L'IMAGERIE CÉRÉBRALE DANS LES TRIBUNAUX, L'ALLIÉE D'UN MEILLEUR JUGEMENT ?

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FIABILITÉ

PEUT-ON LIRE DANS VOS PENSÉES ?

1.Perspective de l’évolution des techniques.

Beaucoup de personnes pensent encore que l’imagerie cérébrale produit une simple photo du cerveau ! Que nenni ! L’image obtenue résulte d’un lourd travail de modélisation qui dépend du protocole et de la méthode scientifique employée. Avec l’IRM, la tomographie par émission de positrons ou l’électro-encéphalographie nous sommes entrés dans « l’ère de la psychologie cognitive ». Chaque méthode offre son lot d’informations précieuses sur les particularités du cerveau mais en occulte d’autres. Ainsi, afin de bien saisir les enjeux de l’introduction de l’imagerie cérébrale dans les tribunaux quelques clarifications scientifiques s’imposent :

Que voit-on ? Que dépiste t-on réellement à l’aide de l’Imagerie cérébrale ? Quelles sont les différences fondamentales entre les techniques ?

Comme nous l’a expliqué le neurobiologiste Jean Baptiste Pochon *, « une technique ne prime pas sur l’autre. On choisit la méthode d’imagerie cérébrale la plus adaptée à ce que l’on veut voir ». Aujourd’hui les plus grandes avancées et potentialités d’évolution sont à étudier du côté de l’IRM. Première distinction: l’IRM structurelle est utilisée pour localiser et mesurer les différentes parties du cerveau alors que l’IRM fonctionnelle vise à voir celui-ci en action lors d’un processus mental précis.

En effet, l’IRMf, permet d’obtenir « une carte statistique de l’activité cérébrale »
à un moment donné pour un processus mental déterminé (lecture ou mémorisation par exemple). Aujourd’hui il est possible de découper le cerveau en milliers de voxels d’un millimètre cube de volume unitaire, si bien qu’« on peut désormais cartographier l’activité cérébrale au sein d’un volume de la taille d’une lentille »
(M. Pochon). Comment ? Il faut savoir que l’on observe le cerveau en action de manière indirecte. En effet la technique consiste à détecter l’augmentation du flux sanguin, assurant l’apport en oxygène nécessaire aux zones cérébrales stimulées, et non pas l’activité des neurones à proprement parler. Ce flux plus important se traduit par une chute de la concentration en désoxyhémoglobine possédant des propriétés paramagnétiques. Les capteurs enregistrent en fait la variation du champ magnétique provoquée par la raréfaction de cette protéine.

Comment obtenir une image?

Selon la méthode de « Statistical Parametric Mapping » on obtient une carte d’activation cérébrale. Ces images découlent d’une modélisation mathématique basée sur la comparaison des courbes d’activation avec un modèle canonique.
De plus, le processus expérimental implique l’utilisation d’un groupe témoin et donc de récolter un nombre important de données pour obtenir une image fiable.
Ce protocole est coûteux en temps et en argent. On comprend ici toute la difficulté pour introduire cette technique dans les tribunaux de manière fréquente.

Par ailleurs, l’IRM structurelle permet de repérer les défauts anatomiques de régions fondamentales du cerveau pouvant être la cause de certains troubles psychiques et modifications comportementales par l’établissement d’« une carte de la morphologie cérébrale. » Comment ? Cette fois-ci on étudie le signal émis par les nombreux atomes d’hydrogène contenus dans le corps. Placés dans un puissant champ magnétique, ces atomes s’orientent tous dans la même direction. Puis excités par une impulsion d’onde radio, ils restituent à l’arrêt du stimulus l’énergie accumulée en produisant un signal enregistré et traité comme précédemment sous forme d’image par un système informatique. Cette technique a par exemple permis de découvrir que la stimulation d’une zone précise du cerveau permettait de faire disparaitre les TOCs (troubles obsessionnels compulsifs) ou pourrait ouvrir la voie à un nouveau traitement de la dépression. Mais, « Le neurobiologiste doit constamment garder à l’esprit que l’architecture fonctionnelle de notre cerveau change continuellement », souligne M. Pochon *. Voici toute la complexité de l’introduction de cette technique dans les tribunaux.

Si la plasticité cérébrale implique qu’une image prise il y a un mois n’est plus exploitable comment peut-elle devenir une preuve recevable lors d’un procès ?

2.Les limites des techniques affectent la légitimité de leur utilisation dans
les tribunaux.

Comme le rappelle le professeur Hervé Chneiweiss *, « le cerveau contient environ 200 millions de cellules et près de cinquante mille connexions, et connaître avec précision le fonctionnement et la finalité de chacune de ces composantes est encore loin d’être réalisable ou envisageable. » De plus, d’après le neurobiologiste Jean-Gaël Barbara *, il n’y a pas de commune mesure entre diagnostiquer une maladie et comprendre les rouages ― bien trop complexe ― du comportement
d’un individu à un moment donné. Ces instruments ne permettent pas d’établir des liens de causalité infaillible. Les chercheurs y arriveront-ils un jour ? « Jamais on ne pourra affirmer catégoriquement l’abolition du libre arbitre chez quelqu’un sur la seule base des données fournies par l’imagerie cérébrale. » répond catégoriquement le chercheur M. Pochon *.

La précision et l’interprétation des images est un second point sensible. En effet, dans le cas de l’IRMf, le moindre mouvement du patient de l’ordre d’un millimètre, peut brouiller les résultats. Et pour cause, la création d’une image résulte de la combinaison d’un nombre considérable d’informations délivrées par des capteurs et nécessite un lourd travail de modélisation. Cette modélisation dépend des choix du scientifiques: un certain modèle mathématique, un certain seuil de sensibilité... l’élimination du bruit de fond pour l’obtention d’une image plus claire pose par exemple la question de la fiabilité du modèle sur lequel le chercheur va baser ces réflexions. Car « finalement on gagne autant d’informations qu’on en perd lors
de ce processus »
, rappelle M. Pochon. Au fond, les images obtenues résultent d’une « cuisine » technique ouvrant une multitude de voies d’interprétation. On comprend mieux les réticences exprimées par certains scientifiques à l’introduction de telles techniques dans le droit, chargée de trancher sur la culpabilité d’un homme.

Certains chercheurs, tels que le neurobiologiste Jean-Gaël Barbara remettent donc en cause l’utilité réelle de l’imagerie cérébrale dans les cours de justice, considérant que leur apport au travail d’expertise psychiatrique est limité. Par exemple aux Etats-Unis, il a été décidé sur la base des données fournies par l’imagerie cérébrale d’interdire la peine de mort aux moins de 20 car le cerveau n’est pas encore mature avant cet âge. Or, un tel constat relève du bon sens pour les experts et n’avait pas besoin du crédit fourni par l’imagerie cérébrale. De plus, Hervé Chneiweiss, conseillé scientifique de l’OPECST, nous met en garde contre la subjectivité de la notion de « vérité » juridique qui relève principalement de l’ordre de la conviction. Une conviction que l’imagerie cérébrale et son crédit scientifique pourrait facilement manipuler si son statut de preuve scientifique n’est pas soigneusement considéré.

Finalement, à mis chemin entre ces deux positions, le chercheur M. Pochon affirme: « Il faut utiliser tous les arguments scientifiques en faveur d’une thèse pour la bâtir. L’imagerie cérébrale n’est qu’un élément parmi d’autres pour arriver à une conclusion. Une étape de la démonstration ». Ce pré requis ne doit jamais être perdu de vue.

IMPLICATION

QUELS MYTHES ET FANTASMES SONT SUSCITÉS ?

1.Le fantasme de la « vérité scientifique absolue » incarné par l’imagerie cérébrale face à la nécessaire réforme de l’expertise psychiatrique.

Suite au fiasco du procès d’Outreau, la réforme de l’expertise psychiatrique
qui est à ce jour la seule à statuer au sujet de la responsabilité et de la personnalité de l’accusé ― apparait nécessaire. L’interprétation et la subjectivité de l’expert sont au cœur de ces doutes. Il est temps d’apporter un nouveau souffle, un nouveau crédit, un nouveau soutien à cette expertise très contestée. Dans cette logique, l’imagerie cérébrale pourrait répondre au besoin d’objectivisation de l’expertise psychologique et psychiatrique. L’opinion publique et le politique ont soif de vérité scientifiquement établie selon le phénomène appelé « CSI effect ». Mais cette tendance comporte elle aussi son lot de dérives. Le Professeur Didier SICARD *, président d’honneur du CCNE, estime que les neurosciences risquent de bouleverser totalement les juristes qui, n’aimant pas les incertitudes, pourraient être tentés de donner aux neurosciences force de vérité au lieu de les considérer comme une aide complémentaire pour statuer sur l’issue du procès. Face à la demande de la société nous courrons après le déterminisme cérébral afin de distinguer à coup sûr le siège des émotions de celui de la rationalisation ou encore de révéler les mécanismes du mensonge. Ainsi, l’imagerie cérébrale pourrait
trouver une place de choix dans les tribunaux afin de prouver scientifiquement
la responsabilité ou l’irresponsabilité du prévenu, car « n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement ou le contrôle des actes de l’accusé. » (article 122-1 du code pénal).

Pour Jean-Gaël Barbara *, cette tendance résulte d’une recherche incessante et déterministe des causes de la criminalité, fantasme qui remonte aux études anthropologiques de 1850. Pour le neurobiologiste, le crime est pourtant un phénomène probabiliste que l’on ne peut étudier et encore moins prévoir. Stanislas Dehaenne * abonde dans ce sens, « la science dit ce qui est, non pas ce qui devrait être. Il revient aux sociétés humaines de se constituer des systèmes de jugement moral. Cependant, ceux-ci gagneront en pertinence et en humanité à mesure qu’ils prendront mieux en compte le portrait nuancé de notre condition humaine que dépeignent les neurosciences. Croire que l'on pourrait être capable de prédire la survenue de comportements déviants rien qu'en observant le cerveau tient de l'aberration ».

Quant au juriste Christian Byk *, il perçoit le phénomène de « scientisation du procès » comme un risque qui favorise l’émergence de la catégorisation de l’individu propre aux logiques d’exclusion. Le scanner en plaçant « l’individu sous un microscope » laisse de côté le face à face subjectif de l’expertise psychiatrique et est susceptible de conduire à des logiques répressives, défensives et sécuritaires. L’imagerie cérébrale étant un outil qui permet à des experts de fournir une analyse
à un instant donné sur un individu donné, doit donc rester une aide pour cet expert afin de justifier une réalité ou une absence de pathologie ou de trouble comportemental. On ne peut saisir tout l’enjeu de notre controverse sans remarquer que les scanners et autres neuro-images prennent une autre dimension quand elles passent du champs de la recherche au cadre judiciaire ou politique. Aveuglé par les potentialités apparentes qu’elles semblent offrir, on peut être amené à oublier qu’elles proviennent d’une science en constante évolution. En outre il est essentiel de rappeler que ces techniques et recherches sont avant tout développées à des fins d’examens thérapeutiques.

2.La démocratie participative un outil pour lutter contre les idées reçues et appréhender les véritables espoirs auxquels peut répondre l’imagerie cérébrale.

Les peurs, les mythes, les fantasmes et les idées reçues sont le résultat d’une appropriation inachevée des idées nouvelles par l’opinion publique. Cette frontière entre la formation d’un savoir scientifique et son acceptation par le public se comble par un travail pédagogique et de vulgarisation au travers des  médias et des arènes de discussion politiques. Le rôle de l’imagerie cérébrale dans les tribunaux dépend donc à la fois de la manière dont l’opinion publique perçoit ces nouvelles techniques et les pressions que celle-ci peut exercer sur le débat parlementaire.

