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L'IMAGERIE CÉRÉBRALE DANS LES TRIBUNAUX, L'ALLIÉE D'UN MEILLEUR JUGEMENT ?

ACTEURS

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arguments pour connaître les positionnements des acteurs dans la controverse.

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IALES

L’Association Internationale Droit, Éthique et Science, fondée en 1989, constitue un réseau international d’échange d’information et de réflexion dans le domaine des rapports entre science, éthique et société. Aujourd’hui présente dans une quarantaine de pays dont la France, l’IALES accueille en son sein des personnalités ou organisations intervenant dans les champs de recherche couvert par la réflexion. Il est intéressant de constater que le juge Christian Byk, secrétaire général de IALES, est spécialisé dans le domaine de l’éthique scientifique et biomédicale, en particulier les neurosciences.

CHRISTIAN BYK : Juge à la cour d’appel de Paris, secrétaire général de IALES (Association Internationale Droit, Éthique et Science), rédacteur en chef du journalinternational de la Bioéthique et membre de la commission Française pour l'unesco.

« Avec l’imagerie cérébrale nous nous trouvons à un moment charnière d’évolution du domaine de l’expertise. En France, dans l’optique de la juste peine, cette technique peut devenir un auxiliaire de l’expertise psychiatrique mais les pressions politiques risquent d’en faire un outil d’exclusion. »

LOIS BIOÉTHIQUE

Les lois de bioéthique de 1994, révisées tous les 5ans, permettent d’adapter la législation à l’évolution de la science du droit et de la société. La dernière révision (qui était censée avoir lieu en 2009 mais
qui ne sera effective qu’en 2011)
a mobilisé un large panel d’organismes, d’institutions, d’experts et de simples citoyens dans le but d’atteindre le plus large consensus possible sur des sujets complexes. Le rapport du parlementaire et membre de l’OPECST Jean Leonetti a servi de bases aux nouvelles lois. les thèmes abordés sont: l’assistance médicale à la procréation, les mères porteuses, le don d’organes, les recherches sur les cellules souches et dans une moindre mesure l’utilisation des neurosciences.

COUR DE CASSATION

La Cour de cassation est la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français. Siégeant dans l’enceinte du Palais de Justice de Paris, la Cour de cassation a pour mission de réviser, à la demande des parties, les décisions émanant des tribunaux et cours d’appels, au pénal comme au civil. La Cour ne tranche que des questions de droit ou d’application du droit, elle ne juge pas les faits. Elle assure ainsi par sa jurisprudence une application harmonieuse des lois. Depuis 1991, la Cour, à la demande des juridictions, leur donne son avis sur des questions de droit nouvelles et complexes se posant dans de nombreux litiges. Cette dernière mention est très importante pour saisir l’importance du rôle de la cour de cassation dans notre controverse par l’encadrement des dérives potentielles relatives aux neurosciences.

JURY

Le jury est composé de neuf jurés, citoyens français âgés de plus de 23 ans. Ceux-ci sont tirés au sort sur les listes établies chaque années. En France, le jury va influencer la décision notamment au sein des Cour d'assises. C'est une juridiction compétente pour les personnes principalement accusées d'avoir commis un crime.

JUGE

Le juge « dit le droit » et utilise de son autorité pour décider de la solution qui sera appliquée aux parties concernées. Il tranche des litiges opposant des parties et son rôle est donc de « juger » en analysant les faits et en respectant les lois. Il doit tenir compte des faits présentés durant le procès, des lois mais aussi des règles (tacites ou non) de la société.

Acteur interviewé :

CHRISTIAN BYK: Juge à la cour d’appel de Paris, secrétaire général de IALES (Association Internationale Droit, Éthique et Science), rédacteur en chef du journalinternational de la Bioéthique et membre de la commission Française pour l'unesco.

« Avec l’imagerie cérébrale nous nous trouvons à un moment charnière d’évolution du domaine de l’expertise. En France, dans l’optique de la juste peine, cette technique peut devenir un auxiliaire de l’expertise psychiatrique mais les pressions politiques risquent d’en faire un outil d’exclusion. »

ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA BIOÉTHIQUE

En préalable à la révision des lois de bioéthique, le président de la République a souhaité la tenue d’Etats généraux de la bioéthique (EGB) prenant la forme d’une consultation nationale des citoyens. Ces Etats généraux ont été pilotés par un comité constitué de Jean Léonetti député, président du comité de pilotage des EGB et rapporteur de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la Révision des lois de bioéthique (RLB), Sadek Beloucif (président du Conseil d’Orientation de l’Agence de Biomédecine, ABM), Alain Claeys (député (PS), président de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la RLB et membre de l’OPECST), Claudine Esper (professeur de droit médical, membre du CO de l’ABM), Marie-Thérèse Hermange (sénatrice et membre du CCNE), Suzanne Rameix (professeur de philosophie et responsable du département d’éthique médicale de l’université Paris XII).

CSI EFFECT

Le CSI effect est une thèse américaine étudiant l’impact des séries judiciaires comme CSI ou Law and Order ou NYPD sur les jurys et les juges. En général, les épisodes de ces séries finissent lorsque toutes les preuves scientifiques concordent permettant de juger l’accusé comme coupable. Les jurys qui regardent ces séries sont donc influencés par elles et s’imprégnent de l’importance des preuves scientifiques. Ceci aboutit à rendre la preuve scientifique indispensable pour condamner l’accusé. Le témoin devient moins convaincant que la preuve scientifique qui à elle seule ôte le « reasonable doubt ».

OPECST

L’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques est une structure indépendante composée d’un bureau parlementaire et d’un conseil scientifiqe, cCrée en 1983. il a une mission d’information auprès du Parlement sur les conséquences des choix à caractère scientifiques et technologiques.

Trois acteurs centraux de la controverse :

JEAN YVES LE-DÉAUT : Député de Meurthe-et-Moselle (groupe socialiste), Vice-président de l’OPECST depuis juillet 2002, Biologiste.

« Doit on forcément légiférer sur toutes les nouvelles avancées ? ». Selon lui, il faut voir comment ces techniques prennent leurs place avant de chercher a leur en donner une pour ne pas tomber dans le piège des «loi biodégradables ». Il préconise de laisser du temps entre « la recherche scientifique et la loi ». C’est dans cette optique qu’à été pensé le titre de loi relatif aux neurosciences.

ALAIN CLAEYS : Député de la Vienne (groupe socialiste), membre de l’OPESCT.

« La demande sécuritaire de plus en plus forte incite les gouvernements à rechercher des indicateurs biologiques de dangerosité de l’individu, ce qui pourrait conduire à des dérives inquiétantes » (propos introductifs de l’audition parlementaire de mars 2008).

JEAN SÉBASTIEN VIALATTE Député du Var (UMP), Biologiste, membre de l’OPECST.

« Il est donc important que le Parlement soit régulièrement informé des avancées scientifiques pour évaluer, le plus en amont possible, leur impact juridique et éthique sur la société. Il est essentiel que soit confiée à l’Agence de la Biomédecine une mission de veille éthique sur les neurosciences et leurs applications » (Discussion générale projet de loi bioéthique, 2e séance, 8 février 2011).

AGENCE DE BIOMÉDECINE

Etablissement public créé dans le cadre des révisions des lois de bioéthique en 2004, l'Agence de Biomédecine (ABM) est chargée de réguler le prélèvement et le greffe, l'embryologie, la procréation et la génétique humaine. Concernant l'imagerie cérébrale, l'ABM souhaite avoir une plus grande mission de veille éthique, limiter l'utilisation des techniques d'imagerie cérébrale à des fins médicales pour préserver la dignité humaine et enfin interdire les discriminations fondées sur les caractéristiques cérébrales résultant de la neuroimagerie.

CAS

Le Centre d’Analyse Stratégique créé en 2006 est une institution française d’expertise appartenant aux services du premier ministre. La mission de cette équipe permanente d’experts et de conseillers scientifiques est d’éclairer le gouvernement sur les questions environnementales, sociales, scientifiques et culturelles. Dans cette optique, le CAS a effectué un travail d’information approfondi sur les implications éthiques des neurosciences et plus particulièrement dans le champ du droit. Deux acteurs centraux:

OLIVIER OUILLIER : Enseignant chercheur en neurosciences, responsable du Programme «Neurosciences et politiques publiques » au Centre d’Analyse Stratégique.

« Aujourd’hui, quiconque affirmerait pouvoir, grâce aux seules neurosciences, proposer des règles certaines du comportement humain, dans le meilleur des cas se trompe, dans le pire c’est un charlatan » (interrogé lors de l’audition publique parlementaire du 26 mars 2008 sur les neurosciences).

SARAH SAUNERON : Chargée de mission au Département des questions sociales du Centre d’analyse stratégique. Son apport dans l’évolution de la controverse: Son travail de recherche a été un moteur important dans le travail législatif et la forme du titre de loi introduit dans la nouvelle loi bioéthique de 2011.

« Une loi-cadre révisable permettrait de répondre à de nombreuses interrogations éthiques qui sont en réalité déjà suscitées par diverses disciplines de la biologie et que les neurosciences viennent raviver »

EXPERTISE PSYCHIATRIQUE

L'expertise psychologique est un examen ordonné par un magistrat afin d'obtenir des éclaircissements dans un domaine particulier qui ne relève pas de sa compétence, celui de la psychologie. Suivant les règles de la procédure pénale, le magistrat désigne pour cela un professionnel confirmé, l'expert qui devient un véritable acteur judiciaire car il produira un rapport répondant strictement aux questions du magistrat. La logique d’évaluation de l’expert psychiatre n’est pas de se prononcer sur la vérité des faits mais d’entendre la vérité du sujet par rapport à ces faits. Il s’agit de percer le mystère du passage à l’acte et de rendre compte de la souffrance psychologique de la victime.

TECHNIQUES D'IMAGERIES

L'Imagerie par Résonance Magnétique est une technique d’imagerie médicale non invasive qui repose sur le principe de Résonance Magnétique Nucléaire utilisant les propriété quantiques des noyaux atomiques.

IRMf : technique d’IRM permettant de cartographier les activités fonctionnelles du cerveau, en visualisant l’évolution en temps réelle de l’activité cérébrale.

IRM structurelle : technique d'imagerie par résonance magnétique nucléaire non invasive basée sur le phénomène de résonance magnétique nucléaire qui fournit des images tridimensionnelles des tissus biologique grâce aux atomes d’hydrogène qui sont excités par des ondes et émettent un signal enregistré par des capteurs.

EEGL'électro-encéphalographie (EEG) est la mesure de l'activité électrique du cerveau au cours du temps et en particulier du cortex cérébral par des électrodes placées sur le cuir chevelu souvent représentée sous la forme d'un tracé appelé électro-encéphalogramme. L’étude des encéphalogrammes peut donc révéler l’activité ou non de telle ou telle zone et en la présence de fonctionnement anormaux.

CCNE

Le Comité Consultatif National d'Éthique porte son attention sur des problèmes moraux soulevés par le progrès de la connaissance. Son objectif est d'éclairer les progrès de la science, soulever des enjeux de société nouveaux et poser un regard éthique sur ces évolutions.

Un acteur central de la controverse :

DIDIER SICARD : Président d'honneur du CCNE, fut président du CCNE entre 1999 et 2008. Il est également professeur de médecine à l'université Paris Descartes.

« La rapidité avec laquelle les neurosciences conquièrent notre société est déconcertante. L'expertise apportée
par les neurosciences est interprétée comme une vérité. »

NEUROBIOLOGISTES

La neurobiologie est une neuroscience qui a pour objet l’étude biologique du système nerveux.

