La place de la religion dans l’absence de Recherche
Remarquant que la critique des religions est un argument souvent avancé pour expliquer le désintérêt autour du plaisir féminin, notamment dans le livre d’Odile Buisson “Qui a peur du point G”, nous avons voulu faire réagir un sexologue chrétien et expert en théologie afin de donner voix à la partie adverse.
Le débat entre O. Buisson et O. Florant se trouve ici retranscrit dans ses grandes lignes.
A toutes les réponses proposées par M Florant, Mme Buisson à répondu: “Ces réponses sont tout à fait conformes à sa foi que naturellement je respecte infiniment. Mais la science n'est pas une affaire de croyance. Je ne fais que modestement rechercher dans mon champ de spécialité comment fonctionne l'unité clitoridienne et n'ai jamais prétendu que s'y logeait l'orgasme. Une remarque cependant: je ne suis pas certaine que les pères de l'église catholique ainsi que nos chères sœurs soient les mieux placés pour parler d'expériences sexuelles auxquelles ils ont renoncé pour vivre leur vocation. Très cordialement à vous et à Monsieur Olivier Florant”
O. Buisson : Les grandes religions monothéistes se sont toujours méfiées de la sexualité
O. Florant : Les « tabous judéo-chrétiens », c’est quelque chose qui ne tient pas la route au niveau scientifique, de l’histoire de la religion, de l’histoire des idées. Ce qui ne veut pas dire que les chrétiens soient inattaquables ! Ils ont bien des raisons de l’avoir été ! Cet argument ne résiste pas longtemps à l'étude des dites religions notamment par opposition aux polythéismes voire aux religions sans dieu nommé comme en Chine. Sexe, vie et mort ont toujours été au contraire les constituants de base des religions. A commencer par le culte de la virginité de la femme bien avant le néolithique. Par la suite chaque civilisation sur tous les continents a surveillé de près le déroulement de la reproduction et la gestion de la passion amoureuse. L'adultère est souvent puni de mort et souvent de peines plus sévères pour les femmes que pour les hommes. L'un des rares textes où une femme adultère n'est pas condamnée est précisément un évangile où le Christ ne condamne pas la femme adultère, sans pour autant l'encourager à poursuivre. Le manichéisme, avatar du zoroastrisme, grande religion perse à dieux pluriels a certes pollué le christianisme à son corps défendant, mais la doctrine orthodoxe s'est défendue d'une haine de la chair toujours résurgente. La sexualité que nous ne voulons pas réduire pas à la génitalité reproductive ou masturbatoire est vue comme bonne et le théologien et philosophe musulman Ghazali prescrit une prière d'action de grâce au moment de l'orgasme. Le vocabulaire amoureux reprend celui de l'extase religieuse et l'amour divin s'exprime dans les mots de la sensualité érotique dans le Cantique des cantiques loué et commenté par juifs et chrétiens. Quant aux plaisirs saphiques ne sont-ils pas les délices des harems puisqu'il s'agit aussi de parler du plaisir féminin.
Pour l'essentiel, ce qui comptait c'était d'avoir pour les hommes une descendance afin de survivre un peu dans la mémoire des hommes.
Pour Madame Buisson la Bible condamne la luxure. Elle devrait la lire au moins une fois pour vérifier. La liste des péchés capitaux ne se trouve pas dans la Bible mais dans des catéchismes bien postérieurs, et S. Thomas d'Aquin disait même que le terme de péché capital était impropre et qu'on devrait les nommer passions. En effet, il ne s'agit nullement de péchés mais de ce qui pourrait y conduire. On remarque que le vol - listé dans les dix commandements reçus par Moïse - ne figure pas dans la liste des péchés capitaux. Mais je relève ce point uniquement pour tenter de rester précis dans le débat.
O. Buisson : Pour l'Eglise il n'est évidemment pas question du plaisir de la femme et dans tout cela elle n'est qu'un réceptacle pour la semence masculine, du reste a-t-elle une âme ?
O. Florant : Retrouvez donc les encyclopédies laïques et anticléricales du début du XXe siècle, vous n'y retrouverez aucun terme concernant la sexualité.