Le premier semestre 2009, Roselyne Bachelot (alors ministre de la santé et des sports) ouvre les états généraux de la bioéthique dont les débats ont abouti sur la rédaction d’un avis portant sur les principaux enjeux bioéthiques dans le cadre de la révision de la loi. De fait, l’impulsion du public sur le législateur joue un rôle central dans l’évolution de la législation. Or, toute prise de décision du législateur vis-à-vis des techniques d’imagerie cérébrale, changera définitivement leur rôle, leur champ d’application et la façon dont elles seront perçues par le plus grand nombre. Pour optimiser l’utilisation de ces nouvelles techniques en évitant les dérives, il faut garder la tête froide vis-à-vis des ambitions déterministes ou sécuritaires précédemment évoquées. Si on ne tombe pas dans ces ecueils neurosciences pourraient nous permettre d’approfondir nos connaissances sur les questions de santé mentale qui est un enjeu majeur pour l’évolution de la société. Selon le neurologue Stanislas Deheane, une réflexion neuro-éthique peut à juste titre conduire à l’émergence « de circonstances neuronales atténuantes » pour certaines personnes dont le cerveau a de graves dysfonctionnements, sans toutefois, et c’est là un point crucial, appeler à éliminer la conception de personne responsable. Mieux comprendre les processus neuronaux de l’accusé permet aussi de mieux le traiter. Finalement, la décision d’insérer dans les nouvelles lois bioéthiques un chapitre sur l’imagerie cérébrale illustre l’entrée définitive de ces questions dans le débat public.

Aujourd’hui, la question de la dangerosité de l’individu est un enjeu crucial. L’imagerie cérébrale est à même de faire naître beaucoup d’espoirs chez certains, qui voient dans ces nouvelles techniques un moyen de lutter contre la récidive, ou d’identifier plus facilement des individus dangereux. D’un autre coté, elle cristallise les craintes de beaucoup de citoyens face à une société proche de celle imaginée par George Orwell, où la distinction entre individus normaux et anormaux mènera inévitablement à de nombreuses injustices.

INTÉGRATION

QUEL BOULEVERSEMENT GUETTE LE PROCÈS DE DEMAIN ?

1.La différence du droit français par rapport aux autres pays.

Dans un monde globalisé où les connaissances et les débats circulent de plus en plus librement, le droit français se montre attentif à l’évolution du droit hors de nos frontières. La question sensible traitée dans notre controverse n’échappe pas à la règle, comme l’illustre l’organisation en 2008 par l’OPECST d’une audition parlementaire au sujet des neurosciences, après qu’une jeune indienne ait été condamnée pour l’empoisonnement de son fiancé à l’arsenic sur la base d’un EEG.

On observe que les Etats-Unis ont été plus audacieux que la France en ce qui concerne l’utilisation de l’imagerie cérébrale dans les tribunaux. Ces techniques ont déjà été acceptées à plusieurs reprises lors de procès outre-Atlantique sur la base de critères d’admissibilité de la preuve scientifique bien établis.

Le droit français peut-il s’inspirer de la longueur d’avance prise par son voisin?

Il faut savoir que les problèmes soulevés par l’utilisation de l’imagerie cérébrale à des fins juridiques ne sont pas parfaitement similaires dans les deux pays. Première nuance franco-américaine: le statut de l’expert. Aux Etats-Unis, l’expert joue le rôle de témoin convoqué par une partie pour défendre sa cause. En France, l’expert est « un auxiliaire de la justice » qui intervient à la demande du juge si celui-ci l’estime utile. Ainsi l’exhibition des preuves scientifiques lors du procès aux Etats-Unis est fréquente pouvant conduire à l’instrumentalisation d’images qui ont un fort pouvoir visuel et peuvent l’emporter bien souvent face à un long discours. En revanche,
les cours d’assises
françaises ont des procédures majoritairement orales ce qui explique que le problème du pouvoir persuasif des images ne se pose pas avec la même intensité qu’aux USA. Enfin, selon les fondements culturels et juridiques de chaque pays, l’utilisation de l’imagerie cérébrale et par conséquent la procédure destinée à l’encadrer diffèrent. En guise d’exemple : en France l’expertise psychiatrique répond d’abord à une volonté de compréhension du prévenu alors qu’en Belgique elle sert d’instrument de « défense sociale » visant avant tout à protéger la société des individus dangereux. Ainsi, ces nouvelles techniques ont un impact différent selon la tradition juridique dans laquelle elles s’inscrivent d’où l’importance de ne pas tomber dans les dérives du comparatisme excessif.
Ces variantes d’ordre culturel entre pays sont doublées d’une influence sociale non négligeable face aux avancées scientifiques qui se répercutent irrémédiablement sur les pratiques juridiques. L’équilibre judiciaire français est irrémédiablement voué à évoluer dans une société à l’affût de toujours plus d’objectivité.

La justice résulte d’un équilibre fragile issu de la volonté de satisfaire la société,
le condamné (dans l’optique de la juste peine) et la victime (réparation). C’est ce que le juriste Christian Byk * qualifie de « triptyque du procès ». Aujourd’hui,
la médiatisation croissante des procès donne à la justice un aspect
« sociologiquement plus important » (Christian Byk) et déstabilise l’équilibre de ce triptyque en favorisant la compassion des foules pour la victime. Dans un contexte politique où les dérives sécuritaires se font sentir, l’accusé est clairement dans une position défavorable. Ainsi, il est important d’intégrer l’imagerie cérébrale dans
le droit français en respectant ses principes fondateurs, son triptyque et en réfléchissant à la place qui est accordée à l’expertise dans les procès.

2.L’évolution de la place de l’expertise dans le droit français est l’une des dynamiques clés de l’entrée de l’imagerie cérébrale dans les tribunaux

La liberté de la preuve en droit pénal est établie par l’article 427 du code de procédure pénale : « hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction ». Ainsi, les preuves scientifiques sont parfaitement légitimes tant qu’elles respectent la dignité humaine, les droits de la défense et qu’elles sont utiles au juge dans son analyse des faits. Il ne faut pas non plus perdre de vue que la preuve scientifique n’a pas un statut supérieur aux autres preuves. Pour que l’imagerie cérébrale réponde à toutes ces conditions, un protocole précis doit être instauré. Pour le neurobiologiste Jean-Gaël Barbara *, la personne chargée de faire passer l’examen médical à l’individu impliqué dans le procès ne devrait pas connaître l’enjeu des résultats ni les interpréter. Cette tâche incombe à un médecin possédant la double casquette de neurobiologiste et d’expert psychiatre qui, pour être le plus complet et impartial possible, se doit de considérer l’individu dans l’intégralité de sa personnalité. Jean-Gaël Barbara s’empresse d’ajouter que l’IRMf ne peut en rien constituer l’élément décisif du procès. Sur ce point, il est rejoint par le neurobiologiste Jean Baptiste Pochon * qui déclare : « L’imagerie cérébrale permet d’étayer, d’appuyer, de clarifier une thèse mais en rien de la fonder. Il faut une convergence de plusieurs techniques différentes pour former un diagnostic. Jamais on ne pourra affirmer catégoriquement l’abolition du libre arbitre chez quelqu’un sur la seule base des données fournies par l’imagerie cérébrale. »

Pour Christian Byk *, « l’imagerie cérébrale se présente comme un auxiliaire de l’expertise psychiatrique et psychologique, apportant une vision complémentaire et plus globale des particularités de la personne considérée. Elles seront intégrées au dossier et consultable par le juge qui pourra se baser dessus pour ces conclusions. » Il faut veiller à ce qu’il en reste ainsi. L’imagerie cérébrale ne doit pas devenir l’ennemi du droit et l’arme des politiques sécuritaires en venant scientifiquement appuyer des mesures comme la rétention de sûreté (issue de la loi du 25 février 2008). À l’époque de la création de la loi, les psychiatres signent même une pétition signifiant leurs refus de participer à son application.

L’imagerie cérébrale a la réelle capacité de faire évoluer le domaine de l’expertise. Sans nécessairement stopper cette évolution il convient de l’encadrer pour éviter toute dérive. C’est tout l’enjeu de l’étude de notre controverse.

ENCADREMENT

COMMENT EMPÊCHER LES DÉRIVES ?

1.Une science nouvelle qui interpelle le politique.

Le champ d’application des techniques d’imagerie cérébrale et l’encadrement
de leur utilisation dépendent des tensions exercées par les enjeux sociaux et politiques. Pour comprendre ces tensions et pour légiférer, le député s’appuie sur les avis et comptes rendus d’organismes tels que l’OPECST, le CAS, le CCNE
ou l’ABM (agence de biomédecine). Le CAS, qui dépend du premier ministre,
a organisé une table ronde en décembre 2009 intitulée: « perspectives légales sur l’utilisation des sciences du cerveau dans le cadre des procédures judiciaires ».
La conclusion tirée de ce colloque est la suivante : « Le développement de l’usage judiciaire et sécuritaire de la connaissance neuroscientifique, pour être souhaitable, doit répondre à une triple exigence, de fiabilité, de reconnaissance de ses limites et enfin de légalité de son administration ». Quant au CCNE, dans son avis n° 96 intitulé « Questions éthiques posées par les nanosciences, les nanotechnologies et la santé », il appelle à être d’une « vigilance extrême sur les graves conséquences pour les libertés individuelles et le respect de la dignité humaine si les capacités d’identification et d’interconnexion se développent à l’insu des personnes ».

L’OPECST, inquiet vis-à-vis des dérives sécuritaires possibles soutient le perfectionnement de la technique d’imagerie cérébrale et de son accessibilité dans le domaine médical. Par ailleurs, dans le cadre de la révision récente (débuté en 2009) des lois de bioéthiques, les députés, Alain Claeys * et Jean-Sébastien Vialatte * ont convoqué un panel d'experts à l'Assemblée Nationale. L’objectif : saisir les enjeux éthiques liés aux nouvelles techniques d'exploration du cerveau et à l'exploitation des images obtenues.

Ces démarches rappellent que la modernisation du droit passe par la modernisation du politique, comme l’illustre le Président de la République lors de la rentrée solennelle de 2009, à la cour de cassation: « Je pense qu’il est possible d’aboutir
à un consensus sur une nouvelle procédure pénale, plus soucieuse des libertés, plus adaptée aux évolutions de la police technique et scientifique. À l’heure de l’ADN, la procédure pénale ne peut plus avoir pour socle le culte de l’aveu ».

2. Le circuit de la loi de bioéthique.

La révision des lois de bioéthique a conduit à la création d’un chapitre dédié aux neurosciences montrant l’attention nouvelle donnée à cette discipline scientifique par le législateur. Il est intéressant de porter son attention sur l’évolution du texte de loi au fil des lectures par l’Assemblée et le Sénat. Le texte initial soumis en première lecture à l’Assemblée le 26 janvier 2011 proposait deux courts articles très généraux (http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl10-304.html).

Art. 16-14. – Les techniques d’imagerie cérébrale ne peuvent être employées
qu’à des fins médicales ou scientifiques. Elles peuvent également être employées lors d’une procédure judiciaire pour évaluer un préjudice ainsi que pour établir l’existence d’un trouble psychique ou neuropsychique au sens de l’article 122-1
du code pénal.

« Art. 16-15 (nouveau). – Nul ne peut faire l’objet de discriminations sur
le fondement des techniques d’imagerie cérébrale. »

Après un passage par le Sénat, le texte de loi voté en deuxième lecture par l’Assemblée le 8 avril 2011 est le suivant :

« Art. 16-14. – Les techniques d’imagerie cérébrale ne peuvent être employées
qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou dans le cadre d’expertises judiciaires. Le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l’examen, après qu’elle a été dûment informée
de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l’examen.
Il est révocable sans forme et à tout moment.