HERVÉ CHNEIWEISS : Neurobiologiste et neurologue, il est directeur de recherche au CNRS. Il dirige le laboratoire INSERM de plasticité gliale de l’Université Paris Descartes.

« Est que la vérité a le même sens pour un juge et pour un neuroscientifique ? La vérité juridique est une notion subjective, révisable, elle apparait lorsque le jury est convaincu. Au contraire, pour un scientifique la vérité neurale n'existe pas, par définition, ce n’est pas une histoire de conviction mais de perception, et en aucun cas de vérité. »

Jean Baptiste POCHON : Neurobiologiste, chercheur en neurologie cognitive. Pour lui, il est impossible d’établir un lien de causalité sur la seule base de l’imagerie cérébrale.

« On peut faire dire à ces images ce que l’on veut. C’est une cuisine pour obtenir de telles images. Il y a plusieurs recettes qui fonctionnent pour arriver à des résultats sensiblement différents. »

Jean-Gaël BARBARA : Neurobiologiste, historien des sciences il est chercheur au laboratoire de neurobiologie des processus adaptatifs à l'Université Pierre et Marie Curie, et chercheur associé au laboratoire d'histoire et philosophie des sciences à l'Université Paris Diderot.

« Sa vision du débat: « L’IRMf ne sera jamais un élément décisif du procès. Je pense qu’il est impossible que ces progrès soient un jour suffisants pour établir des causalités comportementales » Son avis sur le protocole d'utilisation : « La personne qui mène l’examen ne devrait pas connaître les enjeux du résultat. Pour interpréter les données, l’alliance du neurobiologiste et du psychiatre est indispensable »

INSERM CEA NEUROSPIN

Institut national de la santé et de la recherche médicale.Il assure la coordination stratégique, scientifique et opérationnelle de la recherche biomédicale. Ses unités de recherche sont pour la plupart basées dans les hôpitaux et centres de soins car l’institut cherche à assurer un lien entre le laboratoire et le patient. Il possède plusieurs équipes de chercheurs en neuroimagerie cognitive.

NEUROSPIN est une plateforme de recherche en neuroimagerie appartenant au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA). Cette nouvelle grande infrastructure de recherche vise à repousser les limites actuelles dans ce domaine pour observer le cerveau avec une précision encore plus fine.

STANISLAS DEHAENE : Directeur de l’unité INSERM CEA de neuroimagerie cognitive au sein du NeuroSpin. Professeur au Collège de France, Membre de l’Académie des Sciences

« Seules les idées, émotions ou actions assez grossières peuvent être visualisées. Il faut donc en finir avec ces rumeurs qui suggèrent qu'un jour,il serait possible de créer des portiques capables de lire les pensées des gens. »

DENIS LE BIHAN : Directeur de NeuroSpin et espère que cette plateforme va permettre de relever les grands défis de la neuroimagerie :

« explorer et identifier les régions cérébrales, pour établir une architecture fonctionnelle cérébrale, savoir s’il existe un ou plusieurs codes neuraux en établissant des liens avec l’architecture cérébrale, développer des mécanismes de rééducation, découvrir les mécanismes cellulaires et moléculaires des maladies pour les prévenir et établir des diagnostics précoces, tels sont les grands défis que devra relever la neuroimagerie ».

INRIA

Créé en 1967 à la suite du Plan calcul, L'institut national de recherche en informatique et en automatique a été lancé par de Gaulle en 1966 pour assurer l’indépendance du pays en matière de gros ordinateurs. Convaincu que le futur de nos sociétés est numérique, l'INRIA inscrit ses recherches au cœur des grands questionnements sociétaux actuels. Deux groupes nous intéressent particulièrement pour la controverse sur l’imagerie cérébrale et les tribunaux :

PARIETAL : C’est une équipe INRIA qui est intégrée au sein de la plateforme NEUROSPIN du CEA. Son objectif est de répondre aux défis posés par ces nouvelles données afin d'exploiter totalement leurs potentialités. Pour cela, il faut mettre en place des techniques d’analyse statistique et géométrique qui permettent de mieux décrire le cerveau, son fonctionnement, sa structure et sa variabilité.
VISAGE considère que la manière classique de se servir de ces images, la plupart du temps basé sur l'interprétation humaine, devient de moins en moins praticable. La pression économique et sociale pour avoir un usage plus efficient des équipements, et une meilleure garantie de qualité et de traçabilité du processus clinique décisionnel, rend de plus en plus nécessaire le développement de nouveaux systèmes d'aide à l'utilisation des images médicales. Ils développent de nouveaux algorithmes de traitement d'images médicales et systèmes d'aide aux interventions guidées par l'ordinateur ; cela prend en compte des aspects de fusion d'images (recalage et visualisation), de segmentation et d'analyse.Leur travail est principalement concentré sur des applications cliniques et sur des applications traitant de pathologies liées à la tête et au cerveau.

ANALYSE DU SCHÉMA INTERACTION ENTRE LES ACTEURS

Notre controverse se divise en quatre problématiques, fiabilité, intégration, encadrement et implication que nous nous efforçons de retranscrire à chaque étape du site. Pour le schéma acteur, il nous est alors apparu judicieux de visuellement différencier à travers quatre formes géométriques les sphères scientifique, juridique, politique et sociale qui, dans le cadre de ce schéma, recoupent respectivement nos quatre problématiques fondamentales.

Les lois de bioéthiques sont à l’épicentre de la controverse comme l’indique ses nombreuses liaisons. Elles sont élaborées par des politiques qui se basent sur les techniques d’imagerie cérébrale pour encadrer leur usage dans la sphère juridique. Leur élaboration met en jeu toutes les sphères d’où une représentation équilibrée des acteurs politiques, juridiques et scientifiques.

- La sphère scientifique se polarise autour des techniques d’imagerie cérébrale

- La sphère politique s’organise autour de l’OPECST, conseiller des parlementaires par excellence.

- La sphère sociale est représentée par les Etats généraux de la bioéthique, conférence de citoyens sur des problématiques éthique, pour discuter de l’intégration de l’imagerie cérébrale dans les tribunaux. C’est un échantillon de la société rassemblé pour représenter la sphère sociale. Ils mettent l’accent sur la peur des dérives sécuritaires et veulent un encadrement strict.

Nous avons également essayé de représenter la diversité des liens de la manière la plus claire possible.

- Les liens d’inclusions représentés par l’emboitement les acteurs les uns dans les autres en jouant sur la taille des formes géométriques. Ex : l’OPECST est un organisme qui conseille les parlementaires pour la rédaction des lois de bioéthique, c’est donc un grand rond. Il est constitué de 24 scientifiques (les petits triangles) et de 36 parlementaires (petits ronds).

- Les liens d’oppositions frontales représentés par les traits en pointillés. Ex : Liens d’oppositions frontales se concentrent surtout sur les acteurs passerelles comme les lois de bioéthiques (jonction des trois sphères) et les experts psychiatres (représentants « scientifiques » dans les tribunaux). Les neurobiologistes s’opposent à l’intégration de l’imagerie cérébrale dans les tribunaux et donc aux lois dû à la faillibilité des techniques et des nombreuses dérives possibles. Ils sont aussi dubitatifs sur la fiabilité de l’expertise psychiatrique. Les états généraux se méfient et s’opposent aux lois de bioéthique trop laxistes.

- Les liens de coopération représentés par les traits plein. Ces liens de coopération symbolisent les liens d’interaction officiels entre les acteurs. Ex : l’OPECST – qui influence la rédaction des lois de bioéthique. Les techniques d’imagerie cérébrale stimulent le CSI effect.

Toutefois, ces liens de coopération ne sont qu’officiels. Au final, beaucoup de liens d’opposition se forment en ce moment même. Ex : l’OPECST a influencé l’écriture des lois de bioéthique, mettant l’accent sur les dérives sécuritaires pour renforcer les précautions. Pourtant, les lois de bioéthiques révisées le 11mais 2011 ôtent l’article de non discrimination sur la base de l’imagerie cérébrale et rend utilisable ces techniques sur demande du juge pour prouver un « préjudice » sans dérogation nécessaire. Il est important de noter, que certains liens de coopérations ne sont en fait qu’officiels et qu’officieusement, ils représentent des positions contraires sur la controverse. Cette différence de positionnement résulte de l’évolution des lois de bioéthiques de plus en plus laxistes et donc en contradiction avec les organismes de conseils.

Le schéma acteur présente les positions officielles des acteurs tandis que le schéma argument reflète les véritables oppositions officieuses.

ANALYSE DU SCHÉMA ARGUMENTS

Ce schéma liant arguments et acteurs est primordial pour comprendre la dynamique de cette controverse et la subtilité des oppositions qu’elle engendre.

Pour mettre en avant cette caractéristique importante, nous avons placé les acteurs en fonction de leur appartenance à une sphère politique, juridique, sociale ou scientifique, sachant que ces sphères se recoupent et que de nombreuses organisations se trouvent à mi-chemin de plusieurs disciplines. Par exemple, les lois de bioéthiques se retrouvent au croisement des quatre sphères car elles émanent de l’intégration de techniques scientifiques par les politiques dans le domaine juridique et auront des implications sociales. Ainsi, en cliquant sur un argument, les acteurs le soutenant s’affichent dans leurs sphères respectives.

L’ensemble des arguments que l’on peut distinguer en réponse de notre problématique, « l’imagerie cérébrale l’allié d’un meilleur jugement ?», s’organisent en 3 volets. Il s’agit du degré de fiabilité de la technique d’imagerie, de son utilité éventuelle dans les tribunaux et des perspectives morales et éthiques que cela engage. Ici, l’ordre d’organisation des parties est révélateur du glissement progressif de la controverse à travers les sphères scientifique, juridique et politique. Par ailleurs, un même argument peut être nuancé et utilisé pour servir une thèse opposée. Ces contradictions sont mises en avant par l’effet « miroir » du schéma, chaque argument possédant un reflet pour et contre.

Grâce au schéma, il est alors possible de constater la dichotomie frappante des opinions politiques et scientifiques à propos de la fiabilité des techniques d’imagerie cérébrale. Cette opposition des points de vue est marquée par la prépondérance des acteurs scientifiques soutenant l’argument de la faillibilité des techniques tandis que les acteurs politiques, juridiques et sociaux perçoivent de manière générale les sciences comme un socle d’objectivité et sont sensibles aux avancées de ces technologies de visualisation cérébrale qui d’après eux ont « fait leurs preuves ». De même, pleinement conscients des potentialités d’instrumentalisation des neuro-images, les scientifiques sont paradoxalement sur certains points plus en prise avec les enjeux moraux et éthiques de notre controverse.

De même, pour illustrer la subtilité des arguments, notons que Christian Byk, figure du juge dans notre controverse, soutient à la fois que l’IRMf peut être un moyen d’améliorer l’analyse psychiatrique dans les tribunaux (favorable) tout en soulignant qu’une possible substitution de cette technique à l’expertise psychiatrique serait un danger pour la justesse morale du procès (défavorable). L’argument « impact sur l’analyse psychiatrique » est ainsi appréhendé sous ces deux aspects par le même acteur. D’où l’importance de cette organisation en miroir du schéma argument.

D’autre part, notons que les scientifiques émettent de franches réserves vis-à-vis de cette loi qui permet l’introduction des neuro-images dans les tribunaux car ce sont les seuls à avoir véritablement conscience des coûts financiers et temporels de cette intégration, ce dont le législateur (créateur de la loi) n’a pas forcément conscience.

