fond
croix

Dans l’ombre des vives réactions suscitées par l’affaire à rebondissement des caricatures de Mahomet, le débat public français de l’année 2011 a été nourri par une série de controverses qui mettent en tension la création artistique et les croyances d’individus ou de groupes qui se sentent offensés par ce qu’ils considèrent comme des atteintes portées au catholicisme.

L’exposition ou la représentation de certaines oeuvres, pointées comme blasphématoires, ont en effet récemment donné lieu à des moments d'effervescence sociale qui ont parfois précipité des mobilisations collectives et qui ont même pu déboucher sur des actions violentes.

La photo d’Andres Serrano, Immersion Piss Christ fut détruite le 17 avril 2011 à la Collection Yvon Lambert en Avignon, la pièce de Romeo Castellucci Sur le concept du visage du Fils de Dieu entraîna manifestations et prières devant le Théâtre de la Ville à Paris dès le 20 octobre et les spectateurs reçurent huile de vidange, œufs et injures en comité d’accueil. Dernièrement, la première parisienne de Golgota Picnic de Rodrigo Garcia a eu lieu dans un théâtre du Rond-Point entouré de camions de CRS.

Une première appréhension de ces phénomènes, notamment à travers le cadrage proposé par les médias, bute sur une opposition semble t-il irréductible entre deux principes fondateurs en démocratie et consacrés par la Constitution française : d’une part la liberté d’expression et d’autre part le respect des croyances de chacun.

En cherchant à restituer le plus fidèlement possible la réflexion, l’argumentation et les mobilisations des différents acteurs impliqués, cette étude déborde largement du cadrage évoqué ci-dessus et pose la question de ce qu’est la création aujourd’hui, des thèmes qu’elle aborde - ici le sacré - mais également de ses modalités de financement ou de ses conditions d’accès à la publicité. Par ailleurs, les discussions sur le caractère blasphématoire d’une oeuvre permettent d’envisager ce que peut être un blasphème dans des sociétés sécularisées, si ce n’est laïques, et d’aborder dans le détail des mobilisations qui contribuent paradoxalement à construire l’atteinte à un sentiment personnel, à une intime conviction, comme un problème public.

Le choix de ce sujet met donc face à un paysage incroyablement complexe, au sein duquel les enjeux sont beaucoup plus riches, les positions beaucoup plus dispersées, que ne peut le laisser penser la tension originelle entre liberté d’expression et respect des croyances.

Nous avons pris le parti d’aborder cette complexité à travers la circulation d’une oeuvre qui a suscité la controverse, ou plutôt des controverses, à différents endroits du globe, et à différentes époques.

La controverse qui se noue et se dénoue au gré de ses lieux d’exposition autour de la photographie d’Andres Serrano, Immersion Piss Christ, donne à voir la réception variable d’une même œuvre à des moments et dans des lieux différents. À plusieurs reprises et sous des prétextes différents le prétendu caractère blasphématoire de l’œuvre a été décrié. Depuis sa création en 1987, son exposition ne cesse de faire polémique et de rappeler les difficiles relations qu’entretiennent l’art et le sacré. Comment et pourquoi Piss Christ a été dénoncé comme blasphématoire aux États-Unis en 1989, en Australie en 1997, et enfin en France en 2011 ? La manifestation publique d’un sentiment privé n’est jamais anodine. Que cela implique-t-il en termes de revendications des acteurs : contestation du financement public de la culture ? Réparation de l’offense faite au sentiment religieux, ou combat contre la “christianophobie” ?

Le cheminement que nous proposons nous permettra de mettre en évidence que les problèmes soulevés diffèrent selon le moment et le lieu de leur émergence ; cela nous permettra de montrer en retour comment les mobilisations participent à la construction de l’oeuvre elle-même.

C’est à la lumière de ces interrogations que nous proposons de prendre la mesure des enjeux que soulève la discussion des atteintes à des croyances religieuses qui peuvent être provoquées par des oeuvres d’art.