« Art. 16-15. – (Supprimé) »

On observe qu’au fil des lectures par les deux chambres, l’esprit initial du texte
a été profondément modifié. Étonnement, l’article relatif à la non-discrimination
des individus sur la base des données fournies par l’imagerie cérébrale disparaît. Pourtant, les différents intervenants s’étant exprimé lors des auditions publiques parlementaires, avaient largement mis en avant ce sujet sensible à l’image de Christian Byk * qui affirme : « je suis opposé à l’utilisation des neuro-images comme outils des logiques sécuritaires extrêmes ouvrant la voie aux stigmatisations ».
De même, le détail des circonstances d’utilisation des neuro-images dans le champ du droit disparaît au profit d’une simple allusion. Le législateur a ouvert la porte à l’utilisation de ces techniques dans les tribunaux, rien de plus, sans même poser
de grands principes généraux. Pourquoi ?

Le député Jean-Yves Le Déaut *, reconnaît que la science en évoluant, fait constamment émerger de possibles atteintes à la liberté de la personne mais affirme qu’il n’est pas possible de légiférer sur chaque avancée scientifique au risque de tomber dans le piège de la prolifération des lois « kleenex ». Dans le cadre de notre controverse, il est préférable de se diriger vers une gestion au cas par cas au travers de la jurisprudence du juge afin de concilier temps politique et temps scientifique. Qui d’autre que le juge est le mieux placé pour décider de l’encadrement et de l’utilisation de la technique dans une situation concrète ?
Le député préconise donc un processus d’encadrement par le bas. C’est à dire, attendre que le juge se soit saisi plusieurs fois de la question avant que le législateur entérine définitivement des principes.

La réflexion est ouverte sur les critères d’admissibilité à retenir et les règles procédurales à mettre en place pour encadrer l’utilisation de l’imagerie cérébrale dans les tribunaux. Ce texte laisse une grande liberté au juge et ne demande qu’à être approfondi à posteriori. Finalement, l’insertion d’un titre « neuroscience et bioéthique » dans la nouvelle loi de bioéthique consiste juste en une reconnaissance de ces nouvelles possibilités, comme un oeil attentif posé sur des évolutions qui pourront mener à des pratiques différentes dans le procès de demain.

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Procès d'Outreau

Le procès d'Outreau a eu lieu
en 2004 puis en appel à Paris
en 2005. C'est une affaire d'abus sexuel sur mineur qui au final débouchera sur une erreur judiciaire.

lien Article Le Monde

outreau

Les sept personnes acquittées au procès
le 27 septembre 2004.

Expertise psychiatrique

Recours à l'avis d'un technicien, l'expert psychiatrique, pour éclairer une situation particulière. C'est un avis technique pour connaître l'état des facultés mentales d'un sujet et sa responsabilité

Imagerie cérébrale

L'imagerie par résonance magnétique est une technique scientifique d'imagerie médicale avec laquelle on peut obtenir des images de nombreux organes comme le cerveau, la colonne vertébrale. L'IRM permet de déceler certaines lésions non visibles sur des radiographies standard et améliore ainsi l'analyse médiale.

lien Imagerie Médicale

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imagerie cerebrale

CSI effect

Influence sur les individus
de séries télévisées telles que
CSI (Crime Scene Investigation)
en donnant au public une représentation exagérée d'une scène de crime qui pourrait être expliquée par des preuves médico-légales.

lien CBS News

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csi effect

Didier SICARD

Président d'honneur du CCNE (Comité Consultatif National d'Éthique), fut président du CCNE entre 1999 et 2008. Il est également professeur de médecine à l'université Paris Descartes.

« La rapidité avec laquelle
les neurosciences conquièrent notre société est déconcertante. L'expertise apportée par les neurosciences est interprétée comme une vérité. »

didier sicard

Neurosciences

Désignent l'étude scientifique du système nerveux tant du point de vue de sa structure que de son fonctionnement, depuis l'échelle moléculaire jusqu'au niveau des organes. C’est un domaine complexe car il se situe de plus en plus à la croisées de domaines très différents: biologie, médecine, psychologie, informatique,etc. Ce qui explique
la diversité de disciplines et d’approches englobées par les neurosciences. Dans les médias,
les neurosciences sont souvent présentées sous l'angle des neurosciences cognitives utilisant l'imagerie cérébrale. Ce domaine
de recherche à pour objet l’étude
des mécanismes neurobiologiques
qui sous-tendent la cognition.

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lien dossier magazine
La Recherche
imagerie cérébrale

csi effect

Jean-Gaël BARBARA

Neurobiologiste, historien des sciences il est chercheur au laboratoire de neurobiologie des processus adaptatifs à l'Université Pierre et Marie Curie, et chercheur associé au laboratoire d'histoire et philosophie des sciences à l'Université Paris Diderot.

Sa vision du débat: « L’IRMf ne sera jamais un élément décisif du procès. Je pense qu’il est impossible que ces progrès soient un jour suffisants pour établir des causalités comportementales »

Son avis sur le protocole d'utilisation: « La personne qui mène l’examen ne devrait pas connaître les enjeux du résultat. Pour interpréter les données, l’alliance du neurobiologiste et du psychiatre est indispensable »

didier sicard

lien interview accordée aux membres
du groupe de controverse le 10 mars 2011.

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Stanislas DEHAENE

Directeur de l’unité INSERM CEA de neuroimagerie cognitive au sein du NeuroSpin. Professeur au Collège de France, Membre de l’Académie des Sciences, il est intervenu lors de l’audition parlementaire organisée en mars 2008 en parlant de l’apport que les neurosciences peuvent apporter à la justice et la nécessité d’un cadre juridique adapté.

« Seules les idées, émotions ou actions assez grossières peuvent être visualisées. Il faut donc
en finir avec ces rumeurs qui suggèrent qu'un jour,
il serait possible de créer des portiques capables
de lire les pensées des gens. »

Christian BYK

Juge à la cour d’appel de Paris, secrétaire général de IALES (Association Internationale Droit, Éthique et Science), rédacteur en chef du journal international de la Bioéthique et membre de la commission Française pour l'unesco.

« Avec l’imagerie cérébrale nous nous trouvons
à un moment charnière d’évolution du domaine
de l’expertise. En France, dans l’optique de
la juste peine, cette technique peut devenir un auxiliaire de l’expertise psychiatrique mais les pressions politiques risquent d’en faire un outil d’exclusion.»

lien interview accordée aux membres
du groupe de controverse le 4 mars 2011

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ENTRETIEN AVEC CHRISTIAN BYK

Pourquoi l'avons nous interrogé ?

- intervention constructive lors de la table ronde organisée par le Centre d’Analyse Stratégique
en 2009.
- sujet de thèse: « Éthique et droit face au progrès des Sciences Biomédicales »
- connaissances en droit pénal issu de la bioéthique / réflexion de droit comparé sur l’utilisation des neurosciences aux Etats-Unis

Contexte

Vendredi 4 mars, 11h45 => 13h dans le bureau de son appartement à Montmartre.

Tout d’abord, selon Monsieur Byk, le débat actuel autour des neurosciences est à regarder à travers le prisme du contexte sociologique et politique. Par exemple aujourd’hui, la question de la dangerosité des prévenus est fortement médiatisée et est devenue un sujet de « préoccupation citoyenne ». A l’heure actuelle on demande de plus en plus d’efficacité à pointer la dangerosité des individus et ces nouvelles techniques peuvent dans un tel contexte être vues comme une réponse à ce besoin de mise à nue de l’esprit humain. Le débat sur la prévention de la récidive
en est un exemple probant selon le juge.

En effet, Monsieur Byk rappelle que l’expertise psychiatrique, à ce jour la seule à statuer au sujet de la responsabilité et de la personnalité de l’accusé, est, comme le montre le scandale d’Outreau, fortement remise en cause. Dans cette logique, l’imagerie cérébrale pourrait répondre au besoin d’objectivisation de l’expertise psychologique et psychiatrique.

Voici deux moteurs puissants qui animent la dynamique d’entrée des neurosciences dans le champ du droit selon le magistrat => une réponse à la pression socio-politique dans un contexte où la question sécuritaire est prégnante et une avancée interne de certains modes d’expertise.

Ensuite, le juge a montré que le droit de la preuve scientifique avait déjà connu de nombreux basculement sous l’effet de l’évolution de la perception sociologique. En effet, en citant les travaux de l’historienne de la justice, Arlette le Bigre, il rappelle qu’au Moyen Âge la torture était perçue comme l’unique moyen objectif de déterminer la culpabilité de l’accusé jusqu’à ce que cette méthode soit décridibilisée à partir de la Renaissance. Pour lui, ce type de basculement de la preuve scientifique a lieu tous les siècles et avec l’imagerie cérébrale nous nous trouvons à
ce moment charnière d’évolution du domaine de l’expertise.

À ce titre, il soutient un point de vue original: celui de ne pas encombrer le débat avec la question de la faillibilité de la technique scientifique. Selon lui ce n’est que l’affaire de quelques années comme par exemple l’ont prouvé les tests ADN dans les années 90s. Il a fallu à peine 6 ans par l’avènement de la loi de 1993 sur les tests génétique, pour faire disparaitre le droit civil de la filiation, un système qui datait du code civil.

En guise de parallèle, M. Byk réutilise la citation du Président de la République lors de la rentrée solennelle des voeux 2009 à la cour de cassation, qu’il avait prononcé lors de la table ronde du CAS « Je pense qu’il est possible d’aboutir à un consensus sur une nouvelle procédure pénale, plus soucieuse des libertés, plus adaptée aux évolutions de la police technique et scientifique.
À l’heure de l’ADN, la procédure pénale ne peut plus avoir pour socle le culte de l’aveu »
. Cette citation nous rappelle que la modernisation du droit s’inscrit aussi dans une modernisation politique.

Dorian demande: « comme les neuro-sciences ont déjà été utilisées dans les tribunaux américains, savez-vous dans quel cadre l’expert est convoqué et intervient? ». Le magistrat répond qu’il faut être conscient de la différence de procédure entre le droit français et le droit américain. Aux Etat-Unis « l’expert est un témoin » qui fait l’objet d’un examen croisé dans le cadre d’une exposition contradictoire des arguments des parties. En France l’expert est « un auxiliaire de la justice » selon la procédure inquisitoire. En France le juge d’instruction a la liberté de mobiliser un expert pour éclairer son enquête.

Pour approfondir, M.Byk souligne un autre aspect important des expertises. Dans l’optique de la
« juste peine » l’expertise psychiatrique sert à statuer sur la responsabilité de l’accusé et l’examen psychologique à se renseigner sur sa personnalité. Nous sommes dans une logique d’individualisation de la personne et de compréhension de ses agissements. Au contraire, en Belgique cette expertise psychologique résulte du concept de « défense sociale » pour rendre compte efficacement de la dangerosité des individus. Nous en concluons que les fondements philosophiques de chaque culture juridique sont à prendre en compte dans l’établissement des systèmes d’utilisation de l’expertise.

La question qu’il faut se poser est la suivante: En France, sommes nous à un moment d’évolution culturelle et philosophique de la procédure pénale prêt à modifier les modes d’expertise?

Elodie demande si les différences procédurales entre France et Etats-Unis orientent le pouvoir persuasif des images. Notre interlocuteur prend l’exemple des cours d’assise pour rappeler qu’en France on reste attaché à une procédure majoritairement orale. Contrairement aux tribunaux américains où les pièces exhibées peuvent exercer leur pouvoir visuel, le juge français est le seul à détenir les images lors du discours des experts. Ceux-ci ne se présentent alors qu’avec leurs notes et exposent leurs conclusions oralement. Cette différence procédurale majeure nous permet de replacer dans son contexte le vif débat soulevé par le sociologue américain Joseph Dumit. En France, la question de l’instrumentalisation du pouvoir visuel des images cérébrales ne se pose pas avec la même intensité qu’aux Etats-Unis.