Par ailleurs, il est intéressant de différencier les opinions individuelles et la position globale des grandes organisation. En effet, on constate qu’à une échelle individuelle, les points de vue sont bien différentes de ceux émis par les grands organismes. Par exemple, alors que l’INSERM (au travers de Neurospin) travaille pour améliorer les techniques de visualisation du cerveau et dépasser les limites actuelles pour un jour pouvoir « lire dans les pensées », les neurobiologistes que nous avons interviewés séparément étaient clairement dubitatifs sinon hilares à l’idée de considérer que dans un futur proche on pourra déceler ce à quoi un individu isolé est en train de penser.

Cette controverse s’articule à des échelles locales aussi bien que mondiales. En France, le débat a sa propre originalité. En effet, contrairement aux pays anglo-saxons, l’introduction de l’imagerie cérébrale se fait « par le haut », c’est-à-dire via la décision du législateur d’accorder un nouveau chapitre à ces techniques dans la loi de bioéthique. Cette particularité est la source de l’évolution progressive et mesurée du débat à l’heure actuelle.

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ENTRETIEN AVEC HERVÉ CHNEIWEISS

Neurobiologiste et neurologue à l’INSERM
Directeur du laboratoire de plasticité giliale de l’Université Paris Descartes
Membre d’ERMES (comité d’éthique de l’INSERM)
rédacteur de la chronique bioéthique de la revue Sciences-Medecine
membre du conseil scientifique de l’OPECST

- Notre problématique est : l'imagerie cérébrale, l'allié d'un meilleur jugement ?

A l’annonce de notre problématique, Hervé Chneiweiss déclare que pour répondre à notre problématique il faut se poser les bonnes questions, savoir baliser et poser des points de repères. Comme les questions sont ouvertes, notre site devra être ouvert aussi. Une de nos difficultés : poser tous les problèmes en même temps.

- Hervé Chneiweiss régit à la question de la fiabilité des techniques IRM

En effet la technique de l'IRM est centrale dans le domaine des sciences cognitives, son domaine de recherche. Pour lui, la question de la fiabilité est avant tout une question de sociologie, il faut se poser trois questions : « a t-on les bonnes mesures ? A t-on les bons outils ? A t-on les bonnes questions ? »

La question de la fiabilité pâlît face à la complexité du cerveau. Le neurobiologiste rappelle à cet effet que notre cerveau contient environ 200 millions de cellules, 50 mille connexions. Nous sommes donc loin d’en connaître encore parfaitement tout le fonctionnement. Ainsi notre cerveau ne peut pas être comparé à un ordinateur. Alors que dans le cas du génome, on pourrait comparer l’enchainement des nucléotides à code numérique. On peut d’ailleurs parler dans le domaine des tests génétiques d’une fiabilité pratiquement certaine.

L'IRM pose une limite technique à la compréhension de la pensée. Son utilisation est limitée à l’observation d’une activité cérébrale (à l’origine d’une émotion ou d’une action motrice) qui permet de dire ce que l'individu est en train de faire à un moment donné. Mais elle ne permet pas d’expliquer pourquoi une personne ressent une forte émotivité ? Est-ce qu’il ment ? Est-ce qu’il est stressé ? La technique ne peut répondre. Aujourd'hui et encore pour très longtemps, le détecteur de mensonge ou l'IRM ne nous serviront qu'à afficher une émotivité et rien de plus. On ne peut établir un protocole pour savoir si le patient est coupable ou non. Que faire dans le cas d’un psychopathe, qui ne ressent justement pas d’émotion ?

Pour Hervé Chneiweiss, bien qu’il existe de nombreuses croyances sur la capacité de ces méthodes à produire des conclusions significatives, de nombreuses études montre que ce n’est pas le cas. « Certains ne croient qu'aux études qui les arrangent. »

- L’IRM a-t-il ça place dans les tribunaux ?

D’après le chercheur, la technique est très critiquable dans l'enceinte des tribunaux mais pourquoi pas au cas par cas. Toutefois il faut faire attention à la fascination de la technique, du chiffre.Au delà de l’aspect technique la question de la fiabilité oblige à ouvrir des portes. Est que la vérité a le même sens pour un juge et pour un neuroscientifique ? La vérité juridique est une notion subjective, révisable, elle apparait lorsque le jury est convaincu. Au contraire, pour un scientifique la vérité neurale n'existe pas, par définition, ce n’est pas une histoire de conviction mais de perception, et en aucun cas de vérité.Selon Hervé Chneiweiss, l'expert avec l'appui d'un IRM pourrait influencer trop fortement un jury avec des conclusions subjectives, différentes d’une vérité scientifiques absolue, qui est impossible. En effet: « Quel sens donner à l'IRM quand on sait que pour décoder une image le cerveau active au moins 50 aires différentes (mémoire, graphisme, couleur) ! Et cela pour quelque chose d'aussi simple qu'une image », ajoute-t-il. Que penser d’un souvenir, d’une pensé, d’une émotion ? Même la précision de l'IRM d’1mm cube contenant plusieurs 10 e de millions de cellules ne pourra résoudre ce problème de la complexité du cerveau

De plus, un autre problème se pose. Si la réaction du cerveau lors de la reconnaissance d’une image simple est assez similaire entre les individus, cela n’est pas le cas de la culpabilité, qui évolue selon les situations ! Quelle définition de la culpabilité ? Peut on seulement en trouver une ?

- Chneiweiss souligne l’inadéquation entre droit et science

On accepte dans nos sociétés le fait qu'un groupe humain par un dialogue mais aussi par la recherche d’un consensus social puisse prendre une décision qui serait perçue comme une vérité juridique. De plus le jugement à lieu a postériori, on essaie de reconstituer le fil en remontant les évènements. Alors que la science et l'IRM ne le permet pas !

Hervé Chneiweiss en profite pour pointer une dimension sous jacente de notre controverse: l’enjeu de la prédictibilité. En effet compte tenu de l’activité cérébrale qu'on observe peut-on dire qu’une personne est déterminée à agir d’une certaine façon ?

Pour le neurobiologiste cela est impossible. Mais il replace ce débat dans le cas de l’homosexualité. L’homosexualité a été vue dans de nombreux pays d’occident comme un crime jusque la seconde guerre mondiale. Et cela l’est toujours dans de nombreux pays. Il existe aujourd'hui des associations gays américaines adepte du déterminisme qui veulent démontrer l’absence de fatalisme génétique de l'homosexualité. Les études précédentes n'ayant pas permis de déterminer un « gène de l'homosexualité », ces associations se sont tournées vers les neurosciences cognitives et financent depuis peu des études basées sur les résultats d'IRM. On constitue des Groupe témoins de personnes homosexuelles et hétérosexuelles et on observe leurs réactions cérébrales face à des images, des parfums, des vêtements. D’âpres les publications cela aurait permis de montrer que les cerveaux des homosexuels (à la satisfaction des associations) avaient des réactions particulières pour des actions données. Mais les études sont évidement biaisées. Sont ils homosexuels du fait de ces réactions particulières ou ont-ils ces réaction particulières parce qu’ils sont homosexuel ?

- C’est ainsi, que notre interlocuteur en vient à souligner l’importance de l'inconscient dans la neuroscience.

Les expériences de Libet (http://www.youtube.com/watch?v=IQ4nwTTmcgs) montrent que L'essentiel de l’activité est inconsciente (différent de l’inconscient freudien) et rationnelle. Dans ce cas, est-ce que le sujet est conscient ou non juridiquement ? Quel rapport avec la responsabilité juridique ? Avec la responsabilité ? Comment dire si le sujet a fait preuve de discernement ou non ? Si on rajoute a cela le fait qu’il peut être soumis a des drogues de toutes sortes, on voit que l’exercice est très difficile, voire impossible…

- Le cerveau, un organe fantastique…

On a fait beaucoup de progrès dans la compréhension de l'activité du cerveau : Comment cet organe anticipe, en fonction des émotions… Chneiweiss décrit le cerveau comme un organe qui travaille en permanence et qui « imagine le monde » en le transformant en en un théâtre. Finalement les productions du cerveau sont une projection de l'image du monde, on le rend humain, la pensée est une l’anthropomorphisation. Il donne pour illustrer son propos l’exemple d’une expérience effectuée sur un groupe d’individus.

On a réalisé un IRM sur des sujets qui regardaient un film d’animation des années 40, avec des formes simples qui se déplace sur un écran : un triangle, un rond, un carré. En général, les individus expliquent par la suite qu’ils on vu de méchants carrés pousser le gentil triangle, etc. ... On passe notre temps à imaginer que le monde est humain, c’est un Fantasme inscrit en nous. Le fonctionnement du cerveau est donc tous sauf un réflexe. Son action est une complexification et non une simplification.

Un autre exemple de l’extraordinaire fonctionnement de notre cerveau et la découverte récent du neurone miroir : la seule perception d’un autre individu en train d’effectuer une action crée en nous une hallucination, comme si nous étions en train de la faire aussi.

Reste que le monde juridique et scientifique sont deux champs distincts que l’on doit discerner. On peut poser des questions : mais les questions reflètent aussi les aprioris d’un champ ou d’un autre. La réponse doit être apportée par l’Ethique car Il n'existe pas d'activité humaine hors d'un contexte social. Il est donc important de se reposer les questions fondamentales concernant ces techniques: sens, conceptualisation, outils, objectifs qu'on leur attribue. Ce n’est pas aux neurosciences de trancher.

- Peut-on se servir de l'IRM pour compléter l’analyse psychiatrique ?

Pour le neurobiologiste, l’analyse psychiatrique n’a rien de scientifique mais ce rapproche plutôt d’une technique médicale qui permet de montrer si la réaction d'un individu est dans la moyenne ou plus impulsive, c’est à dire si elle est perturbée. Le compte rendu des entretiens prend la forme d’une longue analyse de plusieurs pages sur les caractéristiques des individus. Elle est donc toujours difficile a utiliser lors d’un jugement. Le tribunal en tire finalement un avis tranché : si l’accusé est malade on le traitera comme un malade, et l’avis du psychiatre jouera donc à décharge dans le procès.

Notre interlocuteur souligne encore une fois que la situation est très différente concernant l'IRM : dans l'état actuel des choses, cette technique n'est pas fiable. On peut évidemment statuer en ce qui concerne des maladies précises comme la Sclérose en Plaque, mais aucune conclusion n’est possible pour des voleurs ou des criminels. Certains expriment l’idée selon laquelle avec des questions précises on pourrait reproduire l’activité cérébrale au moment du crime, mais pour Hervé Chneiweiss cela est un priori total. Il n’y a pas de commune mesure entre Diagnostiquer une maladie et un comportement d un individu à un moment donné.

- Question concernant le fait que l'IRM violerait ce qui nous est de plus personnel

Hervé Chneiweiss n’a pas peur de le dire : Le corps ne nous appartient pas: « Regardez l’exemple des dons d’organes anonymes et gratuit. » Mais ici on pose la question du Rapport avec la conscience, et de la liberté de conscience.

