Howard Becker : Outsider (1985)


La définition de la déviance pour Becker n’est pas une qualité de l’acte commis, mais le produit d’une interaction sociale entre le transgresseur et le groupe social avec les normes établies par ce dernier. La classification du cannabis en tant que drogue est la conséquence d’une construction sociale, d’une performation de la réalité, aboutissant à considérer une plante comme dangereuse, devant être interdite. Dans le cas du fumeur de marijuana, Becker va parler de « carrière » qui passe par la fréquentation d’un certain groupe, l’apprentissage de l’acte de fumer pour avoir des effets, ou encore, l’apprentissage de l’appréciation de ces effets. Ainsi, cet objet, le cannabis, est constitué socialement comme déviant alors que d’autres substances considérées scientifiquement tout aussi dangereuses, voire plus, comme l’alcool ne le sont pas forcement.

 


 

La notion d’ "objet frontière" de Susan Leigh Star et James Griesemer (1989) : « Boundary Object »

 

Un objet frontière (ou d'interface) est un objet marquant une frontière tout en facilitant le dialogue entre des spécialistes dans la réalisation d'un projet commun pluridisciplinaire. Cet objet est caractérisé par une « flexibilité interprétative », ce qui veut dire qu’il n’est pas le même en fonction de l’utilisation et de l’interprétation qu’on peut en faire. Ainsi le cannabis peut être considéré différemment en fonction des points de vue des divers groupes groupes sociaux : dangereux pour certains, utile pour d’autres. Sa perception en tant qu'objet-médicament ou drogue est accompagnée d’une construction qui est le fruit d’arrangements de travaux collectifs. Cette construction va de pair avec une standardisation de l’objet. Par exemple, la décision politique standardise le cannabis en le classant comme illégal, le construisant ainsi comme une drogue. Ce processus peut être abordé comme une mise en forme de l’objet qui rend possible la coproduction de connaissances et permet de produire une objectivité scientifique faite de découvertes généralisables.

 


 

Susan Leigh Star et Geoffrey C. Bowker : Sorting Things Out : classification and its consequences (1999)


Ce texte nous permet de nous pencher sur la question de la dimension performative des classifications. Chaque classification est une interprétation de la réalité et par conséquent une performation de cette dernière; elle devient « invisible » pour les experts au fur et à mesure qu’elle gagne en acceptation et qu’elle se constitue comme acquise.

Cette notion s’applique parfaitement au cannabis puisqu'il s’agit d’une plante naturelle que nous considérons aujourd’hui comme drogue. Sa classification - et par conséquent notre considération envers ce produit - change radicalement en fonction de la perspective qu’on lui applique; médicament, drogue, douce ou dure. Cette performation est d'autant plus importante qu'elle justifiera des actions politiques qui engendreront une répression plus ou moins forte; fonction d'une classification du cannabis comme drogue plus ou moins dure.

 


 

L’ouvrage collectif (H. Becker, J. Hughes, H. Bergeron… et plusieurs autres auteurs) : Qu’est-ce qu’une drogue? – What is a drug? (2001)


Cet ouvrage montre les limites et les impasses de la vision pharmacologique, aujourd’hui dominante. Il existe dans des drogues des usages très différents ce qui rend très compliqué de parler d’un danger uniforme. Cette production d’objectivité scientifique se butte alors à une intervariabilité entre les utilisateurs et leurs usages ce qui rend complexe la généralisation des conclusions obtenues lors des études et recherches effectuées.



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