La femme a bien sûr une image éminente pour les chrétiens catholiques ou orthodoxes : mère de Dieu. Aucun chrétien n'a jamais douté que la femme ait une âme (pour S. Thomas d'Aquin, même les arbres ont une âme) Des reines, des abbesses, des religieuses, des esclaves ont été canonisées et vénérées dans toute la chrétienté pour leur rôle dans l'édification de l'Eglise dans son essentiel prendre soin des petits et des pauvres, des orphelins, des vieillards, et des mourants ce que le monde de l'Antiquité n'avait pas connu.
Ce n'est pas aux hommes mais aux femmes qu'on doit le couple au long cours et la famille. L'Eglise souhaite promouvoir une spiritualité du couple à l'image de Dieu, dans une fidélité fondamentale et un don total et réciproque « corps et âme » comme l'on dit, y compris dans ce que j'ai appelé une liturgie érotique à l'instar de ce qu'a ultérieurement recommandé Benoit XV : réconciler et non pas opposer eros et agapé. Elle laisse les sex-toys et autres pratiques sexuelles supplémentaires à ceux qui en auraient besoin pour jouir à défaut de désirer et d'être aimé. Sainte Thérèse d’Avila a des orgasmes dans l’extase mystique, et elle n’est pas en train de se masturber !
Maintenant, l’Eglise ne s’est jamais vraiment intéressée au clitoris en tant que tel, elle n’est pas spécialiste des neurosciences. Elle n’a rien contre, mais ce n’est pas un laboratoire de neurosciences !
O. Buisson : L'Eglise ne tolère le sexe que parce qu'il sert à procréer
O. Florant : L'Eglise considère le mariage d'une femme ménopausée comme parfaitement valide et sacramentel. En 1894, le tribunal de la Rote (à Rome) refuse le motif invoqué de nullité de mariage pour absence d'utérus en statuant : elle n'as pas d'utérus, mais elle a un vagin.
Si l'Eglise fixe des limites à l'usage du mariage, c'est précisément pour que les femmes ne soient pas sous le bon vouloir permanent des envies masculines. Il faut noter que jusqu’à peu la grossesse était un risque vital important. L'Eglise avait procédé de même avec les mâles belliqueux. Battez-vous, entre-tuez vous, mais pas dans les églises, pas le dimanche.. Quand les deux amoureux ont envie l'un de l'autre gageons qu'hier comme aujourd'hui personne ne va demander la permission à son curé.
Jean-Paul II a même précisé que la sexualité avait deux dimensions, reproductive, et unitive. Cette dernière propre à l'homme sert à faire des couples au long cours capables d'éduquer leurs enfants dans la sérénité et la sécurité plus longtemps que les trois années fatidiques de la passion amoureuse. En cela le pape rejoignait les conclusions des éthologues, les éthiciens et moralistes modernes.
O. Buisson : la France est encore influencée par les interdits religieux
O. Florant : En effet, il y est interdit de tuer, de voler, de mentir sous serment, bref le fameux décalogue.
Plus loin Mme Buisson afirme qu’il suffit de considérer l'insuffisance chronique d'enseignement de la sexualité dans les lycées et collèges publics et privés. Mme Buisson a sans doute remarqué que c'est un ministre de l'éducation nationale chrétien Joseph Fontanet qui avait rendu obligatoire l'information et l'éducation sexuelle dans les écoles. Dès 1972 les chrétiens (j'en fus et j'en suis encore) ont pris de leur temps pour rencontrer les jeunes et les aider à réfléchir sur les implications de la sexualité. Il y a sans doute une proportion plus d'établissements catholiques qui proposent une éducation affective, sexuelle et relationnelle que dans les lycées publics, mais il est vrai que l'état donne plus d'argent au sport professionnel qu'à l 'éducation sexuelle !
O. Buisson : Il serait simple de corriger le tir mais les fondamentaux de la chrétienté sont toujours là , infiltrant pensées et usages car la France fut de tout temps la fille ainée de l'Eglise.
O. Florant : La France depuis deux siècles est sous un régime de laïcité anticléricale (de combat, disait Jules Ferry) et l'administration Française est largement voltairienne. C'est la troisième république anticléricale qui avait interdit toute publicité sur la contraception pour obliger le bon peuple à remplacer les enfants morts dans les tranchées de 14-18. La France avait en effet hérité du titre de fille ainée de l'Eglise, compliment papal pour remercier la France d'avoir sauvé ce qui restait des États Pontificaux, mais elle est si peu dévote que Jean-Paul II lui demanda de ne pas oublier les promesses de son baptême.