Si on pouvait lire dans les pensées, et que l’on confrontait cela au droit de l’homme qu’est ce que cela apporterai à l’individu, à la société ?Seule la décision politique permet de trancher le débat. En 1960 on connait les dangers de l'amiante. Les chercheurs connaissent les cancers possibles. Mais on négocie le risque avec de l’argent, en mettant en place une Prime de risque négocié par les ouvriers. « Vous voyez, la science ne permet pas de prendre des décisions, elle se contente de dire cela parait plus raisonnable que... Les décisions dépendent des contextes économiques et politiques. »

ENTRETIEN AVEC JEAN BAPTISTE POCHON

Neurobiologiste, chercheur en neurologie cognitive

Contexte de l’entrevue

- Rendez-vous le jeudi 24 février 2011.
- Durée: 1h15
- Grille de questions :

- clarifications scientifiques : que voit-on ? que dépiste t’on réellement à l’aide de l’Imagerie cérébrale ? Quelles sont les différences fondamentales entre les différentes techniques ?

- Comment l’Imagerie cérébrale permet-elles d’appréhender une nouvelle conception de la responsabilité pénale ?

- Quelle évolution historique des recherches en psychologie cognitive ?

Parcours professionnel

- Master de neurobiologie à l’UPMC
- Doctorat en neuro-imagerie cognitive. Thèse sur le cortex pré-frontal et les aspects de mémoire. Travail de recherche mené avec Stanislas Deheane, Denis Le Bihan (directeur de Neurospin). Université de Southern California au Brain and Creativity Institute de Antonio Damasio.

Cette interview est la première que nous ayons donnée dans le cadre de la controverse. Elle a donc été l’occasion de faire le point sur l’avancée des techniques, leur utilité et leur application concrète afin de mieux saisir les enjeux de leur introduction dans les tribunaux.

Entretien

1.La technique d’imagerie cérébrale: Comment fabrique t’on une image? Que lit-on? Que dépiste t’on? Avantages et limites des techniques employées ?

IRM fonctionnelle

Cette technique permet de répondre à la question: comment le cerveau réagit-il lors d’un processus mental très précis (lecture, mémorisation). Elle nous permet d’obtenir « une carte statistique de l’activité cérébrale » pendant une période donnée lors d’un processus mental déterminé.

Méthode : Le cerveau est découpé en centaines de milliers de voxels d’un millimètre cube de volume (extrême précision). Il faut garder à l’esprit que cette technique permet de visualiser l’activité cérébrale de manière indirecte. En effet, une augmentation de consommation d’oxygène par les neurones en activité est compensée par une augmentation du flux sanguin. Cela entraine une diminution de la concentration de désoxyhémoglobine qui a des propriétés paramagnétiques particulières. C’est cette variation de champ magnétique qui est enregistrée. Les réponses suite à un stimuli cérébral sont enregistrées pour chaque voxel et peuvent être représentées par une courbe (variation d’intensité du signal au cours du temps). « Il s’agit d’un signal extrêmement bruité ».

Comment obtient-on l’image? On tente d’associer le modèle mathématique le plus fidèle à chaque signal. Selon la méthode de «Statistical Parametric Mapping» on effectue une régression statistique afin de mesurer en pourcentage quel est le degré de ressemblance entre le signal voxel et le modèle mathématique choisi. Cette comparaison permet de créer une carte d’activation cérébrale où sont mises en évidence les zones du cerveau dont le signal est le plus proche du modèle choisi (les plus actives pour un stimuli donné).

Avantages et inconvénients de cette technique : l’IRMf a une très grande résolution spatiale. «il est désormais possible de cartographier l’activité cérébrale au sein d’un volume de la taille d’un lentille». Il y a de nombreuses contraintes. Les signaux obtenus sont extrêmement bruités. En effet, le moindre mouvement de l’ordre du millimètre de la part du témoin suffit à brouiller le signal. « Le sujet doit impérativement respecter les règles du jeu et ne pas bouger pour que les résultats soient exploitables ». Cela demande une totale confiance dans le témoin.

Ces images découlent d’une modélisation mathématique. Or, un modèle n’est jamais parfait. «Le jeu sur les seuils de précision détermine directement les potentialités d’exploitation de l’image». Entre un choix de résolution de 90% ou de 70% la superficie de la zone cérébrale mise en évidence est totalement différente, l’aspect de l’image et sa signification sont modifiées.

Attention :
- « Si une région n’est pas activée sur l’IRMf, cela ne signifie en aucun cas qu’elle n’intervient pas dans la processus cognitif ». En effet, le modèle peut laisser de côté des variables. « Finalement on gagne autant d’informations qu’on en perd», c’est ce qui fait tout le paradoxe de cette technique.
- «On peut faire dire à ces images ce que l’on veut. C’est une cuisine pour obtenir de telles images. Il y a plusieurs recettes qui fonctionnent pour arriver à des résultats sensiblement différents. »
- « Une étude individuelle ne vaut rien, elle est bruitée et peu robuste. L’imagerie fonctionnelle d’un seul cerveau n’est pas exploitable ». Le processus expérimental implique l’utilisation d’un groupe témoin fiable et donc de récolter beaucoup de données. Ce protocole est coûteux en temps et en argent. On comprend ici toute la difficulté pour introduire cette technique dans les tribunaux de manière fréquente.

Le Resting State

Cette technique sert à déterminer l’infrastructure fonctionnelle du cerveau par la mise en évidence de la covariance des régions du cerveau. Elle permet d’isoler les réseaux cognitifs invariants principaux chez l’individu considéré. C’est l’étude de ces réseaux invariants qui permet par la suite la comparaison de l’activité cérébrale d’un sujet avec un modèle canonique et de découvrir d’éventuelles anomalies (lésions) dans les domaines sensoriel, mécanique, émotionnel, cognitif.

Méthode : Le sujet peut bouger et n’a pas de règles strictes à suivre. Le travail effectué par la suite étant une comparaison minutieuse de l’image obtenue avec un modèle type. On tente de mettre en évidence les invariances cérébrales; Il faut savoir qu’en matière de connaissance des réseaux sensoriel et mécanique les études sur les animaux ont permis de grandes avancée (en particulier le cerveau du chimpanzé).

Les applications pratiques de cette méthode dans le domaine de la recherche : Etude des zones cérébrales lésées dans le cas de certains troubles mentaux. Découverte du fait que l’activation d’une zone précise du cerveau permettait de faire disparaitre les tocs. De même, la dépression se traduirait par la disparition de l’activité cérébrale dans une zone précise et pourrait être traitée grâce à la stimulation de celle-ci. En effet, le Prozac agit comme un activateur de cette zone. Bientôt, les stimulations du cerveaux seront utilisées pour traiter toutes les pathologies psychiatriques connues.

l’Imagerie par Résonance Magnétique

Principe : analyse architecturale/anatomique du cerveau.

Utilité : Certains défauts anatomiques de régions fondamentales peuvent être la cause de troubles psychiques et de modifications comportementales. «Cependant, l’extrême plasticité de notre cerveau empêche d’établir un lien de causalité évident entre lésion cérébrale et trouble mental». Un aveugle par exemple voit sa zone cérébrale réservée à la vision devenir la zone régissant ses fonctions sensorielles. La plasticité est d’autant plus remarquable lors de la construction cérébrale pendant l’enfance. On assiste continuellement à une compétition entre les différentes fonctions cérébrales pour s’établir dans une région donnée. «L e neurobiologiste doit constamment garder à l’esprit que l’architecture fonctionnelle de notre cerveau change continuellement ».

Fiabilité : L’image est robuste et a du sens pour un individu isolé mais il y a une problème de causalité entre l’architecture fonctionnelle du cerveau et le comportement associé en raison de la plasticité cérébrale.

2.Comment l’Imagerie cérébrale permet-elles d’appréhender une nouvelle conception de la responsabilité pénale ?

Après ce rapide état des lieux, le neurobiologiste déclare « Il est impossible d’établir un lien de causalité sur la seule base de l’imagerie cérébrale. On a toujours une marge de manoeuvre pour affirmer l’inverse de la thèse soutenue ».

Cependant, ce propos doit être nuancé. Au yeux de Jean Baptiste Pochon les avancées en Neuropsychologie cognitive sont marquantes et ont permis de mettre en évidence le lien entre le comportement et l’activité ou la structure cérébrale. Par exemple, Antonio Damasio a mis en évidence la « sociopathie acquise ». Au XIXe siècle, le mineur Phineas Gage perd la moitié du cortex pré-frontal dans un accident du travail. Il réussit à retrouver l’ensemble de ses fonctions cérébrales mais son comportement est modifié. La lésion de cette partie du cerveau pourrait entraîner un défaut d’inhibition comportementale comme le prouve la cas de ce patient célèbre.

Le cas de l’inhibition comportementale est très intéressant lorsque l’on s’intéresse à l’atténuation de la responsabilité pénale. Le neurobiologiste met ici en évidence un point clef de notre controverse. En effet, l’inhibition correspond au rejet et au non respect des codes sociaux établis. C’est un constat. «Elle résulte en revanche d’une modification des processus émotionnels et cognitifs.» Elle a plusieurs sources. On peut isoler « inhibition involontaire » et « inhibition volontaire ». Une personne malade mentalement et une personne sous l’emprise de drogue ou alcool peuvent se retrouver dans un même stade d’inhibition à une période donnée. Dans un cas, la mise en lumière du trouble psychiatrique serait un facteur d’atténuation de responsabilité, dans l’autre, l’alcool est un facteur aggravant. D’un côté, une personne qui n’a pas choisi de se mettre dans un état d’inhibition (facteur endogène), de l’autre un personne ayant provoqué sa propre modification comportementale (facteur exogène). Ainsi, JB Pochon souhaite recentrer le débat sur la question suivante: « Mais jusqu’où va le libre arbitre? Jamais on ne pourra affirmer catégoriquement l’abolition du libre arbitre chez quelqu’un sur la seule base des données fournies par l’imagerie cérébrale. »

« L’imagerie cérébrale permet d’étayer, d’appuyer, de clarifier un thèse mais en rien de la fonder. » Il faut une convergence de plusieurs techniques différentes pour former un diagnostic. Dans le cas de la sociopathie. Les données IRM affirmant la lésion du cortex pré-frontal peuvent être confirmées par les «réponses électrodermales » (étude de paramètres physiologiques tels que la transpiration, le rythme cardiaque et respiratoire, variant en situation de stress).

« Il faut utiliser tous les arguments scientifiques en faveur d’une thèse pour la bâtir. L’Iimagerie Cérébrale n’est qu’un élément parmi d’autres pour arriver à une conclusion. Une étape de la démonstration ».

ENTRETIEN AVEC JEAN GAEL BARBARA

Chercheur au laboratoire de neurobiologie des processus adaptatifs à l'Université Pierre et Marie Curie, Chercheur associé au laboratoire d'histoire et philosophie des sciences à l'Université Paris Diderot.

- Pourquoi avons nous organisé cet entretien?

À la fois neurobiologiste et historien des sciences, Jean Gaël Barbara était susceptible de nous offrir un point de vue original sur la question qui nous anime. Spécialisé dans l’histoire des sciences du cerveau, il se présente comme un acteur clef pour replacer la controverse dans un contexte historique plus large sortant des simples débats d’actualité. Une nouvelle dimension pour notre controverse? Il a récemment organisé une exposition intitulé «Crime et folie» (http://jeangael.barbara.free.fr/UE%20Les%20Sciences%20du%20Crime/Introduction.pdf) sur l’évolution des représentations sociales, juridiques et philosophique des aliénés des criminels au cours de l’histoire.

Contexte

Rendez vous sur le campus de Jussieu le 10 mars.