C'est en 1987 que le photographe américain Andres Serrano crée Piss Christ. Cette photographie, reproduite dans un format de 152 centimètres de long et 102 centimètre de large, fait partie d'une série d'oeuvres appelée « Immersions » qui prend pour sujet des icônes plongées dans des sécrétions humaines. Piss Christ représente un crucifix de couleur claire plongé dans un liquide rougeâtre dont la composition est indiquée dans le nom même de l'oeuvre. Le crucifix de petite taille a en effet, été placé dans un verre que l'artiste a rempli de sa propre urine, ce qui a permis d'obtenir une lumière particulière et des couleurs saturées[1]. Le titre « Piss Christ » se veut descriptif, suivant l'habitude de l'artiste d'appeler ses œuvres en fonction des éléments qui ont servis à sa mise au point.
Au moment de la création de cette photographie, Andres Serrano est inconnu en dehors du milieu de l'Art contemporain new yorkais, comme il le déclare dans une interview avec Barbara Pollack[2], critique d'art américaine travaillant pour le magazine Art News. Bien que l'artiste de 37 ans ne soit alors qu'au début de sa carrière, il a déjà démontré un intérêt certain pour le thème religieux, ayant lui-même été élevé dans la tradition catholique. Sa première exposition en 1985 à New York a pour sujet l'Église (mais elle ne provoque aucune polémique)[3]. Très vite, l'utilisation de sécrétions humaines dans ses œuvres, dont du sperme, du lait maternel, des selles ou de l'urine, devient récurrente. En cela, Piss Christ semble tout à fait représentatif de l'oeuvre globale de l'artiste.

Il est important de noter cependant, qu'Andres Serrano a depuis déclaré que si Piss Christ n'avait pas été à l'origine d'une telle polémique, alors cette photographie n'aurait pas été d'une réelle importance pour lui et qu'il considère d'autres de ses œuvres comme bien plus abouties. Malgré tout, il affirme que sa démarche n'avait rien d'offensante « puisqu'en tant que croyant, {il avait} le droit d'utiliser les symboles de l'Église» et que son but était « d'ouvrir un dialogue »[4]. Selon lui, son œuvre "reflète un sentiment ambivalent envers la religion et la chrétienté... celui d'une attraction envers le Christ et d'une résistance à la chrétienté organisée"[5].

« Mon œuvre reflète un sentiment ambivalent envers la religion et la chrétienté » , Andres Serrano

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New York Avignon Melbourne

Alors que Piss Christ avait déjà été représenté quatre fois en France entre 2006 et 2009, dont une à la collection Lambert en Avignon, et n’avait suscité aucune réaction particulière, il en a été tout autrement pour l’exposition « Je crois aux miracles » qui a eu lieu entre le 12 décembre 2010 et le 8 mai 2011 dans cette même collection.

La collection Lambert en Avignon est un centre d’art géré sous forme d’association de droit privé et financé par l’ensemble des collectivités publiques. Son budget se compose à 33,5% de subventions de la ville d’Avignon, à 30% de celles de l’Etat, et à 16% de la région PACA. Le reste de son budget émanant de ses ressources propres. Pour fêter ses dix ans, la collection Yvon Lambert en Avignon choisit Piss Christ pour être représenté sur l’affiche de l’exposition.

“La municipalité avignonnaise n’a pas vocation à s’immiscer dans les choix artistiques effectués par les responsables d’un lieu, qui n’est pas un musée municipal, et dont la collection appartient à un mécène privé” , Marie-Josée Roig, députée-maire d’Avignon

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MGR CATTENOZ, archevêque d’Avignon, demande le retrait de piss christ de l’exposition “Je crois aux miracles”

Publication le 8 avril 2011 d’un communiqué de presse de Mgr Cattenoz, archevêque d’Avignon, demandant le retrait de Piss Christ de l’exposition “Je crois aux miracles”.[1]
Communiqué de presse de Jean-Pierre Cattenoz, accessible depuis le blog de Bernard Antony, président de l’AGRIF

http://bernard-antony.blogspot.fr/2011/04/exposition-blaphematoire-davignon-mgr.html

“Une profanation d’un Christ en Croix dans un musée et sur la voie publique d’Avignon
Comment est-il possible de déposer un crucifix dans un verre, de "pisser sur le Christ en croix" jusqu’à remplir le verre, prendre un cliché du résultat et déclarer qu’il s’agit d’une œuvre d’art ? Pour moi, évêque, comme pour tout chrétien et tout croyant, il s’agit là d’une provocation, d’une profanation qui nous atteint au cœur même de notre foi !
Comment est-il possible de ressortir une telle ordure des poubelles de l’histoire - le cliché date de 1987 – pour l’exposer dans la cité des papes ? La collection Lambert n’a-t-elle pas perçu qu’elle exposait une photographie qui blessait gravement tous ceux pour qui la Croix du Christ est le cœur de leur foi ? Ou bien a-t-elle voulu provoquer les croyants en bafouant ce qui pour eux est au cœur de leur vie : la Croix du Christ, unique source de vie pour l’humanité ?