C’est pourquoi, Dorian l’interroge sur les changements que l’imagerie cérébrale pourrait introduire concrètement dans le domaine juridique. Selon M.Byk, tout dépend de la volonté des politiques publiques. Si on ne change pas de logique procédurale, l’imagerie cérébrale se présentera comme un auxiliaire de l’expertise psychiatrique et psychologique, apportant une vision complémentaire et plus globale des particularités de la personne considérée. Elles seront intégrées au dossier et consultable par le juge qui pourras se baser dessus pour ces conclusions. Mais il est peu probable qu’elle soit montrée aux jurés. Cependant, si l’on substitut cette logique de « personnalisation » par une « logique de prévention », l’imagerie cérébrale pourrait dépasser son rôle d’auxiliaire. Leur utilisation relève donc directement des choix de politique sécuritaire.
Le juge cite le rapport INSERM sur la violence des jeunes enfants et les nombreux projets de mesure de détection dès le plus jeune âge pour montrer que la question se pose de répondre à un objectif de prévention des risques au sein de la société.

Ainsi, notre interlocuteur aborde les « différentes dimensions d’un procès » pour montrer en quoi l’équilibre judiciaire peut être perturbé. Le triptique qui désigne la volonté de satisfaire à la fois la société, le condamné et la victime à l’issue du procès est un équilibre fragile. Aujourd’hui, l’acte judiciaire doit être appréhendé sous trois angles différents: la théâtralité nouvelle qui est donnée au procès en raison de l’écho de médias, conférant à la justice un aspect « sociologiquement plus important ». Le « phénomène compassionnel » de plus en plus grand vis à vis de la victime qui déstabilise fortement le triptique en défaveur de l’accusé. Et en dernier lieu, l’intensification des soucis de répression et la voie ouverte sur de possibles dérives sécuritaires. La dimension catharsique toujours présente dans la théâtralité du procès peu se voir ainsi rehaussée. Voici, comment l’influence de l’opinion publique, des médias et des orientations politiques peuvent modifier l’ordre judiciaire et donner un nouveau souffle à notre controverse.

Mais comment la science peut-elle venir servir les logiques répressives d’exclusion? Avec les avancées scientifiques, l’homme devient progressivement « objet d’étude », celui que l’on place sous le microscope. La science donne du recul. L’objet d’étude a une certaine passivité. Avec l’imagerie cérébrale c’est l’image que va donner la machine qui nous intéresse et on sort du « face à face subjectif » de la psychiatrie. L’exclusion de cette subjectivité est perçue comme un risque par M.Byk car elle favorise l’émergence de la catégorisation de l’individu propre aux logiques d’exclusion. Toute perte d’individualisation est susceptible de conduire à des logiques répressives et défensives.

Si les neuro-images sont des compléments à une connaissance imparfaite psychiatrique de l’individu, inscrite dans la finalité du procès nous pouvons trouver un équilibre entre individualisation et compréhension objective de l’individu.

Ce que le juge souhaite nous faire comprendre que cette avancée scientifique intervient à un moment où les enjeux sociétaux et politiques exercent une tension qui va orienter l’application des techniques et leur utilisation. L’avenir de la place des neuro-images dépend donc de la conjoncture et forces qui s’exercent. Une société peut faire tout les choix, ce qui explique l’évolution constante du droit et les disparités entre les pays.

Lorsque nous l’interrogeons sur sa position dans le débat, M.Byk affirme qu’il est contre l’emploi de ces images comme outils de logiques sécuritaires extrêmes. Bien évidemment il est conscient des réformes nécessaires de la justice notamment au sujet de la récidive. De plus, la Science et
« sa tentative de généralisation constante » ne peut que modifier nos systèmes.

Ainsi, il est opposé au discours utopique qui pourrait entourer l’introduction des neuro-images dans le champ du droit. Pour M.Byk, Il est stérile de penser que les techniques d’imagerie cérébrale suffiront à envisager et à régler tous les problèmes posés par la société. Il faut au contraire négliger l’apport de la réflexion qui conduira toujours à faire
la meilleure utilisation possible d’une techniques, si parfaite soit elle. Mettre en évidence
les aprioris permet de restituer les problèmes dans les enjeux sociétaux, or le droit à pour fonction de mettre en exergue les non-dits.

Pour conclure, notre interlocuteur ajoute que dans une société de plus en plus complexe il appartient au droit d’exprimer les enjeux choisis par la société. Cependant Le juge est légaliste,
il appliquera automatiquement les lois votées par le législateur, qui sont frappées de la légitimité de la volonté générale. C’est pourquoi les débats qui ont lieu en ce moment au sujet de la révision des lois de bioéthique et les débats qui ont étés proposés à la population française à travers les états généraux de la bioéthique ont une importance capitale. Toute prise de décision concernant les imageries cérébrales changera définitivement leur rôle, en le dépréciant ou en le magnifiant. Le dialogue entre droit et médecine permet de mettre en lumière la vérité au travers de discours différents.

Démocratie participative

Ensemble des procédures
qui permettent d'augmenter l'implication des citoyens dans
la vie politique et d'accroitre leur rôle dans les prises de décisions.

Opinion publique

Représentation de la manière
de penser d'une société dans son ensemble.

Lois de bioéthique

Les lois de bioéthique de 1994, révisées tous les 5ans, permettent d’adapter la législation à l’évolution de la science du droit et de la société. La dernière révision (qui était censée avoir lieu en 2009 mais
qui ne sera effective qu’en 2011)
a mobilisé un large panel d’organismes, d’institutions, d’experts et de simples citoyens dans le but d’atteindre le plus large consensus possible sur des sujets complexes. Le rapport du parlementaire et membre de l’OPECST Jean Leonetti a servi de bases aux nouvelles lois. les thèmes abordés sont: l’assistance médicale à la procréation, les mères porteuses, le don d’organes, les recherches sur les cellules souches et dans une moindre mesure l’utilisation des neurosciences.

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lien Sénat historique de la rédaction du texte de loi

Etats généraux de la Bioéthique

En préalable à la révision des lois de bioéthique, le président de la République a souhaité la tenue d’Etats généraux de la bioéthique (EGB) prenant la forme d’une consultation nationale des citoyens. Ces Etats généraux ont été pilotés par un comité constitué de Jean Léonetti député, président du comité de pilotage des EGB et rapporteur de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la Révision des lois de bioéthique (RLB), Sadek Beloucif (président du Conseil d’Orientation de l’Agence de Biomédecine, ABM), Alain Claeys (député (PS), président de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la RLB et membre de l’OPECST), Claudine Esper (professeur de droit médical, membre du CO de l’ABM), Marie-Thérèse Hermange (sénatrice et membre du CCNE), Suzanne Rameix (professeur de philosophie et responsable du département d’éthique médicale de l’université Paris XII).

Les EGB se sont déployés notamment à travers :
― trois "Forums citoyens régionaux" (le 9 juin 2009 à Marseille sur
la recherche sur l'embryon, le diagnostic prénatal (DPN) et le diagnostic préimplantatoire (DPI) /
le 11 juin 2009 à Rennes sur l'assistance médicale à la procréation (AMP) / le 16 juin 2009 à Strasbourg sur les prélèvements et greffes d'organes, de tissus, de cellules, la médecine prédictive et l'examen des caractéristiques génétiques) = débat tripartite entre des "grands témoins" ― choisis par le comité de pilotage parmi les 700 noms proposés par l’ABM ― des jurés tirés au hasard et formés au préalable et un public autorisé à intervenir ;
- un colloque national clôturant ces débats en une synthèse réalisée par les jurés eux-mêmes, le 23 juin 2009, à la Maison de la Chimie à Paris ;
- un site Internet (www.etatsgenerauxdelabioethique.fr), géré par l’ABM, pour informer et collecter les contributions des citoyens qui souhaitent participer au débat national
- des "rencontres régionales" organisées notamment à l’initiative des espaces éthiques régionaux.

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lien texte inaugural

OPECST

L’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques est une structure indépendante composée d’un bureau parlementaires et d’un conseil scientifique. Crée en 1983, il a une mission d’information auprès du Parlement sur les conséquences
des choix à caractère scientifiques
et technologiques. À cette fin l’office mène des programmes d’études et procède à des évaluations comme l’illustre son travail effectué dans le cadre la révision de la loi bioéthique
de 2004. Ce travail d’information a permis l’introduction d’un titre relatif aux neurosciences dans le nouveau texte de loi voté le 8 Avril 2011 en dernier lieu par le Sénat, marquant une étape importante dans l’évolution de notre controverse.

lien Sénat présentation OPECST

Trois acteurs centraux de la controverse:

JEAN YVES LE-DÉAUT

JEAN YVES LE-DÉAUT : Député de Meurthe-et-Moselle (groupe socialiste), Vice-président de l’OPECST depuis juillet 2002, Biologiste.

« Doit on forcément légiférer sur toutes les nouvelles avancées ? ». Selon lui, il faut voir comment ces techniques prennent leurs place avant de chercher a leur en donner une pour ne pas tomber dans le piège des «loi biodégradables». Il préconise de laisser du temps entre « la recherche scientifique et la loi ». C’est dans cette optique qu’à été pensé le titre de loi relatif aux neurosciences.

lien interview accordée aux membres
du groupe de controverse le 16 avril 2011

ALAIN CLAEYS

ALAIN CLAEYS : Député de la Vienne (groupe socialiste), membre de l’OPESCT

« La demande sécuritaire de plus en plus forte incite les gouvernements à rechercher des indicateurs biologiques de dangerosité de l’individu, ce qui pourrait conduire à des dérives inquiétantes » (propos introductifs de l’audition parlementaire de mars 2008).

JEAN SÉBASTIEN VIALATTE

JEAN SÉBASTIEN VIALATTE : Député du Var (UMP), Biologiste, membre de l’OPECST.

« Il est donc important que le Parlement soit régulièrement informé des avancées scientifiques pour évaluer, le plus en amont possible, leur impact juridique et éthique sur la société. Il est essentiel que soit confiée à l’Agence de la Biomédecine une mission de veille éthique sur les neurosciences et leurs applications » (Discussion générale projet de loi bioéthique, 2e séance, 8 février 2011).

JEAN SÉBASTIEN VIALATTE

HERVÉ CHNEIWEISS Neurobiologiste et neurologue, il est directeur de recherche au CNRS. Il dirige le laboratoire INSERM de plasticité gliale de l’Université Paris Descartes. Il est aussi Membre d’ERMES, comité d’éthique de l’INSERM, et tient une chronique bioéthique dans la revue Sciences Médecine. Il intervient en tant que membre du conseil scientifique de l’OPECST. C’est avec cette double compétence qu’il a publié le livre « Neuroscience et Neuroéthique : des cerveaux libres et heureux » en 2006. Il fut aussi conseillé de bioéthique au ministère de la recherche. Il est intervenu à la table ronde parlementaire du Conseil D’Analyse Stratégique (CAS) en décembre 2009.

« Est que la vérité a le même sens pour un juge et pour un neuroscientifique ? La vérité juridique est une notion subjective, révisable, elle apparait lorsque le jury est convaincu. Au contraire, pour un scientifique la vérité neurale n'existe pas, par définition, ce n’est pas une histoire de conviction mais de perception, et en aucun cas de vérité.»

lien interview accordée aux membres du groupe de controverse

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EEG

L'électro-encéphalographie (EEG) est la mesure de l'activité électrique du cerveau au cours du temps et en particulier du cortex cérébral par des électrodes placées sur le cuir chevelu souvent représentée sous la forme d'un tracé appelé électro-encéphalogramme. Le signal électrique à la base de l'EEG est la résultante de la sommation des potentiels d'action post-synaptiques synchrones issus d'un grand nombre de neurones, ce qui correspond à l'activité neurophysiologique du cerveau. Les modifications du tracé correspondent donc à une modification de l’activité neuronale. L’étude des encéphalogrammes peut donc révéler l’activité ou non de telle ou telle zone et en la présence de fonctionnement anormaux.