Entretien

Notre interlocuteur ouvre la discussion en soulignant que notre controverse est bien d’actualité: «le lien entre neurosciences et justice est un sujet pour lequel l’engouement a explosé ces cinq dernières années (colloque et exposition crime et folie, un ou deux colloques internationaux par an sur le sujet).» De nombreuses questions se posent dans les centres nationaux d’éthiques, des conférences avec experts sont menées (Jean-Didier Vincent et Stanislas Dehaene). Dès le début de l’interview il affirme que le monde scientifique est contre l’utilisation dans les tribunaux de l’IRMf. Selon ce neurobiologiste ces techniques ne sont pas encore fiables. En effet il y a énormément de résultats négatifs qui peuvent induire des réactions chez les jurés, sans vrai fondement.

- Pensez-vous que cela puisse tout de même servir de complément à l’analyse psychiatrique ?

« Il est très peu probable que ce soit utilisé dans les tribunaux. Même comme complément de preuves psychiatres. » NB : Il a d’abord donné cette réponse sans appel puis plus loin dans l’interview s’est ravisé.

- Il n’y a vraiment aucune utilité possible ?

« Si, l’IRM anatomique, peut par exemple être utile pour prouver l’existence d’une tumeur cérébrale. Il arrive que des scientifiques doivent passer dans les prisons pour détecter des indices anatomiques (c’est un espoir de sortir de prison si une malformation est révélée). Il a été observé que certains délits (agressions sexuelles notamment) ont effectivement pu se produire suite à des tumeurs. Mais ici, la démarche de l’utilisation de l’IRM s’inscrit alors dans la même optique que les questions de prévention contre le cancer. »

- Qu’espère-t-on pouvoir faire avec l’IRMf ?

« L’IRM fonctionnelle permettrait dans l’idéal de mettre en évidence des fonctionnements neuropathologiques. C’est à dire révéler des réseaux de neurones particuliers pour l’autisme ou d’autres maladies neurologiques. On commence effectivement à avoir quelques résultats. Cependant, même si l’on observe des particularités souvent retrouvées chez les schizophrènes dans les connexions neuronales d’un sujet, on ne peut pas déduire qu’il est effectivement atteint de ce trouble. On a trouvé des corrélations entre les connexions neuronales et certains comportements ou maladie mais on ne peut pas faire de raisonnement déductif. »

- On ne pourrait pas exploiter ces corrélations dans le cas de sujets s’étant déjà montré violents, pour éviter de les relâcher ?

Le débat sur la récidive est celui qui touche le plus les gens émotionnellement. Pour offrir plus de sécurité à la société, les scientifiques ont toujours du proposer des méthodes contre la récidive. Il vaut pourtant mieux utiliser de bons moyens de prévention plutôt que de condamner en se basant sur des calculs probabilistes.

Ce débat remonte au XIXème siècle. Déjà à cette époque on cherchait à connaitre l’état mental des personnes incarcérés. Mais ce débat est biaisé car irrémédiablement dans les prisons la santé mentale des gens incarcérés n’est pas bonne. Il est en effet possible que l’incarcération aggrave leur santé mentale, leurs troubles psychiques (si on enferme un rat trois mois dans une cage, beaucoup d’aspects morphologiques vont changer…).On refuse presque de voir la réalité des prisons car la majorité de la population carcérale aurait besoin d’un suivi plus approprié.

On peut par exemple prendre le cas du tueur en série Fourniret qui a été étudié par des experts psychiatres. Le Docteur Zagury l’a vu deux fois en entretien et a essayé de comprendre pourquoi il a commis de tels crimes. Mais il s’est trouvé confronté au problème de la complexité de l’interprétation psychiatrique et psychanalytique. A quel point le fonctionnement psychique est-il détérioré ? Il est certain que si l’on cherche bien (avec l’IRMf) on va trouver des choses, mais le problème est de mettre en évidence «ce qui cause quoi». Les instruments tels que l’IRMf ne fournissent pas la causalité des phénomènes.

Cette recherche désespérée de la causalité fait penser à l’étude anthropologique des criminels de 1850. La phrénologie cherchait à prédire grâce à l’étude du crâne des individus, leur tendance au crime. Le piège Lombrosien est une dérive possible. La cause du mal est depuis toujours une question centrale. Depuis des siècles à rechercher des indices physiologiques pour l’expliquer, on se rend compte qu’il n’y a rien de déterminant dans l’anatomie et la physiologie des gens. Le crime est peu probable, c’est un phénomène aléatoire. Etudier le déterminisme d’un phénomène à la probabilité très faible n’a pas de sens.

- Qu’en est-il si l’on se sert de l’IRMf à décharge et non plus pour détecter les criminels potentiels ou leur capacité de récidive ?

« Il est normal de chercher des circonstances atténuantes. Pour cela on peut chercher des données anatomiques (tumeurs) ou associer l’IRMf à l’analyse psychiatrique. Faire de l’IRMf un élément de l’analyse psychiatrique n’est pas nécessairement une mauvaise idée. Mais l’IRMf ne sera jamais un élément décisif. Il faut garder en tête que les neuroscientifiques doutent de son utilité. Si elle n’est pas avérée, l’utilisation de ces images pourrait même avoir des effets négatifs tels que l’instrumentalisation. Des dérives sont possibles même si il est normal de faire une IRM dans le cas d’un comportement brutal afin de détecter les tumeurs éventuelles. »

- Vous ne croyez pas qu’un jour on pourra établir ces fameux liens de causalité ?

Grâce à l’IRM fonctionnelle, on est capable de prédire quel objet le sujet étudié va regarder à condition qu’il n’y en ait que quelques-uns. Il y aura des progrès, c’est évident. Par exemple on pourra définir des circuits de plus en plus précis entre les neurones au niveau de toutes petites régions du cerveau, mais je pense qu’il est impossible que ces progrès soient un jour suffisants pour établir des causalités comportementales. L’on a effectivement trouvé la spécialisation de certaines zones du cerveau mais beaucoup de nos fonctions ne sont pas localisées.

Il n’est pas envisageable que l’on puisse un jour tout localiser! Cela rejoint le fantasme des « machines à penser ». On ne peut pas créer des robots capables de « penser ». Un tel espoir relève d’une mauvaise appréciation de la complexité psychique. C’est un espoir en lequel croient les américains qui n’ont pas de recul sur l’histoire, c’est pour cela que l’utilisation de l’IRMf dans les tribunaux a déjà eu lieu chez eux. Il est aussi vrai qu’en France nous ne sommes pas très novateurs comme le prouve le temps qu’il nous a fallu pour reconnaître l’utilité du stéthoscope et du microscope.

- Si l’on s’en sert simplement comme complément de l’analyse psychiatrique, qui doit interpréter ?

« La personne qui mène l’examen ne devrait pas connaitre les enjeux du résultat. Celle qui doit mettre au point le protocole le peut en revanche. Pour interpréter les résultats, il faut le neurobiologiste mais surtout le psychiatre (qui est un médecin ne l’oublions pas). En outre, les psychiatres sont de plus en plus souvent des biologistes.Mais pour être vraiment dans l’impartialité, la totalité de l’individu doit être prise en compte. L’organisme est un système complexe dont les causalités sont largement indéterminées. »

- Si vous deviez répondre à notre problématique « l’imagerie cérébrale, l’allié d’un meilleur jugement ? » que diriez-vous ?

« Dans le cas des tumeurs, évidemment que oui c’est utile, la causalité et le déterminisme sont établis. Dans les autres cas, IRMf peut constituer des arguments supplémentaires pour un diagnostic psychiatrique. Mais le psychiatre doit au préalable estimer que cela va renforcer son diagnostic. Certains cas particuliers comme les comportements dus aux effets de l’alcool ou de la jeunesse (cerveau pas totalement formé) sont effectivement déterminés mais on n’a pas eu besoin de l’IRMf pour s’en rendre compte. D’après moir, il n’y a donc pas de raison d’interdire l’IRMf mais aucune raison de le systématiser. L’intérêt est très limité. Vouloir en faire une utilisation générale est juste ridicule. Je ne pense même pas que les dérives soient le plus à craindre (certes les gens sont crédules), le vrai problème est que ça n’est pas crédible. »

Etats généraux de la Bioéthique

En préalable à la révision des lois de bioéthique, le président de la République a souhaité la tenue d’Etats généraux de la bioéthique (EGB) prenant la forme d’une consultation nationale des citoyens. Ces Etats généraux ont été pilotés par un comité constitué de Jean Léonetti député, président du comité de pilotage des EGB et rapporteur de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la Révision des lois de bioéthique (RLB), Sadek Beloucif (président du Conseil d’Orientation de l’Agence de Biomédecine, ABM), Alain Claeys (député (PS), président de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la RLB et membre de l’OPECST), Claudine Esper (professeur de droit médical, membre du CO de l’ABM), Marie-Thérèse Hermange (sénatrice et membre du CCNE), Suzanne Rameix (professeur de philosophie et responsable du département d’éthique médicale de l’université Paris XII).

Les EGB se sont déployés notamment à travers :
― trois "Forums citoyens régionaux" (le 9 juin 2009 à Marseille sur
la recherche sur l'embryon, le diagnostic prénatal (DPN) et le diagnostic préimplantatoire (DPI) /
le 11 juin 2009 à Rennes sur l'assistance médicale à la procréation (AMP) / le 16 juin 2009 à Strasbourg sur les prélèvements et greffes d'organes, de tissus, de cellules, la médecine prédictive et l'examen des caractéristiques génétiques) = débat tripartite entre des "grands témoins" ― choisis par le comité de pilotage parmi les 700 noms proposés par l’ABM ― des jurés tirés au hasard et formés au préalable et un public autorisé à intervenir ;
- un colloque national clôturant ces débats en une synthèse réalisée par les jurés eux-mêmes, le 23 juin 2009, à la Maison de la Chimie à Paris ;
- un site Internet (www.etatsgenerauxdelabioethique.fr), géré par l’ABM, pour informer et collecter les contributions des citoyens qui souhaitent participer au débat national
- des "rencontres régionales" organisées notamment à l’initiative des espaces éthiques régionaux.

lien texte inaugural

Agence de Biomédecine

Etablissement public créé dans le cadre des révisions des lois de bioéthique en 2004, l'Agence de Biomédecine (ABM) est chargée de réguler le prélèvement et le greffe, l'embryologie, la procréation et la génétique humaine. Concernant l'imagerie cérébrale, l'ABM souhaite avoir une plus grande mission de veille éthique, limiter l'utilisation des techniques d'imagerie cérébrale à des fins médicales pour préserver la dignité humaine et enfin interdire les discriminations fondées sur les caractéristiques cérébrales résultant de la neuroimagerie.

lien siteweb Agence de Biomédecine

INSERM

Créé en 1964, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale est un établissement public placé sous la double tutelle du ministère de la Santé et du ministère de la Recherche. Il a la responsabilité d’assurer la coordination stratégique, scientifique et opérationnelle de la recherche biomédicale. Ces unités de recherche sont pour la plupart basé dans les hôpitaux et centres de soins car l’institut cherche à assurer un lien entre le laboratoire et le patient. Ils possèdent plusieurs équipes de chercheur dans le domaine de la neuroimagerie cognitive.

lien Siteweb INSERM

NEUROSPIN est une plateforme de recherche en neuroimagerie unique en Europe appartenant au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA). Elle dispose du dernier cri en matière de technique d’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) en champ intense, avec plusieurs appareils de caractéristiques différentes. Cette nouvelle grande infrastructure de recherche vise à repousser les limites actuelles dans ce domaine pour observer le cerveau avec une précision encore plus fine. Au sein du NeuroSpin une équipe INSERM de chercheur en neuroimagerie cognitive s’est implantée.

http://www-dsv.cea.fr/dsv/instituts/institut-d-imagerie-biomedicale-i2bm/services/neurospin-neurospin

STANISLAS DEHAENE : Directeur de l’unité INSERM CEA de neuroimagerie cognitive au sein du NeuroSpin. Professeur au Collège de France, Membre de l’Académie des Sciences, il est intervenu lors de l’audition parlementaire organisée en mars 2008 en parlant de l’apport que les neurosciences peuvent apporter à la justice et la nécessité d’un cadre juridique adapté.