Comment les autorités locales interrogées se sont-elles lavé les mains comme Pilate autrefois en déclarant que la municipalité, qui subventionne en partie la collection, n’avait pas "vocation à s’immiscer dans les choix artistiques effectués par les responsables d’un lieu qui n’est pas un musée municipal et dont la collection appartient à un mécène privé" ?
Les autorités locales n’ont-elles pas entre autre pour mission d’assurer le respect de la foi des croyants de toute religion ? Or une telle œuvre reste une profanation qui, à la veille du vendredi saint où nous ferons mémoire du Christ qui a donné sa vie pour nous en mourant sur la Croix, nous touche au plus profond de notre cœur.
Y aurait-il parfois deux poids et deux mesures ? Si un cliché représentant un Coran trempé dans l’urine d’un photographe était affiché aux yeux de tous comme une œuvre d’art, la réaction des autorités locales, de l’Etat, serait immédiate pour dénoncer une telle atteinte à la foi de nos frères musulmans. Il serait demandé à la justice de condamner les auteurs de tels comportements, et je serais le premier à m’associer à leur réaction pour dénoncer ce qui serait une profanation grave, un scandale touchant la foi de ces croyants.
Comment et pourquoi les autorités de l’État restent-elles sans réagir devant l’affichage d’un Christ trempant dans de l’urine ? Devant un tel scandale, je me dois d’alerter publiquement les autorités de mon pays qui se targuent de défendre une laïcité positive et qui par ailleurs tolèrent une fois de plus l’affichage de photos qui portent gravement atteinte à la foi des chrétiens. Une fois encore, dans le cas d’atteinte à notre foi chrétienne, le silence reste la règle de la part des autorités, et elles continuent à soutenir des comportements qui nous blessent au cœur de notre foi et plus encore en ce temps de la Passion et de tout ce que cela représente pour nous.”
Avignon le 8 avril 2011
+ Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d’Avignon

« Comment est-il possible de déposer un crucifix dans un verre, de "pisser sur le Christ en croix" jusqu’à remplir le verre, prendre un cliché du résultat et déclarer qu’il s’agit d’une œuvre d’art ? » , Mgr Cattenoz

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Alors qu’une vingtaine de personnes prie à genoux dans la rue devant l'entrée du musée le 9 avril 2011, dont Marie-Odile Rayé, conseillère régionale du Front National et l'abbé Régis de Cacqueray, supérieur du district de France de la Fraternité sacerdotale Saint Pie X[1], l’exposition est fermée le temps qu’une solution d’entente soit trouvée.

« Je pense que l’art est fait pour le beau, pas fait pour le laid, n’est pas fait pour le sale, n’est pas fait pour le mal, en l’occurrence, on a jamais fait à un homme, ce que Serrano fait pour le Christ, à savoir le tremper dans de l’urine » , Régis De Cacqueray

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Le 11 avril 2011 se tient une réunion à la préfecture d’Avignon pour décider de la réouverture ou fermeture définitive de l’exposition. Le lendemain, 12 avril 2011, « Je crois aux miracles » ouvre de nouveau ses portes. Selon le service communication de la Collection Lambert, « Des mesures de sécurité ont été prises pour protéger les œuvres ».« Piss Christ ne sera pas retiré de l’exposition ». Il est également utile de préciser que la Collection Lambert avait consacré une rétrospective à l’oeuvre de Serrano en 2007: la galerie a donc toujours entretenu une admiration et une relation de collaboration avec l’artiste, ce qui n’est surement pas anodin dans la défense que la Galerie offrira à Piss Christ.
Les affiches publicitaires de l’exposition ont été retirées de la plupart des endroits où elles avaient été exposées, comme l’office du Tourisme d’Avignon, mais restent encore affichées à la gare TGV d’Avignon et sur la façade de l’Hotel de Caumont hébergeant la collection Lambert.

« Je considère, et on l’a décidé avec les conseillers du Ministère de la culture, qu’effectivement, c’était intéressant même d’un point de vue même didactique et pédagogique que l’on comprenne qu’est-ce que c’est une œuvre vandalisée » , Eric Mézil

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L'Alliance Générale contre le Racisme et pour le respect de l'Identité Française (AGRIF) dépose sa requête en référé pour que la collection Lambert fasse retirer toutes les représentations publiques du Piss en raison de son caractère provocant et discriminatoire envers les chrétiens, et pour que cesse tout financement public de l’exposition.