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csi effect

Expert psychiatre

L'expertise psychologique est un examen ordonné par un magistrat afin d'obtenir des éclaircissements dans un domaine particulier qui ne relève pas de sa compétence, celui de la psychologie. Suivant les règles de la procédure pénale, le magistrat désigne pour cela un professionnel confirmé, l'expert qui devient un véritable acteur judiciaire car il produira un rapport répondant strictement aux questions du magistrat. La logique d’évaluation de l’expert psychiatre n’est pas de se prononcer sur la vérité des faits mais d’entendre la vérité du sujet par rapport à ces faits. Il s’agit de percer le mystère du passage à l’acte et de rendre compte de la souffrance psychologique de la victime.

Types d’expertise:
L'expertise psychiatrique de responsabilité, a pour but de déterminer si, au moment des faits, le sujet présentait ou non une pathologie mentale et si en conséquence le tribunal ou la cour d'assises peut prononcer une peine.
L'expertise de dangerosité est destinée à éclairer le juge sur la peine ou la mesure la meilleure pour éviter la commission d'actes dangereux par le sujet.

IRMf

Technique d’IRM permettant
de cartographier les activités fonctionnelles du cerveau, en visualisant l’évolution en temps réelle de l’activité cérébrale.
Le principe consiste à mesurer l'oxygénation (rapport oxyhémoglobine/désoxy-
hémoglobine), qui augmente localement dans les aires activées suite à un apport accru en sang frais.

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Jean Baptiste POCHON

Neurobiologiste, chercheur en neurologie cognitive. Pour lui, il est impossible d’établir un lien de causalité sur la seule base de l’imagerie cérébrale.

« On peut faire dire à ces images ce que l’on veut. C’est une cuisine pour obtenir de telles images. Il y a plusieurs recettes qui fonctionnent pour arriver à des résultats sensiblement différents. »

lien interview accordée aux membres
du groupe de controverse le 24 février 2011

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ENTRETIEN AVEC JEAN BAPTISTE POCHON

Neurobiologiste, chercheur en neurologie cognitive

Contexte de l’entrevue

- Rendez-vous le jeudi 24 février 2011.
- Durée: 1h15
- Grille de questions :

- clarifications scientifiques : que voit-on ? que dépiste t’on réellement à l’aide de l’Imagerie cérébrale ? Quelles sont les différences fondamentales entre les différentes techniques ?

- Comment l’Imagerie cérébrale permet-elles d’appréhender une nouvelle conception de la responsabilité pénale ?

- Quelle évolution historique des recherches en psychologie cognitive ?

Parcours professionnel

- Master de neurobiologie à l’UPMC
- Doctorat en neuro-imagerie cognitive. Thèse sur le cortex pré-frontal et les aspects de mémoire. Travail de recherche mené avec Stanislas Deheane, Denis Le Bihan (directeur de Neurospin). Université de Southern California au Brain and Creativity Institute de Antonio Damasio.

Cette interview est la première que nous ayons donnée dans le cadre de la controverse. Elle a donc été l’occasion de faire le point sur l’avancée des techniques, leur utilité et leur application concrète afin de mieux saisir les enjeux de leur introduction dans les tribunaux.

Entretien

1.La technique d’imagerie cérébrale: Comment fabrique t’on une image? Que lit-on? Que dépiste t’on? Avantages et limites des techniques employées ?

IRM fonctionnelle

Cette technique permet de répondre à la question: comment le cerveau réagit-il lors d’un processus mental très précis (lecture, mémorisation). Elle nous permet d’obtenir « une carte statistique de l’activité cérébrale » pendant une période donnée lors d’un processus mental déterminé.

Méthode : Le cerveau est découpé en centaines de milliers de voxels d’un millimètre cube de volume (extrême précision). Il faut garder à l’esprit que cette technique permet de visualiser l’activité cérébrale de manière indirecte. En effet, une augmentation de consommation d’oxygène par les neurones en activité est compensée par une augmentation du flux sanguin. Cela entraine une diminution de la concentration de désoxyhémoglobine qui a des propriétés paramagnétiques particulières. C’est cette variation de champ magnétique qui est enregistrée. Les réponses suite à un stimuli cérébral sont enregistrées pour chaque voxel et peuvent être représentées par une courbe (variation d’intensité du signal au cours du temps). « Il s’agit d’un signal extrêmement bruité ».

Comment obtient-on l’image? On tente d’associer le modèle mathématique le plus fidèle à chaque signal. Selon la méthode de «Statistical Parametric Mapping» on effectue une régression statistique afin de mesurer en pourcentage quel est le degré de ressemblance entre le signal voxel et le modèle mathématique choisi. Cette comparaison permet de créer une carte d’activation cérébrale où sont mises en évidence les zones du cerveau dont le signal est le plus proche du modèle choisi (les plus actives pour un stimuli donné).

Avantages et inconvénients de cette technique : l’IRMf a une très grande résolution spatiale. «il est désormais possible de cartographier l’activité cérébrale au sein d’un volume de la taille d’un lentille». Il y a de nombreuses contraintes. Les signaux obtenus sont extrêmement bruités. En effet, le moindre mouvement de l’ordre du millimètre de la part du témoin suffit à brouiller le signal. « Le sujet doit impérativement respecter les règles du jeu et ne pas bouger pour que les résultats soient exploitables ». Cela demande une totale confiance dans le témoin.

Ces images découlent d’une modélisation mathématique. Or, un modèle n’est jamais parfait. «Le jeu sur les seuils de précision détermine directement les potentialités d’exploitation de l’image». Entre un choix de résolution de 90% ou de 70% la superficie de la zone cérébrale mise en évidence est totalement différente, l’aspect de l’image et sa signification sont modifiées.

Attention :
- « Si une région n’est pas activée sur l’IRMf, cela ne signifie en aucun cas qu’elle n’intervient pas dans la processus cognitif ». En effet, le modèle peut laisser de côté des variables. « Finalement on gagne autant d’informations qu’on en perd», c’est ce qui fait tout le paradoxe de cette technique.
- «On peut faire dire à ces images ce que l’on veut. C’est une cuisine pour obtenir de telles images. Il y a plusieurs recettes qui fonctionnent pour arriver à des résultats sensiblement différents. »
- « Une étude individuelle ne vaut rien, elle est bruitée et peu robuste. L’imagerie fonctionnelle d’un seul cerveau n’est pas exploitable ». Le processus expérimental implique l’utilisation d’un groupe témoin fiable et donc de récolter beaucoup de données. Ce protocole est coûteux en temps et en argent. On comprend ici toute la difficulté pour introduire cette technique dans les tribunaux de manière fréquente.

Le Resting State

Cette technique sert à déterminer l’infrastructure fonctionnelle du cerveau par la mise en évidence de la covariance des régions du cerveau. Elle permet d’isoler les réseaux cognitifs invariants principaux chez l’individu considéré. C’est l’étude de ces réseaux invariants qui permet par la suite la comparaison de l’activité cérébrale d’un sujet avec un modèle canonique et de découvrir d’éventuelles anomalies (lésions) dans les domaines sensoriel, mécanique, émotionnel, cognitif.

Méthode : Le sujet peut bouger et n’a pas de règles strictes à suivre. Le travail effectué par la suite étant une comparaison minutieuse de l’image obtenue avec un modèle type. On tente de mettre en évidence les invariances cérébrales; Il faut savoir qu’en matière de connaissance des réseaux sensoriel et mécanique les études sur les animaux ont permis de grandes avancée (en particulier le cerveau du chimpanzé).

Les applications pratiques de cette méthode dans le domaine de la recherche : Etude des zones cérébrales lésées dans le cas de certains troubles mentaux. Découverte du fait que l’activation d’une zone précise du cerveau permettait de faire disparaitre les tocs. De même, la dépression se traduirait par la disparition de l’activité cérébrale dans une zone précise et pourrait être traitée grâce à la stimulation de celle-ci. En effet, le Prozac agit comme un activateur de cette zone. Bientôt, les stimulations du cerveaux seront utilisées pour traiter toutes les pathologies psychiatriques connues.

l’Imagerie par Résonance Magnétique

Principe : analyse architecturale/anatomique du cerveau.

Utilité : Certains défauts anatomiques de régions fondamentales peuvent être la cause de troubles psychiques et de modifications comportementales. «Cependant, l’extrême plasticité de notre cerveau empêche d’établir un lien de causalité évident entre lésion cérébrale et trouble mental». Un aveugle par exemple voit sa zone cérébrale réservée à la vision devenir la zone régissant ses fonctions sensorielles. La plasticité est d’autant plus remarquable lors de la construction cérébrale pendant l’enfance. On assiste continuellement à une compétition entre les différentes fonctions cérébrales pour s’établir dans une région donnée. «L e neurobiologiste doit constamment garder à l’esprit que l’architecture fonctionnelle de notre cerveau change continuellement ».

Fiabilité : L’image est robuste et a du sens pour un individu isolé mais il y a une problème de causalité entre l’architecture fonctionnelle du cerveau et le comportement associé en raison de la plasticité cérébrale.

2.Comment l’Imagerie cérébrale permet-elles d’appréhender une nouvelle conception de la responsabilité pénale ?

Après ce rapide état des lieux, le neurobiologiste déclare « Il est impossible d’établir un lien de causalité sur la seule base de l’imagerie cérébrale. On a toujours une marge de manoeuvre pour affirmer l’inverse de la thèse soutenue ».

Cependant, ce propos doit être nuancé. Au yeux de Jean Baptiste Pochon les avancées en Neuropsychologie cognitive sont marquantes et ont permis de mettre en évidence le lien entre le comportement et l’activité ou la structure cérébrale. Par exemple, Antonio Damasio a mis en évidence la « sociopathie acquise ». Au XIXe siècle, le mineur Phineas Gage perd la moitié du cortex pré-frontal dans un accident du travail. Il réussit à retrouver l’ensemble de ses fonctions cérébrales mais son comportement est modifié. La lésion de cette partie du cerveau pourrait entraîner un défaut d’inhibition comportementale comme le prouve la cas de ce patient célèbre.

Le cas de l’inhibition comportementale est très intéressant lorsque l’on s’intéresse à l’atténuation de la responsabilité pénale. Le neurobiologiste met ici en évidence un point clef de notre controverse. En effet, l’inhibition correspond au rejet et au non respect des codes sociaux établis. C’est un constat. «Elle résulte en revanche d’une modification des processus émotionnels et cognitifs.» Elle a plusieurs sources. On peut isoler « inhibition involontaire » et « inhibition volontaire ». Une personne malade mentalement et une personne sous l’emprise de drogue ou alcool peuvent se retrouver dans un même stade d’inhibition à une période donnée. Dans un cas, la mise en lumière du trouble psychiatrique serait un facteur d’atténuation de responsabilité, dans l’autre, l’alcool est un facteur aggravant. D’un côté, une personne qui n’a pas choisi de se mettre dans un état d’inhibition (facteur endogène), de l’autre un personne ayant provoqué sa propre modification comportementale (facteur exogène). Ainsi, JB Pochon souhaite recentrer le débat sur la question suivante: « Mais jusqu’où va le libre arbitre? Jamais on ne pourra affirmer catégoriquement l’abolition du libre arbitre chez quelqu’un sur la seule base des données fournies par l’imagerie cérébrale. »

« L’imagerie cérébrale permet d’étayer, d’appuyer, de clarifier un thèse mais en rien de la fonder. » Il faut une convergence de plusieurs techniques différentes pour former un diagnostic. Dans le cas de la sociopathie. Les données IRM affirmant la lésion du cortex pré-frontal peuvent être confirmées par les «réponses électrodermales » (étude de paramètres physiologiques tels que la transpiration, le rythme cardiaque et respiratoire, variant en situation de stress).

« Il faut utiliser tous les arguments scientifiques en faveur d’une thèse pour la bâtir. L’Iimagerie Cérébrale n’est qu’un élément parmi d’autres pour arriver à une conclusion. Une étape de la démonstration ».

