».

MAIS PEUT-ON VRAIMENT CONSIDÉRER L'IMAGERIE CÉRÉBRALE COMME UNE PREUVE OBJECTIVE ?

L’utilisation des tests ADN pour le compte de la justice ne faisait pas non plus l’unanimité il y a quelques années, aujourd’hui son poids dans le jugement est sans appel. Bien sûr il est facile d’objecter que l’ADN (comme les empreintes digitales) ne souffre aucune interprétation, il correspond ou ne correspond pas. L’imagerie cérébrale en revanche est soumise à l’interprétation d’experts psychiatres puis à celle de profanes, les juges, de surcroit très sensibles à l’autorité scientifique. Le spectre des dérives morales et politiques entre ici en scène : ce n’est pas à la science de définir le cadre de la normalité sans quoi le concept d’eugénisme qui a fait frémir tout le 20e siècle signe son retour. Le libre arbitre de chacun ne peut être occulté, un bon jugement (pour ne pas dire un bon procès) ne peut se concevoir à travers le seul filtre du déterminisme. Posséder un cortex préfrontal plus mince que la moyenne ou une amygdale atrophiée ne fait pas systématiquement de nous de psychopathes en puissance.

À l’époque où l’on fantasme sur le risque zéro, l’intrusion de l’IRMf dans les tribunaux pourrait être la nouvelle arme des politiques sécuritaires. Certes la législation actuelle issue des lois de bioéthique ne permet de jouer la carte  imagerie cérébrale que si elle fournit des circonstances atténuantes confortant l’analyse psychiatrique et non des preuves anatomiques de culpabilité. Exit la détection de mensonges ou la construction d’un profil cérébral type pour les psychopathes. Cependant, vu la vitesse des progrès accomplis en matière de neurosciences, qui sait si ce ne sont pas les prochaines étapes ?

IRM fonctionnelle

Technique d’IRM permettant
de cartographier les activités fonctionnelles du cerveau, en visualisant l’évolution en temps réelle de l’activité cérébrale.
Le principe consiste à mesurer l'oxygénation qui augmente localement dans les aires qui
sontactivées suite à un apport
accru en sang frais.