« Seules les idées, émotions ou actions assez grossières peuvent être visualisées. Il faut donc
en finir avec ces rumeurs qui suggèrent qu'un jour,
il serait possible de créer des portiques capables
de lire les pensées des gens. »

DENIS LE BIHAN : Directeur de NeuroSpin et espère que cette plateforme va permettre de relever les grands défis de la neuroimagerie:

« explorer et identifier les régions cérébrales, pour établir une architecture fonctionnelle cérébrale, savoir s’il existe un ou plusieurs codes neuraux en établissant des liens avec l’architecture cérébrale, développer des mécanismes de rééducation, découvrir les mécanismes cellulaires et moléculaires des maladies pour les prévenir et établir des diagnostics précoces, tels sont les grands défis que devra relever la neuroimagerie ».

Cour de cassation

La Cour de cassation est la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français. Siégeant dans l’enceinte du Palais de Justice de Paris, la Cour de cassation a pour mission de réviser, à la demande des parties, les décisions émanant des tribunaux et cours d’appels, au pénal comme au civil. La Cour ne tranche que des questions de droit ou d’application du droit, elle ne juge pas les faits. Elle assure ainsi par sa jurisprudence une application harmonieuse des lois. Depuis 1991, la Cour, à la demande des juridictions, leur donne son avis sur des questions de droit nouvelles et complexes se posant dans de nombreux litiges. Cette dernière mention est très importante pour saisir l’importance du rôle de la cour de cassation dans notre controverse par l’encadrement des dérives potentielles relatives aux neurosciences.

lien siteweb cour de cassation

IALES

L’Association Internationale Droit, Éthique et Science, fondée en 1989, constitue un réseau international d’échange d’information et de réflexion dans le domaine des rapports entre science, éthique et société. Aujourd’hui présente dans une quarantaine de pays dont la France, l’IALES accueille en son sein des personnalités ou organisations intervenant dans les champs de recherche couvert par la réflexion. Il est intéressant de constater que le juge Christian Byk, secrétaire général de IALES, est spécialisé dans le domaine de l’éthique scientifique et biomédicale, en particulier les neurosciences.

CHRISTIAN BYK: Juge à la cour d’appel de Paris, secrétaire général de IALES (Association Internationale Droit, Éthique et Science), rédacteur en chef du journalinternational de la Bioéthique et membre de la commission Française pour l'unesco.

« Avec l’imagerie cérébrale nous nous trouvons à un moment charnière d’évolution du domaine de l’expertise. En France, dans l’optique de la juste peine, cette technique peut devenir un auxiliaire de l’expertise psychiatrique mais les pressions politiques risquent d’en faire un outil d’exclusion. »

lien siteweb IALES

lien interview accordée aux membres
du groupe de controverse le 4 mars 2011

ENTRETIEN AVEC CHRISTIAN BYK

Pourquoi l'avons nous interrogé ?

- intervention constructive lors de la table ronde organisée par le Centre d’Analyse Stratégique
en 2009.
- sujet de thèse: « Éthique et droit face au progrès des Sciences Biomédicales »
- connaissances en droit pénal issu de la bioéthique / réflexion de droit comparé sur l’utilisation des neurosciences aux Etats-Unis

Contexte

Vendredi 4 mars, 11h45 => 13h dans le bureau de son appartement à Montmartre.

Tout d’abord, selon Monsieur Byk, le débat actuel autour des neurosciences est à regarder à travers le prisme du contexte sociologique et politique. Par exemple aujourd’hui, la question de la dangerosité des prévenus est fortement médiatisée et est devenue un sujet de « préoccupation citoyenne ». A l’heure actuelle on demande de plus en plus d’efficacité à pointer la dangerosité des individus et ces nouvelles techniques peuvent dans un tel contexte être vues comme une réponse à ce besoin de mise à nue de l’esprit humain. Le débat sur la prévention de la récidive
en est un exemple probant selon le juge.

En effet, Monsieur Byk rappelle que l’expertise psychiatrique, à ce jour la seule à statuer au sujet de la responsabilité et de la personnalité de l’accusé, est, comme le montre le scandale d’Outreau, fortement remise en cause. Dans cette logique, l’imagerie cérébrale pourrait répondre au besoin d’objectivisation de l’expertise psychologique et psychiatrique.

Voici deux moteurs puissants qui animent la dynamique d’entrée des neurosciences dans le champ du droit selon le magistrat => une réponse à la pression socio-politique dans un contexte où la question sécuritaire est prégnante et une avancée interne de certains modes d’expertise.

Ensuite, le juge a montré que le droit de la preuve scientifique avait déjà connu de nombreux basculement sous l’effet de l’évolution de la perception sociologique. En effet, en citant les travaux de l’historienne de la justice, Arlette le Bigre, il rappelle qu’au Moyen Âge la torture était perçue comme l’unique moyen objectif de déterminer la culpabilité de l’accusé jusqu’à ce que cette méthode soit décridibilisée à partir de la Renaissance. Pour lui, ce type de basculement de la preuve scientifique a lieu tous les siècles et avec l’imagerie cérébrale nous nous trouvons à
ce moment charnière d’évolution du domaine de l’expertise.

À ce titre, il soutient un point de vue original: celui de ne pas encombrer le débat avec la question de la faillibilité de la technique scientifique. Selon lui ce n’est que l’affaire de quelques années comme par exemple l’ont prouvé les tests ADN dans les années 90s. Il a fallu à peine 6 ans par l’avènement de la loi de 1993 sur les tests génétique, pour faire disparaitre le droit civil de la filiation, un système qui datait du code civil.

En guise de parallèle, M. Byk réutilise la citation du Président de la République lors de la rentrée solennelle des voeux 2009 à la cour de cassation, qu’il avait prononcé lors de la table ronde du CAS « Je pense qu’il est possible d’aboutir à un consensus sur une nouvelle procédure pénale, plus soucieuse des libertés, plus adaptée aux évolutions de la police technique et scientifique.
À l’heure de l’ADN, la procédure pénale ne peut plus avoir pour socle le culte de l’aveu »
. Cette citation nous rappelle que la modernisation du droit s’inscrit aussi dans une modernisation politique.

Dorian demande: « comme les neuro-sciences ont déjà été utilisées dans les tribunaux américains, savez-vous dans quel cadre l’expert est convoqué et intervient? ». Le magistrat répond qu’il faut être conscient de la différence de procédure entre le droit français et le droit américain. Aux Etat-Unis « l’expert est un témoin » qui fait l’objet d’un examen croisé dans le cadre d’une exposition contradictoire des arguments des parties. En France l’expert est « un auxiliaire de la justice » selon la procédure inquisitoire. En France le juge d’instruction a la liberté de mobiliser un expert pour éclairer son enquête.

Pour approfondir, M.Byk souligne un autre aspect important des expertises. Dans l’optique de la
« juste peine » l’expertise psychiatrique sert à statuer sur la responsabilité de l’accusé et l’examen psychologique à se renseigner sur sa personnalité. Nous sommes dans une logique d’individualisation de la personne et de compréhension de ses agissements. Au contraire, en Belgique cette expertise psychologique résulte du concept de « défense sociale » pour rendre compte efficacement de la dangerosité des individus. Nous en concluons que les fondements philosophiques de chaque culture juridique sont à prendre en compte dans l’établissement des systèmes d’utilisation de l’expertise.

La question qu’il faut se poser est la suivante: En France, sommes nous à un moment d’évolution culturelle et philosophique de la procédure pénale prêt à modifier les modes d’expertise?

Elodie demande si les différences procédurales entre France et Etats-Unis orientent le pouvoir persuasif des images. Notre interlocuteur prend l’exemple des cours d’assise pour rappeler qu’en France on reste attaché à une procédure majoritairement orale. Contrairement aux tribunaux américains où les pièces exhibées peuvent exercer leur pouvoir visuel, le juge français est le seul à détenir les images lors du discours des experts. Ceux-ci ne se présentent alors qu’avec leurs notes et exposent leurs conclusions oralement. Cette différence procédurale majeure nous permet de replacer dans son contexte le vif débat soulevé par le sociologue américain Joseph Dumit. En France, la question de l’instrumentalisation du pouvoir visuel des images cérébrales ne se pose pas avec la même intensité qu’aux Etats-Unis.

C’est pourquoi, Dorian l’interroge sur les changements que l’imagerie cérébrale pourrait introduire concrètement dans le domaine juridique. Selon M.Byk, tout dépend de la volonté des politiques publiques. Si on ne change pas de logique procédurale, l’imagerie cérébrale se présentera comme un auxiliaire de l’expertise psychiatrique et psychologique, apportant une vision complémentaire et plus globale des particularités de la personne considérée. Elles seront intégrées au dossier et consultable par le juge qui pourras se baser dessus pour ces conclusions. Mais il est peu probable qu’elle soit montrée aux jurés. Cependant, si l’on substitut cette logique de « personnalisation » par une « logique de prévention », l’imagerie cérébrale pourrait dépasser son rôle d’auxiliaire. Leur utilisation relève donc directement des choix de politique sécuritaire.
Le juge cite le rapport INSERM sur la violence des jeunes enfants et les nombreux projets de mesure de détection dès le plus jeune âge pour montrer que la question se pose de répondre à un objectif de prévention des risques au sein de la société.

Ainsi, notre interlocuteur aborde les « différentes dimensions d’un procès » pour montrer en quoi l’équilibre judiciaire peut être perturbé. Le triptique qui désigne la volonté de satisfaire à la fois la société, le condamné et la victime à l’issue du procès est un équilibre fragile. Aujourd’hui, l’acte judiciaire doit être appréhendé sous trois angles différents: la théâtralité nouvelle qui est donnée au procès en raison de l’écho de médias, conférant à la justice un aspect « sociologiquement plus important ». Le « phénomène compassionnel » de plus en plus grand vis à vis de la victime qui déstabilise fortement le triptique en défaveur de l’accusé. Et en dernier lieu, l’intensification des soucis de répression et la voie ouverte sur de possibles dérives sécuritaires. La dimension catharsique toujours présente dans la théâtralité du procès peu se voir ainsi rehaussée. Voici, comment l’influence de l’opinion publique, des médias et des orientations politiques peuvent modifier l’ordre judiciaire et donner un nouveau souffle à notre controverse.

Mais comment la science peut-elle venir servir les logiques répressives d’exclusion? Avec les avancées scientifiques, l’homme devient progressivement « objet d’étude », celui que l’on place sous le microscope. La science donne du recul. L’objet d’étude a une certaine passivité. Avec l’imagerie cérébrale c’est l’image que va donner la machine qui nous intéresse et on sort du « face à face subjectif » de la psychiatrie. L’exclusion de cette subjectivité est perçue comme un risque par M.Byk car elle favorise l’émergence de la catégorisation de l’individu propre aux logiques d’exclusion. Toute perte d’individualisation est susceptible de conduire à des logiques répressives et défensives.