Rétention de sûreté

Issue de la loi du 25 février 2008, cette mesure vise à maintenir enfermés les prisonniers en fin de peine qui présentent un risque très élevé de récidive, lorsqu'ils ont été condamnés pour les crimes les plus graves, en particulier sexuels. Elle a lieu suite à une évaluation effectuée à la fin de leurs peine et seulement si la Cour d'assises a prévu cette hypothèse au moment de la condamnation.

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lien Sénat historique de la loi

CAS

Le Centre d’Analyse Stratégique,
créé en 2006 est une institution française d’expertise appartenant aux services du premier ministre.
La mission de cette équipe permanente d’experts et de conseillers scientifiques est d’éclairer le gouvernement sur les questions environnementales, sociales, scientifiques et culturelles. Dans cette optique, le CAS a effectué un travail d’information approfondi sur les implications éthiques des neurosciences et plus particulièrement dans le champ du droit. Ces travaux d’information ont été accompagnés d’un séminaire sur l’utilisation des neurosciences dans les tribunaux en décembre 2009. Ce travail approfondi d’expertise illustre le poids donné à notre controverse par les instances dirigeantes françaises.

lien siteweb CAS

Deux acteurs centraux de la controverse :

olivier oullier

OLIVIER OULLIER : Enseignant chercheur en neurosciences au laboratoire de psychologie cognitive , responsable du Programme
« Neurosciences et politiques
publiques » au Centre d’Analyse Stratégique.

« Aujourd’hui, quiconque affirmerait pouvoir, grâce aux seules neurosciences, proposer des règles certaines du comportement humain, dans le meilleur des cas se trompe, dans le pire c’est un charlatan » (interrogé lors de l’audition publique parlementaire du 26 mars 2008 sur les neurosciences).

sarah sauneron

SARAH SAUNERON: Chargée
de mission au Département des questions sociales du Centre d’analyse stratégique. Son apport dans l’évolution de la controverse: Son travail de recherche a été un moteur important dans le travail législatif et la forme du titre de loi introduit dans la nouvelle loi bioéthique de 2011.

« Une loi-cadre révisable permettrait de répondre à de nombreuses interrogations éthiques qui sont en réalité déjà suscitées par diverses disciplines de la biologie et que les neurosciences viennent raviver » (audition parlementaire individuelle en 2009).

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CCNE

Le Comité Consultatif National d'Éthique porte son attention sur des problèmes moraux soulevés par le progrès de la connaissance. Son objectif est d'éclairer les progrès de la science, soulever des enjeux de société nouveaux et poser un regard éthique sur ces évolutions.

Un acteur central de la controverse :

didier sicard

DIDIER SICARD : Président d'honneur du CCNE, fut président du CCNE entre 1999 et 2008. Il est également professeur de médecine à l'université Paris Descartes.

« La rapidité avec laquelle les neurosciences conquièrent notre société est déconcertante. L'expertise apportée
par les neurosciences est interprétée comme une vérité. »

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lien siteweb CCNE

Agence de Biomédecine

Etablissement public créé dans le cadre des révisions des lois de bioéthique en 2004, l'Agence de Biomédecine (ABM) est chargée de réguler le prélèvement et le greffe, l'embryologie, la procréation et la génétique humaine. Concernant l'imagerie cérébrale, l'ABM souhaite avoir une plus grande mission de veille éthique, limiter l'utilisation des techniques d'imagerie cérébrale à des fins médicales pour préserver la dignité humaine et enfin interdire les discriminations fondées sur les caractéristiques cérébrales résultant de la neuroimagerie.

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lien siteweb Agence de Biomédecine

Alain CLAEYS

Député de la Vienne (groupe socialiste), membre de l’OPESCT

« La demande sécuritaire de plus en plus forte incite les gouvernements à rechercher des indicateurs biologiques de dangerosité de l’individu, ce qui pourrait conduire à des dérives inquiétantes » (propos introductifs de l’audition parlementaire de mars 2008).

Jean Sébastien VIALATTE:

Député du Var (UMP), Biologiste, membre de l’OPECST.

« Il est donc important que le Parlement soit régulièrement informé des avancées scientifiques pour évaluer, le plus en amont possible, leur impact juridique et éthique sur la société. Il est essentiel que soit confiée à l’Agence de la Biomédecine une mission de veille éthique sur les neurosciences et leurs applications » (Discussion générale projet de loi bioéthique, 2e séance,
8 février 2011).

Cour de cassation

La Cour de cassation est la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français. Siégeant dans l’enceinte du Palais de Justice de Paris, la Cour de cassation a pour mission de réviser, à la demande des parties, les décisions émanant des tribunaux et cours d’appels, au pénal comme au civil. La Cour ne tranche que des questions de droit ou d’application du droit, elle ne juge pas les faits. Elle assure ainsi par sa jurisprudence une application harmonieuse des lois. Depuis 1991, la Cour, à la demande des juridictions, leur donne son avis sur des questions de droit nouvelles et complexes se posant dans de nombreux litiges. Cette dernière mention est très importante pour saisir l’importance du rôle de la cour de dans notre controverse par l’encadrement des dérives potentielles relatives aux neurosciences.

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lien siteweb cour de cassation

Jean Yves LE-DÉAUT

Député de Meurthe-et-Moselle (groupe socialiste), Vice-président
de l’OPECST depuis juillet 2002, Biologiste.

« Doit on forcément légiférer sur toutes les nouvelles avancées ? ». Selon lui, il faut voir comment ces techniques prennent leurs place avant de chercher a leur en donner une pour ne pas tomber dans le piège des «loi biodégradables ». Il préconise de laisser du temps entre « la recherche scientifique et la loi ». C’est dans cette optique qu’à été pensé le titre de loi relatif aux neurosciences.

lien interview accordée aux membres
du groupe de controverse le 16 avril 2011

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ENTRETIEN AVEC JEAN YVES LE DÉAUT

Député socialiste de Meurthe-et-Moselle
Biologiste et vice-président de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) depuis juillet 2002

- Pourquoi avons nous organisé cet entretien?

En tant que vice président de l’OPEST, Jean-Yves le Déaut est un interlocuteur de choix pour représenter le point de vu du législateur chargé de réfléchir sur les questions de bioéthique, de plus il a pris par au débat concernant la révision des lois de bioéthiques et il est courant du dossier concernant l’encadrement de l’utilisation de l’imagerie cérébrale.

Contexte

Mr le Déaut nous a reçus dans son bureau de l’assemblée nationale le 16 Avril 2011 peu de temps après la lecture du texte de la loi bioéthique par le Sénat.

ENTRETIEN

A quelle occasion ont lieu les révisons actuelle des lois de bioéthiques ?

Le député nous explique que les législateurs avaient prévu de réviser les lois bioéthiques tous les 5 ans à partir de la loi de 1994. Or, la durée de délibération des deux relectures qui ont été effectuées en 1999 et 2007 ont duré minimum 2 ans car ces questions nécessitent généralement un long temps de réflexion. Or, dans la loi de 2010, le volet de révision tous les 5 ans a été supprimé. En effet, d’un coté le caractère systématique n’avait pas lieu d’être et d’un autre les évolutions peuvent nécessiter une intervention plus rapide du législateur. Le Déaut défend cette gestion au cas par cas, pour que le législateur soit plus proche de la science. Il est nécessaire de « concilier temps politique et temps scientifique » ajoute-t-il. En effet Mr le Déaut insiste sur la nécessité de garder du temps entre « la recherche et la loi ». On est face au risque de la prolifération des lois « kleenex » ou lois « biodégradables » : la science évolue très rapidement et fait constamment émerger de possibles atteints à la liberté de la personne. Le député est voué à légiférer. Mais face à des mutations constantes la loi de hier ne correspond plus aux attentes de demain. Pour lui la question que l’on doit se poser est : « doit-on forcément légiférer sur toutes les nouvelles avancées ? ».

Quand est-il de la question de la place de l’imagerie cérébrale dans le droit ?

Avec l’imagerie cérébrale on est au « balbutiement de techniques dont on dit qu’elles pourraient amener à de grandes modifications ». Le député identifie deux positions possibles du droit face à ces innovations : soit le législateur se saisit de la question dès sa naissance pour l’encadrer (et l’on risquerait de sombrer dans l’écueil des lois kleenex), soit on attend que la question surgisse dans le champ du droit à travers une jurisprudence. Dans ce cas, ce sera le juge qui se posera les questions concrètes de l’encadrement et de la fiabilité dans une situation précise. Pour Mr Le Déaut il vaut mieux que le juge décide dans un cas concret de l’effectivité de la technique. C’est seulement après que des questionnements soient apparus plusieurs fois que le législateur posera des règles en se basant sur une expérience acquise. Le député explique que c’est le déroulement le plus souvent choisi, comme le montre l’exemple des mères porteuses : la loi à été faite après un Arrêt du Conseil d’Etat en 1989 suite à plusieurs jugements sur ce sujet.

Alors pourquoi l’insertion d’un nouveau titre « neuroscience et bioéthique » ?

Le débat est prématuré selon le député, cependant son intervention devant l’assemblée semblait vivement enjoindre les députés à travailler sur les question de neurosciences : « Nous sommes devant un vide, il faut le combler ». Cette intervention a finalement trouvé écho dans le texte voté par le Sénat qui ajoute un titre « neuroscience et bioéthique » qui contient le projet de loi: « Art. 16-14. – Les techniques d’imagerie cérébrale ne peuvent être employées qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou dans le cadre d’expertises judiciaires ». Mr Le Déaut est satisfait de ce texte. Comme il le dit lui même, on aurait très bien pu ne pas faire de loi. Cependant la présence de ce titre laisse le champ libre à toute évolution future, avec des lois qui encadreront peut-être plus l’utilisation des neuroscience dans le droit. D’un autre coté, elle ne cherche pas à statuer sur des techniques encore nouvelles aux implications mal-connues. Cette position laisse au juge le choix, qui sera surement plus éclairé car plus proche des réalités auxquelles faire face, tout en impliquant que le législateur face son travail d’évaluation a posteriori, pour empêcher tel ou tel dérive ou entériner tel ou tel avancement.

Enfin Mr Le Déaut n’oublie pas d’ajouter qu’il faut faire la distinction entre la vraie science et la sciences fiction. Pour lui, la technique pose encore de nombreux problèmes et ne dois pas remplacer la psychologie. Une des grandes différence avec les tests génétiques par exemple est le critère de l’uniformité : un code génétique est identifiable, il correspond à une identité, la correspondance et toujours parfaite dans n’importe quel cas. Peut-on en dire autant pour l'imagerie cérébrale? l’association d’une image à un comportement ne peut pas être observable avec la même absence de variabilité d’un individu à l’autre. C’est cette absence d’uniformité qui reste une des principales critiques du député.

BILAN

Deux principaux arguments :

Les évolutions du droit, et donc du procès se feront par le bas :

L’évolution des techniques -> évolution des méthodes de recherches et de diagnostic -> évolution des conceptions -> évolution des expertises -> évolution dans la conduite de certain procès (jurisprudence) -> évolution du droit.

Il faut se donner du temps et de la flexibilité pour prendre la décision adéquate :

Les deux dernières réformes de loi ont pris deux ans, aujourd’hui on se tourne vers des relectures au cas par cas en fonctions des éventuels besoins. Il faut voir comment ces techniques prennent leur place avant de chercher à leur en donner une.

TEP

La Tomographie par Emission de Positron (des particules microscopiques émises par une substance radioactive administrée au patient) permet de visualiser les activités du métabolisme des cellules: on parle d'imagerie fonctionnelle. Elle permet de mesurer en trois dimensions l'activité métabolique d'un organe grâce aux émissions produites par les positons issus de la désintégration d'un produit radioactif injecté au préalable. Ce traceur est marqué par un atome radioactif (carbone, fluor, azote, oxygène...) qui émet des positons dont la désintégration totale produit elle-même deux photons. La détection de la trajectoire de ces photons par le collimateur de la caméra TEP permet de localiser le lieu de leur émission et donc la concentration du traceur dans l'organe. Cette information quantitative est représentée sous la forme d'une image faisant apparaître en couleurs les zones de forte concentration du traceur.

