Les associations ont aussi leur rôle à jouer dans cette controverse puisque si toutes se situent pour la défense, elles ne partagent pas forcément le même avis sur la loi du 10 mars 2010 ni même sur l’utilisation de la castration chimique d’une manière plus générale. En effet, cette loi a permis de faire ressortir des manières différentes de percevoir la pédophilie car celle-ci peut être perçue comme une maladie (et donc quelque chose d’avantage subi) ou comme un crime (qui impliquerait une réelle responsabilité de son auteur). De plus, si on peut considérer leur importance moindre quant à un projet de loi, il est nécessaire de rappeler que celle-ci lui donnent de l’écho et permettent de le rendre plus entendu.
Présentation de L’Ange bleu
—
L’Ange bleu est l’Association Nationale de Prévention et d’Information Concernant la Pédophilie. Elle fut créée en 1998 par Latifa Bennari qui en est la présidente. La raison de cette démarche est un peu surprenante puisque Madame Bennari fut victime de viols lorsqu’elle était enfant et c’est ce qui lui a donné envie d’aider toute personne étant concernée par la pédophilie que ce soit les enfants comme les adultes. Effectivement, la position de L’Ange Bleu est que « si on ne choisit pas d’être une victime, on ne choisit pas non plus d’être pédophile ! » Le pédophile est donc avant tout un malade qu’il faut aider pour empêcher qu’il passe à l’acte ou récidive. Pour cela, il faut comprendre qu’il s’agit d’une personne humaine -non la transformer en monstre- qui peut réussir par le dialogue à prendre conscience de sa situation et à se responsabiliser. L’avis de cette association néanmoins reste ferme : tout crime doit être puni et cela, sans pitié car la personne ayant commis un tel acte est avant tout responsable.
Vis-à-vis de la loi du 10 mars 2010, l’association se montre clairement opposée à son application car déjà elle estime qu’il y a différent types de personnes sous l’appellation « pédophile » qu’il ne faut pas confondre (pédosexuel, abuseur sexuel, agresseur sexuel) et qu’ensuite la volonté des personnes incarcérées de s’en sortir varie. La « castration chimique » est donc perçue comme une fausse solution puisque si les traitements actuellement proposés aux multirécidivistes neutralisent provisoirement la libido, ils n’ont aucune action sur une orientation sexuelle qui s’est ébauchée dans l’adolescence et parfois même dès l’enfance.
De plus la rétention de sûreté n’est pas bien tolérée car selon l’Ange bleu et sa présidente, cette mesure entraine davantage de dérives qu’elle n’a d’effets bénéfiques en ce qui concernent les pédophiles : elle bafouerait les valeurs républicaines et entrainerait aussi une sorte de chasse à l’homme (comme le prouve les déclarations de Mr. Jacques Pelissard, Président de l’Association des Maires de France, qui propose le fichage automatique des pédophiles condamnées par les maires des communes où ils s’installent.). La loi en obligeant le condamné à prendre un traitement hormonal reviendrait à définir que le pédophile n’expie jamais son crime et il est donc difficile pour lui de se réinsérer dans la société.
L’association critique aussi le manque de mesures pour empêcher le premier passage à l’acte. En effet la loi vient prendre effet dans le cadre d’une potentielle récidive et ne cherche en rien à prévenir de la pédophilie. Pour l’Ange bleu, le gouvernement préfère manifestement déployer des grands moyens pour une minorité des cas en négligeant le volet du travail en amont et attendre que les crimes soient commis pour agir. Elle critique que la prévention de la maltraitance sexuelle et le travail réalisé en amont du passage à l’acte ne soient pas pris au sérieux ni par le gouvernement ni par le monde politique en général ni même par les associations des victimes.
L’Ange Bleu estime donc qu’il est nécessaire de percevoir le problème sous un angle différent et que si la « castration chimique » peut être un bon traitement pour un pédophile qui en ressent le besoin, elle ne doit être en aucun cas obligatoire.
Informations issues d’un entretien avec madame Latifa Bennari ainsi que du site de l'Ange Bleu.
Présentation de L’APACS (Association pour la Protection contre les Agressions et Crimes Sexuels)
—
L’APACS qui a été fondée par des parents de victimes du tueur en série Guy Georges, se mobilise pour que des mesures soient prises pour lutter contre les violeurs en série.