Si les neuro-images sont des compléments à une connaissance imparfaite psychiatrique de l’individu, inscrite dans la finalité du procès nous pouvons trouver un équilibre entre individualisation et compréhension objective de l’individu.

Ce que le juge souhaite nous faire comprendre que cette avancée scientifique intervient à un moment où les enjeux sociétaux et politiques exercent une tension qui va orienter l’application des techniques et leur utilisation. L’avenir de la place des neuro-images dépend donc de la conjoncture et forces qui s’exercent. Une société peut faire tout les choix, ce qui explique l’évolution constante du droit et les disparités entre les pays.

Lorsque nous l’interrogeons sur sa position dans le débat, M.Byk affirme qu’il est contre l’emploi de ces images comme outils de logiques sécuritaires extrêmes. Bien évidemment il est conscient des réformes nécessaires de la justice notamment au sujet de la récidive. De plus, la Science et
« sa tentative de généralisation constante » ne peut que modifier nos systèmes.

Ainsi, il est opposé au discours utopique qui pourrait entourer l’introduction des neuro-images dans le champ du droit. Pour M.Byk, Il est stérile de penser que les techniques d’imagerie cérébrale suffiront à envisager et à régler tous les problèmes posés par la société. Il faut au contraire négliger l’apport de la réflexion qui conduira toujours à faire
la meilleure utilisation possible d’une techniques, si parfaite soit elle. Mettre en évidence
les aprioris permet de restituer les problèmes dans les enjeux sociétaux, or le droit à pour fonction de mettre en exergue les non-dits.

Pour conclure, notre interlocuteur ajoute que dans une société de plus en plus complexe il appartient au droit d’exprimer les enjeux choisis par la société. Cependant Le juge est légaliste,
il appliquera automatiquement les lois votées par le législateur, qui sont frappées de la légitimité de la volonté générale. C’est pourquoi les débats qui ont lieu en ce moment au sujet de la révision des lois de bioéthique et les débats qui ont étés proposés à la population française à travers les états généraux de la bioéthique ont une importance capitale. Toute prise de décision concernant les imageries cérébrales changera définitivement leur rôle, en le dépréciant ou en le magnifiant. Le dialogue entre droit et médecine permet de mettre en lumière la vérité au travers de discours différents.

CSI effect

Le CSI effect est une thèse américaine étudiant l’impact des séries judiciaires comme CSI ou Law and Order ou NYPD sur les jurys et les juges. En général, les épisodes de ces séries finissent lorsque toutes les preuves scientifiques concordent permettant de juger l’accusé comme coupable. Les jurys qui regardent ces séries sont donc influencés par elles et s’imprégnent de l’importance des preuves scientifiques. Ceci aboutit à rendre la preuve scientifique indispensable pour condamner l’accusé. Le témoin devient moins convaincant que la preuve scientifique qui à elle seule ôte le « reasonable doubt ».

lien CBS News

csi effect

Le Juge

Le juge « dit le droit » et utilise de son autorité pour décider de la solution qui sera appliquée aux parties concernées. Il tranche des litiges opposant des parties et son rôle est donc de « juger » en analysant les faits et en respectant les lois. Il doit tenir compte des faits présentés durant le procès, des lois mais aussi des règles (tacites ou non) de la société.

Acteur interviewé :

CHRISTIAN BYK: Juge à la cour d’appel de Paris, secrétaire général de IALES (Association Internationale Droit, Éthique et Science), rédacteur en chef du journalinternational de la Bioéthique et membre de la commission Française pour l'unesco.

« Avec l’imagerie cérébrale nous nous trouvons à un moment charnière d’évolution du domaine de l’expertise. En France, dans l’optique de la juste peine, cette technique peut devenir un auxiliaire de l’expertise psychiatrique mais les pressions politiques risquent d’en faire un outil d’exclusion. »

lien siteweb IALES

lien interview accordée aux membres
du groupe de controverse le 4 mars 2011

Neurobiologistes

La neurobiologie est une neuroscience qui a pour objet l’étude biologique du système nerveux.

Hervé CHNEIWEISS: Neurobiologiste et neurologue, il est directeur de recherche au CNRS. Il dirige le laboratoire INSERM de plasticité gliale de l’Université Paris Descartes. Il est aussi Membre d’ERMES, comité d’éthique de l’INSERM, et tient une chronique bioéthique dans la revue Sciences Médecine. Il intervient en tant que membre du conseil scientifique de l’OPECST. C’est avec cette double compétence qu’il a publié le livre « Neuroscience et Neuroéthique : des cerveaux libres et heureux » en 2006. Il fut aussi conseillé de bioéthique au ministère de la recherche. Il est intervenu à la table ronde parlementaire du Conseil D’Analyse Stratégique (CAS) en décembre 2009.

« Est que la vérité a le même sens pour un juge et pour un neuroscientifique ? La vérité juridique est une notion subjective, révisable, elle apparait lorsque le jury est convaincu. Au contraire, pour
un scientifique la vérité neurale n'existe pas, par définition, ce n’est pas une histoire de conviction mais de perception, et en aucun cas de vérité.»

lien interview accordée aux membres
du groupe de controverse

Jean Baptiste POCHON : Neurobiologiste, chercheur en neurologie cognitive. Pour lui,
il est impossible d’établir un lien de causalité sur la seule base de l’imagerie cérébrale.

« On peut faire dire à ces images ce que l’on veut. C’est une cuisine pour obtenir de telles images. Il y a plusieurs recettes qui fonctionnent pour arriver à des résultats sensiblement différents. »

lien interview accordée aux membres
du groupe de controverse le 24 février 2011

didier sicard

Jean-Gaël BARBARA : Neurobiologiste, historien des sciences il est chercheur au laboratoire de neurobiologie des processus adaptatifs à l'Université Pierre et Marie Curie, et chercheur associé au laboratoire d'histoire et philosophie des sciences à l'Université Paris Diderot.

Sa vision du débat: « L’IRMf ne sera jamais un élément décisif du procès. Je pense qu’il est impossible que ces progrès soient un jour suffisants pour établir des causalités comportementales »

Son avis sur le protocole d'utilisation :
« La personne qui mène l’examen ne devrait pas connaître les enjeux du résultat. Pour interpréter les données, l’alliance du neurobiologiste et du psychiatre est indispensable »

lien interview accordée aux membres
du groupe de controverse le 10 mars 2011.

CCNE

Le Comité Consultatif National d'Éthique porte son attention sur des problèmes moraux soulevés par le progrès de la connaissance. Son objectif est d'éclairer les progrès de la science, soulever des enjeux de société nouveaux et poser un regard éthique sur ces évolutions.

Un acteur central de la controverse :

didier sicard

DIDIER SICARD : Président d'honneur du CCNE, fut président du CCNE entre 1999 et 2008. Il est également professeur de médecine à l'université Paris Descartes.

« La rapidité avec laquelle les neurosciences conquièrent notre société est déconcertante. L'expertise apportée
par les neurosciences est interprétée comme une vérité. »

lien siteweb CCNE

Jury

Le jury est composé de neuf jurés, citoyens français âgés de plus de 23 ans. Ceux-ci sont tirés au sort sur les listes établies chaque années. En France, le jury va influencer la décision notamment au sein des Cour d'assises. C'est une juridiction compétente pour les personnes principalement accusées d'avoir commis un crime.

Lois de bioéthique

Les lois de bioéthique de 1994, révisées tous les 5ans, permettent d’adapter la législation à l’évolution de la science du droit et de la société. La dernière révision (qui était censée avoir lieu en 2009 mais
qui ne sera effective qu’en 2011)
a mobilisé un large panel d’organismes, d’institutions, d’experts et de simples citoyens dans le but d’atteindre le plus large consensus possible sur des sujets complexes. Le rapport du parlementaire et membre de l’OPECST Jean Leonetti a servi de bases aux nouvelles lois. les thèmes abordés sont: l’assistance médicale à la procréation, les mères porteuses, le don d’organes, les recherches sur les cellules souches et dans une moindre mesure l’utilisation des neurosciences.

lien Sénat historique de la rédaction du texte de loi

INRIA

Créé en 1967 à la suite du Plan calcul, L'institut national de recherche en informatique et en automatique a été lancé par de Gaulle en 1966 pour assurer l’indépendance du pays en matière de gros ordinateurs. Convaincu que le futur de nos sociétés est numérique, l'INRIA inscrit ses recherches au cœur des grands questionnements sociétaux actuels.

Dans ce grand groupe de recherches sur les nouvelles technologies aussi bien informatiques que scientifiques et économiques, 2 groupes nous intéressent particulièrement pour la controverse sur l’imagerie cérébrale et les tribunaux :

PARIETAL

C’est une équipe INRIA qui est intégrée au sein de la plateforme NEUROSPIN du CEA. Son objectif est de répondre aux défis posés par ces nouvelles données afin d'exploiter totalement leurs potentialités. Pour cela, il faut mettre en place des techniques d’analyse statistique et géométrique qui permettent de mieux décrire le cerveau, son fonctionnement, sa structure et sa variabilité.

VISAGE

Ce groupe considère que la manière classique de se servir de ces images, la plupart du temps basé sur l'interprétation humaine, devient de moins en moins praticable. En outre, la pression économique et sociale pour, d'une part avoir un usage plus efficient des équipements, et d'autre part une meilleure garantie de qualité et de traçabilité du processus clinique décisionnel, rend de plus en plus nécessaire le développement de nouveaux systèmes d'aide à l'utilisation des images médicales. Ils développent donc de nouveaux algorithmes de traitement d'images médicales et de systèmes d'aide aux interventions guidées par l'ordinateur ; cela prend en compte des aspects de fusion d'images (recalage et visualisation), de segmentation et d'analyseLeur travail est principalement concentré sur des applications cliniques et pour la plupart sur des applications traitant de pathologies liées à la tête et au cerveau.

lien Siteweb INRIA

CAS

Le Centre d’Analyse Stratégique,
créé en 2006 est une institution française d’expertise appartenant aux services du premier ministre.
La mission de cette équipe permanente d’experts et de conseillers scientifiques est d’éclairer le gouvernement sur les questions environnementales, sociales, scientifiques et culturelles. Dans cette optique, le CAS a effectué un travail d’information approfondi sur les implications éthiques des neurosciences et plus particulièrement dans le champ du droit. Ces travaux d’information ont été accompagnés d’un séminaire sur l’utilisation des neurosciences dans les tribunaux en décembre 2009. Ce travail approfondi d’expertise illustre le poids donné à notre controverse par les instances dirigeantes françaises.

lien siteweb CAS

Deux acteurs centraux de la controverse :

olivier oullier

OLIVIER OULLIER : Enseignant chercheur en neurosciences au laboratoire de psychologie cognitive , responsable du Programme
« Neurosciences et politiques
publiques » au Centre d’Analyse Stratégique.

« Aujourd’hui, quiconque affirmerait pouvoir, grâce aux seules neurosciences, proposer des règles certaines du comportement humain, dans le meilleur des cas se trompe, dans le pire c’est un charlatan » (interrogé lors de l’audition publique parlementaire du 26 mars 2008 sur les neurosciences).

sarah sauneron

SARAH SAUNERON: Chargée
de mission au Département des questions sociales du Centre d’analyse stratégique. Son apport dans l’évolution de la controverse: Son travail de recherche a été un moteur important dans le travail législatif et la forme du titre de loi introduit dans la nouvelle loi bioéthique de 2011.