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pet

Vue axiale (par dessus) du cerveau

lien vidéo la tomographie par émission de positons

Psychologie cognitive

La psychologie cognitive étudie
les grandes fonctions psychologiques
de l'être humain que sont la mémoire, le langage, l'intelligence,
le raisonnement, la résolution de problèmes, la perception ou l'attention. Plus généralement la cognition se définit comme l'ensemble des activités mentales et des processus qui se rapportent à la connaissance et à la fonction qui la réalise. La psychologie cognitive part du principe que l'on peut inférer des représentations, des structures et des processus mentaux à partir de l'étude du comportement. Contrairement au béhaviorisme,
elle défend que la psychologie est bien l'étude du mental et non du comportement. À la différence des autres courants mentalistes, elle ne pense pas que l'introspection soit une voie d'accès particulièrement fiable pour explorer le mental.

IRM structurelle

L’Imagerie par Résonance Magnétique structurelle est une technique d'imagerie par résonance magnétique nucléaire non invasive basée sur le phénomène de résonance magnétique nucléaire qui fournit des images tridimensionnelles des tissus biologique grâce aux atomes d’hydrogène qui sont excités par des ondes et émettent un signal enregistré par des capteurs.

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irm

Image IRM d'une tête humaine

lien vidéo IRM structurelle

Voxel

Le « pixel volumétrique » est un élément élémentaire de volume dans un espace à trois dimensions.

Désoxyhémoglobine

Type d’hémoglobine qui ne fixe pas l’oxygène

Statistical parametric mapping methode

La cartographie statistique paramétrique est une méthode d’analyse statistique. Le cerveau est découpé en plusieurs milliers de voxels dont le signal est enregistrée indépendemment. L’information recueillie pour chaque voxel est ensuite assimilée à un modèle mathématique. Il s’agit de réaliser une régression statistique pour mesurer en pourcentage quel est le degré de ressemblance entre le signal émis et le modèle choisi. Cette comparaison permet de créer une carte d’activation cérébrale où sont mises en évidence avec un code visuel les zones du cerveau dont le signal est le plus proche du modèle choisi

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Hervé CHNEIWEISS

Neurobiologiste et neurologue, il est directeur de recherche au CNRS. Il dirige le laboratoire INSERM de plasticité gliale de l’Université Paris Descartes. Il est aussi Membre d’ERMES, comité d’éthique de l’INSERM, et tient une chronique bioéthique dans la revue Sciences Médecine. Il intervient en tant que membre du conseil scientifique de l’OPECST. C’est avec cette double compétence qu’il a publié le livre « Neuroscience et Neuroéthique : des cerveaux libres et heureux » en 2006. Il fut aussi conseillé de bioéthique au ministère de la recherche. Il est intervenu à la table ronde parlementaire du Conseil D’Analyse Stratégique (CAS) en décembre 2009.

« Est que la vérité a le même sens pour un juge et pour un neuroscientifique ? La vérité juridique est une notion subjective, révisable, elle apparait lorsque le jury est convaincu. Au contraire, pour un scientifique la vérité neurale n'existe pas, par définition, ce n’est pas une histoire de conviction mais de perception, et en aucun cas de vérité.»

lien interview accordée aux membres du groupe de controverse

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ENTRETIEN AVEC HERVÉ CHNEIWEISS

Neurobiologiste et neurologue à l’INSERM
Directeur du laboratoire de plasticité giliale de l’Université Paris Descartes
Membre d’ERMES (comité d’éthique de l’INSERM)
rédacteur de la chronique bioéthique de la revue Sciences-Medecine
membre du conseil scientifique de l’OPECST

- Notre problématique est : l'imagerie cérébrale, l'allié d'un meilleur jugement ?

A l’annonce de notre problématique, Hervé Chneiweiss déclare que pour répondre à notre problématique il faut se poser les bonnes questions, savoir baliser et poser des points de repères. Comme les questions sont ouvertes, notre site devra être ouvert aussi. Une de nos difficultés : poser tous les problèmes en même temps.

- Hervé Chneiweiss régit à la question de la fiabilité des techniques IRM

En effet la technique de l'IRM est centrale dans le domaine des sciences cognitives, son domaine de recherche. Pour lui, la question de la fiabilité est avant tout une question de sociologie, il faut se poser trois questions : « a t-on les bonnes mesures ? A t-on les bons outils ? A t-on les bonnes questions ? »

La question de la fiabilité pâlît face à la complexité du cerveau. Le neurobiologiste rappelle à cet effet que notre cerveau contient environ 200 millions de cellules, 50 mille connexions. Nous sommes donc loin d’en connaître encore parfaitement tout le fonctionnement. Ainsi notre cerveau ne peut pas être comparé à un ordinateur. Alors que dans le cas du génome, on pourrait comparer l’enchainement des nucléotides à code numérique. On peut d’ailleurs parler dans le domaine des tests génétiques d’une fiabilité pratiquement certaine.

L'IRM pose une limite technique à la compréhension de la pensée. Son utilisation est limitée à l’observation d’une activité cérébrale (à l’origine d’une émotion ou d’une action motrice) qui permet de dire ce que l'individu est en train de faire à un moment donné. Mais elle ne permet pas d’expliquer pourquoi une personne ressent une forte émotivité ? Est-ce qu’il ment ? Est-ce qu’il est stressé ? La technique ne peut répondre. Aujourd'hui et encore pour très longtemps, le détecteur de mensonge ou l'IRM ne nous serviront qu'à afficher une émotivité et rien de plus. On ne peut établir un protocole pour savoir si le patient est coupable ou non. Que faire dans le cas d’un psychopathe, qui ne ressent justement pas d’émotion ?

Pour Hervé Chneiweiss, bien qu’il existe de nombreuses croyances sur la capacité de ces méthodes à produire des conclusions significatives, de nombreuses études montre que ce n’est pas le cas. « Certains ne croient qu'aux études qui les arrangent. »

- L’IRM a-t-il ça place dans les tribunaux ?

D’après le chercheur, la technique est très critiquable dans l'enceinte des tribunaux mais pourquoi pas au cas par cas. Toutefois il faut faire attention à la fascination de la technique, du chiffre.Au delà de l’aspect technique la question de la fiabilité oblige à ouvrir des portes. Est que la vérité a le même sens pour un juge et pour un neuroscientifique ? La vérité juridique est une notion subjective, révisable, elle apparait lorsque le jury est convaincu. Au contraire, pour un scientifique la vérité neurale n'existe pas, par définition, ce n’est pas une histoire de conviction mais de perception, et en aucun cas de vérité.Selon Hervé Chneiweiss, l'expert avec l'appui d'un IRM pourrait influencer trop fortement un jury avec des conclusions subjectives, différentes d’une vérité scientifiques absolue, qui est impossible. En effet: « Quel sens donner à l'IRM quand on sait que pour décoder une image le cerveau active au moins 50 aires différentes (mémoire, graphisme, couleur) ! Et cela pour quelque chose d'aussi simple qu'une image », ajoute-t-il. Que penser d’un souvenir, d’une pensé, d’une émotion ? Même la précision de l'IRM d’1mm cube contenant plusieurs 10 e de millions de cellules ne pourra résoudre ce problème de la complexité du cerveau

De plus, un autre problème se pose. Si la réaction du cerveau lors de la reconnaissance d’une image simple est assez similaire entre les individus, cela n’est pas le cas de la culpabilité, qui évolue selon les situations ! Quelle définition de la culpabilité ? Peut on seulement en trouver une ?

- Chneiweiss souligne l’inadéquation entre droit et science

On accepte dans nos sociétés le fait qu'un groupe humain par un dialogue mais aussi par la recherche d’un consensus social puisse prendre une décision qui serait perçue comme une vérité juridique. De plus le jugement à lieu a postériori, on essaie de reconstituer le fil en remontant les évènements. Alors que la science et l'IRM ne le permet pas !

Hervé Chneiweiss en profite pour pointer une dimension sous jacente de notre controverse: l’enjeu de la prédictibilité. En effet compte tenu de l’activité cérébrale qu'on observe peut-on dire qu’une personne est déterminée à agir d’une certaine façon ?

Pour le neurobiologiste cela est impossible. Mais il replace ce débat dans le cas de l’homosexualité. L’homosexualité a été vue dans de nombreux pays d’occident comme un crime jusque la seconde guerre mondiale. Et cela l’est toujours dans de nombreux pays. Il existe aujourd'hui des associations gays américaines adepte du déterminisme qui veulent démontrer l’absence de fatalisme génétique de l'homosexualité. Les études précédentes n'ayant pas permis de déterminer un « gène de l'homosexualité », ces associations se sont tournées vers les neurosciences cognitives et financent depuis peu des études basées sur les résultats d'IRM. On constitue des Groupe témoins de personnes homosexuelles et hétérosexuelles et on observe leurs réactions cérébrales face à des images, des parfums, des vêtements. D’âpres les publications cela aurait permis de montrer que les cerveaux des homosexuels (à la satisfaction des associations) avaient des réactions particulières pour des actions données. Mais les études sont évidement biaisées. Sont ils homosexuels du fait de ces réactions particulières ou ont-ils ces réaction particulières parce qu’ils sont homosexuel ?

- C’est ainsi, que notre interlocuteur en vient à souligner l’importance de l'inconscient dans la neuroscience.

Les expériences de Libet (http://www.youtube.com/watch?v=IQ4nwTTmcgs) montrent que L'essentiel de l’activité est inconsciente (différent de l’inconscient freudien) et rationnelle. Dans ce cas, est-ce que le sujet est conscient ou non juridiquement ? Quel rapport avec la responsabilité juridique ? Avec la responsabilité ? Comment dire si le sujet a fait preuve de discernement ou non ? Si on rajoute a cela le fait qu’il peut être soumis a des drogues de toutes sortes, on voit que l’exercice est très difficile, voire impossible…

- Le cerveau, un organe fantastique…

On a fait beaucoup de progrès dans la compréhension de l'activité du cerveau : Comment cet organe anticipe, en fonction des émotions… Chneiweiss décrit le cerveau comme un organe qui travaille en permanence et qui « imagine le monde » en le transformant en en un théâtre. Finalement les productions du cerveau sont une projection de l'image du monde, on le rend humain, la pensée est une l’anthropomorphisation. Il donne pour illustrer son propos l’exemple d’une expérience effectuée sur un groupe d’individus.

On a réalisé un IRM sur des sujets qui regardaient un film d’animation des années 40, avec des formes simples qui se déplace sur un écran : un triangle, un rond, un carré. En général, les individus expliquent par la suite qu’ils on vu de méchants carrés pousser le gentil triangle, etc. ... On passe notre temps à imaginer que le monde est humain, c’est un Fantasme inscrit en nous. Le fonctionnement du cerveau est donc tous sauf un réflexe. Son action est une complexification et non une simplification.

Un autre exemple de l’extraordinaire fonctionnement de notre cerveau et la découverte récent du neurone miroir : la seule perception d’un autre individu en train d’effectuer une action crée en nous une hallucination, comme si nous étions en train de la faire aussi.

Reste que le monde juridique et scientifique sont deux champs distincts que l’on doit discerner. On peut poser des questions : mais les questions reflètent aussi les aprioris d’un champ ou d’un autre. La réponse doit être apportée par l’Ethique car Il n'existe pas d'activité humaine hors d'un contexte social. Il est donc important de se reposer les questions fondamentales concernant ces techniques: sens, conceptualisation, outils, objectifs qu'on leur attribue. Ce n’est pas aux neurosciences de trancher.

- Peut-on se servir de l'IRM pour compléter l’analyse psychiatrique ?