O. Buisson : Saint Paul a répété à l'envi que la sexualité est une dégradation et qu'elle éloigne de Dieu.
O. Florant : Je ne vois pas dans toutes les lettres de S. Paul où il mentionne que la sexualité est une dégradation. J'y lis au contraire dans la lettre envoyées aux chrétiens d'Ephèse : « Maris aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise, il s'est livré [à la mort] pour elle » . Et plus loin dans le même texte « C'est ainsi que le mari doit aimer sa femme, comme son propre corps. Celui qui aime sa femme s'aime lui-même ». Le véritable plaisir sexuel d'un homme c'est celui de sa femme dans ses bras ai-je coutume d'énoncer.
O. Buisson : Jean-Paul II a hélas instauré un message d'abstinence sexuelle en se montrant hostile au sexe et don à toute forme de contraception y compris le préservatif.
O. Florant : Ce pape a plutôt mis la sexualité du couple à l'honneur en concluant que dans la Bible elle-même, Dieu crée l'homme et la femme comme couple sexué et « vit que cela était très bon ». Qui plus est le pape insiste sur le fait que c'est en tant que couple dans la sexualité même et la tension du désir amoureux entre homme et femme que se situe la ressemblance entre l'humain et le divin. Cela n'est pas nouveau. S. Jean Chrysostome (IVe siècle A.D.) décrivait - dans un sermon -la copulation humaine comme le moment où l'or le plus pur de l'homme se mêle à celui de la femme.
L’enseignement catholique fait tout pour ne pas banaliser la sexualité humaine et la rabaisser à une copulation que les sexologues dans leurs congrès nomment «sexualité lapin-lapin ».
Pour un chrétien, le plaisir et la joie que l'on peut trouver en « faisant l'amour » est chose si importante qu'on essaie au contraire de les maximiser. Le simple plaisir orgastique trouvé dans la masturbation peut contenter certains, mais le plaisir trouvé dans la communion des âmes et des corps dans une totalité vraiment humaine est nettement plus satisfaisant pour d'autres.
L'église peut avoir des idées sur le clitoris et sur son usage. En 1951, Pie XII s'adressait aux médecins et sages femmes catholiques en précisant une réponse à des questions qui agitaient les catholiques de l'époque sur le « droit au plaisir » de la femme, lequel n'est pas nécessaire à la procréation. Pie XII affirmait que le mari a le devoir de satisfaire sa femme sur ce point même si son éjaculation trop rapide ne permet pas un plaisir féminin qui doit prendre son temps. A la même époque, la légitimité du cunnilingus fut librement au sein de l’Action Catholique. Les cols bleus rétorquaient à des « cols blancs » qui trouvaient le cunnilingus illégitime qu'ils oubliaient trop vite que des doigts rendus rugueux par le travail manuel étaient beaucoup moins confortables pour l’épouse qu'une langue toujours plus tendre car à l'abri de tout (sauf des médisances) .
Que des gens d’Eglise puissent dire parfois des énormités, n’est pas un scoop comme d’ailleurs n’importe quel corps social y compris les scientifiques, la médecine ou les politiques quand ceux-ci pactisent avec le pouvoir, le lucre ou la débauche qui écrase surtout les personnes en situation de faiblesse.
O. Buisson : Il n'existe pas de « règles » à la sexualité.
O. Florant : Dans toutes les civilisations il y a des règles morales, des lois qui encadrent la liberté des uns pour ne pas étouffer celle des autres : par exemple la protection des personnes vulnérables, le recours à la violence, le recours à la manipulation et l'emprise mentale, les règles d'attentat à la pudeur... Pourquoi Mme Buisson a-t-elle écrit cette phrase ? Serait-elle adepte de la loi de la jungle, la loi du plus fort ou du pus riche ou du plus malin ?
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Attention:
Les réponses entre acteurs sont une conversation reconstituée suivant les déclarations des uns et des autres.
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Derrière quel acteur vous alignez-vous ?
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Attention:
Ce sondage est réalisé grâce aux moyens offerts par Internet, ce qui inclue certains avantages, mais aussi certaines faiblesses. Par conséquent, il ne peut être qu'un reflet imparfait de la réalité.
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