N’ayant pas obtenu de solution à l’amiable, l'Alliance Générale contre le Racisme et pour le respect de l'Identité Française (AGRIF) dépose une requête en référé le 14 avril 2011 pour que la collection Lambert fasse retirer toutes les représentations publiques du Piss Christ en raison de son caractère provocant et discriminatoire envers les Chrétiens, et pour que cesse tout financement public de l’exposition.[1]

« S’employer à se moquer encore plus du Christ en croix c’est cracher sur toute l’humanité souffrante » , Bernard Antony, Président de l'AGRIF

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Entre 800 et 1500 personnes à Avignon pour protester contre l’exposition de Piss Christ à la collection Yvon Lambert.

A l’appel d’associations catholiques comme l’institut Civitas, l’Observatoire de la christianophobie, le Salon Beige, E-deo, Riposte catholique et les Catholiques en Campagne, entre 800 et 1500 personnes défilent à Avignon le 16 avril 2011. Début avril, Civitas avait lancé une pétition, qui à la date du 16 avril a recueilli 75 000 signatures.

Déroulé de la manifestation du 16 avril 2011
- Rassemblement des manifestants sur la place du Palais des Papes
- Discours d’Alain Escada, depuis le haut des escaliers du Palais des Papes à Avignon
- Manifestation dans Avignon. Cortège avec à sa tête une réplique grandeur nature de la croix. Procession qui alterne slogans et chants religieux.
- Arrivée devant la Fondation Lambert. Discours de l’Abbé Régis de Cacqueray
- Discours suivi de prières : « Je crois en Dieu », « Je vous salue Marie » et de chants religieux.
- Récitation d’un chapelet à genoux avant la dispersion du cortège.


Les manifestants en appellent au respect de la figure du Christ, et plus généralement au respect de la dignité humaine, comme l’explique l’abbé Régis de Cacqueray, supérieur du district de France de la Fraternité Saint Pie X : « Je pense que l’art est fait pour le beau, pas fait pour le laid, n’est pas fait pour le sale, n’est pas fait pour le mal, en l’occurrence, on a jamais fait à un homme, ce que Serrano fait pour le Christ, à savoir le tremper dans de l’urine. Même si l’on ne considère que ce que l’on appelle la dignité de l’homme, on devrait rougir d’avoir cette simplement cette idée complètement ubuesque. »[1]
Les associations catholiques présentes ce jour là jugent la photo scandaleuse et offensante, comme le rappelle Alain Escada, président de Civitas lorsqu’il prend la parole du haut des escaliers du Palais des Papes à Avignon : « Aujourd’hui est un jour de colère pour les catholiques de France. Derrière les murs de ce musée, de soi disant art contemporain, est abritée une photographie représentant un crucifix plongé dans un vase d’urine. Plus de 75 000 personnes ont signé la pétition aujourd’hui pour demander le retrait de cette œuvre scandaleuse, il y a ici plus de 75 000 noms qui exigent ici et maintenant le retrait de cette œuvre scandaleuse. »[2]
Rappelons-le, le crucifix sur lequel est cloué Jésus Christ est l’icône par excellence de la religion catholique, symbolisant la mort du fils de Dieu pour les hommes. « Pour nous, toute notre gloire est dans la croix du Seigneur Jésus-Christ en qui est notre salut, notre vie et notre résurrection par Qui nous avons été sauvés et libérés. »[3]
Ce qui fédère la colère des catholiques représentés par ces associations est le fait que la collection soit financée à plus de 80% par les collectivités publiques, et le groupe de luxe LVMH. « Nous exigeons que nous écoutions la voix de ces Chrétiens de France. Nous allons marcher dans Avignon jusqu’à la collection Lambert et vous allez faire entendre la voix de la Colère. Il faut aussi que le groupe LVMH comprenne que les catholiques sont aussi des consommateurs, il faut que ces gens là entendent le langage qui est le leur. Oui, nous pouvons défaire des élections. Oui, nous pouvons aussi toucher aux portefeuilles de certains groupes financiers ; et nous allons le faire savoir. »[4]
A la suite de la procession, devant la collection Lambert, le ton devient plus politique, plus polémique comme en témoigne le discours de l’ Abbé Régis de Caqueray :
« Je crois qu’il n’y a aucune région qui ne soit représentée. Je voudrais d’abord saisir l’occasion de ce rassemblement pour dénoncer ce qu’on appelle l’enseignement du mépris du christianisme, et les signes de l’antichristianisme qui se sont développés en France au cours de ces dernières décennies.
Le premier signe de ces deux signes est la complicité des pouvoirs publics envers cet antichristianisme. Il existe chez les Catholiques un sentiment de malaise et de colère de devoir subir sans discontinuer cette culture du mépris. Imaginez un seul instant que la personne dont l’image plongée dans l’urine soit Mahomet ou Anne Franck, quel tollé médiatique aurait été immédiatement soulevé. Ainsi donc quand il s’agit du Christ et des catholiques, tout est permis, il n’y a plus de limites à respecter. La laïcité donne aujourd’hui la main à l’antichristianisme, alors qu’elle installe à grand frais l’implantation de l’islam en France. On ferait mieux de nommer la laïcité, l’islamicité.
Et pourquoi celui qui a osé tremper dans le bain de son urine l’image d’un autre homme a-t-il choisit que cette image soit celle d’un juif ? Cette race, n’a-t-elle pas été suffisamment opprimée, et humiliée ? Pourquoi s’en prendre encore à l’un de ses membres, et comment est-il possible que l’image de ce juif plongé dans le bain d’urine où il y a placé la main d’un autre homme, puisse être considéré comme un chef d’œuvre, et faire le tour de la terre ?
Pour nous qui sommes prêts par la grâce de Dieu à ne pas répondre aux coups quant il s’agit de nous, quant il s’agit du Christ qui se trouve mis en cause, nous nous trouvons alors avec les mêmes dispositions que le Christ lui-même nous a montrées dans le temps, qui n’hésita pas à chasser les marchands avec le fouet parce qu’ils déshonoraient son Père de leur infâme commerce. »[5]