« Une loi-cadre révisable permettrait de répondre à de nombreuses interrogations éthiques qui sont en réalité déjà suscitées par diverses disciplines de la biologie et que les neurosciences viennent raviver » (audition parlementaire individuelle en 2009).

OPECST

L’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques est une structure indépendante composée d’un bureau parlementaires et d’un conseil scientifique. Crée en 1983, il a une mission d’information auprès du Parlement sur les conséquences
des choix à caractère scientifiques
et technologiques. À cette fin l’office mène des programmes d’études et procède à des évaluations comme l’illustre son travail effectué dans le cadre la révision de la loi bioéthique
de 2004. Ce travail d’information a permis l’introduction d’un titre relatif aux neurosciences dans le nouveau texte de loi voté le 8 Avril 2011 en dernier lieu par le Sénat, marquant une étape importante dans l’évolution de notre controverse.

lien Sénat présentation OPECST

Trois acteurs centraux de la controverse:

JEAN YVES LE-DÉAUT

JEAN YVES LE-DÉAUT : Député de Meurthe-et-Moselle (groupe socialiste), Vice-président de l’OPECST depuis juillet 2002, Biologiste.

« Doit on forcément légiférer sur toutes les nouvelles avancées ? ». Selon lui, il faut voir comment ces techniques prennent leurs place avant de chercher a leur en donner une pour ne pas tomber dans le piège des «loi biodégradables ». Il préconise de laisser du temps entre « la recherche scientifique et la loi ». C’est dans cette optique qu’à été pensé le titre de loi relatif aux neurosciences.

lien interview accordée aux membres
du groupe de controverse le 16 avril 2011

ALAIN CLAEYS

ALAIN CLAEYS : Député de la Vienne (groupe socialiste), membre de l’OPESCT

« La demande sécuritaire de plus en plus forte incite les gouvernements à rechercher des indicateurs biologiques de dangerosité de l’individu, ce qui pourrait conduire à des dérives inquiétantes » (propos introductifs de l’audition parlementaire de mars 2008).

JEAN SÉBASTIEN VIALATTE

JEAN SÉBASTIEN VIALATTE : Député du Var (UMP), Biologiste, membre de l’OPECST.

« Il est donc important que le Parlement soit régulièrement informé des avancées scientifiques pour évaluer, le plus en amont possible, leur impact juridique et éthique sur la société. Il est essentiel que soit confiée à l’Agence de la Biomédecine une mission de veille éthique sur les neurosciences et leurs applications » (Discussion générale projet de loi bioéthique, 2e séance, 8 février 2011).

Hervé CHNEIWEISS: Neurobiologiste et neurologue, il est directeur de recherche au CNRS. Il dirige le laboratoire INSERM de plasticité gliale de l’Université Paris Descartes. Il est aussi Membre d’ERMES, comité d’éthique de l’INSERM, et tient une chronique bioéthique dans la revue Sciences Médecine. Il intervient en tant que membre du conseil scientifique de l’OPECST. C’est avec cette double compétence qu’il a publié le livre « Neuroscience et Neuroéthique : des cerveaux libres et heureux » en 2006. Il fut aussi conseillé de bioéthique au ministère de la recherche. Il est intervenu à la table ronde parlementaire du Conseil D’Analyse Stratégique (CAS) en décembre 2009.

« Est que la vérité a le même sens pour un juge et pour un neuroscientifique ? La vérité juridique est une notion subjective, révisable, elle apparait lorsque le jury est convaincu. Au contraire, pour
un scientifique la vérité neurale n'existe pas, par définition, ce n’est pas une histoire de conviction mais de perception, et en aucun cas de vérité.»

lien interview accordée aux membres
du groupe de controverse

IRM

L'Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) est
une technique d’imagerie médicale non invasive qui repose sur le principe de Résonance Magnétique Nucléaire utilisant les propriété quantiques des noyaux atomiques. Dans certaines conditions, certains noyaux atomiques placés dans un champ magnétique et soumis à un rayonnement électromagnétique entrent en résonance en absorbant l’énergie du rayonnement. À l’arrêt de cette stimulation ils restituent l’énergie accumulée en produisant un signal qui peut être enregistré. L’IRM nécessite donc un aimant permettant la magnétisation des tissus et l’alignement de certains noyaux atomiques (hydrogène par exemple) qui après excitation à une fréquence précise émettent un signal recueilli par les capteurs et traité par ordinateur.

IRMf

Technique d’IRM permettant
de cartographier les activités fonctionnelles du cerveau, en visualisant l’évolution en temps réelle de l’activité cérébrale.
Le principe consiste à mesurer l'oxygénation (rapport oxyhémoglobine/désoxy-
hémoglobine), qui augmente localement dans les aires activées suite à un apport accru en sang frais.

irm

Image IRM d'une tête humaine

IRM structurelle

L’Imagerie par Résonance Magnétique structurelle est une technique d'imagerie par résonance magnétique nucléaire non invasive basée sur le phénomène de résonance magnétique nucléaire qui fournit des images tridimensionnelles des tissus biologique grâce aux atomes d’hydrogène qui sont excités par des ondes et émettent un signal enregistré par des capteurs.

lien vidéo IRM structurelle

eeg

EEG

L'électro-encéphalographie (EEG) est la mesure de l'activité électrique du cerveau au cours du temps et en particulier du cortex cérébral par des électrodes placées sur le cuir chevelu souvent représentée sous la forme d'un tracé appelé électro-encéphalogramme. Le signal électrique à la base de l'EEG est la résultante de la sommation des potentiels d'action post-synaptiques synchrones issus d'un grand nombre de neurones, ce qui correspond à l'activité neurophysiologique du cerveau. Les modifications du tracé correspondent donc à une modification de l’activité neuronale. L’étude des encéphalogrammes peut donc révéler l’activité ou non de telle ou telle zone et en la présence de fonctionnement anormaux.

ENTRETIEN AVEC JEAN YVES LE DÉAUT

Député socialiste de Meurthe-et-Moselle
Biologiste et vice-président de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) depuis juillet 2002

- Pourquoi avons nous organisé cet entretien?

En tant que vice président de l’OPEST, Jean-Yves le Déaut est un interlocuteur de choix pour représenter le point de vu du législateur chargé de réfléchir sur les questions de bioéthique, de plus il a pris par au débat concernant la révision des lois de bioéthiques et il est courant du dossier concernant l’encadrement de l’utilisation de l’imagerie cérébrale.

Contexte

Mr le Déaut nous a reçus dans son bureau de l’assemblée nationale le 16 Avril 2011 peu de temps après la lecture du texte de la loi bioéthique par le Sénat.

ENTRETIEN

A quelle occasion ont lieu les révisons actuelle des lois de bioéthiques ?

Le député nous explique que les législateurs avaient prévu de réviser les lois bioéthiques tous les 5 ans à partir de la loi de 1994. Or, la durée de délibération des deux relectures qui ont été effectuées en 1999 et 2007 ont duré minimum 2 ans car ces questions nécessitent généralement un long temps de réflexion. Or, dans la loi de 2010, le volet de révision tous les 5 ans a été supprimé. En effet, d’un coté le caractère systématique n’avait pas lieu d’être et d’un autre les évolutions peuvent nécessiter une intervention plus rapide du législateur. Le Déaut défend cette gestion au cas par cas, pour que le législateur soit plus proche de la science. Il est nécessaire de « concilier temps politique et temps scientifique » ajoute-t-il. En effet Mr le Déaut insiste sur la nécessité de garder du temps entre « la recherche et la loi ». On est face au risque de la prolifération des lois « kleenex » ou lois « biodégradables » : la science évolue très rapidement et fait constamment émerger de possibles atteints à la liberté de la personne. Le député est voué à légiférer. Mais face à des mutations constantes la loi de hier ne correspond plus aux attentes de demain. Pour lui la question que l’on doit se poser est : « doit-on forcément légiférer sur toutes les nouvelles avancées ? ».

Quand est-il de la question de la place de l’imagerie cérébrale dans le droit ?

Avec l’imagerie cérébrale on est au « balbutiement de techniques dont on dit qu’elles pourraient amener à de grandes modifications ». Le député identifie deux positions possibles du droit face à ces innovations : soit le législateur se saisit de la question dès sa naissance pour l’encadrer (et l’on risquerait de sombrer dans l’écueil des lois kleenex), soit on attend que la question surgisse dans le champ du droit à travers une jurisprudence. Dans ce cas, ce sera le juge qui se posera les questions concrètes de l’encadrement et de la fiabilité dans une situation précise. Pour Mr Le Déaut il vaut mieux que le juge décide dans un cas concret de l’effectivité de la technique. C’est seulement après que des questionnements soient apparus plusieurs fois que le législateur posera des règles en se basant sur une expérience acquise. Le député explique que c’est le déroulement le plus souvent choisi, comme le montre l’exemple des mères porteuses : la loi à été faite après un Arrêt du Conseil d’Etat en 1989 suite à plusieurs jugements sur ce sujet.

Alors pourquoi l’insertion d’un nouveau titre « neuroscience et bioéthique » ?

Le débat est prématuré selon le député, cependant son intervention devant l’assemblée semblait vivement enjoindre les députés à travailler sur les question de neurosciences : « Nous sommes devant un vide, il faut le combler ». Cette intervention a finalement trouvé écho dans le texte voté par le Sénat qui ajoute un titre « neuroscience et bioéthique » qui contient le projet de loi: « Art. 16-14. – Les techniques d’imagerie cérébrale ne peuvent être employées qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou dans le cadre d’expertises judiciaires ». Mr Le Déaut est satisfait de ce texte. Comme il le dit lui même, on aurait très bien pu ne pas faire de loi. Cependant la présence de ce titre laisse le champ libre à toute évolution future, avec des lois qui encadreront peut-être plus l’utilisation des neuroscience dans le droit. D’un autre coté, elle ne cherche pas à statuer sur des techniques encore nouvelles aux implications mal-connues. Cette position laisse au juge le choix, qui sera surement plus éclairé car plus proche des réalités auxquelles faire face, tout en impliquant que le législateur face son travail d’évaluation a posteriori, pour empêcher tel ou tel dérive ou entériner tel ou tel avancement.

Enfin Mr Le Déaut n’oublie pas d’ajouter qu’il faut faire la distinction entre la vraie science et la sciences fiction. Pour lui, la technique pose encore de nombreux problèmes et ne dois pas remplacer la psychologie. Une des grandes différence avec les tests génétiques par exemple est le critère de l’uniformité : un code génétique est identifiable, il correspond à une identité, la correspondance et toujours parfaite dans n’importe quel cas. Peut-on en dire autant pour l'imagerie cérébrale? l’association d’une image à un comportement ne peut pas être observable avec la même absence de variabilité d’un individu à l’autre. C’est cette absence d’uniformité qui reste une des principales critiques du député.

BILAN

Deux principaux arguments :

Les évolutions du droit, et donc du procès se feront par le bas :

L’évolution des techniques -> évolution des méthodes de recherches et de diagnostic -> évolution des conceptions -> évolution des expertises -> évolution dans la conduite de certain procès (jurisprudence) -> évolution du droit.

Il faut se donner du temps et de la flexibilité pour prendre la décision adéquate :

Les deux dernières réformes de loi ont pris deux ans, aujourd’hui on se tourne vers des relectures au cas par cas en fonctions des éventuels besoins. Il faut voir comment ces techniques prennent leur place avant de chercher à leur en donner une.