Pour le neurobiologiste, l’analyse psychiatrique n’a rien de scientifique mais ce rapproche plutôt d’une technique médicale qui permet de montrer si la réaction d'un individu est dans la moyenne ou plus impulsive, c’est à dire si elle est perturbée. Le compte rendu des entretiens prend la forme d’une longue analyse de plusieurs pages sur les caractéristiques des individus. Elle est donc toujours difficile a utiliser lors d’un jugement. Le tribunal en tire finalement un avis tranché : si l’accusé est malade on le traitera comme un malade, et l’avis du psychiatre jouera donc à décharge dans le procès.

Notre interlocuteur souligne encore une fois que la situation est très différente concernant l'IRM : dans l'état actuel des choses, cette technique n'est pas fiable. On peut évidemment statuer en ce qui concerne des maladies précises comme la Sclérose en Plaque, mais aucune conclusion n’est possible pour des voleurs ou des criminels. Certains expriment l’idée selon laquelle avec des questions précises on pourrait reproduire l’activité cérébrale au moment du crime, mais pour Hervé Chneiweiss cela est un priori total. Il n’y a pas de commune mesure entre Diagnostiquer une maladie et un comportement d un individu à un moment donné.

- Question concernant le fait que l'IRM violerait ce qui nous est de plus personnel

Hervé Chneiweiss n’a pas peur de le dire : Le corps ne nous appartient pas: « Regardez l’exemple des dons d’organes anonymes et gratuit. » Mais ici on pose la question du Rapport avec la conscience, et de la liberté de conscience.

Si on pouvait lire dans les pensées, et que l’on confrontait cela au droit de l’homme qu’est ce que cela apporterai à l’individu, à la société ?Seule la décision politique permet de trancher le débat. En 1960 on connait les dangers de l'amiante. Les chercheurs connaissent les cancers possibles. Mais on négocie le risque avec de l’argent, en mettant en place une Prime de risque négocié par les ouvriers. « Vous voyez, la science ne permet pas de prendre des décisions, elle se contente de dire cela parait plus raisonnable que... Les décisions dépendent des contextes économiques et politiques. »

ENTRETIEN AVEC JEAN GAEL BARBARA

Chercheur au laboratoire de neurobiologie des processus adaptatifs à l'Université Pierre et Marie Curie, Chercheur associé au laboratoire d'histoire et philosophie des sciences à l'Université Paris Diderot.

- Pourquoi avons nous organisé cet entretien?

À la fois neurobiologiste et historien des sciences, Jean Gaël Barbara était susceptible de nous offrir un point de vue original sur la question qui nous anime. Spécialisé dans l’histoire des sciences du cerveau, il se présente comme un acteur clef pour replacer la controverse dans un contexte historique plus large sortant des simples débats d’actualité. Une nouvelle dimension pour notre controverse? Il a récemment organisé une exposition intitulé «Crime et folie» (http://jeangael.barbara.free.fr/UE%20Les%20Sciences%20du%20Crime/Introduction.pdf) sur l’évolution des représentations sociales, juridiques et philosophique des aliénés des criminels au cours de l’histoire.

Contexte

Rendez vous sur le campus de Jussieu le 10 mars.

Entretien

Notre interlocuteur ouvre la discussion en soulignant que notre controverse est bien d’actualité: «le lien entre neurosciences et justice est un sujet pour lequel l’engouement a explosé ces cinq dernières années (colloque et exposition crime et folie, un ou deux colloques internationaux par an sur le sujet).» De nombreuses questions se posent dans les centres nationaux d’éthiques, des conférences avec experts sont menées (Jean-Didier Vincent et Stanislas Dehaene). Dès le début de l’interview il affirme que le monde scientifique est contre l’utilisation dans les tribunaux de l’IRMf. Selon ce neurobiologiste ces techniques ne sont pas encore fiables. En effet il y a énormément de résultats négatifs qui peuvent induire des réactions chez les jurés, sans vrai fondement.

- Pensez-vous que cela puisse tout de même servir de complément à l’analyse psychiatrique ?

« Il est très peu probable que ce soit utilisé dans les tribunaux. Même comme complément de preuves psychiatres. » NB : Il a d’abord donné cette réponse sans appel puis plus loin dans l’interview s’est ravisé.

- Il n’y a vraiment aucune utilité possible ?

« Si, l’IRM anatomique, peut par exemple être utile pour prouver l’existence d’une tumeur cérébrale. Il arrive que des scientifiques doivent passer dans les prisons pour détecter des indices anatomiques (c’est un espoir de sortir de prison si une malformation est révélée). Il a été observé que certains délits (agressions sexuelles notamment) ont effectivement pu se produire suite à des tumeurs. Mais ici, la démarche de l’utilisation de l’IRM s’inscrit alors dans la même optique que les questions de prévention contre le cancer. »

- Qu’espère-t-on pouvoir faire avec l’IRMf ?

« L’IRM fonctionnelle permettrait dans l’idéal de mettre en évidence des fonctionnements neuropathologiques. C’est à dire révéler des réseaux de neurones particuliers pour l’autisme ou d’autres maladies neurologiques. On commence effectivement à avoir quelques résultats. Cependant, même si l’on observe des particularités souvent retrouvées chez les schizophrènes dans les connexions neuronales d’un sujet, on ne peut pas déduire qu’il est effectivement atteint de ce trouble. On a trouvé des corrélations entre les connexions neuronales et certains comportements ou maladie mais on ne peut pas faire de raisonnement déductif. »

- On ne pourrait pas exploiter ces corrélations dans le cas de sujets s’étant déjà montré violents, pour éviter de les relâcher ?

Le débat sur la récidive est celui qui touche le plus les gens émotionnellement. Pour offrir plus de sécurité à la société, les scientifiques ont toujours du proposer des méthodes contre la récidive. Il vaut pourtant mieux utiliser de bons moyens de prévention plutôt que de condamner en se basant sur des calculs probabilistes.

Ce débat remonte au XIXème siècle. Déjà à cette époque on cherchait à connaitre l’état mental des personnes incarcérés. Mais ce débat est biaisé car irrémédiablement dans les prisons la santé mentale des gens incarcérés n’est pas bonne. Il est en effet possible que l’incarcération aggrave leur santé mentale, leurs troubles psychiques (si on enferme un rat trois mois dans une cage, beaucoup d’aspects morphologiques vont changer…).On refuse presque de voir la réalité des prisons car la majorité de la population carcérale aurait besoin d’un suivi plus approprié.

On peut par exemple prendre le cas du tueur en série Fourniret qui a été étudié par des experts psychiatres. Le Docteur Zagury l’a vu deux fois en entretien et a essayé de comprendre pourquoi il a commis de tels crimes. Mais il s’est trouvé confronté au problème de la complexité de l’interprétation psychiatrique et psychanalytique. A quel point le fonctionnement psychique est-il détérioré ? Il est certain que si l’on cherche bien (avec l’IRMf) on va trouver des choses, mais le problème est de mettre en évidence «ce qui cause quoi». Les instruments tels que l’IRMf ne fournissent pas la causalité des phénomènes.

Cette recherche désespérée de la causalité fait penser à l’étude anthropologique des criminels de 1850. La phrénologie cherchait à prédire grâce à l’étude du crâne des individus, leur tendance au crime. Le piège Lombrosien est une dérive possible. La cause du mal est depuis toujours une question centrale. Depuis des siècles à rechercher des indices physiologiques pour l’expliquer, on se rend compte qu’il n’y a rien de déterminant dans l’anatomie et la physiologie des gens. Le crime est peu probable, c’est un phénomène aléatoire. Etudier le déterminisme d’un phénomène à la probabilité très faible n’a pas de sens.

- Qu’en est-il si l’on se sert de l’IRMf à décharge et non plus pour détecter les criminels potentiels ou leur capacité de récidive ?

« Il est normal de chercher des circonstances atténuantes. Pour cela on peut chercher des données anatomiques (tumeurs) ou associer l’IRMf à l’analyse psychiatrique. Faire de l’IRMf un élément de l’analyse psychiatrique n’est pas nécessairement une mauvaise idée. Mais l’IRMf ne sera jamais un élément décisif. Il faut garder en tête que les neuroscientifiques doutent de son utilité. Si elle n’est pas avérée, l’utilisation de ces images pourrait même avoir des effets négatifs tels que l’instrumentalisation. Des dérives sont possibles même si il est normal de faire une IRM dans le cas d’un comportement brutal afin de détecter les tumeurs éventuelles. »

- Vous ne croyez pas qu’un jour on pourra établir ces fameux liens de causalité ?

Grâce à l’IRM fonctionnelle, on est capable de prédire quel objet le sujet étudié va regarder à condition qu’il n’y en ait que quelques-uns. Il y aura des progrès, c’est évident. Par exemple on pourra définir des circuits de plus en plus précis entre les neurones au niveau de toutes petites régions du cerveau, mais je pense qu’il est impossible que ces progrès soient un jour suffisants pour établir des causalités comportementales. L’on a effectivement trouvé la spécialisation de certaines zones du cerveau mais beaucoup de nos fonctions ne sont pas localisées.

Il n’est pas envisageable que l’on puisse un jour tout localiser! Cela rejoint le fantasme des « machines à penser ». On ne peut pas créer des robots capables de « penser ». Un tel espoir relève d’une mauvaise appréciation de la complexité psychique. C’est un espoir en lequel croient les américains qui n’ont pas de recul sur l’histoire, c’est pour cela que l’utilisation de l’IRMf dans les tribunaux a déjà eu lieu chez eux. Il est aussi vrai qu’en France nous ne sommes pas très novateurs comme le prouve le temps qu’il nous a fallu pour reconnaître l’utilité du stéthoscope et du microscope.

- Si l’on s’en sert simplement comme complément de l’analyse psychiatrique, qui doit interpréter ?

« La personne qui mène l’examen ne devrait pas connaitre les enjeux du résultat. Celle qui doit mettre au point le protocole le peut en revanche. Pour interpréter les résultats, il faut le neurobiologiste mais surtout le psychiatre (qui est un médecin ne l’oublions pas). En outre, les psychiatres sont de plus en plus souvent des biologistes.Mais pour être vraiment dans l’impartialité, la totalité de l’individu doit être prise en compte. L’organisme est un système complexe dont les causalités sont largement indéterminées. »

- Si vous deviez répondre à notre problématique « l’imagerie cérébrale, l’allié d’un meilleur jugement ? » que diriez-vous ?

« Dans le cas des tumeurs, évidemment que oui c’est utile, la causalité et le déterminisme sont établis. Dans les autres cas, IRMf peut constituer des arguments supplémentaires pour un diagnostic psychiatrique. Mais le psychiatre doit au préalable estimer que cela va renforcer son diagnostic. Certains cas particuliers comme les comportements dus aux effets de l’alcool ou de la jeunesse (cerveau pas totalement formé) sont effectivement déterminés mais on n’a pas eu besoin de l’IRMf pour s’en rendre compte. D’après moir, il n’y a donc pas de raison d’interdire l’IRMf mais aucune raison de le systématiser. L’intérêt est très limité. Vouloir en faire une utilisation générale est juste ridicule. Je ne pense même pas que les dérives soient le plus à craindre (certes les gens sont crédules), le vrai problème est que ça n’est pas crédible. »

IRM

L'Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) est une technique d’imagerie médicale non invasive qui repose sur le principe de Résonance Magnétique Nucléaire utilisant les propriété quantiques des noyaux atomiques. Dans certaines conditions, certains noyaux atomiques placés dans un champ magnétique et soumis à un rayonnement électromagnétique entrent en résonance en absorbant l’énergie du rayonnement. À l’arrêt de cette stimulation ils restituent l’énergie accumulée en produisant un signal qui peut être enregistré. L’IRM nécessite donc un aimant permettant la magnétisation des tissus et l’alignement de certains noyaux atomiques (hydrogène par exemple) qui après excitation à une fréquence précise émettent un signal recueilli par les capteurs et traité par ordinateur.

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