"Ce n’est que le commencement. Nous irons jusqu’à l’enlèvement de l’œuvre” , Alain Escada

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Le lendemain de la manifestation, le 17 avril, à l’heure de la messe du dimanche des Rameaux, Piss Christ et The Church (Soeur Jeanne Myriam) sont vandalisés à l’aide de marteaux et de tournevis. Des individus, dont on ignore le nombre (entre deux et six personnes) s’en sont pris à ces deux œuvres et auraient quitté le musée en criant « Vive Dieu ! vive Dieu ! ».[1]
Aucune association présente ne revendique cette attaque, mais l’un des participants aurait été reconnu sur des photos prises au cours de la manifestation du 16 avril à Avignon.[2]
CIVITAS REFUTE L’AFFILIATION
Pour Éric Mézil, cette fronde soudaine contre Piss Christ est liée au climat politique actuel. "Tout à commencé par le discours du Puy-en-Velay de Sarkozy, quand il a parlé de 'Croisade'.[3]

L’archevêché d’Avignon, Frédéric Mitterand, ministre de la Culture et de la Communication, Christine Boutin, présidente du Parti chrétien démocrate, Eric Mezil, commissaire de l’exposition, condamnent unanimement la destruction de Piss Christ.
« C’est vraiment le Christ qu’on crucifie une deuxième fois, c’est vraiment n’importe quoi, c’est la barbarie, le Moyen-Age, l’Inquisition. »[4] (Eric Mézil)
« Détruire dans un musée une œuvre exposée, quelle qu’elle soit, est une atteinte à la liberté d’expression. Cela dit, je peux comprendre que ce Christ, ce crucifix qui est plongé dans l’urine et le sperme puisse choquer ceux qui sont catholiques. Il y a dans cette image, justement la signification de tous nos crachats, nos rejets, nos violences vis-à-vis du Christ, le Dieu auquel nous croyons, et que nous avons crucifié. Je crains fort que cet acte vis-à-vis de cette œuvre enferme l’ensemble des catholiques dans les radicaux et les extrêmes, ce que nous ne sommes pas. »[5] (Christine Boutin)
Stéphane Ibars, Responsable de la communication de la Collection Lambert, rappelle la signification de l’œuvre de Serrano : « C’est dans les années 1980, qui sont les années Sida, que l’artiste va utiliser ses fluides qui sont devenus complètement anxiogènes. Il va arriver à montrer que même avec un Christ de pacotille qui est en plastique et avec du sang et de l’urine qui sont devenus dangereux, on va arriver à trouver ce concept religieux que « Dieu est lumière »[6]
Seules certaines associations d’extrême droite comme le Renouveau Français félicitent les militants catholiques : « L’honneur français sauvé. Le Renouveau français félicite les personnes qui ont mis un terme à l’ignoble exposition d’une photo blasphématoire à Avignon. Il est en effet temps que les Catholiques et les Français conscients relèvent la tête et ne tolèrent plus les insultes les plus graves à l’encontre du catholicisme et de notre identité. Nous n’acceptons plus d’être traités ainsi, chez nous. N’en déplaise aux bobos tenants de l’art le plus débile et aux loges maçonniques, notre pays est et restera une terre chrétienne. »[7]