Pour cette association, le projet de loi est plutôt une bonne chose car si elle reconnaît qu’il y a des effets secondaires non négligeables aux anti-androgènes (mais si elle pense qu’on diabolise aussi peut-être d’un certain côté les traitements) et que le libre-arbitre est remis en cause en partie, elle estime qu’il est tout à fait normal d’administrer contre leurs volonté des traitements à des malades mentaux car ils n’ont pas leur entière liberté. Obliger à prendre des anti-androgènes permettrait donc de diminuer le nombre de victimes potentielles. D’autant plus que selon celle-ci, le nombre de cas où ce traitement sera attribué, sera rare étant donné que c’est aux médecins qu’incombera la décision de donner le traitement ou non.
Enfin elle estime qu’un projet de loi est toujours issu d’un travail de longue haleine et qu’il ne faut pas penser que les politiciens agissent sur le coup de l’émotion. Elle est bien consciente que le traitement anti-androgène ne sera pas la panacée mais déplore la lenteur des nouvelles lois car, selon elle, les avancées faites dans les autres pays dans ce domaine, mettent une vingtaine d’années à arriver en France.
Informations issues d’un entretien téléphonique avec monsieur Jean-Pierre ESCARFAIL
Présentation de l’APEV (Association Aide Aux Parents d’Enfants Victimes)
—
Cette association qui regroupe aujourd’hui plus de 250 familles ayant perdu un enfant a été créée en 1991. Elles tentent à travers cette dernière de se faire entendre et ainsi améliorer les dysfonctionnements du monde judiciaire. Le président de cette association, Mr Alain Boulay, estime qu’avant de créer de nouvelles lois, il faut être sûr qu’elles puissent être applicables. « Et, à quoi bon invoquer la castration chimique sans se soucier des réelles possibilités de ce traitement, ni des limites de son application ? » En effet, selon eux, la loi de juin 1998 créant un suivi socio-judiciaire est très peu mise en pratique car le nombre de professionnels pouvant la faire appliquer est insuffisant, alors de là à rendre obligatoire un traitement anti-androgène pour les pédophiles, cela parait une mesure inutile. Néanmoins ils reconnaissent que les traitements peuvent être utiles mais que pour être complètement efficaces il ne faut pas juste qu’ils se résument à une injonction de soins mais qu’un réel encadrement des personnes pédophiles soit mis en place. Cette association veut avant tout que de rapides moyens soient déployés pour limiter la récidive et pour cela développer d’urgence le suivi socio-judiciaire afin d’éviter que des bévues soient commises.
Informations issues du site de l'Apev.
Présentation d’Institut pour la Justice
—
Cette association créée en 2007 qui revendique désormais 160 000 sympathisants se montre la plus ferme quant au projet de loi visant à amoindrir le risque de récidive criminelle. En effet à la première ébauche de ce projet de loi, avant que le meurtre de la joggeuse Marie-Christine Hodeau n’ait lieu, l’institut pour la justice le jugeait décevant car la rétention de sûreté n’affectait pas les violeurs car elle ne concernait que les criminels condamnés à plus de 15 ans.
Peu après la triste affaire Hodeau, l’Institut pour la Justice a lancé une pétition afin de solliciter le gouvernement de prendre des mesures plus strictes concernant la récidive, jugeant que la population ne voulait pas « des demi-mesures ». Cette association s’est donc vivement mobilisée en prenant des rendez-vous avec notamment Bernard Debré afin que le problème de la récidive soit pris en compte « à sa juste valeur ». Elle s’est donc félicitée de voir que le projet de loi étant passé à l’Assemblée Nationale avait renforcé la prise de traitement antihormonal. Elle a donc tout logiquement déploré la décision du Sénat qui est venu affaiblir en quelque sorte le projet de loi initial. Elle estime ainsi que « Les sénateurs désavouent ainsi la Garde des Sceaux sur la castration chimique ». En effet la position de l’Institut pour la Justice se veut claire : afin de lutter contre la récidive, elle estime que faute de mieux, « la dissuasion et la neutralisation des criminels » sont nécessaires.
Informations issues du site de l'Institut de la Justice.