« Vive Dieu ! vive Dieu ! » , Vandales du Piss Christ

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Bruno Gollnish, ancien vice-président du FN, « exprime son soutien à tous ceux qui protestent en Avignon » (voir communiqué de presse ci-dessous)
" Dans l’impossibilité de me joindre aujourd’hui à eux, Je tiens à exprimer mon entier soutien à tous ceux qui protestent en Avignon, ville marquée par l’admirable héritage des chefs de la chrétienté, contre l’exposition qui y est faite d’une prétendue « œuvre d’art » consistant en la photo d’un crucifix plongé dans l’urine de l’ « artiste ».
Qu’on ne vienne pas ici m’opposer la liberté d’expression, comme le fait la députée-maire UMP Marie-José Roig, qui s’en lave les mains -c’est le cas de le dire !
D’abord, parce que, si cette liberté existe, elle vaut aussi –et surtout- pour ceux qui expriment leur légitime dégoût.
Enfin, parce que cette ignominie n’est pas l’action d’un provocateur isolé ; elle est, du fait du financement public, IMPOSEE aux croyants qui sont aussi des contribuables, jusqu’à nouvel avis. L’exposition est accueillie dans un hôtel particulier du XVIIIe siècle appartenant à la ville, subventionné également par la région et par l’Etat.

Cette abjection n’est pas seulement odieuse ; elle est minable. Comme tant d’autres, elle ne traduit que l’incapacité de son auteur à créer de la beauté, ce qui est pourtant la finalité du travail de l’artiste. Ici l’ « artiste » Andres Serano n’a trouvé que ce moyen de se venger ainsi de sa propre impuissance.
Si l’auteur de cette saloperie ne reconnaît pas en Jésus de Nazareth « Celui qui devait venir » pour annoncer aux hommes le salut, il aurait au moins dû respecter en Lui le défenseur des humbles et des pauvres, effroyablement torturé et mis à mort par l’occupant.
La vérité, c’est que l’on ne se permettrait ce genre d’attitude avec les symboles d’aucune autre religion. La volonté d’insulter ceux qui, croyants ou non, sont attachés à leur héritage spirituel, ou tout simplement aux valeurs les plus élémentaires, est évidente.
Cette insulte a pour elle l’écume de pseudo-cultureux dont l’arrogance n’a d’égale que l’absence de talent. Y répondre est parfaitement légitime."[1]

« Cette ignominie n’est pas l’action d’un provocateur isolé ; elle est, du fait du financement public, imposée aux croyants qui sont aussi des contribuables, jusqu’à nouvel avis » , Bruno Gollnisch

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Le 19 avril 2011 : “Je crois aux miracles” rouvre au public tandis que Eric Mézil décide de porter plainte contre X. Les oeuvres sont présentées vandalisées. Le commissaire de l’exposition s’explique :

« Les deux œuvres qui ont été vandalisées sont présentées telles qu’elles dans leur destruction. Je considère, et on l’a décidé avec les conseillers du Ministère de la culture, qu’effectivement, c’était intéressant d’un point de vue même didactique et pédagogique que l’on comprenne qu’est-ce que c’est une œuvre vandalisée, et tout un coup voir que c’est une crucifixion qui est vraiment dans la tradition chrétienne, devienne quelque chose d’une autre époque, on est dans l’inquisition du Moyen-Age. »[1]

« Quand on est choqué par une oeuvre, il faut s'adresser à la justice : c'est un principe fondamental de la République », Frédéric Mitterand

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Civitas écrit au ministre des cultes (Guéant)

Monsieur le Ministre,
Cette lettre se fait l’écho des fidèles catholiques, ulcérés devant les attaques régulières contre leur religion en France. Profondément meurtris d’avoir découvert récemment qu’une exposition d’art moderne organisée en Avignon exposait l’image d’un Christ trempé dans l’urine, ils se tournent vers vous qui avez manifesté au cours des récents débats sur la laïcité votre respect pour les différentes religions, et sollicitent votre attention pour la religion de la majorité des Français.
Nul artiste, en effet ne se permettrait de tremper dans l’urine un Coran ou un Talmud ; récemment en Alsace, une peine de trois mois de prison avec sursis et de 1 000 € d’amende a été requise contre une personne qui avait uriné sur le Coran, mais « Piss Christ » est exposé dans un musée ouvert à tout public, bénéficiant pour son fonctionnement de subventions considérables, du Ministère de la culture, du conseil général, et de la mairie dont le siège est occupé par un membre de votre majorité.
En ce temps de Carême, à l’approche du Vendredi saint et de la fête de Pâques, vous imaginez sans peine l’émotion de la communauté catholique devant ce scandale, qui met en évidence la christianophobie qui sévit dans notre pays.

Malgré une pétition ayant reçu en quinze jours plus de 80 000 signatures, malgré les démarches entreprises sur place, dont le rassemblement de 1 500 personnes le samedi 16 avril, malgré l’appel de l’Evêque d’Avignon au retrait de l’image du scandale, la Mairie comme la direction de la collection Lambert restent sourdes à notre appel.
Dans ces conditions, il n’est pas complètement étonnant qu’on retrouve brisée le lendemain la vitre du tableau, encore qu’on ne sache pas qui en est l’auteur, et cette méthode ne correspond pas à notre façon de vouloir traiter les affaires. Néanmoins, elle permet à la collection Lambert de se poser en victime, et ne met pas pour autant fin au scandale puisque l’exposition demeure.
Les Catholiques attendent donc de vous un geste fort qui les rassurerait sur votre volonté de voir cesser ces attaques récurrentes contre leur religion. Ils attendent que vous fassiez ôter cette œuvre scandaleuse de l’exposition Lambert. Dans le cas contraire, ils pourraient voir sérieusement ébranlée leur confiance dans la capacité du gouvernement à gérer des affaires auxquelles ils attachent une grande importance…
Ne doutant pas que vous accorderez une attention bienveillante à notre démarche, soutenue par un grand nombre d’associations et par les 80 000 signatures individuelles, veuillez agréer, Monsieur le Ministre, nos salutations respectueuses et, pour l’heure encore, très confiantes.
Amiral François de Penfentenyo, Président de l’Institut Civitas

« Nul artiste, en effet ne se permettrait de tremper dans l’urine un Coran ou un Talmud » , Civitas

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Le juge des référés d’Avignon rejette la demande de retrait de l’espace public des représentations de Piss Christ le 20 avril 2011, tandis que les enseignes de luxe prennent leurs distances avec Serrano et la collection Yvon Lambert en Avignon.
L'AGRIF a été condamnée à verser à la collection Lambert 5000 euros de dommages et intérêts pour le "préjudice" causé à celle-ci et à payer les dépenses du procès d'un montant de 3000 euros.

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Pour défendre son droit moral en tant qu’artiste, Serrano entame une démarche juridique et demande 1€ symbolique de dommages et intérêts.
Le 23 mai 2011, Andres Serrano porte plainte contre X. Son avocat, Me Michel Dutilleul-Francoeur explique : « Andres Serrano a beaucoup réfléchi et il a finalement décidé de porter au titre de son droit moral sur l’oeuvre parce qu’il voulait marquer sa réprobation totale à l’égard de cet acte. C’est important pour lui que de tels comportements ne soient pas encouragés. C’est une manière de défendre la liberté de création. Mais une fois que les responsables auront été identifiés, il ne demandera qu’un euro de dommages et intérêts. C’est une démarche symbolique »[1]

Le procès s’ouvrira au Tribunal de Grande d’Instance d’Avignon le 5 juin 2012.

« Serrano a décidé de porter plainte au titre de son droit moral sur l’oeuvre parce qu’il voulait marquer sa réprobation totale à l’égard de cet acte », Me Michel Dutilleul-Francoeur – avocat de Serrano

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L’étude de l’art et du blasphème ne s’arrête pas ici. Nous vous proposons d’explorer une galerie vous présentant nombre d’oeuvres ayant elles aussi reçu le qualificatif de “blasphématoire”, ce qui leur a valu pour beaucoup d’entre elles, d’être portées jusqu’au lieu du tribunal.
Cliquez sur l’oeuvre de votre choix pour en savoir plus.

Piss Christ offre un riche panorama des tensions qui émergent face à ce que certains qualifient d'art blasphématoire. La photographie d'Andres Serrano a soulevé le débat dans plusieurs lieux qui divergent par leur localisation et leur époque. Les acteurs qui se sont investis dans la controverse ne se sont pas exprimés de la même manière et n'ont pas fait peser les mêmes arguments. Pour dénoncer l’oeuvre, ses détracteurs condamnent l’insulte faite à la figure du Christ et au symbole de la résurrection, central dans la foi chrétienne. D’autres dénoncent le caractère raciste et christianophobe de la photographie. Les défenseurs de Serrano affirment que c’est un acte de foi qui rapproche l’homme de Dieu, qui sublime le crucifix, qui dénonce les maltraitances faites à Jésus Christ. D’autres encore conteste l’idée même de blasphème, puisqu’ils rappellent que celui-ci et l’insulte au sacré. Le sacré demeurant une notion subjective : ce qui est sacré pour certains ne l’est pas pour d’autres.
S’il y a eu mobilisation publique contre Piss Christ, c’était avant tout pour répondre à l’offense subie et aggravée par le caractère public de l’exposition. Ce qui cristalliserait toutes les tensions, au delà de l’interprétation esthétique que l’on peut en faire, c’est le financement et la reconnaissance publique de cette photographie qui peut laisser entendre que la communauté cautionnerait et célébrerait ce “blasphème”. C’est la question même du vivre ensemble qui est en cause. Dans une société sécularisée, comment trouver un modus vivendi face aux multiples revendications religieuses ? Comme le déclarait le cardinal Lustiger, alors archevêque de Paris, à propos de La Dernière tentation du Christ “cet irrespect d’autrui est une atteinte plus grave qu’il n’y paraît au pacte social de toute démocratie[1]. »

Dans son article « Demonstrations : sites and sight of direct action »[2], Andrew Barry s’interrogeait sur la constitution d’enjeux en problèmes publiques et sur la façon dont ils sont mis à l’agenda politique. Ils le sont par la manifestation et la mobilisation des acteurs. Il faut que la démonstration soit spectaculaire, qu’elle fasse événement pour attiser une certaine reconnaissance médiatique. La manifestation aura alors pour but à la fois de démontrer une vérité, de la faire exister en la rendant visible et de la constituer, dans le meilleur des cas, en problème public.
Or, en manifestant leur colère et leur indignation, des groupes comme Civitas ont du mal à de faire de Piss Christ un problème public. Ils se heurtent au problème inhérent à leur cheval de bataille. Leur cause est réfutable car l’atteinte à un sentiment personnel n’est pas objectivable : il n’y a pas d’épreuves et d’instruments de mesures vérifiables. On en reste au stade de l’incantation car nulle instance n’est habilitée à juger du caractère blasphématoire d’une oeuvre. Il ne reste plus, dès lors, pour faire exister ce sentiment intime comme problème public, que des mobilisations spectaculaires : le vandalisme d’oeuvres d’art.

Finalement ce qui apparaît comme controversé sur la scène publique, ce n’est pas tant l’oeuvre d’art contestée que la réaction violente qu’elle entraîne. S’attaquer aux oeuvres d’art, nouvelles icônes de la modernité, devient alors problématique. D’autant plus problématique que les acteurs le font au nom d'une atteinte à leur foi : c’est une cérémonie publique de pénitence conçu comme un acte de foi, un "actus fidei" à une encablure étymologique de l’autodafé.

Ce qui est souvent retenu d’une œuvre accusée de blasphème est qu’elle serait tout simplement provocante et inesthétique. Notre enquête sur Piss Christ a aussi pu nous faire prendre conscience que « l’art blasphématoire » si tant est qu’il existe, peut être conçu comme un acte de dévotion ou une approche du sacré d’un autre ordre. C’est l’idée que défend Jean de Loisy, le commissaire de l'exposition, Traces du sacré à Pompidou qui a hébergée Piss Christ en 2008 : " L’idée est que l’offense ou le blasphème marque la poursuite d’une relation avec le divin, ou l’Eglise et non pas une fin de conversation. Ce n’est pas la rupture, c’est la continuation de la conversation sous un mode polémique[3]. »

[1] Le Figaro, 31 octobre 1991
[2] Barry, Andrew, « Demonstrations : sites and sight of direct action », Economy and Society, février 1999, Volume n°28, p 75-94
[3] http://www.dailymotion.com/video/xi9zbx_piss-christ-l-oeuvre-detruite-par-des-ultra-catholiques_creation

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